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12/11/2020 | FRANCE | N°20LY01241

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 12 novembre 2020, 20LY01241


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2019 par lequel le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre sous astreinte au préfet de la Drôme, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai de trente jours, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois avec délivrance d'une autorisat

ion provisoire de séjour, et de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2019 par lequel le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre sous astreinte au préfet de la Drôme, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai de trente jours, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois avec délivrance d'une autorisation provisoire de séjour, et de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1907940 du 17 mars 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 avril 2020, Mme B... C..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1907940 du 17 mars 2020 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2019 par lequel le préfet de la Drôme a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français en fixant le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 20 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le même délai et sous la même astreinte, et de lui délivrer dans les 48 heures une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier car le tribunal administratif de Grenoble a omis de statuer sur le moyen tiré de vices de procédure affectant la consultation du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration, moyen qui n'était pas inopérant et qui n'a pas été visé dans le jugement ;

- l'arrêté contesté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle est entrée en France le 28 juillet 2016, à l'âge de quinze ans, pour vivre auprès de ses parents titulaires de cartes de résident, qu'elle souffre d'un lourd handicap nécessitant une prise en charge dont elle ne peut disposer en Algérie et qu'elle a de nombreux membres de sa famille en France ;

- cet arrêté méconnait également l'article 6-7 de l'accord franco-algérien dès lors que le système de santé algérien ne permet pas de bénéficier d'un traitement approprié pour la prise en charge des pathologies dont elle souffre, à savoir un poly handicap associant retard mental et épilepsie, nécessitant l'assistance de ses parents.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2020, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête :

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Gayrard, président assesseur.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 4 novembre 2019, le préfet de la Drôme a opposé un refus de délivrer un titre de séjour à Mme B... C... et l'a obligée à quitter le territoire français en fixant le pays de destination. Par un jugement du 17 mars 2020, dont Mme C... relève appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. En vertu du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est, sous réserve d'une menace pour l'ordre public, délivrée de plein droit à " l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ". Selon l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé, le collège de médecins remet un avis mentionnant notamment leur identité et signé par leurs soins.

3. A l'appui de sa demande, Mme C... soutenait notamment que la procédure suivie devant le collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration, était viciée par l'absence d'indications des noms et signatures des trois médecins le composant. Le tribunal administratif de Grenoble ne s'est pas prononcé sur ce moyen, qui n'a pas été mentionné dans les visas et qui n'était pas inopérant. Par suite, son jugement doit être annulé. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Grenoble.

Sur la légalité de l'arrêté du préfet de la Drôme du 4 novembre 2019 :

4. Par arrêté du 9 septembre 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Drôme a accordé une délégation de signature à M. Vieillecazes, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer toute décision relevant des services de la préfecture, comprenant notamment les décisions en matière d'entrée et de séjour des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué ne peut qu'être écarté.

5. Il ressort des pièces du dossier que l'avis du collège des médecins de l'OFII comporte le nom et la signature des trois médecins composant le collège du service médical chargé d'examiner la situation de la requérante. Cette dernière n'apporte aucun commencement de preuve à l'appui de ses allégations sur l'absence de délibération collégiale avant l'édiction de l'avis qui en porte mention. Enfin, il ressort des termes même de l'avis que le médecin chargé du rapport prévu à l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 n'a pas siégé dans le collège de médecins conformément à l'article 5 du même arrêté. Par suite, le moyen tiré de vices de procédure entachant la procédure de consultation du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration doit être écarté en toutes ses branches.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ".

7. Mme C..., entrée sur le territoire français le 28 juillet 2016, sous couvert d'un visa de court séjour, fait valoir qu'elle vit auprès de ses parents titulaires de certificats de résidence de dix ans, qu'elle a d'autres membres de sa famille résidant régulièrement sur le territoire français et que sa soeur vivant en Algérie ne peut la prendre en charge. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a vécu jusqu'à l'âge de quinze ans en Algérie alors que ses parents résident habituellement en France depuis respectivement 1969 et 1973 et que, depuis 2016, elle est prise en charge de façon permanente dans un institut médico éducatif. Dès lors, compte tenu de la courte durée et des conditions de son séjour en France, la décision de refus de séjour n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a donc pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié.

8. Si Mme C... fait également valoir qu'elle souffre d'un poly handicap associant retard mental et épilepsie pour lequel elle ne peut disposer d'un traitement approprié en Algérie, elle n'apporte aucun élément de nature à contester l'avis du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration estimant que si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de quinze ans.

9. Pour les mêmes motifs que ceux qui ont été évoqués aux points précédents, le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.

10. Eu égard aux points précédents, la requérante n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français. Contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait cru lié par sa décision de refus de séjour pour l'assortir d'une obligation de quitter le territoire français. Lorsqu'un refus de séjour est assorti d'une obligation de quitter le territoire français, la motivation de cette dernière se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé, de mention spécifique pour respecter les exigences de motivation. Au demeurant, le préfet de la Drôme a apprécié si la mesure d'éloignement était de nature à méconnaitre l'article 3 de la convention précitée. Par suite, les conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français doivent être rejetées.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Drôme du 4 novembre 2019 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français en fixant le pays de destination. Par voie de conséquence, doivent aussi être rejetées ses conclusions aux fins d'injonctions sous astreinte et celles à fin de mise à la charge de l'État des frais exposés et non compris dans les dépens dans les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 mars 2020 est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions présentées pour Mme C... en première instance et en appel est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 novembre 2020.

N° 20LY01241


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01241
Date de la décision : 12/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Jean-Philippe GAYRARD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : COUTAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-11-12;20ly01241 ?
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