La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/11/2020 | FRANCE | N°18LY03493

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 17 novembre 2020, 18LY03493


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler la décision du 22 décembre 2015 par laquelle le maire de Saint-Etienne a résilié à compter du 1er avril 2016 la mise à disposition dont il faisait l'objet par convention conclue entre la commune de Saint-Etienne et la Caisse des Dépôts ;

2°) de condamner la commune de Saint-Etienne à lui verser la somme de 50 000 euros outre intérêts au taux légal, capitalisés, en réparation des préjudices nés de cette décision

.

Par un jugement n° 1601087 du 20 juillet 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler la décision du 22 décembre 2015 par laquelle le maire de Saint-Etienne a résilié à compter du 1er avril 2016 la mise à disposition dont il faisait l'objet par convention conclue entre la commune de Saint-Etienne et la Caisse des Dépôts ;

2°) de condamner la commune de Saint-Etienne à lui verser la somme de 50 000 euros outre intérêts au taux légal, capitalisés, en réparation des préjudices nés de cette décision.

Par un jugement n° 1601087 du 20 juillet 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du maire de Saint-Etienne du 22 décembre 2015 et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 septembre 2018 et 15 avril 2019, M. B... F..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 20 juillet 2018 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ;

2°) de condamner la commune de Saint-Etienne à lui verser la somme de 50 000 euros avec intérêts au taux légal, capitalisés, en réparation des préjudices nés de cette décision ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Etienne une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et aux dépens.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a ignoré les faits de harcèlement et de discrimination en les qualifiant de difficultés relationnelles et en lui reprochant de ne pas les avoir contestés ;

- les reproches formulés par la commune de Saint-Etienne sont discriminatoires car fondés sur son handicap et la décision n'est justifiée par aucune considération tirée de l'intérêt du service ;

- il a droit à l'indemnisation de son préjudice moral et de celui lié aux troubles dans ses conditions d'existence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 février 2020, la commune de Saint-Etienne représentée par Me C... :

1°) conclut au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, conteste l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lyon du 20 juillet 2018 ;

3°) demande à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. F... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le tribunal administratif de Lyon était incompétent ;

- le maire de la commune de Saint-Etienne disposait de la compétence pour mettre fin à la mise à dispositions de M. F... ;

- les sommes réclamées par M. F... ne sont pas établies ;

- les autres moyens présentés par le requérant ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 20 mai 2020, M. F... conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures et au rejet de l'appel incident de la commune de Saint-Etienne.

Il soutient que :

- les conclusions d'appel incident devront être rejetées ;

- il n'est pas établi que le conseil municipal aurait pris la même décision.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 2008-580 du 18 juin 2008 relatif au régime de la mise à disposition applicable aux collectivités territoriales et aux établissements publics administratifs locaux ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Fédi, président-assesseur,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant la commune de Saint-Etienne ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... F..., agent contractuel de droit privé de la Caisse des Dépôts et Consignations, a été mis à disposition de la commune de Saint-Etienne à compter du 10 décembre 2014 pour une durée de trois ans, pour exercer les fonctions de délégué général de l'association de préfiguration du pôle gérontologique et de l'autonomie, par convention du 18 août 2015. Par décision du 22 décembre 2015, le maire de Saint-Etienne a mis fin par anticipation à cette mise à disposition à compter du 1er avril 2016. Par jugement du 20 juillet 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 22 décembre 2018. M. F... relève appel de l'article 3 du jugement en tant qu'il a rejeté la demande d'indemnisation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence. Par des conclusions d'appel incident, la commune de Saint-Etienne demande l'annulation de l'article 1er du jugement en tant qu'il a annulé la décision du 22 décembre 2015 et conclut au rejet de la requête de M. F....

Sur la compétence de la juridiction administrative :

2. Aux termes de l'article 61-2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les collectivités territoriales et leurs établissements publics administratifs peuvent, lorsque des fonctions exercées en leur sein nécessitent une qualification technique spécialisée, bénéficier de la mise à disposition de personnels de droit privé, dans les cas et conditions définis par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article 11 du décret n° 2008-580 du 18 juin 2008 relatif au régime de la mise à disposition applicable aux collectivités territoriales et aux établissements publics administratifs locaux : " I. -Les collectivités territoriales et les établissements publics mentionnés à l'article 2 de la loi du 26 janvier 1984 peuvent, lorsque les besoins du service le justifient, bénéficier de la mise à disposition de personnels de droit privé pour la réalisation d'une mission ou d'un projet déterminé qui ne pourrait être mené à bien sans les qualifications techniques spécialisées détenues par un salarié de droit privé. La mise à disposition s'applique pour la durée du projet ou de la mission, sans pouvoir excéder quatre ans. II. -La mise à disposition prévue au I est subordonnée à la signature d'une convention de mise à disposition conforme aux dispositions de l'article 2 du présent décret, conclue entre l'administration d'accueil et l'employeur du salarié intéressé, qui doit recevoir l'accord de celui-ci (...). La mise à disposition régie par le présent article peut prendre fin à la demande d'une des parties selon les modalités définies dans la convention. (...).

