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12/11/2020 | FRANCE | N°19LY01962

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 12 novembre 2020, 19LY01962


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D..., Mme I... D... et M. E... D..., agissant en son nom propre et en qualité de tuteur de Mme B... G..., ont demandé au tribunal administratif de Lyon, dans le dernier état de leurs écritures, de condamner le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône à verser à M. A... D... la somme de 26 464,05 euros, à Mme I... D... la somme de 21 000 euros, à M. E... D... la somme de 12 000 euros et à Mme B... G... la somme de 70 340,31 euros, en réparation des préjudices ayant résulté pour eux du déc

s de Mme F... D... survenu le 2 septembre 2014 et de mettre à la charge du ce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D..., Mme I... D... et M. E... D..., agissant en son nom propre et en qualité de tuteur de Mme B... G..., ont demandé au tribunal administratif de Lyon, dans le dernier état de leurs écritures, de condamner le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône à verser à M. A... D... la somme de 26 464,05 euros, à Mme I... D... la somme de 21 000 euros, à M. E... D... la somme de 12 000 euros et à Mme B... G... la somme de 70 340,31 euros, en réparation des préjudices ayant résulté pour eux du décès de Mme F... D... survenu le 2 septembre 2014 et de mettre à la charge du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône, outre les entiers dépens, la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1800007 du 1er avril 2019, le tribunal administratif de Lyon a condamné le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône à verser à M. A... D... une somme de 4 689,22 euros, à Mme I... D... une somme de 2 000 euros, à M. E... D... une somme de 1 500 euros et à Mme B... G... une somme de 31 598,39 euros, a mis les frais d'expertise à la charge définitive du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône, a mis à la charge du centre hospitalier le versement aux consorts D... d'une somme de 1 400 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 mai 2019, M. A... D..., Mme I... D... et M. E... D..., agissant en son nom propre et en qualité de tuteur de Mme B... G..., représentés par Me H..., demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1800007 du 1er avril 2019 en ce que le tribunal administratif de Lyon n'a retenu qu'un taux de perte de chance de survie de Mme F... D... de 30 % et de porter ce taux à un minimum de 60 % ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône à verser à M. A... D... la somme de 26 464,05 euros, à Mme I... D... la somme de 21 000 euros, à M. E... D... la somme de 12 000 euros et à Mme B... G... la somme de 70 340,31 euros, en réparation des préjudices ayant résulté pour eux du décès de Mme F... D... ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône, outre les entiers dépens, la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'hypokaliémie dont souffrait Mme F... D... n'a pas été traitée suffisamment rapidement ni selon les recommandations lors de son admission au centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône le 1er septembre 2014 ; le centre hospitalier a ainsi commis des fautes de nature à engager sa responsabilité et qui sont à l'origine du décès ;

- alors que la prise en charge le l'hypokaliémie nécessite une surveillance du rythme cardiaque permanente, l'absence de monitorage continu de la patiente a conduit à une perte de chance de diagnostiquer l'apparition du trouble du rythme cardiaque ; la réanimation cardiopulmonaire suivie d'une défibrillation dans les trois à cinq minutes entraine des taux de survie allant de 49 % à 75 % ; le défaut de traitement de l'hypokaliémie a pu favoriser le trouble du risque cardiaque mortel ; il y a lieu ainsi de retenir un taux de perte de chance de survie supérieur à 60 % ;

- compte tenu d'un taux de perte de chance de 60 %, le préjudice d'affection subi par M. A... D... et Mme I... D..., parents de la victime, doit être indemnisé à hauteur d'une somme de 21 000 euros chacun ;

- les frais d'obsèques réglés par M. A... D..., s'élevant à 3 964,05 euros, doivent être intégralement remboursés ;

- les frais d'assistance lors de l'expertise, s'élevant à 1 500 euros, exposés par M. A... D..., doivent être intégralement remboursés ;

- compte tenu d'un taux de perte de chance de 60 %, le préjudice d'affection subi par M. E... D..., frère de la victime, s'élève à une somme de 12 000 euros ;

- compte tenu d'un taux de perte de chance de 60 %, le préjudice d'affection subi par Nelsia G..., fille mineure de la victime, s'élève à une somme de 21 000 euros ;

