Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Par une première demande, M. D... H..., M. C... E... et la société civile immobilière de l'Est ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2016 par lequel le maire de la commune de Bluffy a accordé à la société d'économie mixte de construction du département de l'Ain (SEMCODA) un permis de construire ainsi que la décision implicite rejetant leur recours contre cet arrêté.
Par une seconde demande, M. D... H... et autres ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 10 mars 2017 par lequel le maire de la commune de Bluffy a accordé à la SEMCODA un permis de construire modificatif ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux contre ce permis de construire modificatif.
Par un jugement n° 1701656-1706388 du 2 mai 2018, le tribunal administratif de Grenoble a, après les avoir jointes, rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée sous le n° 18LY02428 le 2 juillet 2018 et un mémoire complémentaire enregistré le 18 janvier 2019, M. D... H..., M. C... E... et la société civile immobilière de l'Est, représentés par la Selarl CDMF Affaires Publiques Avocats, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1701656-1706388 du tribunal administratif de Lyon du 2 mai 2018 ainsi que les arrêtés des 19 septembre 2016 et 10 mars 2017 ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Bluffy et de la SEMCODA la somme de 3 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est irrégulier puisque le tribunal a omis de répondre sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;
- ils ont intérêt pour agir contre ces permis ;
- aucune tardiveté ne peut être opposée à leur demande d'annulation du permis de construire modificatif présentée devant le tribunal, dès lors que ce permis a été délivré au cours de l'instance concernant le permis initial ;
- le dossier de demande est incomplet ; il ne comporte pas d'attestation de prise en compte de la règlementation thermique pour les locaux de la maison des assistants maternels ; il méconnaît les articles R. 431-6 et R. 431-21 du code de l'urbanisme faute de comporter des précisions sur le bâtiment à démolir ; le dossier de demande ne permet pas d'appréhender quelles sont les modifications apportées au projet initial ;
- le permis est illégal du fait de l'illégalité du plan d'occupation des sols (POS) de la commune ; le classement en zones NAb2 et NAc de la parcelle d'assiette du projet, issu de la modification n° 2 du POS adoptée par délibération du conseil municipal du 13 avril 2010, méconnait l'article L. 123-13 du code de l'urbanisme ; ce classement entraîne une urbanisation dense dans une zone naturelle et particulièrement sensible d'un point de vue paysager et porte atteinte aux objectifs du projet d'aménagement et de développement durable (PADD) ; l'ouverture à l'urbanisation de la parcelle d'assiette relevait d'une procédure de révision du POS ; ce classement n'est pas compatible avec les objectifs du schéma de cohérence territorial (SCOT) du bassin annécien ; il double les objectifs fixés par le SCOT à la commune en termes de densité de logements à l'hectare, du nombre de logements à construire et de mètres carrés de surface à urbaniser ;
- le projet n'est pas compatible avec les objectifs du schéma de cohérence territorial (SCOT) du bassin annécien pour les mêmes motifs que ceux évoqués au soutien de l'exception d'illégalité du classement des parcelles d'assiette en zones NAb2 et NAc ;
- le projet n'est pas conforme au caractère de la zone NAb2 dans la mesure où les équipements publics et réseaux nécessaires à la desserte du projet ne sont pas réalisés ;
- le projet méconnaît l'article NAb2 -1 ; le relais des assistantes maternelles ne relève d'aucune catégorie de construction autorisées sur la zone ni " des fonctions urbaines résidentielles " relevées par les premiers juges ;
- le projet méconnaît l'article NAb2 -3 et l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; la plate-forme de retournement créée est sous-dimensionnée ; le cheminement piéton et les trottoirs d'accès ne portent pas sur la totalité de la voie d'accès nouvellement créée ;
- le projet méconnaît l'article NAb2 -4 ; le projet n'est pas raccordé au réseau d'eau potable lequel est inexistant sur la zone ;
- le projet méconnaît l'article NAb2 -7 ; les enrochements ne respectent pas la distance aux limites séparatives dans le permis initial ; la circonstance qu'ils soient recouverts de terre suite au permis de construire modificatif n'a pas pour effet de régulariser la construction ;
- le projet méconnaît l'article NAb2 -11 ; la présence de ces enrochements massifs induit d'importants travaux de terrassement de nature à dégrader le site ;
- le projet méconnaît l'article NAb2 -12 ; les soixante-cinq emplacements de stationnement prévus par le permis de construire modificatif sont insuffisants ;
- le permis modificatif est illégal en conséquence de l'illégalité du permis initial.
