Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 9 août 2017 par laquelle le président du conseil départemental du Val de Marne a refusé la reconnaissance de sa maladie professionnelle et d'enjoindre audit département de lui accorder le bénéfice de la maladie professionnelle, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande.
Par jugement n° 1702462 lu le 25 septembre 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés les 26 novembre 2018 et 9 octobre 2019 M. E..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 25 septembre 2018 ;
2°) d'annuler la décision susmentionnée du 9 août 2017 ;
3°) d'enjoindre au département du Val-de-Marne de reconnaître l'imputabilité au service de son syndrome du canal carpien bilatéral dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de deux mois et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge du département du Val-de-Marne le versement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
* la décision du 9 août 2017 a été prise à la suite d'une procédure irrégulière en l'absence d'un médecin spécialiste au sein de la commission de réforme ;
* le délai de convocation de quinze jours prévu par l'article 14 de l'arrêté du 4 août 2004 n'a pas été respecté et il n'a pas pu préparer correctement son audition ;
* le dossier soumis à la commission de réforme ne comportait pas de rapport écrit du médecin du service de médecine professionnelle et préventive en méconnaissance de l'article 16 du décret du 30 juillet 1987 ;
* le département s'est estimé lié par l'avis de la commission de réforme ;
* la circonstance qu'il ait été en arrêt de travail pour accident de service au moment où il a déclaré sa maladie ne peut pas exclure l'existence d'un lien de causalité entre ses fonctions et sa pathologie et ne dispensait pas la commission de réforme d'un tel examen ;
* la décision en litige est entachée d'erreur d'appréciation.
Par un mémoire enregistré le 4 juillet 2019, le département du Val-de-Marne représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. E... le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
* la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
* la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
* le décret n°87-602 du 30 juillet 1987 ;
* l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;
* le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de Me A..., substituant Me C... pour le département du Val-de-Marne.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., adjoint technique territorial au sein des services de la protection de l'enfance et de la jeunesse du département du Val-de-Marne et affecté au sein du service de placement familial de Nevers, relève appel du jugement lu le 25 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 août 2017 par laquelle le président du conseil départemental du Val-de-Marne a refusé de reconnaître sa pathologie en tant que maladie professionnelle.
2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...)". Aux termes de l'article 9 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 susvisé, dans sa rédaction applicable au litige : " Le médecin du service de médecine préventive (...) compétent à l'égard du fonctionnaire dont le cas est soumis au comité médical est informé de la réunion et de son objet. Il peut obtenir s'il le demande communication du dossier de l'intéressé. Il peut présenter des observations écrites ou assister à titre consultatif à la réunion. Il remet obligatoirement un rapport écrit dans les cas prévus aux articles 16, 23, 24 et 33 ci-dessous. /L'intéressé et l'administration peuvent faire entendre le médecin de leur choix par le comité médical. ". Enfin, aux termes de l'article 16 de ce même décret, dans sa version alors en vigueur : " Sous réserve du deuxième alinéa du présent article, la commission de réforme (...) est obligatoirement consultée dans tous les cas où un fonctionnaire demande le bénéfice des dispositions de l'article 57 (2°, 2e alinéa) de la loi du 26 janvier 1984 susvisée. Le dossier qui lui est soumis doit comprendre un rapport écrit du médecin du service de médecine préventive compétent à l'égard du fonctionnaire concerné. / Lorsque l'administration est amenée à se prononcer sur l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident, elle peut, en tant que de besoin, consulter un médecin expert agréé. /(...) ". Il résulte de ces dispositions combinées que, lorsque la commission de réforme doit être consultée à la suite d'une demande d'un fonctionnaire tendant à voir reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie ou son caractère professionnel, le médecin du service de médecine préventive compétent à l'égard de cet agent doit être informé de la réunion de cette commission à laquelle il doit obligatoirement remettre un rapport écrit.
3. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte.
4. Il ressort des pièces du dossier, et il est d'ailleurs reconnu par le département du Val-de-Marne, que, si M. E... a été reçu le 14 avril 2016 par le médecin du service de médecine préventive, lequel a remis au département un avis portant seulement sur l'aptitude de l'intéressé à reprendre ses fonctions, aucun rapport de ce médecin n'a été remis à la commission de réforme chargée d'émettre un avis sur l'imputabilité au service de la pathologie développée par M. E... en application des dispositions rappelées au point 2. Cette commission n'a ainsi pas disposé des observations éventuelles de ce médecin sur l'état de santé de l'intéressé. Par suite, et alors même que M. E... a été entendu par le médecin-expert dans le cadre de l'expertise estimée nécessaire par la commission de réforme avant de rendre son avis, il est fondé à invoquer, pour la première fois en appel, le moyen tiré de ce que le vice ayant affecté la procédure suivie devant la commission de réforme, tiré de l'absence de remise à la commission de réforme d'un rapport du médecin du service de médecine préventive compétent, l'a privé en l'espèce d'une garantie.
5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a refusé d'annuler la décision du 9 août 2017 du département du Val de Marne refusant la reconnaissance en maladie professionnelle de sa pathologie.
6. Eu égard au motif retenu, l'annulation de la décision en litige implique seulement qu'il soit enjoint au président du conseil départemental du Val-de-Marne de réexaminer la situation de M. E... et de se prononcer à nouveau sur l'imputabilité au service de sa pathologie, dans un délai de trois mois suivant le nouvel avis qui sera rendu par la commission de réforme laquelle devra être saisie dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département du Val-de-Marne le versement à M. E... d'une somme de 1500 euros au titre des frais de justice exposés par M. E... dans la présente instance. Le requérant n'étant pas la partie perdante, les conclusions du département du Val-de-Marne tendant à mettre à sa charge une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE:
Article 1er : Le jugement n°1702462 du 25 septembre 2018 du tribunal administratif de Dijon et la décision du 9 août 2017 du département du Val de Marne refusant la reconnaissance de la maladie professionnelle de M. E... sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au département du Val de Marne de réexaminer la situation de M. E... et de se prononcer à nouveau sur l'imputabilité au service de sa pathologie, dans un délai de trois mois suivant le nouvel avis qui sera rendu par la commission de réforme, laquelle devra être saisie dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le département du Val de Marne versera à M. E... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et au département du Val de Marne.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Seillet, président,
Mme Djebiri, premier conseiller,
Mme Burnichon, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2020.
N° 18LY04219