- Nelsia G... a droit à la somme de 1 550 euros au titre de frais de suivi psychologique ;

- Nelsia G... a subi un préjudice économique, jusqu'à l'âge de 25 ans, évalué, compte tenu d'un taux de perte de chance de 60 %, à une somme de 47 790,31 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 novembre 2019, et un mémoire enregistré le 5 octobre 2020, communiqué en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône, représenté par Me J..., conclut au rejet de la requête et à ce que, outre les entiers dépens, la somme de 1 500 euros soit mise à la charge des consorts D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- Mme D..., qui souffrait d'une hypokaliémie sévère et d'une dysplasie du ventricule droit, cumulait deux évènements qui ont favorisé l'asystolie, cause du décès ; il n'y a pas de lien de causalité, en l'espèce, entre le retard de prise en charge de l'hypokaliémie et le décès de la patiente, survenu brutalement ; si une surveillance par électrocardiogramme avait été faite en secteur intensif, Mme D..., dont il n'est pas prouvé qu'elle aurait présenté d'abord une fibrillation ventriculaire ou une tachycardie ventriculaire avant d'être en asystolie, aurait eu 30 % de chance de récupérer de son arrêt cardiaque ; le taux de perte de chance de survie qui lui est imputable se limite ainsi à 30 % ;

- il y a lieu de confirmer l'évaluation des préjudices retenue par le tribunal.

La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône qui n'a pas produit de mémoire.

Par ordonnance du 9 juillet 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 27 juillet 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteur public,

- et les observations de Me H..., représentant les consorts D..., et de Me C..., représentant le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... D..., alors âgée de 42 ans, a été admise au services des urgences gynécologiques du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône le 1er septembre 2014, à 14h55, en raison d'une bartholinite, pour laquelle elle a subi une intervention chirurgicale le même jour, à 21h15. A 23h36, le corps inanimé de Mme D... a été retrouvé dans la salle de bains de sa chambre par le personnel hospitalier. Les manoeuvres de réanimation ayant été vaines, le décès a été constaté le 2 septembre 2014 à 00h40. Reprochant au centre hospitalier des défaillances dans la prise en charge de la patiente, M. A... D... et Mme I... D..., ses parents, ainsi que M. E... D..., son frère, agissant en son nom personnel et en sa qualité de tuteur de la fille mineure de la victime, Mme B... G..., ont saisi le tribunal administratif de Lyon d'une demande tendant à la condamnation de l'établissement à la réparation de leurs préjudices. Ils relèvent appel du jugement du 1er avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a statué sur leur demande en tant qu'il a retenu un taux de perte de chance de survie de Mme D... de 30 % seulement et n'a que partiellement fait droit à leurs demandes indemnitaires.

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône :

En ce qui concerne les fautes invoquées :

2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) ".

3. Il résulte de l'instruction, notamment du dossier médical et du rapport du professeur Chassard, expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, que, dès son admission au services des urgences gynécologiques du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône, Mme F... D... a subi un prélèvement sanguin dont les résultats, connus à 15h54 et communiqués par téléphone au service des urgences, ont fait apparaître une hypokaliémie sévère, dépourvue de tout lien avec l'objet de sa consultation. Ainsi qu'il résulte tant du rapport d'expertise que du rapport médical du docteur Pianta produit par les requérants, un taux très faible de potassium dans le sang, tel que celui relevé en l'espèce, est susceptible d'entraîner des troubles rythmiques cardiaques sévères et nécessite, conformément aux règles de l'art, de mettre en place une surveillance continue du rythme cardiaque, en raison du risque de troubles aigus du rythme susceptibles de survenir à tout moment, ainsi qu'un traitement d'injection par voie intraveineuse de potassium. Toutefois, le rythme cardiaque de Mme D... n'a pas fait l'objet d'une surveillance continue, alors au demeurant que, selon l'expert, des signes électro-cardiographiques observés sur l'électrocardiogramme réalisé à 15h36 pouvaient évoquer un retentissement cellulaire de l'hypokaliémie. En outre, il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise médicale, que le traitement par voie orale qui a été initialement administré à Mme D... pour corriger son hypokaliémie est contraire aux données acquises de la science. Si une injection de potassium par voie intraveineuse périphérique a été mise en place aux alentours de 20h00, il résulte de l'instruction, en particulier de l'expertise, que cette perfusion était à la fois sous-dosée au regard des recommandations médicales, délivrée avec un dispositif qui ne permettait pas un débit régulier du potassium et composée d'un sérum glucosé, favorisant lui-même l'hypokaliémie. En conduisant ainsi un traitement de l'hypokaliémie non conforme aux données médicales admises à la date des soins et sans assurer une surveillance continue du rythme cardiaque de la patiente, le personnel médical du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône a commis une faute de nature à engager la responsabilité de cet établissement.

