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12/11/2020 | FRANCE | N°18LY03299

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 12 novembre 2020, 18LY03299


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Endel a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler la décision du 2 décembre 2015 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en tant qu'elle a autorisé (article 3) le transfert du contrat de travail de M. C... B... de la société Bouygues EetS maintenance industrielle au groupement d'entreprises Cofely Endel, Cofely Ineo et Idex ;

- de condamner la société Bouygues EetS maintenance industrielle à lui verser une somme de 90

664,76 euros en remboursement des salaires et autres indemnités et frais versés à M....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Endel a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler la décision du 2 décembre 2015 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en tant qu'elle a autorisé (article 3) le transfert du contrat de travail de M. C... B... de la société Bouygues EetS maintenance industrielle au groupement d'entreprises Cofely Endel, Cofely Ineo et Idex ;

- de condamner la société Bouygues EetS maintenance industrielle à lui verser une somme de 90 664,76 euros en remboursement des salaires et autres indemnités et frais versés à M. B... à la suite de son transfert.

Par un jugement n° 1601451 du 26 juin 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 août 2018, présentée pour la société Endel agissant en son nom propre et en qualité de mandataire du groupement constitué des sociétés Endel, Ineo ANC et Idex Energies, il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1601451 du 26 juin 2018 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler l'article 3 de la décision susmentionnée ;

3°) de condamner la société Bouygues EetS maintenance industrielle à lui verser une somme de 90 664,76 euros en remboursement des salaires et autres indemnités et frais versés à M. B... à la suite de son transfert ;

4°) de mettre à la charge de la société Bouygues EetS maintenance industrielle la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le ministre ne pouvait pas autoriser le transfert de contrats de travail à un groupement d'entreprises, dépourvu de la personnalité morale ;

- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail en l'absence de transfert d'une entité économique autonome, conservant son identité et dont l'activité est poursuivie et reprise par le groupement.

Par mémoire enregistré le 29 octobre 2018, présenté pour la société Bouygues EetS maintenance industrielle, elle conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Endel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés et que c'est donc à bon droit que le tribunal administratif de Lyon s'est reconnu incompétent pour se prononcer sur les conclusions indemnitaires présentées par la société Endel.

La requête a été communiquée au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion qui n'a produit aucune observation.

Par ordonnance du 30 avril 2019 la clôture de l'instruction a été fixée au 28 juin 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- et les observations de de Me A..., pour la société Endel, ainsi que celles de Me D..., pour la société Bouygues EetS maintenance industrielle;

Considérant ce qui suit :

1. La société Bouygues EetS maintenance industrielle, qui détenait depuis 2010 le marché de la maintenance des installations souterraines du centre de recherches dit Centre Meuse Haute-Marne (CMHM) de L'Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs (ANDRA), a perdu ce marché confié, à la suite d'un nouvel appel d'offres lancé en avril 2014, au groupement d'entreprises Cofely Endel, Cofely Ineo et Idex. Elle a sollicité, par lettre du 2 février 2015 reçue par l'inspection du travail de Bar-le-Duc le 5 février suivant, l'autorisation de transférer au groupement qui avait obtenu ce marché le contrat de travail de plusieurs salariés protégés, dont M. B..., recruté par cette société en qualité de responsable maintenance et investi des mandats de délégué du personnel et de membre du comité d'entreprise. Par une décision collective du 1er avril 2015, l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle interdépartementale n° 1 de la Dirrecte de Rhône-Alpes, à laquelle la demande avait été transférée, a accordé les autorisations de transfert sollicitées. Le ministre du travail, sur recours hiérarchique, a, le 2 décembre 2015, annulé cette décision collective rendue pour l'ensemble des salariés protégés par l'inspecteur du travail, au motif que l'inspecteur, en rendant une décision administrative non individuelle d'autorisation du transfert d'un contrat de travail, avait commis une erreur de droit, puis a autorisé le transfert du contrat de travail de chacun de ces salariés. La société Endel relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a, d'une part, rejeté sa demande d'annulation de la décision du 2 décembre 2015 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ayant autorisé le transfert du contrat de travail de M. B... et, d'autre part, rejeté ses conclusions indemnitaires.

Sur les conclusions indemnitaires de la société Endel :

2. Les conclusions de la demande de la société Endel tendant à la condamnation de la société Bouygues EetS maintenance industrielle à lui verser une somme de 90 664,76 euros au titre des salaires et indemnités versés à M. B... à la suite de son transfert ont été rejetées par les premiers juges comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître. Dès lors que cette société ne critique pas ce motif d'irrecevabilité retenu par les premiers juges et alors qu'il n'appartient pas à la cour de s'interroger d'office sur le bien-fondé de l'irrecevabilité opposée à la requérante par le tribunal administratif, ces conclusions doivent être rejetées.

Sur la légalité de la décision en litige :

3. La décision ministérielle en litige, qui vise les dispositions applicables du code du travail, expose les raisons pour lesquelles il a été considéré que la réalité du transfert partiel d'activité était établie et que le salarié était exclusivement affecté à l'activité transférée, et constate l'absence de lien entre la demande d'autorisation de transfert et le mandat exercé par M. B..., comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré d'une motivation insuffisante doit, dès lors, être écarté.

