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05/11/2020 | FRANCE | N°20LY01220

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 05 novembre 2020, 20LY01220


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... et M. D... F... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 28 janvier 2019 par lesquels le préfet du Rhône leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de leur délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, à titre subsidiaire,

de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... et M. D... F... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 28 janvier 2019 par lesquels le préfet du Rhône leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de leur délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, à titre subsidiaire, de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'État une somme de 1 300 euros à verser à leur conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 1903268-1903269 du 17 décembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 mars 2020, M. et Mme F..., représentés par Me A..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1903268-1903269 du 17 décembre 2019 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler les arrêtés du 28 janvier 2019 par lesquels le préfet du Rhône a rejeté leurs demandes de délivrance d'un titre de séjour et les a obligés à quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de leur délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de leur délivrer sans délai des autorisations provisoires de séjour ;

4°) de condamner l'Etat à verser à Me A... la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles, cette condamnation valant renonciation de Me A... à l'indemnisation prévue par la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- les décisions de refus de séjour et le jugement du tribunal administratif de Lyon sont entachés d'une erreur de droit dès lors que ces décisions ne pouvaient se fonder, ni sur l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni sur le 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien mais seulement sur l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- les décisions de refus de séjour méconnaissent l'article 3-1 de la convention précitée dès lors que leur enfant risque de perdre la prise en charge globale et pluridisciplinaire qui a amélioré sa situation ;

- les décisions de refus de séjour sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation tenant à ce que la cessation de cette prise en charge aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour leur enfant et à ce qu'il n'existe aucun traitement de même nature en Algérie.

M. et Mme F... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Gayrard, président assesseur.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme F..., nés respectivement les 27 février 1963 et 2 février 1966, de nationalité algérienne, sont entrés en France en mars 2017, accompagnés de leur dernier fils E... B..., né le 12 mars 2001. Par deux arrêtés du 28 janvier 2019, le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français en fixant l'Algérie comme pays de destination. Par jugement du 17 décembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur le refus de délivrance des titres de séjour :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ". Il résulte des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

3. Les requérants soutiennent que le préfet ne pouvait se fonder, ni sur l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyant une autorisation de séjour spécifique pour le parent étranger d'un enfant malade, ni sur le 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien s'agissant d'apprécier le droit au séjour de parents algériens d'un enfant malade, mais qu'il devait se fonder sur le seul intérêt supérieur de l'enfant au sens de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Toutefois, il ressort des termes des deux arrêtés querellés que le préfet du Rhône s'est seulement fondé sur le 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien pour apprécier le droit au séjour de M. et Mme F..., en prenant notamment en compte l'intérêt supérieur de leur enfant eu égard à son état de santé. Contrairement à ce que les requérants soutiennent, l'intérêt supérieur d'un enfant malade peut être légalement apprécié selon les conditions reprises par le 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et selon la procédure prévue par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prévoyant notamment l'avis d'un collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet du Rhône aurait commis une erreur de droit en estimant que le défaut de prise en charge dont bénéficie le jeune E... B... en France n'entrainerait pas pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et l'empêcherait de repartir avec ses parents dans leur pays d'origine, et ainsi que l'intérêt supérieur de cet enfant au vu de son état de santé n'était pas de nature, à lui seul, à faire admettre le séjour de ses parents.

4. Les requérants contestent l'appréciation portée par le préfet du Rhône en estimant que le défaut de prise en charge aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour leur enfant. Il ressort des pièces du dossier que le jeune E... B... est atteint depuis sa naissance d'un syndrome autistique avec retard du développement intellectuel et troubles majeurs du comportement social et de l'adaptation à l'environnement. Il bénéficie en France d'une prise en charge globale et pluridisplinaire associant notamment des soins de kinésithérapie et d'orthophonie, des audioprothèses et un accueil en centre médico-social. Les certificats médicaux produits par les requérants n'indiquent pas que le défaut d'une telle prise en charge aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais seulement qu'il pourrait lui faire perdre l'évolution favorable de ses handicaps constatée depuis sa prise en charge en France alors que le jeune E... B... a vécu en Algérie jusqu'à l'âge de seize ans. Dès lors, de tels éléments ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration en date du 6 mars 2018. Enfin, les requérants ne justifient pas que leur enfant serait scolarisé en France alors qu'il l'était en Algérie. Dès lors que le défaut de prise en charge du jeune E... B... n'est pas de nature à entrainer pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, M. et Mme F... ne peuvent utilement faire valoir l'absence d'un traitement approprié en Algérie pour contester les décisions querellées.

5. Par suite, en estimant que l'intérêt supérieur de l'enfant au regard de son état de santé n'était pas méconnu par les décisions querellées, le préfet du Rhône n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ou entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation. Dès lors, compte tenu de la durée et des conditions de leur séjour en France, les décisions de refus de séjour n'ont pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. et Mme F... au respect de leur vie privée et familiale et n'ont donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou celles de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié.

6. Pour les mêmes motifs que ceux qui ont été évoqués au point précédent, le préfet n'a pas davantage entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle des intéressés.

7. Eu égard aux points précédents, les requérants ne peuvent utilement exciper de l'illégalité des décisions de refus de séjour au soutien de leurs conclusions dirigées contre les décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français et les décisions fixant le pays de destination.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, doivent être rejetées leurs conclusions aux fins d'injonctions sous astreinte et celles à fin de mise à la charge de l'État des frais exposés et non compris dans les dépens dans les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... et C... F... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 8 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

Mme Caraës, premier conseiller.

Lu en audience publique le 5 novembre 2020.

2

N° 20LY01220


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01220
Date de la décision : 05/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Jean-Philippe GAYRARD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : DRAHY

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-11-05;20ly01220 ?
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