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05/11/2020 | FRANCE | N°19LY00091

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 05 novembre 2020, 19LY00091


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... G... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 14 avril 2016 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle du conseil national des activités privées de sécurité lui a retiré sa carte professionnelle.

Par un jugement n° 1604006 du 8 novembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 janvier 2019, et un mémoire complémentaire, enregistré le

14 janvier 2019, M. G..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... G... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 14 avril 2016 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle du conseil national des activités privées de sécurité lui a retiré sa carte professionnelle.

Par un jugement n° 1604006 du 8 novembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 janvier 2019, et un mémoire complémentaire, enregistré le 14 janvier 2019, M. G..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 8 novembre 2018 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler la décision du 14 avril 2016 par laquelle la commission nationale d'agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité lui a retiré sa carte professionnelle ;

3°) de mettre à la charge du Conseil national des activités privées de sécurité la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les pièces qui ont justifié le retrait de sa carte professionnelle ne le concernent pas dès lors que c'est son frère, actuellement incarcéré, qui est visé ; dans la mesure où il existe une erreur sur la personne qui a sollicité la délivrance d'une carte professionnelle, la décision doit être déclarée nulle et aucun délai de recours ne peut lui être opposé ; par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté son recours comme irrecevable en raison de sa tardiveté ; s'il a saisi le tribunal administratif plus de deux mois après la décision contestée, l'erreur sur la personne constitue une illégalité particulièrement grave de nature à caractériser une situation d'inexistence ; il n'existe aucun élément à son encontre ; l'administration n'a pas fait la distinction entre son frère, Ahmed, et lui ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il est titulaire d'une carte professionnelle depuis le 9 septembre 2010 et a sollicité son renouvellement ; une carte professionnelle lui a été délivrée pour une durée de 5 ans à compter du 3 juillet 2015 ; il n'a jamais eu de comportements ou des agissements contraires à l'honneur, la probité et les bonnes moeurs ou de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes et des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat ; l'enquête administrative diligentée six mois avant la décision de retrait avait permis de constater que son comportement ou ses agissements n'étaient pas incompatibles avec l'exercice de la profession ; si l'état d'urgence a été décrété par la loi du 20 novembre 2015, cette seule constatation ne saurait justifier la mesure prise à son encontre ;

- il n'a fait l'objet d'aucune mesure ou enquête judiciaire ;

- la décision est entachée d'un défaut de motivation.

Par un mémoire, enregistré le 25 avril 2019, le Conseil national des activités privées de sécurité, représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 500 euros soit mise à la charge de M. G... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- une décision ne peut être qualifiée d'inexistante qu'à la condition d'être dépourvue d'existence matérielle ou d'être entachée d'un vice d'une gravité telle qu'il affecte, non seulement sa légalité, mais son existence même ; ne peut revêtir ce caractère qu'une décision manifestement insusceptible d'être rattachée à l'application d'un texte législatif ou réglementaire ou intentionnellement entachée d'un vice grave ; en l'espèce, il est constant que la décision est rattachée à l'application des dispositions du dernier alinéa et du 2° de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure et l'enquête administrative ayant donné lieu à une consultation du traitement d'antécédents judiciaires (TAJ) a fait apparaître des mises en cause et condamnations concernant une personne dénommée " Anys G... " ; il est constant que la requête en première instance a été introduite après expiration des délais de recours dès lors que la décision du 14 avril 2016, comportant l'indication des délais et voies de recours, a été notifiée à M. G... le 26 avril 2016 et que son recours devant le tribunal administratif n'a été introduit que le 13 juillet 2016 ;

- ce n'est qu'après l'intervention du décret du 10 juin 2015 relatif à l'accès au traitement d'antécédents judiciaires et au fichier des personnes recherchées que les agents instructeurs du Conseil national des activités privées de sécurité se sont vus accorder d'une part la possibilité de prendre connaissance des faits pour lesquels une personne était inscrite au fichier " traitement d'antécédents judiciaires " et d'autre part la possibilité de consulter directement le fichier des personnes recherchées ; ce décret n'est entré en vigueur qu'à compter du 13 juin 2015 et à la date à laquelle le renouvellement de la carte professionnelle a été accordé à M. G..., la consultation des fichiers n'était pas opérationnelle : la circonstance que le requérant a bénéficié du renouvellement de sa carte professionnelle antérieurement à la décision litigieuse n'a pas d'incidence sur la légalité de cette décision ;

- la décision n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que l'intéressé est inscrit au fichier des personnes recherchées et que son comportement est contraire à l'honneur, à la probité, aux bonnes moeurs ou de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat, l'inscription d'une personne sur ce fichier étant nécessairement la conséquence d'un comportement ou d'agissements présentant une particulière gravité.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteur public ;

- et les observations de Me E..., représentant le conseil national des activités privées de sécurité.

