La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/12/2020 | FRANCE | N°19LY00915

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 03 décembre 2020, 19LY00915


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme F... D... ont demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014 et des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1801109 du 29 janvier 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 mars 2019 et le 17 octobre 2019, M. et Mme D..., r

eprésentés par Me C..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme F... D... ont demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014 et des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1801109 du 29 janvier 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 mars 2019 et le 17 octobre 2019, M. et Mme D..., représentés par Me C..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 29 janvier 2019 ;

2°) de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014 et des majorations correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la direction régionale des finances publiques de Bourgogne-Franche-Comté et du département de la Côte-d'Or n'était pas compétente pour effectuer l'examen de situation fiscale personnel dont ils ont fait l'objet ;

- l'administration a commis un détournement de procédure, dès lors que leur situation aurait dû être traitée conformément aux prévisions de la circulaire du 21 juin 2013 relative au traitement des déclarations rectificatives des contribuables détenant des avoirs à l'étranger ;

- l'administration a méconnu son obligation de loyauté ;

- elle a commis un détournement de pouvoir ;

- les revenus imposés dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée résultent de la location d'un bien immobilier et ont déjà été imposés dans la catégorie des revenus fonciers ;

- ils ont fait l'objet d'une double taxation ;

- l'administration ne pouvait se fonder sur l'article 1649 A du code général des impôts pour imposer les sommes figurant au crédit du compte bancaire ouvert en Suisse au titre de l'année 2014, dès lors que ce compte avait été déclaré ;

- conformément aux prévisions de la circulaire du 21 juin 2013, l'administration aurait dû substituer un taux de 15 % au taux de 30 % appliqué aux majorations pour manquement délibéré ;

- l'administration ne pouvait appliquer la majoration prévue à l'article 1758 du code général des impôts dès lors que le compte bancaire ouvert en Suisse avait été déclaré.

Par des mémoires enregistrés le 17 septembre 2019 et le 4 novembre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- en ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions pèse sur les requérants, dès lors qu'ils ont été taxés d'office ;

- en ce qui concerne les sommes transférées en France depuis un compte bancaire détenu en Suisse, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions pèse également sur les requérants, dès lors que ces revenus sont présumés constituer des revenus imposables ;

- les moyens soulevés par M. et Mme D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B..., présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme G..., rapporteure publique,

- et les observations de Me C..., représentant M. et Mme D... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme D... ont fait l'objet d'un examen de leur situation fiscale personnelle, dont ils ont été avisés par un avis du 16 juin 2015, portant sur les années 2013 et 2014, au cours duquel ils ont été invités, sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, à justifier des soldes créditeurs, d'un montant de 71 400 euros pour la période correspondant à l'année 2013 et de 153 354 euros pour la période du 1er janvier 2014 au 25 avril 2014, de balances de trésorerie effectuées par l'administration à partir de la comparaison des dépôts et des retraits en espèces effectués sur leurs comptes bancaires. En l'absence de justifications de ces soldes créditeurs, M. et Mme D... ont été taxés d'office à raison de ces revenus, regardés comme étant d'origine indéterminée, en application de l'article L. 69 du même livre. L'administration a également imposé, selon la procédure contradictoire, au titre de l'année 2014, la somme de 202 800 euros transférée par M. et Mme D... d'un compte bancaire qu'ils détenaient en Suisse sur un compte bancaire français, sur le fondement de l'article 1649 A du code général des impôts. M. et Mme D... relèvent appel du jugement du 29 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014 du chef de ces redressements et des majorations dont ces impositions ont été assorties.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. M. et Mme D... soutiennent avoir souscrit, le 16 juin 2014, auprès du centre des finances publiques de Dijon, une déclaration n° 3916 d'un compte ouvert hors de France qui aurait dû être traitée par la direction nationale des vérifications de situations fiscales en tant que demande de régularisation entrant dans le champ de la circulaire du 21 juin 2013 du ministre de l'économie et des finances et du ministre délégué chargé du budget relative au traitement des déclarations rectificatives des contribuables détenant des avoirs à l'étranger.

