Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. et Mme E... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 ainsi que des pénalités correspondantes et présenté à l'administration une réclamation tendant aux mêmes fins qui a été soumise d'office au tribunal administratif de Grenoble en application des articles R. 199-1 et R. 200-3 du livre des procédures fiscales.
Par un jugement nos 1604016 - 1703205 du 13 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a constaté un non-lieu à statuer partiel et rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 février 2019 et le 4 décembre 2019, M. et Mme E..., représentés par la SELARL Delpeyroux et associés, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.
M. et Mme E... soutiennent que :
- dès lors que l'administration a accepté de majorer le prix d'acquisition du bien immobilier des frais d'acquisition et des dépenses de travaux, aboutissant à un prix de 1 342 526 euros, elle aurait dû constater, quelle que soit l'affectation de ces biens, que la SCI n'avait pas réalisée de plus-value pour la cession des lots nos 1 et 3 compte tenu de leurs surfaces et de leurs prix de vente respectifs énoncés dans l'acte de cession ;
- le lot n° 3 était affecté à leur habitation principale et devait, de ce fait, être exonéré d'impôt sur les plus-values de cession.
Par des mémoires, enregistrés le 9 juillet 2019 et le 21 février 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que :
- le mode de calcul de la plus-value est justifié dès lors que la cession a porté sur un ensemble unique et que l'acte de division avait été annulé avant l'acquisition des biens ;
- à supposer ce mode de calcul erroné, le mode de calcul proposé par les requérants n'est pas satisfaisant ;
- l'autre moyen soulevé par M. et Mme E... n'est pas fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G..., première conseillère,
- et les conclusions de Mme F..., rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. La SCI Les Moucherons, dont M. et Mme E... sont les associés, a vendu, le 19 décembre 2012, à la SARL l'Envol, pour un prix total de 1 690 677 euros, la nue-propriété du lot n° 1 et la pleine propriété des lots n° 2 et n° 3 d'un ensemble immobilier comprenant plusieurs logements, situé à Grignan, dont elle avait acquis, en 2006, la partie à usage d'habitation en pleine propriété et la partie à usage commercial ou professionnel en nue-propriété, l'usufruit temporaire de cette partie ayant été acquis par la SARL l'Envol la même année. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration a remis en cause l'exonération de plus-value du 1° du II de l'article 150 U du code général des impôts sous le bénéfice de laquelle s'étaient placés les requérants et a taxé la plus-value brute d'un montant de 1 224 587 euros réalisée par la SCI Les Moucherons. M. et Mme E... ont, en conséquence, été assujettis, selon la procédure contradictoire, à proportion de leurs droits dans les bénéfices de la SCI Les Moucherons, à des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2012 assortis d'intérêts de retard qu'ils ont contestés au moyen de deux réclamations dont l'une a été transmise d'office au tribunal administratif de Grenoble en application des articles R. 199-1 et R. 200-3 du livre des procédures fiscales. En cours d'instance devant le tribunal, la plus-value brute a été ramenée à 190 643 euros, l'administration ayant admis, d'une part, que le lot n° 2 et une partie du lot n° 1 pouvaient être regardés comme la résidence principale de M. et Mme E..., au sens de ces dispositions, et, d'autre part, que le prix d'acquisition devait être majoré des frais d'acquisition de 58 152 euros et de dépenses de travaux effectués dans l'immeuble d'un montant de 924 294 euros. M. et Mme E... relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble, après avoir joint la demande et la réclamation soumise d'office et constaté un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé, a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.
Sur le droit à exonération :
2. L'administration a initialement remis en cause le bénéfice de l'exonération de plus-value de cession de l'ensemble immobilier cédé par la SCI Les Moucherons à la SARL L'Envol au motif, en premier lieu, qu'une partie du lot n° 1, d'une contenance de 189 m2 avait été déclarée comme affectée à un usage professionnel en novembre 2012 par la SCI Les Moucherons et que l'autre partie de ce lot, d'une contenance de 147 m2, bien que déclarée comme constituant la résidence principale de M. et Mme E..., n'avait pas été mise à leur disposition par la SCI Les Moucherons mais par la SARL L'Envol, en deuxième lieu, que le lot n° 2, qui constituait un lot indépendant, ne pouvait être regardé comme ayant été affecté à leur résidence principale dans la mesure où celle-ci correspondait à une partie du lot n° 1 et, en troisième lieu, que le lot n° 3 était gracieusement mis à disposition de la mère de Mme E.... En cours d'instance devant le tribunal, l'administration a prononcé le dégrèvement des impositions supplémentaires correspondant à la plus-value de cession des 147 m2 du lot n° 1 ainsi que du lot n° 2 au motif que ces locaux étaient affectés à la résidence principale des requérants. En revanche, elle a refusé de faire bénéficier de l'exonération le reste du lot n° 1 et le lot n° 3. Devant la cour, M. et Mme E..., qui ne contestent plus que le lot n° 3 n'était pas utilisé à titre de résidence principale, soutiennent que le reste du lot n° 1 était également affecté à leur résidence principale même si M. E... l'utilisait pour les besoins de son activité professionnelle de chef-cuisinier dès lors que ce local ne comportait pas d'aménagement spécifique.
