Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. D... F..., Mme J... B..., M. C... F..., M. E... F..., Mme I... F... et M. A... L... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2017 par lequel le directeur de l'établissement public foncier de l'Ain a décidé d'exercer le droit de préemption sur les parcelles cadastrées section ZC n°s 75 et 77 sur la commune d'Ars-sur-Formans.
Par un jugement n° 1800015 du 23 avril 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 21 juin 2019, et un mémoire complémentaire enregistré le 23 juin 2020, qui n'a pas été communiqué, M. D... F..., Mme J... B..., M. C... F..., M. E... F... et Mme I... F..., représentés par Me H..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 avril 2019 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 30 novembre 2017 du directeur de l'établissement public foncier de l'Ain ;
3°) de mettre à la charge solidaire de l'établissement public foncier de l'Ain et de la commune d'Ars-sur-Formans le versement à chacun d'eux de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la préemption ne s'inscrit pas dans le cadre d'un des projets urbains de la commune et ne répond pas à l'un des objectifs énoncés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ;
- la préemption n'est pas nécessaire, dans la mesure où la commune disposait d'autres terrains pour déménager son local technique, et qu'elle a par ailleurs entrepris des travaux d'agrandissement de l'école élémentaire sur des terrains situés au nord de la parcelle A 370 ;
- la décision est entachée de détournement de pouvoir ;
- le prix d'achat est très inférieur aux prix pratiqués lors de la vente de terrains identiques.
Par un mémoire enregistré le 26 février 2020, l'établissement public foncier de l'Ain, représenté par la SELARL BG avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge solidaire des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
La clôture d'instruction a été fixée au 25 juin 2020, par une ordonnance du 26 mai 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Besse, président-assesseur,
- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,
- les observations de Me H... pour les consorts F... ainsi que celles de Me G... pour l'établissement public foncier de l'Ain ;
Considérant ce qui suit :
1. Les consorts F... sont propriétaires d'un bâtiment à usage d'entrepôt situé sur la parcelle cadastrée section ZC n° 75, et d'une parcelle attenante, cadastrée ZC n° 77, sur le territoire de la commune d'Ars-sur-Formans. Ils ont signé le 26 septembre 2017 un compromis de vente, pour un prix de 95 000 euros. Par arrêté du 30 novembre 2017, le directeur de l'établissement public foncier de l'Ain a décidé d'exercer le droit de préemption sur ces terrains, pour un prix de 50 000 euros. Les consorts F... relèvent appel du jugement du 23 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1 (...) ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement ". L'article L. 300-1 de ce code dispose : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. " Les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date.
3. D'une part, il ressort de l'arrêté litigieux que l'exercice du droit de préemption est justifié par la volonté de constituer des réserves foncières en vue de l'implantation sur ces terrains des services techniques communaux, en lieu et place des bâtiments qu'ils occupent sur la parcelle cadastrée A 856, en face de l'école élémentaire Stéphane Hessel, terrain dont la commune souhaite disposer pour réaliser des aménagements scolaires ou para-scolaires permettant de répondre à la demande croissante d'inscriptions pour cet établissement. Cette opération, qui tend également à éloigner l'accès des engins des services techniques du chemin piétonnier emprunté par les élèves et leur famille pour accéder à l'école, s'inscrit ainsi dans le cadre d'un projet d'intérêt général portant sur la réalisation d'équipements collectifs, dont la matérialité est suffisamment établie par les pièces du dossier, et qui entre dans le cadre d'un projet urbain répondant aux conditions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme.
4. Les requérants font valoir, d'autre part, que la commune d'Ars-sur-Formans disposait d'autres terrains permettant l'agrandissement de l'école élémentaire ou le réaménagement des services techniques. Toutefois, la collectivité n'a pas à démontrer qu'elle ne peut réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'exercice du droit de préemption. Ainsi, les consorts F... ne peuvent utilement soutenir que la commune aurait pu aménager un autre accès aux services techniques municipaux, par la partie sud de la parcelle A 856, alors au demeurant qu'il n'est pas démontré, en tout état de cause, qu'un tel aménagement aurait été possible sans frais supplémentaires pour la commune. Par ailleurs, les consorts F... ne peuvent utilement faire valoir que la commune aurait pu installer les services techniques communaux sur la parcelle A n° 829 qu'elle avait acquise, alors au demeurant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le bâtiment situé sur ce terrain était adapté à l'installation de tels services. Enfin, la circonstance que la commune a entrepris postérieurement à l'arrêté des travaux d'agrandissement de l'école sur un autre terrain, n'est en tout état de cause pas de nature à établir que le projet de déménagement des services techniques, qui répond ainsi qu'il a été dit à la volonté de sécuriser l'accès à l'école et de disposer de foncier pour des aménagements scolaires ou para-scolaires, ne serait pas justifié. Dans ces conditions, la préemption en litige, qui porte sur un bâtiment à usage d'entrepôt adapté à l'accueil des services techniques, répond à un objectif d'intérêt général. Par suite, l'arrêté litigieux n'a pas été pris en méconnaissance des dispositions citées au point 2 du code de l'urbanisme.
5. En deuxième lieu, pour les motifs exposés ci-dessus, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.
6. En dernier lieu, les consorts F... réitèrent en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, leur moyen selon lequel le prix d'achat fixé par l'arrêté litigieux est très inférieur aux prix pratiqués dans des ventes de biens identiques. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
7. Il résulte de ce qui précède que les consorts F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.
Sur les frais d'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que l'établissement public foncier de l'Ain, qui n'est pas partie perdante, et la commune d'Ars-sur-Formans, qui n'est pas partie, versent aux requérants la somme qu'ils demandent au titre des frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'établissement public foncier de l'Ain au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête des consorts F... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'établissement public foncier de l'Ain présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F... et Mme J... B..., pour les requérants, et à l'établissement public foncier de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 20 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Daniel Josserand-Jaillet, président de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
Mme M... K..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2020.
N° 19LY02409
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