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12/11/2020 | FRANCE | N°18LY02029

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 12 novembre 2020, 18LY02029


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société par actions simplifiée (SAS) Audio Visual and Digital Development Enterprise (ADDE) a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2012 du fait de l'exercice clos au 31 juillet, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1608098 du 3 avril 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

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rocédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er juin 2018 et l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société par actions simplifiée (SAS) Audio Visual and Digital Development Enterprise (ADDE) a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2012 du fait de l'exercice clos au 31 juillet, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1608098 du 3 avril 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er juin 2018 et le 19 décembre 2018, la SAS ADDE, représentée par la SELARL Ydes, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 3 avril 2018 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2012 du fait de l'exercice clos au 31 juillet, ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en application du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, elle était fondée à déduire, au titre de l'exercice clos le 31 juillet 2012, une provision, qui est justifiée dans son principe, correspondant à la charge d'assurance supportée par elle et découlant de son obligation de fournir l'extension de garantie souscrite par son client lors de l'achat de matériels de projection ;

- la cotisation annuelle d'assurance se rattache par un lien suffisamment direct au produit de la vente des appareils, chaque machine vendue et non déjà couverte par l'extension de garantie du constructeur entrant obligatoirement dans le champ du nouveau contrat d'assurance souscrit par elle ;

- cette charge n'est pas une charge courante liée au fonctionnement de l'entreprise mais se rattache à un fait générateur d'un produit constaté par ailleurs, auquel elle doit être rattachée ;

- l'offre de garantie proposée par l'assureur Generali ne constitue pas le fondement de la déductibilité de la provision, mais a seulement été utilisée pour calculer, avec une approximation suffisante, son montant ;

- il ne ressort pas des dispositions du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, qu'une provision pour charge future doive nécessairement être constatée au titre du même exercice que la recette à laquelle elle se rattache, les charges provisionnées devant seulement être rendues probables par des évènements en cours durant l'exercice, mais qui peuvent être survenus au cours d'un exercice précédent ;

- elle était en conséquence fondée à constater une provision pour charge future d'assurance en tenant compte du nombre de projecteurs en circulation vendus à son client à la clôture de l'exercice et non encore couverts, cette provision étant évaluée à 609 350 euros ;

- au cours de l'exercice clos le 31 juillet 2012, elle a vendu 90 projecteurs pour lesquels elle a facturé à son client le coût de l'extension de garantie, pour une valeur cumulée des appareils garantis de 3 491 475 euros ; elle justifie ainsi, pour un taux annuel d'assurance de 1,20%, du montant de la provision à hauteur de 209 485 euros au titre de l'exercice considéré.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 octobre 2019 et le 13 octobre 2020, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les provisions pour charges ne peuvent être déduites au titre d'un exercice que si se trouvent comptabilisés, au titre du même exercice, les produits afférents à ces charges, de sorte qu'aucune charge ne pouvait être provisionnée pour l'exercice en litige au titre des projecteurs livrés au cours des exercices clos les 31 juillet 2008, 2009, 2010 et 2011, d'autant que la société ADDE bénéficiait toujours, au 31 juillet 2012, de l'extension de garantie fournie par le constructeur, lequel n'a révoqué son offre que le 26 octobre 2012 ;

- en ce qui concerne la part de la provision afférente aux projecteurs vendus en 2012, il appartient à la société requérante de justifier tant du montant des provisions que du principe de leur déductibilité ; en l'espèce, la SAS ADDE n'a jamais nié avoir souscrit, au moins pour quelques appareils, l'extension de garantie auprès du constructeur lors de leur achat de sorte que la provision ne peut concerner tous les appareils vendus en 2012 ;

- la provision en litige ne pouvait être évaluée en appliquant un taux forfaitaire de 6% sur cinq ans, soit 1,2% par année, au prix de vente des projecteurs, alors que le devis du 9 juillet 2012 de l'assureur ne précise pas que le taux est appliqué au prix de vente et que c'est le prix de revient qui a d'ailleurs été finalement retenu ;

- le montant de la provision ne peut ainsi être regardé comme déterminé avec une approximation suffisante, le contrat avec l'assureur n'ayant été signé que le 19 décembre 2013 ;

- le risque lié à la mise en oeuvre de l'extension de garantie n'est pas supporté par la société ADDE mais successivement par le constructeur ou l'assureur, la société ADDE ne supportant que la charge liée aux primes d'assurance ou au coût de l'extension facturé par le fabricant ; ces charges sont constitutives de charges courantes, exigibles à compter seulement de 2013, de sorte que la provision litigieuse ne peut être regardée comme déductible des résultats de l'exercice clos en 2012.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D..., premier conseiller,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant la SAS ADDE ;

Une note en délibéré, présentée pour la SAS ADDE, a été enregistrée le 23 octobre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS ADDE exerce une activité de commercialisation, installation et maintenance de matériel audiovisuel, notamment de projecteurs numériques destinés aux salles de cinéma. L'administration fiscale a procédé à une vérification de sa comptabilité pour la période du 1er août 2010 au 31 juillet 2013, à l'issue de laquelle elle a notamment remis en cause, selon proposition de rectification du 11 juillet 2014, une provision pour charges d'assurance comptabilisée par la société à hauteur de 609 350 euros et réintégré en conséquence cette provision dans la base imposable au titre de l'impôt sur les sociétés pour l'année en litige. Par un avis de mise en recouvrement du 15 décembre 2015, la SAS ADDE a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés, ainsi qu'aux pénalités correspondantes, pour une montant total de 250 536 euros. Par la présente requête, elle relève appel du jugement du 3 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires et des pénalités correspondantes.

