Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, d'une part, d'annuler la décision du 16 mars 2017 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires a refusé de lui allouer un complément de prime de restructuration, ainsi que la décision du 28 juin 2017 portant rejet de son recours gracieux, d'autre part, d'enjoindre à la ministre de la justice de lui verser ce complément de prime, outre intérêts au taux légal, enfin, de condamner l'État à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice.
Par jugement n° 1701494 lu le 22 novembre 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés le 23 janvier 2019 et le 9 décembre 2019, Mme B..., représentée par Me A... demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement, ainsi que les décisions susmentionnées avec toutes conséquences de droit ;
2°) de condamner l'État à lui verser une somme de 5 000 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a confondu le complément de prime sollicité avec l'allocation d'aide à la mobilité du conjoint qu'elle ne revendique pas ;
- l'administration a méconnu les textes applicables en conditionnant le bénéfice de la prime de restructuration à un déménagement avant la prise de fonction et en se basant sur une note interne du 15 juin 2015, prise en méconnaissance du décret n° 2008-366 du 17 avril 2008 ;
- les décisions contestées retirent illégalement une décision d'attribution devenue définitive, notifiée par courriel du 12 décembre 2016 ;
- elle doit être indemnisée de son préjudice financier et moral.
Par mémoire enregistré le 29 novembre 2019, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 relative aux astreintes prononcées en matière administrative et à l'exécution des jugements par les personnes morales de droit public ;
- le décret n° 2008-366 du 17 avril 2008 instituant une prime de restructuration de service ;
- l'arrêté interministériel du 27 février 2009 instituant une prime de restructuration de service dans les cas d'opération d'ouverture et de fermeture et dans les cas de suppression de services déconcentrés au bénéfice des personnels exerçant au sein des services relevant de l'administration pénitentiaire ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Djebiri, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., première surveillante pénitentiaire, alors affectée à la maison d'arrêt de Clermont-Ferrand concernée par un projet de fermeture, a été mutée au centre pénitencier de Riom, par arrêté du 15 avril 2015. La prime de restructuration instituée par le décret du 17 avril 2008 susvisé lui a été allouée afin de l'indemniser de son changement de résidence administrative. L'intéressée ayant déménagé, le 8 mai 2016, elle a demandé le versement d'un complément de prime pour changement de résidence familiale qui lui a été refusé par une décision du 16 mars 2017, puis par décision prise sur recours gracieux. Elle relève appel du jugement du 22 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de ces décisions et, d'autre part, à l'indemnisation des préjudices qu'elle affirme avoir subis en conséquence de l'illégalité de ces décisions.
2. D'une part, aux termes de l'article 2 du décret du 17 avril 2008 susvisé : " Une prime de restructuration de service peut être attribuée aux agents mutés ou déplacés dans le cadre de la restructuration du service dans lequel ils exercent leurs fonctions. Elle est versée en une seule fois, au moment de la prise de fonction de l'agent. Dans la limite d'un montant maximal fixé par arrêté conjoint des ministres chargés du budget et de la fonction publique, le montant de la prime peut être modulé, dans des conditions fixées par arrêté ministériel, en fonction des contraintes supportées par les agents à raison de la restructuration ", et aux termes de l'article 5 de ce décret : " La prime de restructuration de service et l'allocation d'aide à la mobilité du conjoint sont accordées sans préjudice de l'application des dispositions du décret [90-437] du 28 mai 1990 [indemnisant les agents de leurs frais de déménagement] ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 27 février 2009 pris en application de l'article 2 précité du décret : " (...) les agents relevant de la direction de l'administration pénitentiaire (...) peuvent prétendre, selon la nature de l'opération qui conduit à la fermeture de l'établissement (...), au versement d'une prime dans les conditions fixées par les titres 2 et 3 du présent arrêté lorsqu'ils font l'objet d'une mutation ou d'un déplacement en raison de la fermeture de leur établissement (...) ". Les dispositions de l'article 4, inséré au titre 2 de cet arrêté, modulent le montant de la prime de restructuration en fonction de l'éloignement de la nouvelle résidence administrative ou bien, si la nouvelle affectation entraîne un changement de résidence familiale, en fonction du nombre d'enfants à charge. Dans le second cas, l'éligibilité à la prime n'est pas conditionnée à la stricte concomitance de la mutation statutaire et du déménagement personnel, dès lors que l'agent est en mesure d'établir que son changement de domicile est la conséquence directe de son changement de résidence administrative, alors même que ne l'ayant pas déclaré initialement, il a perçu une prime liquidée selon l'éloignement de sa nouvelle résidence administrative.
4. Or, Mme B... justifie d'un lien entre sa mutation administrative et son déménagement personnel, d'Aubière (situé à 17,1 km de Riom) à Chatel Guyon (situé à 6 km de Riom), ce que ne conteste pas l'administration. Dès lors, le directeur interrégional de l'administration pénitentiaire n'a pu, sans méconnaître les dispositions analysées au point 3, refuser de lui allouer un complément de prime égal à la différence entre ce que l'intéressée a perçu initialement en fonction de la distance entre Riom et Aubière, soit 2 000 euros, et ce qu'elle doit percevoir pour le déménagement de son foyer comprenant un enfant à charge, soit 7 000 euros (montant alloué pour un à deux enfants à charge).
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses conclusions d'excès de pouvoir. Les décisions des 16 mars 2017 et 28 juin 2017 doivent être annulés ainsi que le jugement attaqué, dans cette mesure.
6. En demandant que l'annulation prononcée soit assortie de toutes les conséquences de droit, Mme B... entend nécessairement que soit enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice de lui allouer un arriéré de prime de 5 000 euros, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative. Il y a lieu d'adresser une injonction en ce sens et de l'assortir d'un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt.
7. En revanche, Mme B... n'établit pas la réalité du préjudice financier qu'elle allègue avoir subi en raison du refus illégal de réviser le montant de sa prime. Par suite, ses conclusions indemnitaires doivent être rejetées.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros à verser à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Les décisions des 16 mars et 28 juin 2017 par lesquelles le directeur interrégional des services pénitentiaires a refusé le versement d'un complément de prime de restructuration à Mme B... pour changement de résidence familiale sont annulées.
Article 2 : Il est enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice de verser à Mme B... un arriéré de prime de restructuration de 5 000 euros, dans le délai de deux mois à compter du présent arrêt.
Article 3 : Le jugement n° 1701494 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand lu le 22 novembre 2018, en ce qu'il rejette les demandes d'annulation présentées par Mme B..., est annulé.
Article 4 : L'État versera une somme de 1 200 euros à Mme B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 novembre 2020.
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N° 19LY00301