Par un mémoire en défense et un mémoire en réplique enregistrés le 28 décembre 2018 et le 25 février 2019, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la SEMCODA, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise solidairement à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande des requérants dirigée contre le permis de construire modificatif est tardive, étant intervenue à l'expiration du délai de recours contentieux ; l'affichage du permis de construire modificatif était régulier ;
- les requérants ne justifient pas de leur intérêt pour agir ;
- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense et un mémoire en réplique enregistrés le 28 décembre 2018 et le 25 février 2019, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la commune de Bluffy, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise solidairement à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande des requérants dirigée contre le permis de construire modificatif est tardive, étant intervenue à l'expiration du délai de recours contentieux ; l'affichage du permis de construire modificatif était régulier ;
- les requérants ne justifient pas de leur intérêt pour agir ;
- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 7 mars 2019 par une ordonnance du même jour en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G... F..., première conseillère,
- et les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,
- les observations de Me A... pour M. H... et autres ainsi que celles de Me B... pour la commune de Bluffy et la SEMCODA ;
Considérant ce qui suit :
1. M. D... H... et autres relèvent appel du jugement du 2 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs conclusions à fin d'annulation des arrêtés du 19 septembre 2016 et du 10 mars 2017 par lesquels le maire de la commune de Bluffy a accordé à la société d'économie mixte de construction du département de l'Ain (SEMCODA) un permis de construire 32 logements et une maison des assistants maternels, au lieu-dit " Pré Guéret ".
Sur la régularité du jugement :
2. A l'appui de sa demande, M. H... soutenait notamment que le projet en litige méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen, qui n'était pas inopérant. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. H... et autres.
Sur la légalité des arrêtés du 19 septembre 2016 et du 10 mars 2017 :
En ce qui concerne les dossiers de demande de permis :
3. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le dossier de demande de permis comporte l'attestation de la prise en compte de la règlementation thermique ainsi que d'une étude de faisabilité exigibles en vertu du i) de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme et de l'article R. 111-20-1 du code de la construction et de l'habitation. Contrairement à ce qu'allèguent les requérants, la maison d'assistants maternels est incluse dans cette étude et n'avait pas à faire l'objet d'une étude propre.
5. En deuxième lieu, les requérants soutiennent que les permis en litige ne comportent aucune information sur les caractéristiques d'un cabanon à démolir, situé dans l'emprise du projet, ni de permis de démolir cette construction. Toutefois, les requérants ne démontrent pas que le règlement du plan d'occupation des sols (POS) impose la délivrance d'un permis de démolir sur la zone d'implantation du projet. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier qu'est mentionnée dans les pièces versées à l'appui de la demande de permis la présence de ce cabanon ainsi que sa démolition, ces mentions étant complétées de photographies du site à l'état existant. En tout état de cause, le dossier a été complété sur ce point par un permis de démolir accordé à la SEMCODA par le maire de Bluffy le 30 avril 2019 et communiqué à l'instance.
6. En troisième lieu, les requérants soutiennent que le dossier de demande méconnaît l'article R. 431-23-2 du code de l'urbanisme lequel prévoit que " Lorsque les travaux projetés font l'objet d'une convention de projet urbain partenarial (...), la demande est accompagnée d'un extrait de la convention (...). ". Il ressort des pièces du dossier que la convention de projet urbain partenarial établie le 9 septembre 2016 a été annexée au permis de construire délivré le 19 septembre 2016. Ainsi, la circonstance que cette convention n'aurait pas été annexée à la demande de permis de construire n'a eu aucune conséquence sur l'information des services instructeurs et n'a pas été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur le projet.