Sur les conclusions à fin de décharge :

2. L'article 39 du code général des impôts, auquel renvoie l'article 209 du même code en matière d'impôt sur les sociétés, dispose que : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise. En outre, en ce qui concerne les provisions pour charges, elles ne peuvent être déduites au titre d'un exercice que si se trouvent comptabilisés, au titre du même exercice, les produits afférents à ces charges.

3. En l'espèce, la SAS ADDE revend à ses clients des projecteurs numériques de marque NEC garantis cinq ans par ce constructeur. Il est constant qu'elle facture en outre à son principal client, à la demande de celui-ci et à l'occasion de chaque vente de matériel, un contrat de maintenance, une garantie de main d'oeuvre de 10 ans, et une extension à 10 ans de la garantie portant sur les pièces. S'agissant de cette dernière extension, elle refacturait initialement à son client l'extension de garantie qu'elle souscrivait elle-même auprès du constructeur, soit dès l'achat du matériel, soit au cours des cinq premières années. Au cours de l'année 2012, elle a entrepris avec un assureur la négociation d'un contrat destiné à se substituer à l'option d'extension de garantie initialement proposée par le constructeur, afin de couvrir à moindre coût l'aléa qu'elle subit du fait de la vente d'extensions de garantie à son client. Ce nouveau contrat devant porter selon elle sur l'ensemble des matériels déjà en circulation et pour lesquels l'extension de garantie n'avait pas encore été souscrite auprès du constructeur, elle a provisionné au cours de l'exercice clos le 31 juillet 2012 les charges d'assurance relatives à ce futur contrat, estimées selon un devis du 9 juillet 2012. Il n'est pas discuté que la police d'assurance n'a finalement été souscrite que le 19 décembre 2013. Pour réintégrer la provision de 609 350 euros ainsi comptabilisée, l'administration fiscale a contesté tant le principe de la déduction que l'estimation de son montant, dont elle a estimé qu'elle n'avait pas fait l'objet d'une approximation suffisante.

4. En premier lieu, pour rejeter la requête de la SAS ADDE, le tribunal a tout d'abord retenu que les produits correspondant à la vente des extensions de garantie ayant été comptabilisés au titre de l'exercice de livraison de chaque projecteur, ce que la requérante ne conteste pas, elle ne pouvait provisionner au titre de l'exercice clos en 2012 les charges d'extension de garantie correspondant aux projecteurs livrés au cours des exercices clos les 31 juillet 2008, 2009, 2010 et 2011, seuls les projecteurs vendus au cours de l'exercice clos le 31 juillet 2012 pouvant être pris en compte dans le calcul de la provision pour charges comptabilisée au cours de cet exercice. Il y a lieu pour la cour, par adoption des motifs ainsi retenus par le tribunal, d'écarter le moyen tiré de ce que la SAS ADDE était en droit de provisionner des charges se rattachant à des produits comptabilisés au cours des exercices antérieurs.

5. En second lieu, si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application du 1 de l'article 39 précité du code général des impôts, de justifier tant du montant des provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité.

6. En l'espèce, la SAS ADDE justifie être exposée à un aléa, dès lors qu'elle est contractuellement tenue de fournir à son client l'extension de garantie portant sur les pièces de la sixième à la dixième année de vie des appareils vendus. S'il lui était loisible de recourir à un mécanisme assurantiel afin de se conformer à cette obligation contractuelle, et de déduire en conséquence une provision pour charges d'assurance, plutôt qu'une provision représentant une estimation, évaluée selon la probabilité de pannes, de l'ensemble des coûts ou pertes qu'elle devra probablement supporter en conséquence des ventes, ce n'est qu'à la condition de justifier de la souscription effective d'un contrat d'assurance et de son coût, évalué avec une approximation suffisante. La SAS ADDE produit pour la première fois en cause d'appel des factures correspondant à 90 appareils qu'elle soutient avoir vendus à son client au cours de l'exercice litigieux, clos le 31 juillet 2012, et soutient que la provision doit en conséquence être admise à concurrence de 209 485 euros, sur la base du devis d'un assureur du 9 juillet 2012. La société ADDE ne peut toutefois être regardée comme ayant évalué le montant de la provision litigieuse avec une approximation suffisante sur la foi de ce simple devis, dont elle ne conteste pas qu'elle ne l'a jamais accepté, ni à la date de la clôture de l'exercice, ni même ultérieurement, l'administration fiscale soutenant d'ailleurs sans être contredite que le contrat finalement conclu en décembre 2013 l'a été à des conditions substantiellement différentes.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS ADDE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SAS ADDE la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS ADDE est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Audio Visual and Digital Development Enterprise et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme A..., présidente assesseure,

Mme D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 12 novembre 2020.

2

N° 18LY02029


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY02029
Date de la décision : 12/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-01-04-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net. Provisions.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : YDES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-11-12;18ly02029 ?
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