Considérant ce qui suit :

1. Par délibération du 3 juillet 2015, la commission régionale d'agrément et de contrôle Sud-Est a délivré à M. G... une carte professionnelle l'autorisant à exercer l'activité d'agent privé de sécurité dont la validité expirait le 3 juillet 2020. Par une délibération du 15 décembre 2015, la commission régionale d'agrément et de contrôle Sud-Est a retiré sa carte professionnelle à l'intéressé au motif que les conditions requises par les dispositions de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure n'étaient pas remplies. Le 5 janvier 2016, M. G... a formé un recours préalable obligatoire auprès de la commission nationale du Conseil national des activités privées de sécurité qui, par une décision du 14 avril 2016, a rejeté son recours. M. G... relève appel du jugement du 8 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 14 avril 2016 de la commission nationale du Conseil national des activités privées de sécurité comme irrecevable.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " (...) la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / (...) " et aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ". Le juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un recours dirigé contre un acte nul et non avenu, est tenu d'en constater la nullité à toute époque.

3. Il ressort des pièces du dossier que la décision de la commission nationale du Conseil national des activités privées de sécurité du 14 avril 2016, qui comporte la mention des délais et voies de recours, a été notifiée à M. G... le 26 avril 2016, date à laquelle a commencé à courir le délai de recours contentieux de deux mois. L'intéressé n'a sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle que le 15 juillet 2016, soit postérieurement au délai de recours contentieux de deux mois qui lui était imparti. Sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission nationale du Conseil national des activités privées de sécurité du 14 avril 2016 n'a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Grenoble que le 13 juillet 2016, soit postérieurement à l'écoulement du délai de deux mois prévu par les dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative.

4. M. G... fait valoir que la décision de la commission nationale du Conseil national des activités privées de sécurité du 14 avril 2016 constitue un acte inexistant compte tenu de l'erreur de fait dont elle est entachée et que, pour ce motif, aucune condition de délai pour déférer la décision au juge de l'excès de pouvoir ne peut lui être opposée.

5. Aux termes de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction alors applicable, " Nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l'article L. 611-1 : 1° S'il a fait l'objet d'une condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire ou, pour les ressortissants étrangers, dans un document équivalent, pour des motifs incompatibles avec l'exercice des fonctions ; 2° S'il résulte de l'enquête administrative, ayant le cas échéant donné lieu à consultation, par des agents des commissions nationale et régionales d'agrément et de contrôle spécialement habilités par le représentant de l'Etat territorialement compétent et individuellement désignés, des traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification, que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes moeurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées ; (...) / La carte professionnelle peut être retirée lorsque son titulaire cesse de remplir l'une des conditions prévues aux 1°, 2° et 3°. (...) ".

6. Un acte ne peut être regardé comme inexistant que s'il est dépourvu d'existence matérielle ou s'il est entaché d'un vice d'une gravité telle qu'il affecte, non seulement sa légalité, mais son existence même.

7. Si les motifs de la décision contestée sont fondés sur les résultats d'une enquête administrative qui ont révélé que M. A... G... est connu au fichier des personnes recherchées et que son comportement est susceptible de porter atteinte à la sécurité des personnes et des biens, à la sécurité publique, à la sûreté de l'Etat et est contraire à la probité, il ressort des pièces du dossier que la fiche issue du fichier du traitement d'antécédents judiciaires (TAJ) sur le fondement de laquelle la commission nationale du Conseil national des activités privées de sécurité s'est prononcée pour retirer la carte professionnelle de M. A... G... concerne le frère du requérant, M. B... G..., connu sous l'alias A... G..., et faisant l'objet de mises en cause multiples en qualité d'auteur d'infractions graves et de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes et des biens. Toutefois, la décision qui retirerait illégalement une carte professionnelle d'agent de sécurité privée sur le fondement des renseignements contenus dans une fiche extraite du fichier " traitement d'antécédents judiciaires " et relative à une autre personne que le demandeur ne présente pas le caractère d'un acte inexistant permettant de le déférer sans condition de délai au juge de l'excès de pouvoir, dès lors que la décision n'est pas insusceptible de se rattacher à l'exercice d'un pouvoir appartenant au Conseil national des activités privées de sécurité sur le fondement des dispositions de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure. Par suite, la demande présentée par M. G... devant le tribunal administratif de Grenoble était irrecevable en raison de sa tardiveté.

8. Il résulte de ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du Conseil national des activités privées de sécurité, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. G... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. G... la somme demandée par le Conseil national des activités privées de sécurité au titre des frais exposés par lui sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. G... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le Conseil national des activités privées de sécurité sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... G... et au Conseil national des activités privées de sécurité.

Délibéré après l'audience du 8 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 5 novembre 2020 .

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N° 19LY00091


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00091
Date de la décision : 05/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05 Police. Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : ASMANE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-11-05;19ly00091 ?
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