3. D'une part, aux termes de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales : " Dans les conditions prévues au présent livre, l'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu, qu'elles aient ou non leur domicile fiscal en France, lorsqu'elles y ont des obligations au titre de cet impôt. A l'occasion de cet examen, l'administration peut contrôler la cohérence entre, d'une part les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres du foyer fiscal. (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 10 du code général des impôts : " Si le contribuable a une résidence unique en France, l'impôt est établi au lieu de cette résidence. (...) ". Aux termes de l'article 170 de ce code, dans sa rédaction applicable aux années litigieuses : " 1. En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, toute personne imposable audit impôt est tenue de souscrire et de faire parvenir à l'administration une déclaration détaillée de ses revenus et bénéfices, de ses charges de famille et des autres éléments nécessaires au calcul de l'impôt sur le revenu (...) ". Aux termes de l'article 45 de l'annexe III audit code : " Les déclarations dûment signées sont remises ou adressées par les contribuables au service des impôts du lieu de leur résidence (...) ". Aux termes de l'article 350 terdecies de l'annexe II au code général des impôts : " I.- Sous réserve des dispositions des articles 409 et 410 de l'annexe II au code général des impôts, seuls les fonctionnaires de la direction générale des finances publiques appartenant à des corps des catégories A et B peuvent fixer les bases d'imposition et liquider les impôts, taxes et redevances ainsi que proposer les rectifications. (...) II.-Les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa du I peuvent exercer les attributions que ces dispositions leur confèrent à l'égard des personnes physiques (...) qui ont déposé ou auraient dû déposer dans le ressort territorial du service déconcentré ou du service à compétence nationale dans lequel ils sont affectés une déclaration, un acte ou tout autre document (...) ".

5. Enfin, aux termes de l'article L. 247 du livre des procédures fiscales : " L'administration peut accorder sur la demande du contribuable (...) 3° Par voie de transaction, une atténuation d'amendes fiscales ou de majorations d'impôts lorsque ces pénalités et, le cas échéant, les impositions auxquelles elles s'ajoutent ne sont pas définitives ". Par une circulaire du 21 juin 2013, ultérieurement modifiée notamment par une circulaire du 12 décembre 2013, le ministre délégué chargé du budget a entendu définir, à titre transitoire, des modalités d'exercice du pouvoir de transiger que la loi reconnaît ainsi à l'administration fiscale, pour le traitement des déclarations rectificatives des contribuables détenant des avoirs à l'étranger, notamment dans le but d'inciter les contribuables concernés à déposer de telles déclarations, constitutives d'autant de demandes de transaction.

6. En premier lieu, si la circulaire du 21 juin 2013 du ministre de l'économie et des finances et du ministre délégué chargé du budget relative au traitement des déclarations rectificatives des contribuables détenant des avoirs à l'étranger indique que les demandes de régularisation sont traitées par la direction nationale des vérifications de situations fiscales, cette circulaire n'a pas pour objet de remettre en cause la compétence du service dans le ressort duquel se trouve le domicile des contribuables et auprès duquel ces derniers ont souscrit leur déclarations pour contrôler leur situation et établir les impositions, conformément aux dispositions de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales. En l'espèce, il est constant que M. et Mme D... ont souscrit leurs déclarations de revenus des années 2013 et 2014 en indiquant résider à Corcelles-les-Monts (Côte d'Or). Par suite, le centre des finances publiques de Dijon était territorialement compétent pour procéder à l'examen de leur situation fiscale personnelle et établir les impositions au titre de ces deux années.

7. En deuxième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 247 du livre des procédures fiscales que la décision par laquelle l'administration fiscale rejette une demande de transaction présentée par un contribuable ne peut être contestée que par la voie d'un recours pour excès de pouvoir. Par suite, le contribuable ne peut utilement invoquer devant le juge de l'impôt les éventuelles irrégularités commises dans la procédure de transaction à l'appui de ses conclusions en décharge des impositions en litige. Il en résulte que M. et Mme D... ne peuvent utilement soutenir qu'en s'abstenant de transmettre à la direction nationale des vérifications de situations fiscales la demande de régularisation des avoirs à l'étranger qu'ils soutiennent avoir formée le 16 juin 2014 en souscrivant, auprès du centre des finances publiques de Dijon, une déclaration n° 3916 d'un compte ouvert hors de France au titre de leur compte détenu en Suisse, l'administration fiscale a méconnu les prévisions de la circulaire du 21 juin 2013 et commis un détournement de procédure.

