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09/11/2020 | FRANCE | N°19LY04311

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 09 novembre 2020, 19LY04311


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société civile immobilière (SCI) les Manessières a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la délibération du 9 mars 2017 par laquelle le conseil municipal de la commune de Collonges-sous-Salève a adopté son plan local d'urbanisme ainsi que la décision du 26 juin 2017 rejetant son recours gracieux contre cette délibération.

Par un jugement n° 1722885 du 24 septembre 2019, le tribunal administratif de Lyon, à qui a été transmise cette demande en vertu de l'ordonnance n° 43023

2 du 6 avril 2019 du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, a reje...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société civile immobilière (SCI) les Manessières a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la délibération du 9 mars 2017 par laquelle le conseil municipal de la commune de Collonges-sous-Salève a adopté son plan local d'urbanisme ainsi que la décision du 26 juin 2017 rejetant son recours gracieux contre cette délibération.

Par un jugement n° 1722885 du 24 septembre 2019, le tribunal administratif de Lyon, à qui a été transmise cette demande en vertu de l'ordonnance n° 430232 du 6 avril 2019 du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 26 novembre 2019 et le 8 juillet 2020, la société Les Manessières, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 24 septembre 2019, la délibération du 9 mars 2017 ainsi que la décision du 26 juin 2017 rejetant son recours gracieux ;

2°) d'enjoindre au maire ou au conseil municipal de Collonges-sous-Salève d'engager une procédure de modification du PLU en vue de classer en zone urbaine les parcelles cadastrées section A n° 529,531,533, 1859 et 1860 à compter de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Collonges-sous-Salève la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la délibération en litige a été adoptée en méconnaissance du droit d'information des élus reconnu à l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ; la note de synthèse envoyée aux conseillers communautaires avant la séance du 9 mars 2017 était insuffisante et ce déficit d'information n'a pas été compensé par les autres éléments mis à la disposition des élus ;

- la délibération du 9 mars 2017 est illégale, dès lors qu'y ont pris part des élus intéressés, en méconnaissance de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales ;

- les modifications apportées au projet après l'enquête publique sont nombreuses et ne procèdent pas de l'enquête publique ni de l'avis des personnes publiques associées, notamment s'agissant de l'annexe relative aux aléas ainsi que des modifications mentionnées dans le document de synthèse joint à la convocation du conseil municipal en vue d'adopter le PLU à l'exception de celles concernant le zonage ;

- le classement des parcelles cadastrées section A nos 529, 531, 533, en zone naturelle et des parcelles cadastrées section A nos 1859 et 1860 en zone agricole est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le classement de la parcelle cadastrée section A nos 531 en zone naturelle est entaché d'un détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 avril 2020 et un mémoire complémentaire enregistré le 24 juillet 2020, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la commune de Collonges-sous-Salève, représentée par la Selarl CDMF Avocats Affaires publiques, conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que la cour mette en oeuvre l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

La clôture de l'instruction a été fixée au 24 juillet 2020 par une ordonnance du 8 juillet précédent en application des dispositions de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... C..., première conseillère,

- les conclusions de Jean-Simon Laval, rapporteur public,

- les observations de Me B... pour la société Les Manessières ainsi que celles de Me A... pour la commune de Collonges-sous-Salève ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Les Manessières relève appel du jugement du 24 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 9 mars 2017 par laquelle le conseil municipal de Collonges-sous-Salève a adopté le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune ainsi qu'à l'annulation de son recours gracieux contre délibération.

Sur la légalité de la délibération du 9 mars 2017 :

En ce qui concerne l'information des conseillers municipaux :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales, relatif au fonctionnement du conseil municipal : " dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal ". Il résulte de ces dispositions que, dans les communes de 3 500 habitants et plus, la convocation aux réunions du conseil municipal doit être accompagnée d'une note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l'ordre du jour. Cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l'importance des affaires, doit permettre aux conseillers municipaux de connaître le contexte et de comprendre les motifs de fait et de droit ainsi que les implications des mesures envisagées. Elle n'impose toutefois pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises.