4. En vertu de l'article L. 2414-1 du code du travail, le transfert d'un salarié protégé compris dans un transfert partiel d'entreprise ou d'établissement ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. Aux termes de l'article L. 122-12, devenu L. 1224-1, du même code : " Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. "

5. Il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de transfert sur le fondement de l'article L. 2414-1 du code du travail, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier que sont remplies les conditions prévues à l'article L. 1224-1 du code du travail. Cette dernière disposition ne s'applique qu'en cas de transfert par un employeur à un autre employeur d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise par le nouvel employeur. Constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif économique propre et le transfert d'une telle entité ne s'opère que si des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris, directement ou indirectement, par un autre exploitant.

6. En premier lieu, les dispositions précitées de L. 1224-1 du code du travail qui prévoient, en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur, le transfert auprès du nouvel employeur des contrats de travail du personnel d'une entreprise, s'appliquent en cas de succession, vente, fusion, transformation du fonds ou mise en société de cette entreprise. Il appartient dès lors au juge tant judiciaire qu'administratif compétent pour apprécier la réalité d'un tel transfert pour l'application de ces dispositions d'examiner la situation d'une entreprise, notion économique désignant la combinaison d'actifs matériels et immatériels en vue de la livraison d'un bien ou d'un service, sans égard au régime juridique qui permet d'atteindre ce but, et alors que le demandeur de l'autorisation de transfert et l'administration peuvent ne pas avoir la maîtrise ni même, comme en l'espèce, la connaissance de la personne devant reprendre les contrats du personnel de l'entreprise. La circonstance qu'en l'espèce, le groupement momentané d'entreprises solidaires Cofely Endel, Cofely Ineo et Idex ne disposait pas de la personnalité morale ne faisait pas obstacle à ce que le ministre du travail autorise le transfert à ce groupement d'entreprises du contrat de travail du salarié concerné, à charge pour les entreprises le composant de poursuivre l'exécution de ce contrat de travail, ainsi au demeurant qu'y a procédé la société Endel.

7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et, en particulier du contrat de maintenance globale des installations et équipements du centre de recherches CMHM de l'ANDRA conclu par le groupement d'entreprises, que ce groupement s'est vu confier par l'effet de ce contrat une activité de " travaux neufs et de jouvence " associés à la maintenance, et qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la société Endel, le groupement qu'elle représente a poursuivi une des missions confiées auparavant à la société Bouygues EetS maintenance industrielle au titre de son activité de maintenance globale. Les circonstances, en premier lieu, que le périmètre d'intervention ne serait plus le même dès lors que le groupement assure la maintenance de toutes les installations sur le site et non celle des seules installations souterraines, sans qu'il soit toutefois contesté que la mission de maintenance des installations souterraines a été poursuivie par le groupement d'entreprises, même s'il s'est vu confier des missions supplémentaires et, en second lieu, que le nouveau prestataire disposerait d'une plus grande liberté dans l'organisation du temps de travail et aurait affecté à la mission de maintenance un nombre de salariés moindre ne sont pas de nature à démontrer que l'entité économique n'aurait pas conservé son identité.

8. En dernier lieu, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, selon le cahier des clauses techniques particulières du marché conclu entre l'ANDRA et le groupement d'entreprises, subsistent, à l'occasion du transfert du marché de maintenance des installations souterraines du centre au groupement, les moyens corporels et incorporels, spécifiquement affectés à l'exploitation, tels que les logiciels informatiques, les locaux techniques affectés à la maintenance et des outils de maintenance mis à disposition par l'Agence nationale. Ainsi, des moyens matériels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'activité, mis à disposition par l'ANDRA, ont fait l'objet d'un transfert indirect au profit du nouvel exploitant, en dépit des circonstances qu'il incombait à cet exploitant de fournir du matériel complémentaire à celui fourni par l'ANDRA et que le groupement d'entreprises avait choisi de ne pas utiliser l'ensemble des moyens mis à sa disposition par l'agence, de ne pas racheter le matériel et les équipements que leur proposait le précédent exploitant et de redéfinir entièrement le mode opératoire des interventions.

9. Il résulte de ce qui précède que la société Endel n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 2 décembre 2015 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ayant autorisé le transfert du contrat de travail de M. B....

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Bouygues EetS maintenance industrielle, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais liés au litige exposés par la société Endel. Il y a lieu de mettre à la charge de la société Endel la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la société Bouygues EetS maintenance industrielle.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Endel est rejetée.

Article 2 : La société Endel versera la somme de 1 000 euros à la société Bouygues EetS maintenance industrielle.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Endel, à la société Bouygues EetS maintenance industrielle, à M. C... B... et au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président-assesseur ;

Mme Burnichon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 novembre 2020.

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N° 18LY03299

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Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-075 Travail et emploi. Transferts.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : DE PARDIEU BROCAS MAFFEI A.A.R.P.I.

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Date de la décision : 12/11/2020
Date de l'import : 28/11/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18LY03299
Numéro NOR : CETATEXT000042542903 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-11-12;18ly03299 ?
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