7. En quatrième lieu, les requérants font valoir que le dossier de permis de construire modificatif ne comporterait aucune précision sur les modifications qu'il porte au projet, ni de plans comparatifs. Il ressort des pièces du dossier que le permis de construire modificatif corrige les erreurs que comportait le permis initial sur les références cadastrales, modifie en conséquence et à la marge la surface des terrains d'assiette, modifie le nombre de places de stationnement, précise la répartition des logements aidés par type de financement et prévoit l'arasement des enrochements au niveau du sol naturel avant travaux. La mention, même succincte, de ces modifications dans le dossier de demande, laquelle était au demeurant accompagnée de plans de masse actualisés et de plans de coupe, ont permis aux services instructeurs de porter une appréciation en toute connaissance de cause sur les modifications apportées.
En ce qui concerne l'exception d'illégalité du plan d'occupation des sols :
8. Pour exciper de l'illégalité de la délibération du 13 avril 2010, les requérants soutiennent que la nature des modifications du POS envisagées par cette délibération, en particulier l'augmentation des possibilités de construire dans le secteur du Pré Guéret, imposait de recourir à la procédure de révision de ce document.
9. Il ressort des pièces du dossier que la modification contestée a essentiellement pour objet de classer en zones NAb2 et NAc le secteur dénommé Pré Guémet situé en amont du chef-lieu, représentant une surface de 1,74 hectares et antérieurement placé, pour l'essentiel, en zone 1 NA. Cette modification vise à permettre l'ouverture à l'urbanisation du secteur en vue de la diversification du parc de logements et du renforcement du chef-lieu en créant, sur la partie basse classée en zone NAb2, trente à trente-cinq logements en locatif aidé et libre sous forme de petits collectifs et, sur la partie haute classée zone Nac, des habitats individuels. A cette fin, le règlement porte à 0,35 le coefficient d'occupation des sols et autorise l'implantation en limite des voies privées ouvertes à la circulation publique. Alors même que, comme le font valoir les requérants, la commune de Bluffy est une commune peu peuplée située en surplomb du lac d'Annecy ainsi qu'en zone de montagne et que le secteur en cause est encore à l'état naturel, cette modification du règlement du POS, portant sur un espace d'environ 1,7 hectares et qui répond à la nécessité identifiée par les auteurs du PLU d'identifier un secteur stratégique afin de densifier le chef-lieu de la commune et d'y implanter un habitat diversifié de moyenne et faible densité composé notamment de logements sociaux et d'équipements publics afférents à cette urbanisation plus dense, ne porte pas atteinte au projet d'aménagement et de développement durable du POS de Bluffy ni ne réduit un espace boisé classé, une zone agricole ou une zone naturelle et forestière, ou une protection édictée en raison des risques de nuisance, de la qualité des sites, des paysages ou des milieux naturels. Dans ces conditions le moyen cité au point 8 doit être écarté.
En ce qui concerne la compatibilité avec le schéma de cohérence territoriale :
10. D'une part, les requérants soutiennent que l'urbanisation induite par la délibération du 13 avril 2010 et par les permis en litige ne serait pas compatible avec les objectifs du document d'orientation du schéma de cohérence territoriale (SCOT) de la communauté de communes du bassin annécien approuvé le 26 février 2014 limitant à 14 hectares la consommation foncière de l'ensemble des communes de la communauté de communes de la Tourette dont fait partie Bluffy et à vingt logements par hectare la densité moyenne des constructions pour les nouvelles opérations dans les communes relevant de la catégorie D, telle Bluffy. Toutefois, un tel moyen est inopérant dès lors que la modification n° 2 du POS a été adoptée plus de quatre années avant l'entrée en vigueur du SCOT du bassin annécien.