3. Il ressort des pièces du dossier que la réunion du conseil municipal du 9 mars 2017 a été précédée d'une convocation adressée à chacun des membres le 2 mars précédent. Cette convocation était accompagnée d'une note rappelant les différentes étapes chronologiques de la procédure et qui renvoyait à une annexe en pièce jointe intitulée " Synthèse des modifications du projet de PLU ", laquelle retraçait pour chacun des documents composant le PLU les ajouts et modifications intervenus à la suite de l'enquête publique et des avis des personnes publiques associées. Si ce document ne permettait pas à lui seul de comprendre l'origine précise de chaque modification, l'entier dossier de PLU était, depuis le 2 mars 2017, date des convocations, consultable sur le site intranet de la commune, comprenant notamment le rapport du commissaire enquêteur, lequel comportait ces informations. Dans ces conditions, les conseillers municipaux ont été mis à même de parfaire leur connaissance du sujet dont ils seraient amenés à débattre et, par suite, la société requérante n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal a écarté le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées au point 2.

En ce qui concerne la participation au vote de conseillers intéressés :

4. Aux termes de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l'affaire qui en fait l'objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires ".

5. Il résulte de ces dispositions que la participation au vote permettant l'adoption d'une délibération d'un conseiller municipal intéressé à l'affaire qui fait l'objet de cette délibération, c'est-à-dire y ayant un intérêt qui ne se confond pas avec ceux de la généralité des habitants de la commune, est de nature à en entraîner l'illégalité. De même, sa participation aux travaux préparatoires et aux débats précédant l'adoption d'une telle délibération est susceptible de vicier sa légalité, alors même que cette participation préalable ne serait pas suivie d'une participation à son vote, si le conseiller municipal intéressé a été en mesure d'exercer une influence sur la délibération. Cependant, s'agissant d'une délibération déterminant des prévisions et règles d'urbanisme applicables dans l'ensemble d'une commune, la circonstance qu'un conseiller municipal intéressé au classement d'une parcelle ait participé aux travaux préparatoires et aux débats précédant son adoption ou à son vote n'est de nature à entraîner son illégalité que s'il ressort des pièces du dossier que, du fait de l'influence que ce conseiller a exercée, la délibération prend en compte son intérêt personnel.

6. Pour soutenir que la délibération en litige a été adoptée en méconnaissance de ces dispositions, la société Les Manessières se borne à alléguer l'influence exercée par deux conseillers municipaux, membres de la commission municipale chargée du projet de PLU, en vue de classer la parcelle cadastrée section A n° 531 lui appartenant en zone naturelle. Toutefois, la seule circonstance que la réalisation de constructions sur la parcelle en cause pourrait affecter la vue depuis les parcelles immédiatement contigües n'est pas de nature, par elle-même, à établir que les conseillers municipaux propriétaires desdites parcelles auraient, par leur participation à la délibération, entendu défendre un intérêt propre et étranger à l'intérêt général, s'agissant d'une délibération déterminant les prévisions et règles d'urbanisme applicables sur l'ensemble du territoire de la commune. Ainsi, la société requérante n'établit pas que la participation de ces deux conseillers municipaux à la délibération aurait influencé le sens de cette dernière par la prise en compte d'un intérêt personnel ni, par suite, qu'elle serait illégale au regard des dispositions citées au point 4.

En ce qui concerne des modifications apportées au projet de PLU après enquête publique :

7. La société requérante, qui réitère en appel son moyen tiré de ce que le projet de PLU aurait fait l'objet d'un nombre important des modifications et de ce que seules les modifications effectuées sur le zonage procèderaient de l'enquête publique, n'est pas assorti de précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé. En tout état de cause, alors que les requérants se bornent à renvoyer au document de synthèse annexé à la convocation des élus pour la tenue du conseil municipal du 9 mars 2017, il ressort des pièces du dossier et notamment des éléments évoqués au point 3 que la majorité des modifications de classement de parcelles découlent de modifications ponctuelles du rapport de présentation, du règlement et des OAP qui ne sont pas contestées. Dans ces conditions, ce moyen doit être écarté.

