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12/11/2020 | FRANCE | N°19LY04694

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 12 novembre 2020, 19LY04694


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 11 juin 2019 par lequel le préfet de la Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1905208 du 18 novembre 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 19 décembre 2019, Mme B..., représentée par Me E..., deman

de à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 novembre 2019 ;...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 11 juin 2019 par lequel le préfet de la Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1905208 du 18 novembre 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 19 décembre 2019, Mme B..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 novembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 juin 2019 par lequel le préfet de la Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré du défaut d'examen particulier de sa situation ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que le préfet de la Loire n'a pas saisi le collège de médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- le préfet de la Loire n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- la décision attaquée méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- la décision attaquée méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 11 août 2020, le préfet de la Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme C..., présidente-assesseure ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante guinéenne née le 22 avril 1994, est entrée en France le 6 juin 2016, selon ses déclarations, et a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 avril 2018, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 30 avril 2019. Par un arrêté du 11 juin 2019, le préfet de la Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 18 novembre 2019 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a expressément répondu à l'ensemble des moyens contenus dans les mémoires produits par Mme B.... En particulier, le magistrat désigné, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par la requérante, n'a pas omis de répondre au moyen tiré du défaut d'examen de la situation de cette dernière. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité.

Sur la légalité de l'arrêté du 11 juin 2019 :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, la décision attaquée vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et, notamment, le 6° du I de l'article L. 511-1 de ce code et mentionne que, dès lors que la demande d'asile présentée par Mme B... a été rejetée, cette dernière ne bénéficie plus du droit de se maintenir en France. Par suite et alors même qu'elle ne fait pas référence à son état de santé, cette décision, qui comporte l'exposé des circonstances de droit et de fait qui en sont le fondement, est suffisamment motivée.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...). ". Aux termes de l'article R. 511-1 de ce code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration./Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé.(...) ". Aux termes de l'article 9 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui, dans le cadre de la procédure prévue aux titres I et II du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sollicite le bénéfice des protections prévues au 10° de l'article L. 511-4 ou au 5° de l'article L. 521-3 du même code est tenu de faire établir le certificat médical mentionné au deuxième alinéa de l'article 1er. (...) Dans tous les cas, l'étranger est tenu d'accomplir toutes les formalités nécessaires à l'établissement du certificat médical pour bénéficier de la protection qu'il sollicite. ".

5. Mme B... fait valoir qu'elle est atteinte du virus de l'immunodéficience humaine (VIH), ainsi qu'il ressort d'un certificat médical établi le 9 juillet 2019 par un médecin généraliste du service des maladies infectieuses et tropicales des hospices civils de Lyon, et qu'elle a sollicité un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 18 juin 2019. Toutefois, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la requérante avait, avant l'adoption de la décision attaquée, le 11 juin 2019, informé l'autorité administrative de ce qu'elle souffrait de problèmes de santé susceptibles d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et pour lesquels elle ne pourrait bénéficier d'une prise en charge dans son pays d'origine, ni qu'elle aurait sollicité le bénéfice des protections prévues au 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, permettant ainsi de faire établir le certificat médical exigé par les dispositions précitées. La circonstance que la Cour nationale du droit d'asile indique, dans sa décision du 30 avril 2019, que Mme B... a produit devant elle un certificat médical délivré le 18 octobre 2016 par un médecin généraliste faisant état d'une " pathologie chronique et complexe " ne suffit pas, à elle seule, à démontrer que le préfet de la Loire était informé de son état de santé. Dans de telles conditions, le préfet de la Loire n'était pas tenu de recueillir l'avis du collège des médecins ou du médecin désigné par le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration avant de prendre la décision attaquée.

6. En troisième lieu, Mme B... fait valoir qu'elle est atteinte du VIH et produit un certificat médical, établi le 9 juillet 2019 par un médecin généraliste du service des maladies infectieuses et tropicales des hospices civils de Lyon, qui indique que le traitement qui lui est prescrit, composé de Norvir, Prezista et Truvada, doit être pris quotidiennement, sans interruption et à vie. Il ne ressort toutefois ni de ce certificat, qui se borne à indiquer que la pathologie dont souffre la requérante " rend nécessaire un titre de séjour pour étranger malade afin de bénéficier de ce suivi et d'avoir accès au traitement " et que : " la non-régularisation de sa situation administrative peut aggraver son état clinique ", sans aucune autre précision, ni d'aucune pièce du dossier, que le suivi médical et le traitement médicamenteux prescrit à la requérante, ou des spécialités qui lui seraient substituables, ne seraient pas disponibles en Guinée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée récemment en France, au cours de l'année 2016 selon ses déclarations. Si elle fait valoir qu'elle est atteinte du VIH, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 6, que cette pathologie ne pourrait pas être prise en charge en Guinée. La requérante n'établit pas être dépourvue de toute attache privée ou familiale dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-deux ans et où réside notamment sa fille mineure. Dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de la durée et des conditions de son séjour en France, le préfet de la Loire, en prononçant une obligation de quitter le territoire français à son encontre, n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli. Il n'est pas davantage établi que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle et familiale de Mme B....

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

9. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Cet article énonce que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

10. Mme B... soutient qu'elle ne peut bénéficier d'un traitement adapté à son état de santé en Guinée et qu'elle est exposée dans ce pays à un risque de tortures et de traitements inhumains. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 6, il ne ressort d'aucune des pièces produites que le suivi médical et le traitement prescrit à Mme B... ne seraient pas disponibles en Guinée. En outre, la requérante, dont la demande d'asile a, au demeurant, été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile, n'apporte à l'appui de ses affirmations aucune précision ni aucun élément de preuve permettant d'établir qu'elle serait personnellement exposée à un risque réel, direct et sérieux pour sa vie ou sa liberté en cas de retour dans son pays d'origine. Dès lors, les moyens tirés de ce que la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme B..., qui a bénéficié de l'aide juridictionnelle totale, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme C..., présidente-assesseure,

Mme H..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 12 novembre 2020.

2

N° 19LY04694

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY04694
Date de la décision : 12/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : BOUHALASSA

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-11-12;19ly04694 ?
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