3. Aux termes de l'article 150 U du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - (...) les plus-values réalisées par les personnes physiques ou les sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter, lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits relatifs à ces biens, sont passibles de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH. / (...) II. - Les dispositions du I ne s'appliquent pas aux immeubles, aux parties d'immeubles ou aux droits relatifs à ces biens : / 1° Qui constituent la résidence principale du cédant au jour de la cession (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'associé d'une société de personnes, telle qu'une société civile visée au troisième alinéa de l'article 8 du code général des impôts, qui occupe à titre de résidence principale un immeuble ou une partie d'immeuble appartenant à cette société et que celle-ci met en droit ou en fait gratuitement à sa disposition, bénéficie, en cas de cession à titre onéreux de cet immeuble ou de cette partie d'immeuble, de la même manière que s'il en avait été lui-même propriétaire, de l'exonération prévue par le 1° du II de l'article 150 U du même code.
4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.
5. Il résulte de l'instruction, que la SCI Les Moucherons a souscrit le 21 novembre 2012 une déclaration H2 portant sur le lot n° 1. Si en première page de cette déclaration, il a été indiqué que M. et Mme E... utilisent ce lot comme résidence principale, la déclaration précise que ce lot est divisé en deux parties, l'une destinée à la résidence principale et l'autre à l'activité professionnelle. La déclaration mentionne que la partie réservée à l'activité professionnelle, d'une contenance de 189 m2, est composée d'un bureau, d'une salle de réception, d'un atelier bureau, d'un WC et de dégagements. En se bornant à faire valoir que ces locaux ne disposent pas d'aménagements spécifiques, sans d'ailleurs produire aucune preuve au soutien de leurs allégations, les requérants ne remettent pas sérieusement en cause les éléments qu'ils ont mentionnés dans cette déclaration. Il en résulte que cette partie des locaux faisait l'objet d'une utilisation distincte sans que la circonstance que M. E... ne recevait aucun client ni aucun fournisseur dans ces locaux soit de nature à leur retirer ce caractère. Dans ces conditions, et alors même que l'administration a accepté de faire bénéficier de l'exonération de plus-value de cession l'autre partie de ces locaux, c'est à bon droit qu'elle l'a remise en cause pour la partie des locaux qui, à la date de leur cession, faisant l'objet d'une utilisation distincte, n'était pas affectée à la résidence principale des requérants.
Sur le montant de la plus-value de cession :
6. Aux termes du I de l'article 150 U du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices agricoles et aux bénéfices non commerciaux, les plus-values réalisées par les personnes physiques ou les sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter, lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits relatifs à ces biens, sont passibles de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH. ". Aux termes de l'article 150 V du code général des impôts : " La plus ou moins-value brute réalisée lors de la cession de biens ou droits mentionnés aux articles 150 U à 150 UC est égale à la différence entre le prix de cession et le prix d'acquisition par le cédant. ". Aux termes de l'article 150 VA du même code : " I. - Le prix de cession à retenir est le prix réel tel qu'il est stipulé dans l'acte. Lorsqu'une dissimulation de prix est établie, le prix porté dans l'acte doit être majoré du montant de cette dissimulation. ". Aux termes de l'article 150 VB du même code : " I. -Le prix d'acquisition est le prix effectivement acquitté par le cédant, tel qu'il a été stipulé dans l'acte. Lorsqu'une dissimulation du prix est établie, le prix porté dans l'acte doit être majoré du montant de cette dissimulation. (...) II.- Le prix d'acquisition est, sur justificatifs, majoré : (...) 4° Des dépenses de construction, de reconstruction, d'agrandissement ou d'amélioration, supportées par le vendeur et réalisées par une entreprise depuis l'achèvement de l'immeuble ou son acquisition si elle est postérieure, lorsqu'elles n'ont pas été déjà prises en compte pour la détermination de l'impôt sur le revenu et qu'elles ne présentent pas le caractère de dépenses locatives. Lorsque le contribuable, qui cède un immeuble bâti plus de cinq ans après son acquisition, n'est pas en état d'apporter la justification de ces dépenses, une majoration égale à 15 % du prix d'acquisition est pratiquée. (...). ".