11. D'autre part, alors, au demeurant, qu'en vertu des dispositions combinées des articles L. 122-1-15 et R. 122-5 du code de l'urbanisme, codifiées à compter du 1er janvier 2016 aux articles L. 142-1 et R. 142-1 du même code, l'opération projetée portant sur une surface de plancher de moins de 5 000 mètres carrés, cette compatibilité n'est pas exigée, le moyen tiré de ce que le projet autorisé par les permis de construire en litige ne serait pas compatible avec le SCOT de la communauté de communes du bassin annécien n'est pas fondé et doit être écarté.
En ce qui concerne la conformité au POS :
12. En premier lieu, le caractère de la zone est défini par le règlement du plan d'occupation des sols comme une : " Zone naturelle à vocation de développement de l'habitat diversifié de moyenne densité, mais qui reste aujourd'hui insuffisamment équipée. Cette zone pourra toutefois être ouverte à l'urbanisation : - dans la mesure où les équipements publics nécessaires à la desserte des constructions seront réalisés : - dans le respect de règles particulières définies ci-dessous (ainsi qu'au document graphique), notamment quant aux conditions de leur ouverture à l'urbanisation, et qui sont précisées à l'article 1-2 du présent règlement ". Aux termes de l'article NAb2-1 du règlement : " 1 - sont admises sous réserve des conditions fixées au paragraphe 2 : Toutes les occupations et utilisations du sol relevant des fonctions urbaines résidentielles, notamment : - l'habitation, - les bureaux et services intégrés à la construction principale à usage d'habitation, - les équipements publics, - les ouvrages techniques nécessaires au fonctionnement des services publics, - les annexes fonctionnelles des constructions énumérées ci-dessus (...) 2.Conditions : Pour être admis, tout projet doit respecter les conditions ci-après : Il doit garantir que les équipements d'infrastructure et de superstructure nécessaires seront opérationnels lors de la mise en service des constructions ; Il doit faire l'objet d'une " opération d'aménagement " au sens du code de l'urbanisme et porter sur une tranche fonctionnelle. Il n'est pas fixé de surface minimum pour la tranche fonctionnelle. Toutefois, sa superficie, sa localisation, sa configuration, son aménagement et sa desserte par les réseaux divers projetés doivent permettre à l'autorité compétente en matière de délivrance d'autorisation d'urbanisme d'évaluer si l'opération envisagée est de nature à ne pas compromettre la poursuite du développement et de l'aménagement cohérents du solde de la zone considérée (...) ".
13. D'une part, ainsi qu'il a été rappelé au point 8 du présent arrêt, il est constant que les permis de construire en litige ont été délivrés en cohérence avec une convention de projet urbain partenarial établie le 9 septembre 2016, laquelle prévoyait la réalisation de travaux d'équipements, notamment la création de cheminements piétons sur la voie communale de desserte du projet ainsi que l'extension des réseaux d'électricité, au plus tard lors de l'achèvement des travaux de construction. Alors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que ces travaux ne seront pas réalisés, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le projet méconnaît les dispositions précitées au point 12 et relatives à la zone NAb2.
14. D'autre part, et contrairement à ce que soutiennent les requérants, la construction d'une maison des assistants maternels, laquelle relève des fonctions urbaines résidentielles énumérées au point 12 a pu être autorisée par le maire de Bluffy sans que ce dernier n'entache les permis litigieux d'erreur d'appréciation. Par ailleurs, la circonstance que le rapport de présentation de la modification n° 2 du POS de Bluffy ait prévu, dans le cadre de la réflexion globale pour l'aménagement de la zone la construction d'une micro crèche, est sans conséquence sur la légalité des permis ainsi délivrés, qui ne doivent être conformes qu'au règlement de zone.