8. En troisième et dernier lieu, M. et Mme D... font valoir que l'agent de l'administration fiscale auquel ils ont remis, le 16 juin 2014, leur déclaration n° 3916 d'un compte ouvert hors de France leur a uniquement transmis des formulaires de déclaration de revenus de source étrangère et de revenus encaissés à l'étranger pour les années 2011 à 2013, à l'exclusion de l'année 2014, que l'administration n'a pas traité leur demande de régularisation d'un compte ouvert à l'étranger et qu'elle a engagé, par un avis du 16 juin 2015, l'examen de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2013 et 2014 sans tenir compte de cette demande. Toutefois, ces seules circonstances, alors au demeurant que la déclaration n° 3916 d'un compte ouvert hors de France n'a pas été jointe par M. et Mme D... à la déclaration annuelle de revenus qu'ils ont souscrite au titre de l'année 2014, que ces derniers n'ont pas indiqué, dans cette déclaration de revenus, qu'ils détenaient un compte bancaire à l'étranger et que la déclaration n° 3916 n'indique ni la nature, ni l'usage ou le type du compte concerné ni sa date d'ouverture ou de clôture, ne permettent pas d'établir que l'administration aurait délibérément cherché à induire les requérants en erreur quant à l'existence et à l'étendue de leurs obligations déclaratives ni commis un détournement de procédure ni encore, et en tout état de cause, méconnu son devoir de loyauté.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'imposition de revenus d'origine indéterminée :

9. Il résulte de l'instruction qu'au cours de l'examen de situation fiscale personnelle dont M. et Mme D... ont fait l'objet, l'administration, après avoir comparé le montant des versements en espèces crédités sur leurs comptes bancaires, qui s'élevait à 99 900 euros pour 2013 et 156 604 euros pour la période du 1er janvier 2014 au 25 avril 2014, et le montant des retraits en espèces débités de ces mêmes comptes, qui s'élevait à 28 500 euros pour 2013 et 3 250 euros pour la période du 1er janvier 2014 au 25 avril 2014, a constaté l'existence de soldes créditeurs d'un montant de 71 400 euros au titre de l'année 2013 et de 153 354 euros au titre de l'années 2014. A défaut de justification de l'origine et de la nature des sommes en cause, l'administration a imposé ces soldes créditeurs en tant que revenus d'origine indéterminée au titre de ces deux années.

10. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". En vertu de ces dispositions, il appartient à M. et Mme D..., qui ne contestent pas la régularité de la procédure de taxation d'office dont ils ont fait l'objet pour s'être abstenus de répondre de manière suffisante à la demande de justifications qui leur a été adressée le 21 décembre 2015, d'apporter la preuve du caractère exagéré des impositions mises à leur charge sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales.

11. En premier lieu, M. et Mme D... soutiennent que les soldes créditeurs de la balance des espèces effectuée à partir des opérations réalisées sur leurs comptes bancaires français ont pour origine le dépôt sur ces mêmes comptes des loyers issus de la mise en location d'un immeuble détenu par M. D... en indivision avec sa mère qui ont été versés sur un compte bancaire joint ouvert au nom de M. D... et de sa mère et que M. D... a déclarés dans la catégorie des revenus fonciers au titre des années 1976 à 2014. Toutefois, en se bornant à produire la copie de leurs avis d'imposition à l'impôt sur le revenu au titre des années 1982 à 2014 ainsi qu'une attestation établie le 10 juin 2016 par la mère de M. D..., qui indique avoir conservé la quote-part des loyers revenant à son fils jusqu'en 2014, et en l'absence de toute corrélation entre les sommes déclarées au titre des revenus fonciers, les versements effectués sur le compte joint ouvert au nom de M. D... et de sa mère et les opérations retracées sur leurs propres comptes bancaires, les requérants ne peuvent être regardés comme justifiant, ainsi qu'il leur incombe, la nature et l'origine des soldes créditeurs de la balance des espèces effectuée par le service. Ils n'établissent pas davantage la nature et l'origine des sommes en cause en se bornant à soutenir, sans apporter aucun justificatif, que ces sommes correspondent à des revenus issus de différents placements financiers et que M. D... a conservé la disposition permanente en France d'espèces d'un montant compris entre 200 000 et 300 000 euros.

12. En deuxième lieu, M. et Mme D... soutiennent que l'administration aurait dû tenir compte des retraits en espèces d'un montant de 326 500 euros qu'ils ont effectués entre le 25 avril 2014 et le 31 décembre 2014. Toutefois, en se bornant à produire un tableau manuscrit des mouvements d'espèces de leurs comptes bancaires, établi pour les besoins de la cause et qui n'est corroboré par aucun justificatif probant, les requérants n'établissent pas le caractère erroné de la balance des espèces effectuée par le service au titre de la période en litige.

13. En troisième lieu, si M. et Mme D... soutiennent que les sommes imposées dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée ont déjà été imposées dans celle des revenus fonciers ou dans celle des revenus de capitaux mobiliers, ils ne l'établissent pas en se bornant à produire la copie de leurs avis d'imposition à l'impôt sur le revenu au titre des années 1982 à 2014, lesquels ne permettent pas de déterminer l'origine des revenus déclarés dans la catégorie des revenus fonciers et dont le montant est au demeurant distinct des revenus d'origine indéterminée relevés par le service.

