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17/11/2020 | FRANCE | N°18LY03887

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 17 novembre 2020, 18LY03887


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Dijon :

1°) d'annuler les décisions du 25 juillet 2017 du président du conseil départemental de la Côte-d'Or mettant fin à sa période de stage et prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle ;

2°) d'ordonner au président du conseil départemental de la Côte-d'Or de le réintégrer au poste d'adjoint technique dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de

procéder à la reconstitution de sa carrière ;

3°) de mettre à la charge du département de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Dijon :

1°) d'annuler les décisions du 25 juillet 2017 du président du conseil départemental de la Côte-d'Or mettant fin à sa période de stage et prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle ;

2°) d'ordonner au président du conseil départemental de la Côte-d'Or de le réintégrer au poste d'adjoint technique dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de procéder à la reconstitution de sa carrière ;

3°) de mettre à la charge du département de la Côte-d'Or une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1702313 du 25 septembre 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 22 octobre 2018 et un mémoire enregistré le 15 juillet 2019, M. E..., représenté par Me G... et associés), avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 25 septembre 2018 ;

2°) d'annuler les décisions du 25 juillet 2017 prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle et mettant fin à son stage à compter du 31 juillet 2017 ;

3°) d'ordonner au département de la Côte-d'Or de le réintégrer au poste d'adjoint technique dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de procéder à la reconstitution de sa carrière ;

4°) de mettre à la charge du département de la Côte-d'Or une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé quant au respect du principe du contradictoire ;

- les décisions litigieuses ont été adoptées au terme d'une procédure irrégulière, le principe du contradictoire n'ayant pas été respecté ;

- les décisions litigieuses ont été adoptées au terme d'une procédure irrégulière, dès lors qu'il n'a pas été mis à même de prendre connaissance de son dossier administratif dans un délai suffisant et que ce dossier n'était pas complet ;

- les décisions litigieuses n'ont pas été précédées d'un préavis suffisant, en méconnaissance de l'article 40 du décret du 15 février 1988 ;

- les décisions litigieuses sont entachées d'une erreur de droit, en se méprenant sur sa qualité de fonctionnaire stagiaire ;

- les décisions litigieuses sont entachées d'erreurs de fait et d'appréciation, quant aux faits invoqués pour justifier son licenciement.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 5 juillet 2019 et le 26 juillet 2019, le département de la Côte-d'Or, représenté par Me Geslain (SCP du Parc), avocat, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. E... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 23 avril 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 mai 2020.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le décret n° 92-1194 du 4 novembre 1992 ;

- le décret n° 2007-913 du 15 mai 2007 ;

- le décret n° 2016-1372 du 12 octobre 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... F..., première conseillère,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Dandon, avocat, représentant le département de la Côte-d'Or ;

Considérant ce qui suit :

1. M. E... a été recruté en qualité d'adjoint technique de 2ème classe des établissements d'enseignement stagiaire à compter du 25 août 2016 par le département de la Côte-d'Or. Avant le terme de sa période probatoire, le président du conseil départemental de la Côte-d'Or a décidé de mettre fin à sa période de stage et de le licencier pour insuffisance professionnelle, par décisions du 25 juillet 2017. M. E... relève appel du jugement du 25 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions, à sa réintégration au sein des effectifs du département de la Côte-d'Or et à la reconstitution de sa carrière.

Sur la régularité du jugement :

2. Il résulte des paragraphes 3 et 4 du jugement attaqué qu'après avoir relevé que M. E... avait été informé, le 19 juin 2017, qu'il était envisagé de ne pas prononcer sa titularisation, que son dossier devait être présenté en commission administrative paritaire le 26 juin 2017 et qu'il était en droit d'en obtenir la communication et pouvait se faire assister par le défendeur ou conseil de son choix, les premiers juges ont estimé que l'intéressé avait été " mis en mesure de prendre connaissance de son dossier en vue d'exercer ses droits de la défense ". Ce faisant, et alors même que la requête de première instance le présentait comme un moyen distinct de celui tiré du défaut de consultation préalable du dossier administratif, sans toutefois l'assortir d'un fondement juridique spécifique, ils ont notamment répondu au moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire. Par ailleurs, n'étant pas tenus de répondre au détail de l'argumentation du requérant, notamment à la circonstance, au demeurant inopérante, qu'aucun entretien n'avait été préalablement consacré à son licenciement, ils ont suffisamment motivé leur jugement à cet égard. Par suite, le jugement attaqué est, contrairement à ce qui est soutenu, suffisamment motivé.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article 5 du décret du 4 novembre 1992 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires stagiaires de la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire territorial stagiaire peut être licencié pour insuffisance professionnelle lorsqu'il est en stage depuis un temps au moins égal à la moitié de la durée normale du stage. Le licenciement est prononcé après avis de la commission administrative paritaire compétente pour le cadre d'emplois dans lequel l'intéressé a vocation à être titularisé (...) ". En application de l'article 9 du décret du 15 mai 2007 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux des établissements d'enseignement, les candidats recrutés au grade d'adjoint technique territorial de 2ème classe des établissements d'enseignement, depuis remplacé par le grade d'adjoint technique territorial des établissements d'enseignement, sont nommés stagiaires par l'autorité territoriale investie du pouvoir de nomination pour une durée d'un an. L'article 3 de ce même décret précise que : " Les adjoints techniques territoriaux des établissements d'enseignement appartiennent à la communauté éducative. Ils sont chargés des tâches nécessaires au fonctionnement des services matériels des établissements d'enseignement, principalement dans les domaines de l'accueil, de l'entretien des espaces verts, de l'hébergement, de l'hygiène, de la maintenance mobilière et immobilière, de la restauration et des transports (...) ".