En ce qui concerne le lien de causalité entre les fautes et le dommage survenu :

4. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou du traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage advienne, la réparation qui incombe à l'hôpital devant alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.

5. Selon les conclusions de l'expert, le décès de Mme D... est très probablement dû à un trouble du rythme cardiaque causé par une dysplasie arythmogène du ventricule droit, dont le diagnostic n'a été posé qu'à l'occasion de l'autopsie, et favorisé par une hypokaliémie sévère. Le docteur Pianta indique, quant à lui, que plusieurs facteurs peuvent être à l'origine du décès de Mme D... et relève en particulier que l'intéressée, qui disposait d'un anneau gastrique à l'origine de fréquents vomissements, a présenté des vomissements après avoir pris son dîner, lesquels ont pu engendrer un malaise vagal conduisant à une bradycardie et une décompensation de l'hypokaliémie, avec des troubles du rythme cardiaque, aboutissant à l'oedème pulmonaire aigu constaté lors de l'autopsie, puis à un arrêt cardiorespiratoire. Dans ces conditions, il peut être tenu pour suffisamment établi que le décès de Mme D... est dû à un trouble du rythme cardiaque dont l'hypokaliémie dont elle était affectée est, pour partie, à l'origine.

6. D'une part, le diagnostic d'une hypokaliémie préexistante a été posé de manière fortuite, après que les résultats du bilan sanguin ont été communiqués aux alentours de 16 heures au service des urgences gynécologiques où la patiente était prise en charge, soit une heure environ après son admission au centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise médicale, qu'une hypokaliémie sévère, telle que celle dont était affectée Mme D..., ne peut être corrigée qu'après un traitement continu par perfusion pendant douze à dix-huit heures et qu'une injection intraveineuse durant douze heures permet seulement une correction entre 0,3 et 0,5 millimole par litre de sang. A son admission au centre hospitalier, le taux de potassium dans le sang de Mme D... s'établissait à 1,7 mmol/l, en dessous du seuil de 2 mmol/l, défini par l'expert comme étant encore particulièrement à risque. Dans ces conditions, une administration de potassium, par voie intraveineuse, immédiate et appropriée, aurait permis, ainsi qu'il résulte notamment de l'expertise, de corriger son hypokaliémie entre 0,17 mmol/l et 0,29 mmol/l de sang, et ainsi de se rapprocher du seuil de 2 mmol/l, sans toutefois l'atteindre, pendant la durée de sept heures environ entre le moment où le diagnostic a été posé et la survenue, aux alentours de 23 heures, de l'arrêt respiratoire.