14. En dernier lieu, le détournement de pouvoir allégué, tiré de ce que l'administration aurait délibérément engagé, par un avis du 16 juin 2015, un examen de la situation fiscale personnelle de M. et Mme D... portant sur les années 2013 et 2014 au lieu de traiter leur demande de régularisation d'un compte à l'étranger, n'est pas établi.

En ce qui concerne les sommes imposées sur le fondement de l'article 1649 A du code général des impôts :

15. Aux termes du troisième alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts : " Les sommes, titres ou valeurs transférés à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes non déclarés dans les conditions prévues au deuxième alinéa constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables. Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, détenus, utilisés ou clos à l'étranger. Les modalités d'application du présent alinéa sont fixées par décret ". Aux termes de l'article 344 A de l'annexe 3 à ce code : " I. Les comptes à déclarer en application du deuxième alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts sont ceux ouverts auprès de toute personne de droit privé ou public qui reçoit habituellement en dépôt des valeurs mobilières, titres ou espèces. II. Les personnes physiques joignent la déclaration de compte à la déclaration annuelle de leurs revenus. Chaque compte à usage privé, professionnel ou à usage privé et professionnel doit être mentionné distinctement. (...) ". Et aux termes de l'article 344 B de cette annexe : " I. - La déclaration de compte visée à l'article 344 A mentionne : - la désignation et l'adresse de la personne dépositaire ou gestionnaire auprès de laquelle le compte est ouvert ; - la désignation du compte : numéro, nature, usage et type du compte ; - la date d'ouverture et/ ou de clôture du compte au cours de la période au titre de laquelle la déclaration est effectuée ; - les éléments d'identification du déclarant. (...). " Il résulte des travaux préparatoires de la loi de finances pour 1990 dont sont issues les dispositions précédemment citées de l'article 1649 A du code général des impôts que le législateur, en mettant en place une obligation de déclarer les comptes bancaires utilisés à l'étranger, a entendu instaurer une procédure de déclaration des mouvements de fonds sur de tels comptes afin de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, s'agissant de contribuables qui ne sont pas astreints à la tenue d'une comptabilité et d'opérations bancaires pour lesquelles l'administration ne peut se faire communiquer les relevés en exerçant le droit de communication qui lui est ouvert par l'article L. 83 du livre des procédures fiscales.

16. Il résulte de l'instruction qu'au cours de l'examen de situation fiscale personnelle dont M. et Mme D... ont fait l'objet, l'administration a constaté que, en 2014, les contribuables ont transféré par virement une somme de 202 800 euros d'un compte bancaire non déclaré ouvert auprès d'un établissement suisse du Crédit agricole sur le compte bancaire ouvert à leur nom au Crédit agricole Champagne-Bourgogne.

17. En premier lieu, M. et Mme D... font valoir qu'ils ont souscrit, le 16 juin 2014, une déclaration n° 3916 d'un compte ouvert hors de France et qu'en conséquence c'est à tort que l'administration a considéré que le compte bancaire qu'ils détenaient en Suisse n'avait pas été déclaré. Il est toutefois constant que la déclaration n° 916 n'a pas été jointe à la déclaration annuelle de leurs revenus souscrite au titre de l'année 2014 et que les requérants n'ont pas indiqué, dans cette dernière déclaration, qu'ils détenaient un compte ouvert à l'étranger. Il résulte par ailleurs de l'instruction que la déclaration n° 3916 souscrite par les requérants n'indique ni la nature, ni l'usage ou le type du compte concerné ni sa date d'ouverture ou de clôture. Dans de telles conditions, c'est à bon droit que l'administration a estimé que le compte tenu en Suisse par M. et Mme D... n'avait pas été déclaré au sens de l'article 1649 A du code général des impôts.

18. En deuxième lieu, pour faire échec aux présomptions édictées par les dispositions de l'article 1649 A du code général des impôts, il appartient au contribuable, quelle que soit la qualification juridique ou comptable que peut recevoir la somme qui est employée à fin d'être transférée, d'établir que les ressources ayant contribué à la constituer ont par elles-mêmes déjà été imposées, ou ne devaient, ou ne pouvaient pas l'être, non seulement au titre de l'année du transfert, mais aussi, le cas échéant, au titre d'années antérieures.