4. En premier lieu, la circonstance que les dispositions précitées donnent à l'administration le pouvoir de licencier pour insuffisance professionnelle un stagiaire, lorsqu'il est en service depuis un temps égal à la moitié de la durée normale de son stage, ne saurait dispenser l'administration de l'obligation de mettre l'intéressé à même de demander la communication de son dossier.

5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que, par courrier du 19 juin 2017, dont M. E... a eu connaissance au plus tard le 21 juin 2017, d'après un courrier électronique rédigé en réponse à cette date, de son droit à obtenir la communication de son dossier administratif. Les modalités exactes de consultation de celui-ci lui ont été communiquées le 10 juillet 2017, en réponse à son courrier électronique du 21 juin 2017. M. E... a ainsi bénéficié d'un délai suffisant pour exercer ce droit. S'il prétend ne pas avoir pu se mettre en relation avec les agents mentionnés dans le courrier du 10 juillet 2017, il n'apporte aucune pièce de nature à établir les démarches qu'il prétend avoir engagées à cette fin. En outre, il résulte des relevés d'absences produits en défense qu'une permanence était assurée en temps utiles par deux agents, M. E... ayant, au demeurant, admis, dans un courrier électronique du 1er septembre 2017, ne pas avoir tenté de contacter l'un d'eux. Enfin, aucune disposition applicable n'exigeait qu'un entretien soit préalablement organisé pour lui permettre de présenter ses observations. Par suite, M. E..., qui ne peut utilement se prévaloir de l'article 39-2 du décret du 15 février 1988 susvisé applicable aux seuls agents contractuels de la fonction publique territoriale, n'est fondé à soutenir ni qu'il n'aurait pas été mis à même de consulter son dossier préalablement au licenciement litigieux, ni que le principe du contradictoire aurait été méconnu.

6. En deuxième lieu, M. E... ayant ainsi été mis à même de prendre préalablement connaissance de son dossier administratif sans l'avoir effectivement consulté, la circonstance que ce dossier n'aurait pas été complet à la date des décisions en litige est sans incidence sur leur légalité.

7. En troisième lieu, comme indiqué au point 5 du présent arrêt, M. E..., qui n'avait plus le statut de contractuel à la date des décisions en litige, ne peut utilement se prévaloir du décret du 15 février 1988 susvisé, et notamment de son article 40 relatif au préavis applicable préalablement au licenciement des agents recrutés par contrat à durée indéterminée. Par suite, le moyen tiré du défaut de préavis préalablement au licenciement en litige est inopérant et ne peut qu'être écarté.

8. En quatrième lieu, contrairement à ce que prétend M. E..., l'arrêté dit " de reclassement " du président du conseil départemental de la Côte-d'Or du 20 juin 2017, qui est intervenu avant le terme de sa période probatoire et a seulement eu pour objet de tenir compte de la substitution du grade d'" adjoint technique territorial des établissements d'enseignement " à celui d'" adjoint technique territorial de 2ème classe des établissements d'enseignement " résultant du décret du 12 octobre 2016 susvisé, n'a pas eu pour effet de le titulariser. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit dont seraient entachées les décisions en litige quant à sa qualité de stagiaire doit être écarté.

9. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. E... a, au cours de sa période probatoire, été évalué à trois reprises. Il résulte des comptes-rendus de ces évaluations que des difficultés relationnelles avec certains collègues sont rapidement apparues, aboutissant à une violente altercation survenue le 27 mars 2017. Si M. E... soutient ne pas avoir été à l'origine de cette altercation, il n'apporte aucune pièce à l'appui de ses affirmations. Le seul témoignage versé au dossier fait au contraire état, dans une attestation datée du 5 juin 2017, de la violence de son comportement. Celui-ci avait déjà justifié que soit instaurée, pour l'organisation de son travail, une obligation de s'en référer quotidiennement à un responsable, lequel a constaté, dans un rapport établi le 13 avril 2017, des problèmes relationnels dès la fin du mois de septembre 2016, ainsi que des difficultés à canaliser son agressivité et un manque de maturité professionnelle. Par ailleurs, M. E... ne conteste pas qu'ainsi que le mentionnent les décisions en litige, il a, le 2 mai 2017, contesté les consignes de travail qui lui étaient données par son responsable avant de quitter son poste sans prévenir. Enfin, et comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, M. E... n'établit pas que les tâches qui lui étaient confiées étaient étrangères à celles relevant de son grade. Dans ces circonstances, et eu égard à la violence de son comportement et aux difficultés d'organisation du service en résultant, le président du conseil départemental a pu, sans erreur de fait ni erreur d'appréciation, considérer que M. E... ne possédait pas les aptitudes professionnelles et comportementales requises pour être titularisé dans le grade d'adjoint technique territorial des établissements d'enseignement et décider, pour ce motif, la fin anticipée de sa période probatoire et son licenciement pour insuffisance professionnelle.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins de réintégration et de reconstitution de carrière :

11. La présente décision rejetant les conclusions à fin d'annulation de M. E... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions aux fins de réintégration et de reconstitution de carrière doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de la Côte-d'Or, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. E.... Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier une somme de 800 euros à verser au département de la Côte-d'Or en application de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : M. E... versera au département de la Côte-d'Or une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et au département de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme D... B..., présidente de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme C... F..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 17 novembre 2020.

2

N° 18LY03887


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY03887
Date de la décision : 17/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-03-04-007 Fonctionnaires et agents publics. Entrée en service. Stage. Licenciement en cours de stage.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : MVA MENDEL - VOGUE ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-11-17;18ly03887 ?
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