7. D'autre part, le diagnostic d'une hypokaliémie sévère aurait dû conduire à placer Mme D... sous surveillance continue du rythme cardiaque par monitorage, laquelle aurait permis à l'équipe médicale de prendre connaissance rapidement, au moyen d'une alarme, du trouble du rythme cardiaque dès sa survenue. Dès lors, l'absence fautive de surveillance par monitorage a retardé le diagnostic de l'arrêt cardiaque puis, par conséquent, les opérations de réanimation et a ainsi fait perdre à Mme D... une chance de survie. Il résulte des indications statistiques précises évoquées par l'expert relatives au pronostic vital en cas d'arrêt cardiaque survenant en milieu hospitalier chez des patients placés sous monitorage, que 37 % d'entre eux survivent en cas d'arrêt cardio-respiratoire sur fibrillation ventriculaire ou tachycardie ventriculaire mais que le taux de survie de ces mêmes patients retrouvés en asystolie n'est que de 11 %. Ces statistiques ne sont pas remises en cause par l'indication générale donnée par le docteur Pianta selon laquelle une réanimation cardio-pulmonaire suivie d'une défibrillation réalisée dans les trois à cinq minutes entraîne un taux de survie estimé entre 49 % et 75 %. Il résulte en outre de l'instruction, notamment de l'expertise, que les hypokaliémies induisent fréquemment un anomalie rythmique qualifiée de " torsade de pointe ", comparable à une tachycardie ventriculaire. En l'espèce, ainsi qu'il résulte du dossier médical et comme le relève l'expert, Mme D... n'avait présenté au préalable aucun épisode d'anomalie cardiaque et le trouble du rythme cardiaque en cause est survenu brutalement de sorte que, selon l'expert, il est envisageable que la patiente ait été immédiatement en asystolie.

8. Ainsi, au vu à la fois des données statistiques fournies par l'expert et de la situation particulière de la patiente dont le trouble du rythme brutal a pu conduire très rapidement à une asystolie, d'une part, et de ce que la mise en place d'une correction appropriée et immédiate de l'hypokaliémie aurait pu permettre de corriger partiellement le déficit sévère en potassium dont était affectée la victime, les fautes résultant de l'absence de suivi par monitorage de Mme D... et de la mise en place d'un traitement inapproprié pour lutter contre l'hypokaliémie ont entraîné pour elle une perte de chance de survie qui doit, en l'espèce et compte tenu notamment de la dysplasie arythmogène du ventricule droit dont était affectée la victime, être évaluée globalement à 30 %. Il y a lieu, par suite, contrairement à ce que soutiennent les requérants, de confirmer le taux de perte de chance retenu par les premiers juges.

Sur l'évaluation des préjudices :

En ce qui concerne les préjudices subis par M. A... D... et Mme I... D... :

9. En premier lieu, il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges auraient fait une évaluation insuffisante du préjudice d'affection subi par M. A... D... et Mme I... D..., parents de la victime, en allouant à ce titre, après application du pourcentage de perte de chance retenu, une somme de 2 000 euros à chacun d'eux.

10. En deuxième lieu, M. A... D... justifie avoir exposé pour les obsèques de sa fille une somme de 3 964,05 euros. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône doit, eu égard au taux de perte de chance de survie de Mme F... D... évalué à 30 %, réparer seulement cette fraction au titre des frais d'obsèques exposés. Par suite, compte tenu de ce taux de perte de chance, il y a lieu de confirmer la somme de 1 189,22 euros retenue par les premiers juges à ce titre.

11. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que M. A... D... a supporté pour un montant de 1 500 euros des honoraires de médecin conseil pour l'assistance aux opérations de l'expertise ordonnées par le juge des référés du tribunal administratif de Lyon. Ces frais qui résultent entièrement du dommage subi par Mme F... D... doivent lui être intégralement remboursés par le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône.

En ce qui concerne les préjudices subis par M. E... D... :

12. Les premiers juges n'ont pas fait une estimation insuffisante du préjudice d'affection subi par le frère de Mme F... D... consécutivement à son décès en le fixant, compte tenu du taux de perte de chance, à la somme de 1 500 euros.

En ce qui concerne les préjudices subis par Nelsia G... :

13. En premier lieu, l'indemnité allouée aux enfants de la victime décédée est déterminée en tenant compte de la perte de la fraction des revenus de leur parent décédé qui aurait été consacrée à leur entretien jusqu'à ce qu'ils aient atteint au plus l'âge de vingt-cinq ans. Ce préjudice est déterminé en tenant compte des prestations à caractère indemnitaire susceptibles d'avoir été perçues par les membres survivants du foyer en compensation du préjudice économique qu'ils subissent.