19. M. et Mme D... font valoir que la somme de 202 800 euros qui a été virée sur leur compte bancaire français à partir du compte bancaire qu'ils détenaient en Suisse a pour origine le dépôt, en 1999, d'une somme en espèces de 194 000 euros provenant des loyers des biens immobiliers détenus par M. D... et sa mère et d'intérêts de placement. Il résulte toutefois de l'instruction que cette allégation est contredite par l'attestation du 10 juin 2016 établie par la mère de M. D..., qui indique avoir conservé la quote-part des loyers revenant à son fils jusqu'en 2014, et par les explications de M. D... lui-même, qui a indiqué, lors d'un entretien dans les locaux de l'administration le 21 juillet 2015, que cette somme était constituée d'une prime de licenciement et du produit de la vente de biens immobiliers. Il résulte par ailleurs de l'instruction, et, notamment, du courrier du 8 janvier 2016 de l'agence du Crédit agricole suisse détentrice du compte bancaire ouvert au nom de M. D..., que ce dernier a en réalité procédé à différents versements en espèces au cours des années 1999 à 2006. Dans ces conditions, M. et Mme D... n'établissent pas que la somme de 202 800 euros a déjà supporté l'impôt. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que l'administration l'a imposée sur le fondement de l'article 1649 A du code général des impôts.

20. En dernier lieu, M. et Mme D... soutiennent que les retraits d'espèces qu'ils ont effectués sur leurs comptes bancaires français au cours des années 2013 et 2014 ont été versés sur le compte bancaire ouvert en Suisse puis de nouveau transférés en France lors de la fermeture de ce compte, et que, par suite, ces sommes ont été imposées à la fois en tant que revenus d'origine indéterminée et sur le fondement de l'article 1649 A du code général des impôts. Toutefois, il résulte de l'instruction, et, notamment, du courrier du 8 janvier 2016 de l'agence du Crédit agricole suisse, que si M. D... a effectué différents versements en espèces sur les deux comptes bancaires qu'il a successivement détenus, de 1999 à 2004 puis de 2004 à 2014, auprès de cet établissement, ces versements ont cessé en 2006 et qu'aucun dépôt n'a été effectué au titre des années en litige. Par suite, les requérants n'établissent pas que la somme de 202 800 euros qui a été transférée au cours de l'année 2014 sur leur compte bancaire français depuis le compte détenu en Suisse aurait pour origine des retraits d'espèces effectués sur leurs comptes bancaires français au cours des années 2013 et 2014, et qu'ainsi, ces sommes auraient subi une double imposition.

Sur les majorations :

21. L'administration a assorti les compléments d'impôt sur le revenu assignés à M. et Mme D... dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée au titre des années 2013 et 2014 de la majoration de 40 % prévue par l'article 1729 en cas de manquement délibéré, ramenée à 30 % à la suite de la réclamation des contribuables, et a assorti le complément d'impôt sur le revenu assigné à M. et Mme D... sur le fondement de l'article 1649 A du code général des impôts au titre de l'année 2014 de la majoration de 40 % prévue par l'article 1758 du même code.

22. En premier lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...). ".

23. A l'appui de leur requête, M. et Mme D... se bornent à soutenir qu'ils pouvaient prétendre à l'application de la majoration pour manquement délibéré, ramenée à 30 % à la suite de leur réclamation, au taux de 15 % prévue par la circulaire du 21 juin 2013 dans le cas où les avoirs à l'étranger ont été reçus dans le cadre d'une succession ou d'une donation. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que cette dernière condition serait remplie en l'espèce. Par suite, et en tout état de cause, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que l'administration a appliqué la majoration en litige au taux de 30 %.

24. En second lieu, aux termes de l'article 1758 du code général des impôts : " En cas d'application des dispositions prévues au troisième alinéa de l'article 1649 A (...) le montant des droits est assorti d'une majoration de 40 %. "

25. Il résulte de l'instruction que la somme de 202 800 euros transférée au cours de l'année 2014 d'un compte bancaire ouvert en Suisse au nom de M. D... sur un compte bancaire détenu en France qui n'avait pas été régulièrement déclaré, ainsi qu'il a été dit au point 17, était imposable sur le fondement du troisième alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts. Par suite, l'administration a pu assortir les impositions correspondantes de la majoration de 40 % prévue à l'article 1758 du code général des impôts.

26. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1 : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme F... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme B..., présidente-assesseure,

Mme H..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2020.

2

N° 19LY00915

ld


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00915
Date de la décision : 03/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Questions communes - Juridiction gracieuse.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Détermination du revenu imposable - Revenus à la disposition.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : BONFILS ET FOURNIER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-12-03;19ly00915 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award