15. En deuxième lieu, aux termes de l'article NAb2- 3 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Bluffy relatif à l'accès et à la voirie : " " Les occupations et utilisations du sol peuvent être refusées sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à l'importance ou à la destination de l'immeuble ou de l'ensemble d'immeubles envisagé, et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie et des engins de déneigement. / Elles peuvent être également refusées si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques, ou pour celle des personnes utilisant ces accès. Cette sécurité doit être appréciée compte tenu, notamment, de la position des accès, de leur configuration, ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic. / Les voies doivent avoir des caractéristiques adaptées à l'approche des véhicules de lutte contre l'incendie (...). Les voies nouvelles se terminant en impasse doivent être aménagées dans leur partie terminale de façon que les véhicules puissent aisément faire demi-tour. Toute voie privée nouvelle ouverte à la circulation publique automobile doit être réalisée avec une plateforme d'au moins cinq mètres de largeur. (...) ". Les voies auxquelles s'appliquent les dispositions de l'article NAb2- 3 sont les voies d'accès au terrain d'assiette des constructions et non les voies de desserte interne des bâtiments du projet. Ainsi, les requérants ne peuvent utilement soutenir que la voie interne du projet desservant les bâtiments C et D présente un caractère de dangerosité pour ses usagers faute de respecter les préconisations précitées.
16. En troisième lieu, il ressort du plan de masse du permis de construire modificatif que la voie de desserte des bâtiments C et D, qui présente une largeur de cinq mètres et qui est dotée d'une aire de retournement des véhicules d'incendie et de secours à son extrémité permet le passage et la manoeuvre de retournement des véhicules d'incendie et de secours. Par ailleurs, la circulation des piétons est sécurisée par un cheminement d'une largeur d'un mètre quarante qui dessert ces deux bâtiments. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme doit dès lors être écarté.
17. En quatrième lieu, il ressort du plan de masse intitulé " VRD " joint à la demande de permis de construire modificatif que le projet est raccordé au réseau d'eau potable. En délivrant les permis en litige, le maire n'a ainsi pas entaché ses décisions d'une erreur d'appréciation pour l'application de l'article NAb2 -4, lequel prévoit que " toute construction à usage d'habitation ou qui requiert une alimentation en eau potable, doit être raccordée au réseau public de distribution d'eau potable (...) ". En outre, il ressort des pièces du dossier que le réseau d'alimentation en eau potable a été renforcé par la construction du réservoir du Bréchet ainsi qu'une liaison intercommunale entre le nouveau réservoir d'eau potable de la commune de Bluffy et le réservoir de la commune d'Alex en 2014. Dans ces conditions, et alors même que le rapport de présentation du POS, tel que modifié par la délibération du 13 avril 2010, faisait état de la nécessité de renforcer les réseaux sur la zone avant toute ouverture à l'urbanisation, les requérants n'établissent pas que la desserte existante au moment de la délivrance des permis en litige soit insuffisante au regard de l'opération projetée ou qu'un avis du gestionnaire du réseau d'eau potable sur la desserte du projet eût été nécessaire.
18. En cinquième lieu, l'article NAb2-7 impose une distance au moins égale à la moitié de la différence d'altitude entre la construction et le point de la limite séparative le plus rapproché sans pouvoir être inférieure à trois mètres. Les requérants soutiennent que les enrochements prévus en amont des bâtiments A, C et D ne respectent pas cette distance. Il ressort toutefois du plan de masse et des plans versés à l'appui de la demande du permis de construire modificatif que ces enrochements ne dépassent pas le niveau du terrain naturel et ne relèvent ainsi pas du champ d'application de cette disposition. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article NAb2-7 doit par suite être écarté.
19. En sixième lieu, aux termes de l'article NAb2 -11 du règlement du POS qui renvoie à l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme et qui contient des exigences qui ne sont pas moindres : " 11.1-Implantation et volume : L'implantation, le volume et les proportions des constructions dans tous leurs éléments doivent être déterminés en tenant en compte de l'environnement et en s'y intégrant le mieux possible, en particulier par leur adaptation au terrain et par leurs aménagements extérieurs ".