7. L'administration, ayant admis devant le tribunal administratif que le prix d'acquisition par la SCI Les Moucherons de l'ensemble immobilier revendu en 2012 devait être majoré des frais d'acquisition et des dépenses de travaux justifiés en cours d'instance par M. et Mme E..., a en conséquence ajouté au prix d'acquisition de 360 080 euros, tel que stipulé dans l'acte de 2006, 58 152 euros de frais d'acquisition et 924 294 euros de dépenses de travaux. Elle a ainsi retenu un prix d'acquisition majoré s'élevant à 1 342 526 euros. Après la prise en compte d'un abattement pour durée de détention de 2 %, elle a déduit du prix global de cession de l'ensemble immobilier, tel que stipulé dans l'acte de 2012, soit 1 690 677 euros, ce prix d'acquisition majoré. Pour déterminer la plus-value taxable de la partie non exonérée, soit 190 643 euros, l'administration a appliqué un prorata de 271/485 correspondant au rapport entre les superficies non utilisées à titre de résidence principale, soit 189 m² du lot n° 1 à usage professionnel et le lot n° 3 de 82 m², et la totalité de la surface de l'immeuble, correspondant à ces superficies et aux superficies d'habitation principale, soit 147 m² du lot n° 1 et le lot n° 2 de 67 m².
8. M. et Mme E... demandent que la plus-value de cession soit calculée en rapportant le prix d'acquisition majoré de 1 342 526 euros au nombre de mètres carrés de l'ensemble immobilier afin de déterminer le prix d'acquisition majoré par mètre carré, puis en déterminant le prix d'acquisition majoré de chaque lot en fonction de sa surface et enfin en comparant ce prix au prix de cession de chaque lot figurant dans l'acte de vente. Cette méthode aboutit à un prix d'acquisition majoré de 2 756 euros par m² et à un prix de revient du lot n° 1 de 926 046 euros et du lot n° 3 de 225 999 euros alors que ces lots ont été respectivement vendus aux prix de 700 677 euros et 140 600 euros, ce qui conduit à ne constater aucune plus-value pour la cession de ces deux lots.
9. Il résulte des termes de l'acte de vente du 4 octobre 2006 que la SCI Les Moucherons et la SARL l'Envol ont acquis, par un unique acte, un ensemble immobilier situé rue de la gendarmerie à Grignan (26) pour un prix global de 430 000 euros. Un état descriptif de division a été établi pour les besoins de la vente et immédiatement annulé. D'après cet acte, la SCI Les Moucherons a acquis la nue-propriété du lot n° 1 pour un montant de 82 080 euros et la pleine propriété des lots nos 2 et 3 pour un montant de 278 000 euros, sans que ce prix ne soit réparti entre ces deux lots, tandis que la SARL l'Envol a acquis l'usufruit du lot n° 1 pour un montant de 69 920 euros. Des travaux ont été réalisés sur les biens acquis par la SCI Les Moucherons, sans qu'il soit possible de déterminer sur quelles parties de l'ensemble ainsi acquis ils ont porté. La SCI Les Moucherons a cédé, par un acte unique, à la SARL L'Envol, la totalité de la partie de l'ensemble immobilier dont elle était propriétaire pour un prix global de 1 690 677 euros. Dans ces conditions, si l'acte de vente du 19 décembre 2012 fait apparaître une ventilation du prix de vente global entre les différents lots cédés, au prorata des tantièmes qui leurs avaient été affectés par l'état descriptif de division initial, c'est à bon droit que l'administration a procédé, pour déterminer le montant de la plus-value de cession résultant de cette vente unique, à la comparaison entre le prix de cession total de l'ensemble immobilier, tel qu'il figure dans l'acte, et le prix d'acquisition total de ce même ensemble, tel qu'il figurait dans l'acte d'achat initial, majoré des dépenses se rapportant à cet ensemble immobilier, puis qu'elle a déterminé, à partir de la contenance des locaux non utilisés à titre de résidence principale, le montant de la plus-value de cession non exonérée. Par suite, M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que la méthode de calcul de leur plus-value de cession serait erronée.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme B..., présidente-assesseure,
Mme G..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2020
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N° 19LY00515
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