3. Si l'article 1er de la convention de mise à disposition du 18 août 2015 précise : " La CDC propose à la ville une mise à disposition de personnel sans but lucratif conformément aux dispositions de l'article L.8241-2 du code du travail. ", toutefois, les personnels non statutaires travaillant pour le compte d'un service public à caractère administratif sont des agents contractuels de droit public quel que soit leur emploi. Par suite, il y a lieu de soumettre le présent litige à un régime de droit public, lequel a pour effet d'une part, de faire disparaître le lien contractuel de droit privé qui unit M. F... à la Caisse des Dépôts et Consignations, et d'autre part, de faire application des dispositions de l'article 61-2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale. En effet, l'article L. 8241-2 du code du travail ne peut trouver à s'appliquer que pour le prêt de main-d'oeuvre à but non lucratif conclu entre deux entreprises privées. En outre, s'agissant d'une convention conclue entre une commune et une autre personne morale, quel que soit son statut juridique, de droit public ou de droit privé, les dispositions de l'article L. 8241-2 du code du travail sont inapplicables. La circonstance que par jugement définitif le Conseil de prud'hommes de Saint-Etienne ait condamné la Caisse des Dépôts et Consignations à payer une somme de 80 000 euros de dommages et intérêts à M. F... pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, compte tenu notamment de sa situation juridique d'agent contractuel de droit privé, reste sans incidence sur la nature juridique de droit public de la convention en litige et sur la compétence de la juridiction administrative. Dans ces conditions, c'est à tort que la commune de Saint-Etienne fait valoir que le tribunal administratif de Lyon était incompétent pour statuer sur la requête de M. F....

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Aux termes de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales : " Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune (...) ". Aux termes de l'article L.2122-18 du même code : " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l'absence ou en cas d'empêchement des adjoints ou dès lors que ceux-ci sont tous titulaires d'une délégation, à des membres du conseil municipal. ". Il résulte de ces dispositions, combinées avec celles de l'article 11 du décret du 18 juin 2008, que seule l'assemblée délibérante, qui a approuvé la convention de mise à disposition, peut mettre un terme à cette mise à disposition, sauf dans l'hypothèse où cette même assemblée a délégué cette compétence à l'autorité territoriale, et ce même en l'absence de mention de cette procédure dans la convention de mise à disposition.

5. En l'espèce, dès lors que, par délibération du 8 juin 2015, le conseil municipal de Saint-Etienne a accepté la mise à disposition, à titre gracieux, de M. F..., pour une durée de trois ans, il n'appartenait qu'à cette même assemblée de mettre fin, avant terme, à cette mise à disposition. Par suite, c'est sans erreur de droit que le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 22 décembre 2015 par laquelle le maire de Saint-Etienne a résilié la mise à disposition de M. F... en jugeant que la décision a été prise par une autorité incompétente et devait être annulée.

6. Lorsqu'une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité d'une décision administrative entachée d'incompétence, il appartient au juge administratif de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si la même décision aurait pu légalement intervenir et aurait été prise, dans les circonstances de l'espèce, par l'autorité compétente. Dans le cas où il juge qu'une même décision aurait été prise par l'autorité compétente, le préjudice allégué ne peut alors être regardé comme la conséquence directe du vice d'incompétence qui entachait la décision administrative illégale.

7. L'article 2 de la convention de mise à disposition du 18 août 2015 prévoit que : " Chacune des parties pourra mettre fin à la mise à disposition de M. F... avant le terme de la présente convention en informant l'autre partie par lettre recommandée avec accusé de réception en respectant un préavis de trois mois ". En décidant, le 22 décembre 2015, que la mise à disposition pouvait prendre fin à compter du 1er avril 2016, en respectant le préavis de trois mois, prévu à l'article 2 de la convention, la commune de Saint-Etienne a fait une exacte application des dispositions de l'article 11 décret du 18 juin 2008.

8. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que la décision litigieuse, laquelle n'avait pas à être motivée en application des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, serait la conséquence d'une discrimination liée au handicap de M. F.... En outre l'appelant n'établit pas que la décision serait contraire à l'intérêt du service, dès lors qu'il est constant, d'une part, que M. F... a pleinement rempli les objectifs fixés dans la convention et, d'autre part, que ses qualités professionnelles ne sont pas sérieusement remises en cause par la collectivité territoriale. Dans ces conditions, les préjudices invoqués par M. F... sont dépourvus de tout lien avec l'illégalité censurée par le jugement du tribunal administratif de Lyon.

9. Il résulte de tout ce qui précède, que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a partiellement rejeté sa demande. Il y lieu également de rejeter les conclusions du recours incident présentée par la commune de Saint-Etienne.

Sur l'application des frais d'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Etienne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. F....

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. F... la somme de 1 000 euros à verser à la commune de Saint-Etienne, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident présentées par la commune de Saint-Etienne sont rejetées.

Article 3 : M. F... versera à la commune de Saint-Etienne une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F... et la commune de Saint-Etienne.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

Mme H... A..., présidente de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme G... I..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 17 novembre 2020.

2

N° 18LY03493


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-05-05 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Positions diverses.


Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Gilles FEDI
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SCP CROCHET - DIMIER

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Date de la décision : 17/11/2020
Date de l'import : 28/11/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18LY03493
Numéro NOR : CETATEXT000042542908 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-11-17;18ly03493 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award