20. Les requérants font valoir que la densification induite par le projet nécessite des terrassements importants et des enrochements qui rendent difficile l'intégration du projet dans l'environnement. Il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit une surface de plancher totale de 2446 m² sur un terrain de 7500 m² et la construction de trente-deux appartements et une maison d'assistants maternels, répartis sur quatre bâtiments. Le projet, qui comporte quinze logements locatifs sociaux, s'implante en zone NAb2 à proximité du coeur du hameau de Bluffy et dans un secteur qui, s'il est environné de constructions pavillonnaires, a vocation à être densifié et diversifié quant au type d'habitat présent dans la zone. En outre, il ressort des plans fournis à l'appui de la demande de permis que le projet s'implante sur un terrain pentu en surplomb de la voie communale de desserte et nécessite, de ce fait, des terrassements, lesquels ne sont pas interdits par le règlement du POS. Dans ces conditions, et alors même que le projet prend place au sein d'un espace encore à dominante naturelle, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'il ne s'insèrerait pas dans son environnement du fait des terrassements importants qu'il induit et méconnaîtrait les dispositions précitées au point précédent.
21. En septième lieu, l'article NAb2 -12 du règlement du POS prévoit en matière de stationnement : " pour les constructions à usage d'habitation financées par un prêt de l'Etat: 1 place par logement ; pour les autres constructions à usage d'habitation : 2 places de stationnement par logement, dont une couverte et dont 50% des places extérieures seront destinées aux visiteurs ; pour toutes autres constructions : l'importance de l'aménagement des places de stationnement nécessaires aux constructions ou aux équipements sera définie dans chaque cas particulier, en tenant compte de la capacité totale de la construction ou de l'équipement ".
22. Le projet comporte quinze logements aidés nécessitant la réalisation de quinze places de stationnement et dix-sept autres logements pour lesquels doivent être réalisés trente-quatre places dont dix-sept places couvertes. Le projet, tel que rectifié par le permis modificatif comprend soixante-six places dont trente-huit places couvertes. Il reste ainsi dix-sept places dédiées aux visiteurs dont onze places en extérieur propres à assurer le besoin en stationnement de la maison des assistantes maternelles, autorisée comme établissement recevant du public pour un effectif public de neuf personnes, auxquelles s'ajoutent les trois personnes y travaillant. Dès lors, le maire n'a pas entaché les permis de construire litigieux d'une erreur d'appréciation quant à l'application de l'article NAb2-12.
23. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de leur demande, que M. H... et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés du 19 septembre 2016 et 10 mars 2017 par lesquels le maire de Bluffy a accordé à la SEMCODA un permis de construire et un permis de construire modificatif.
Sur les frais liés au litige :
24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que demandent M. H..., M. E... et de la société civile immobilière de l'Est au titre des frais qu'ils ont exposés soit mise à la charge la commune de Bluffy et de la SEMCODA, qui ne sont pas parties perdantes. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. H... et autres, le versement d'une somme de 700 euros chacun à verser à la commune de Bluffy d'une part et à la SEMCODA d'autre part, au titre des frais qu'elles ont exposés.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 2 mai 2018 est annulé.
Article 2 : La demande de M. H..., de M. E... et de la société civile immobilière de l'Est tendant à l'annulation des arrêtés du maire de Bluffy des 19 septembre 2016 et 10 mars 2017 est rejetée.
Article 3 : M. H..., M. E... et la société civile immobilière de l'Est verseront chacun la somme de 700 euros à la commune de Bluffy d'une part, et la SEMCODA d'autre part, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... H..., premier requérant désigné, à la SEMCODA ainsi qu'à la commune de Bluffy.
Délibéré après l'audience du 20 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Josserand-Jaillet, président de chambre ;
M. Thierry Besse, président-assesseur ;
Mme G... F..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2020.
N° 18LY02428
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