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09/11/2020 | FRANCE | N°20LY00710

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 09 novembre 2020, 20LY00710


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 12 novembre 2019 par lesquelles le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant six mois.

Par un jugement n° 1909280 du 6 décembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal

administratif de Lyon, après avoir renvoyé à la formation collégiale les conclusions te...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 12 novembre 2019 par lesquelles le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant six mois.

Par un jugement n° 1909280 du 6 décembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon, après avoir renvoyé à la formation collégiale les conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 20 février 2020, Mme A... B..., représentée par la SCP Couderc-Zouine, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 décembre 2019 ;

2°) d'annuler ces décisions du préfet de l'Ain en date du 12 novembre 2019 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français pendant six mois ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, après lui avoir remis sans délai un récépissé de demande de titre de séjour, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- elle est fondée à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle est fondée à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision de ne pas lui accorder de délai de départ volontaire ;

- la décision de ne pas lui accorder de délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;

- la décision de ne pas lui accorder de délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle est fondée à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français ;

- la décision lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français est insuffisamment motivée ;

- la décision lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- la décision lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est fondée à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 28 septembre 2020, le préfet de l'Ain conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 15 janvier 2020.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Besse, président-assesseur ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante arménienne née en 1963, est entrée en France le 7 décembre 2008. Après le rejet de sa demande d'asile, elle a bénéficié de titres de séjour délivrés en raison de son état de santé, valables du 17 mai 2010 au 14 mai 2016. Le préfet de l'Ain a refusé de renouveler ce titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français par un arrêté du 8 septembre 2017, devenu définitif. Le 4 mars 2019, elle a de nouveau déposé une demande de titre de séjour en invoquant son état de santé. Par décisions du 12 novembre 2019, le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office, et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant six mois. Mme B..., qui a fait l'objet d'une assignation à résidence, relève appel du jugement du 6 décembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon, après avoir renvoyé à la formation collégiale les conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, Mme B... n'indiquant pas les motifs pour lesquels la décision de refus de séjour serait illégale ne peut exciper de son illégalité à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; ".

4. Par avis du 2 septembre 2019, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, saisi dans le cadre de la demande de titre de séjour présentée par Mme B..., a estimé que, si l'état de santé de l'intéressée nécessitait des soins dont le défaut peut entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut bénéficier de soins appropriés en Arménie, son pays d'origine, vers lequel elle peut voyager sans risque. En se bornant à produire des documents généraux sur le système de santé arménien, Mme B..., qui souffre d'un syndrome dépressif et est atteinte d'une artériopathie des membres inférieurs, n'apporte pas d'éléments suffisants permettant de remettre en cause l'appréciation portée sur ce point par le collège des médecins. Par suite, le préfet de l'Ain n'a pas méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'obligeant à quitter le territoire français.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Mme B... fait valoir qu'elle résidait en France depuis près de onze années à la date de la décision litigieuse. Toutefois, elle est célibataire et sans enfants et ne justifie pas d'une insertion particulière sur le territoire national, même si elle a pu exercer, de manière intermittente, une activité salariée. Elle n'allègue pas non plus avoir de liens familiaux en France, ni être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine, même si elle indique l'avoir quitté en 1997. Dans ces conditions, et alors qu'elle s'est maintenue en France en dépit d'une précédente mesure d'éloignement, la décision l'obligeant à quitter le territoire n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas méconnu les stipulations citées au point précédent de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision de ne pas accorder de délai de départ volontaire :

7. Il résulte en premier lieu de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à exciper de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision de ne pas lui accorder de délai de départ volontaire.

8. En deuxième lieu, la décision vise le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise qu'il existe un risque que Mme B... se soustraie à l'exécution de l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français, n'ayant pas exécuté une précédente mesure d'éloignement. Elle est, par suite, suffisamment motivée.

9. En troisième lieu, Mme B... réitère en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, son moyen selon lequel la décision de ne pas lui accorder de délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

Sur la décision faisant interdiction à Mme B... de retourner sur le territoire français :

10. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à exciper de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français.

11. Mme B... réitère en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, son moyen selon lequel la décision lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée de six mois est insuffisamment motivée. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

12. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. " Mme B..., qui a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, est dépourvue de toute attache familiale en France et n'établit pas ne pouvoir bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Arménie. Elle ne justifie ainsi d'aucune circonstance humanitaire susceptible de faire obstacle à ce qu'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français soit prononcée à son encontre. Compte tenu de ce qui est dit au point 6, la requérante n'est pas non plus fondée à soutenir que cette mesure méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision fixant le pays de destination :

13. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

14. Mme B... soutient qu'elle serait exposée à des traitements prohibés par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en Arménie, en raison du fait qu'elle ne pourrait y bénéficier de soins appropriés à son état de santé. Pour les motifs exposés au point 4, ce moyen doit être écarté.

15. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et celles qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Daniel Josserand-Jaillet, président de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

Mme D... C..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 9 novembre 2020.

N° 20LY00710

fp


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00710
Date de la décision : 09/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SCP COUDERC - ZOUINE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-11-09;20ly00710 ?
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