14. Il résulte de l'instruction que, lors de son décès, Mme D... vivait seule avec sa fille, Mme B... G..., née le 17 février 2004, alors âgée de dix ans, à sa charge, et que le montant des revenus qu'elle a perçus au titre de l'année précédant son décès s'est élevé à la somme de 25 190 euros. Compte tenu de la structure du foyer, la part des revenus que Mme D... devait consacrer à sa propre consommation peut être évaluée à 25 % de ce montant, soit la somme de 6 297,50 euros. Le revenu annuel disponible pour le foyer s'établit ainsi à la somme de 18 892,50 euros. Il résulte de l'instruction que Mme B... G... a perçu, à compter du 1er septembre 2015, une allocation de réversion résultant du décès de sa mère d'un montant mensuel de 81,30 euros, soit un montant annuel de 975,60 euros. Le préjudice économique annuel du foyer s'établissant ainsi à 18 892,50 euros pour la période courant du 2 septembre 2014 au 31 août 2015 et de 17 916,90 euros pour la période courant à compter du 1er septembre 2015, il y a lieu ainsi d'évaluer ce préjudice à 112 005,95 euros pour la période allant du 2 septembre 2014, date du décès de la victime, au 12 novembre 2020, date de lecture de l'arrêt. La part des revenus de la victime revenant normalement à sa fille et qui aurait été consacrée à son entretien jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans, âge auquel il peut être estimé qu'elle aurait cessé d'être à la charge de sa mère et qui n'est plus contesté en appel, peut être évaluée à 30 %. Le préjudice économique subi par Mme B... G... sur cette période s'élève ainsi à la somme de 33 601,79 euros.

15. Pour la période postérieure à l'arrêt, le préjudice économique subi par Mme B... G..., âgée de seize ans, est égal à 30 % du préjudice économique du foyer, et, en tenant compte de l'euro de rente temporaire issu du barème de capitalisation publié à La Gazette du Palais pour 2020 jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans soit 8,992, ce préjudice s'établit à la somme de 48 332,63 euros.

16. Il résulte de ce qui a été dit aux points 14 et 15 que, compte tenu du taux de perte de chance de 30 % d'éviter le décès de Mme D..., il sera fait une juste évaluation du préjudice économique subi par Mme B... G... dont le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône doit assurer la réparation en le condamnant à verser à M. E... D..., en sa qualité de tuteur de celle-ci, la somme de 24 580,33 euros.

17. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que Mme B... G... a suivi, à la suite du décès de sa mère et en lien avec celui-ci, trente-et-une séances de psychothérapie dont le coût s'est élevé à un montant total de 1 550 euros, justifié par la production d'une attestation du praticien et dont il est constant qu'il est resté intégralement à la charge du tuteur de l'intéressée. Compte tenu du taux de perte de chance, le coût indemnisable des séances de psychothérapie suivies par Mme B... G... s'élève à la somme de 465 euros. Il y a lieu, dès lors, de condamner le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône à verser cette somme à M. E... D..., en sa qualité de tuteur de Mme B... G....

18. En troisième lieu, les premiers juges n'ont pas fait une estimation insuffisante du préjudice d'affection subi par Mme B... G... à la suite du décès de sa mère en le fixant, compte tenu du taux de perte de chance, à la somme de 7 500 euros.

19. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts D... sont seulement fondés à soutenir qu'il y a lieu de porter le montant global des indemnités dues par le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône à M. E... D..., en sa qualité de tuteur de Mme B... G..., à la somme de 32 545,33 euros et de réformer le jugement attaqué en ce sens.

Sur les frais d'expertise :

20. Il y a lieu de maintenir les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 1 000 euros par ordonnance du président du tribunal administratif de Lyon du 13 juillet 2017, à la charge définitive du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône la somme que les consorts D... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font par ailleurs obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône soient mises à la charge de consorts D..., qui ne sont pas la partie perdante.

DECIDE :

Article 1er : La somme de 31 598,39 euros que le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône a été condamné à verser à M. E... D... en sa qualité de tuteur de Mme B... G... est portée à de 32 545,33 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1800007 du tribunal administratif de Lyon du 1er avril 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Mme I... D..., à M. E... D..., au centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône et à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 novembre 2020.

2

N° 19LY01962


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01962
Date de la décision : 12/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. Existence d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SCP HARTEMANN - BRUN - PALAZZOLO

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-11-12;19ly01962 ?
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