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19/11/2020 | FRANCE | N°20LY01260

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 19 novembre 2020, 20LY01260


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du préfet du Rhône du 5 septembre 2019 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement, d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence de dix ans ou un certificat de résidence temporaire portant la mention " vie privée et familia

le ", à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du préfet du Rhône du 5 septembre 2019 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement, d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence de dix ans ou un certificat de résidence temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1907421 du 17 mars 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 avril 2020, Mme B..., représentée par la SELARL BS2A Bescou et D... avocats associés, agissant par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1907421 du 17 mars 2020 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté susmentionné du préfet du Rhône du 5 septembre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence de dix ans ou un certificat de résidence temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant du refus de titre de séjour :

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- le refus de titre de séjour qui lui a été opposé en qualité de conjoint de retraité repose sur des motifs de droit erronés dès lors que son époux est titulaire d'un certificat de résidence portant la mention " retraité " et qu'elle a résidé régulièrement en France avec lui ; son époux ayant été titulaire d'un certificat de résidence de 1979 à 1989, elle a été mise en possession d'un certificat de résidence d'une même durée de validité en application de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; les stipulations de l'article 7 ter de l'accord franco-algérien ont ainsi été méconnues ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ont été méconnues ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations du 11° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit de mémoire.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 juillet 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante algérienne née le 31 mars 1961, est entrée en France 9 octobre 2016, sous couvert d'un visa de court séjour. Elle a sollicité, par une demande enregistrée le 16 août 2018, complétée le 24 juillet 2019, la délivrance, à titre principal, d'un certificat de résidence temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 5) et du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et, à titre subsidiaire, un certificat de résidence d'une durée de dix ans, portant la mention " conjoint de retraité ", sur le fondement de l'article 7 ter de cet accord. Le 5 septembre 2019, le préfet du Rhône lui a opposé un refus, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la reconduite. Mme B... fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces des dossiers de première instance et d'appel que le préfet ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation personnelle de Mme B....

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Mme B... fait valoir que ses enfants, dont deux sont de nationalité française, vivent en France et que l'un de ses fils la prend en charge, avec son époux, lequel est titulaire d'un certificat de résidence portant la mention " retraité " et perçoit une pension de retraite. Toutefois, le titulaire d'un certificat de résidence algérien portant la mention " retraité " ne dispose pas d'un droit au séjour permanent en France, mais seulement de la liberté d'aller et venir entre le pays dont il a la nationalité, où il doit établir sa résidence permanente, et le territoire français. L'époux de Mme B... a ainsi vocation à demeurer en Algérie. Il ressort des pièces du dossier qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où l'un de ses fils, sa mère et les cinq membres de sa fratrie résident et où elle a elle-même vécu pour l'essentiel avant d'entrer pour la dernière fois sur le territoire français en 2016, à l'âge de cinquante-cinq ans. Dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions du séjour de Mme B... en France, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Elle n'a, par suite, méconnu ni les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lesquelles au demeurant ne garantissent pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie familiale.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 7 ter de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le ressortissant algérien qui, après avoir résidé en France sous couvert d'un certificat de résidence valable dix ans, a établi ou établit sa résidence hors de France et qui est titulaire d'une pension contributive de vieillesse, de droit propre ou de droit dérivé, liquidée au titre d'un régime de base français de sécurité sociale, bénéficie, à sa demande, d'un certificat de résidence valable dix ans portant la mention " retraité ". Ce certificat lui permet d'entrer à tout moment sur le territoire français pour y effectuer des séjours n'excédant pas un an. Il est renouvelé de plein droit. Il ne donne pas droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Le conjoint du titulaire d'un certificat de résidence portant la mention " retraité ", ayant résidé régulièrement en France avec lui, bénéficie d'un certificat de résidence conférant les mêmes droits et portant la mention " conjoint de retraité ". Le certificat de résidence portant la mention " retraité " est assimilé à la carte de séjour portant la mention " retraité " pour l'application de la législation française en vigueur tant en matière d'entrée et de séjour qu'en matière sociale ".