8. Par ailleurs, le moyen des requérants tiré de ce que, postérieurement à l'enquête publique, a été ajouté au projet de PLU une annexe concernant les aléas naturels n'est pas assorti de précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé.

En ce qui concerne les classements :

9. Il appartient aux auteurs d'un PLU de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

S'agissant du classement des parcelles cadastrées section A nos 529, 531, 533 :

10. Aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme, codifié à compter du 1er janvier 2016 à l'article R. 151-24 du même code : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : a) Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / b) Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; / c) Soit de leur caractère d'espaces naturels. ". Le rapport de présentation du plan local d'urbanisme indique, pour sa part, que la zone N correspond aux secteurs forestiers et naturels composant le territoire communal, d'une forte richesse environnementale, qu'il convient de préserver, incluant plusieurs secteurs dont le secteur N non indicé, défini comme un secteur forestier et naturel, et dont relève le terrain dont le classement est contesté.

11. Les parcelles cadastrées section A n° 529, 531, 533 ont été classées en zone naturelle. Il ressort des pièces du dossier que ces parcelles appartiennent au secteur de " Collonges Coteau " où le parti pris d'urbanisme de la commune est de limiter l'urbanisation. Elles s'insèrent au sein d'un ensemble de terrains d'une superficie d'environ 9 000 m2, non construit et, bien qu'entourées sur trois de leurs côtés d'un secteur déjà urbanisé sans s'y englober, font partie des espaces naturels et paysagers à préserver représentés à l'orientation d'aménagement et de programmation n° 5 relative au patrimoine végétal à préserver. Dans ces conditions, le classement de ces parcelles en zone naturelle, qui correspond à leurs caractéristiques, répond à l'objectif que se sont fixés les auteurs du PLU de préserver, notamment dans ce secteur, les espaces naturels et paysagers, et ne procède ainsi d'aucune erreur manifeste d'appréciation.

12. Par ailleurs, la société requérante n'apporte aucun élément au soutien de son allégation selon laquelle le classement contesté de sa parcelle cadastrée section A n° 531 en zone naturelle aurait pour objet la préservation des vues des habitations limitrophes dont les propriétaires sont aussi les élus mentionnés au point 6. Par suite, le détournement de pouvoir n'est pas établi.

S'agissant du classement des parcelles cadastrées section A nos 1859 et 1860 :

13. Aux termes de l'article R. 123.7 du code de l'urbanisme codifié à compter du 1er janvier 2016 à l'article R. 151-22 : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ". Le rapport de présentation du plan local d'urbanisme indique, pour sa part, que la zone A correspond aux secteurs destinés à l'activité agricole, intégrant les terres cultivées et celles faisant partie intégrante de l'activité agricole, en évoquant les activités agricoles à venir.

14. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles cadastrées section A n° 1859 et 1860 appartiennent à une vaste zone agricole dans le secteur " Collonges Coteau " où le parti pris d'urbanisme de la commune est de limiter l'urbanisation afin, notamment, d'y préserver l'activité agricole. Elles sont situées en lisière d'une zone naturelle identifiée comme un espace naturel et paysager à préserver dans l'orientation d'aménagement et de programmation n° 5 et incluant les parcelles évoquées au point 11. Leur classement en zone agricole n'est ainsi pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions à fin d'annulation. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être également rejetées.

Sur les frais d'instance :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la société requérante demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge de la commune, qui n'est pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Les Manessières le versement d'une somme de 2000 euros à la commune de Collonges-sous-Salève, au titre des frais que la commune a exposés.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Les Manessières est rejetée.

Article 2 : La société Les Manessières versera à la commune de Collonges-sous-Salève la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Les Manessières ainsi qu'à la commune de Collonges-sous-Salève.

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Daniel Josserand-Jaillet, président ;

M. Thierry Besse, président-assesseur ;

Mme D... C..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 9 novembre 2020.

N° 19LY04311

fp

N° 19LY04311


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19LY04311
Date de la décision : 09/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Plans d'aménagement et d'urbanisme. Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d'urbanisme (PLU). Légalité des plans.


Composition du Tribunal
Président : M. JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS ALBISSON-NIEF-CROSET

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-11-09;19ly04311 ?
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