6. Il ressort des pièces du dossier que, par une demande complémentaire formée le 24 juillet 2019, Mme B... a sollicité, à titre subsidiaire, la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " conjoint de retraité ", que le préfet du Rhône a rejeté au motif que l'intéressée ne justifiait pas avoir déjà vécu régulièrement en France avec son époux.

7. Si Mme B... fait valoir qu'elle est entrée en France le 19 juin 1982 où elle a alors résidé jusqu'en 1985 sous couvert d'un certificat de résidence aux côtés de son époux, elle n'établit pas, en produisant un document-type délivré aux étrangers titulaires d'un titre de séjour et dépourvu de date, avoir été mise en possession, lors de ce séjour en France, d'un certificat de résidence ainsi qu'elle l'allègue, mais justifie seulement d'une décision l'autorisant " à prolonger, à titre provisoire, son séjour en France jusqu'au 3 août 1985, date à laquelle elle devra avoir quitté le territoire français ". Cette autorisation provisoire de séjour, délivrée au bénéficiaire d'une aide publique à la réinsertion dans le pays d'origine, ne saurait être regardée comme étant de nature à justifier d'une résidence régulière au sens des stipulations de l'article 7 ter de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Si Mme B... se prévaut des stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien dans sa version applicable à cette période, selon lesquelles les conjoints étaient " mis en possession d'un certificat de résidence de même validité que celui dont le chef de famille est titulaire ", elle ne justifie pas, en se bornant à l'alléguer, que son époux séjournait alors en France sous couvert d'un certificat de résidence d'une durée de dix ans délivré au cours de l'année 1979. Au surplus, la délivrance au conjoint du certificat de résidence prévue à l'article 4 de l'accord franco-algérien alors applicable était subordonnée " à la production d'une attestation de logement délivrée par les autorités françaises et d'un certificat médical établi soit par le mission médicale française auprès de l'office national algérien de la main d'oeuvre, soit, en France, par des médecins agréés par l'office national d'immigration " dont Mme B... n'a pas justifié, ni même allégué, de l'existence. Enfin, la circonstance que Mme B... soit entrée sur le territoire français sous couvert d'un visa de court séjour puis a été mise en possession d'un récépissé de demande de titre de séjour ne permet pas d'établir sa résidence régulière sur le territoire français. Dans ces conditions, Mme B..., ne peut être regardée comme ayant résidé régulièrement en France avec son époux. Par suite, contrairement à ce qu'elle soutient, la requérante n'était pas en droit de prétendre à la délivrance du certificat de résidence portant la mention " conjoint de retraité ".

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, il résulte de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de ce refus à l'encontre de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; 11° Le ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ainsi que les membres de sa famille, qui bénéficient du droit au séjour permanent prévu par l'article L. 122-1 ".

10. Mme B... n'est pas au nombre des étrangers mentionnés au 11° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle n'est par suite pas fondée à se prévaloir des dispositions du 11° de cet article. En outre, à supposer qu'en mentionnant son état de santé elle ait entendu se prévaloir des dispositions du 10° de cet article, et non de celles du 11° comme elle l'indique, elle n'apporte, en appel, aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le tribunal administratif de Lyon. Il y a lieu, par suite, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

11. En troisième lieu, en l'absence de toute argumentation supplémentaire, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés au point 4, le moyen tiré de la méconnaissance, par l'obligation de quitter le territoire français, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté.

Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :

12. Il résulte de l'examen de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette mesure d'éloignement à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi. Cette dernière décision n'ayant été prise ni en application ni sur le fondement de la décision de refus de titre de séjour, Mme B... ne saurait utilement exciper de l'illégalité de ce refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... épouse B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 novembre 2020.

2

N° 20LY01260


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01260
Date de la décision : 19/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-11-19;20ly01260 ?
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