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05/11/2020 | FRANCE | N°18LY03436

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 05 novembre 2020, 18LY03436


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 1501766 du 21 novembre 2017, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a déclaré la commune de Cournon d'Auvergne entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident dont M. H... a été victime le 11 juin 2012, condamné la commune de Cournon d'Auvergne à verser à M. H... la somme de 1 570 euros et celle de 8 250 euros à la mutuelle assurance des commerçants et industriels de France (MACIF), rejeté les conclusions de M. H... tendant à l'octroi d'une somme de 1 000

euros à titre d'indemnité provisionnelle ainsi que les conclusions d'appel e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 1501766 du 21 novembre 2017, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a déclaré la commune de Cournon d'Auvergne entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident dont M. H... a été victime le 11 juin 2012, condamné la commune de Cournon d'Auvergne à verser à M. H... la somme de 1 570 euros et celle de 8 250 euros à la mutuelle assurance des commerçants et industriels de France (MACIF), rejeté les conclusions de M. H... tendant à l'octroi d'une somme de 1 000 euros à titre d'indemnité provisionnelle ainsi que les conclusions d'appel en garantie de la commune de Cournon d'Auvergne et ordonné qu'il soit procédé à une expertise médicale, avant de statuer sur les conclusions de la requête de M. H... et de la MACIF tendant à l'indemnisation du préjudice personnel de l'intéressé.

Le rapport d'expertise établi par le docteur Arnaud a été déposé au greffe du tribunal administratif de Clermont-Ferrand le 15 février 2018.

M. H... et la MACIF ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner la commune de Cournon d'Auvergne à leur verser la somme totale de 8 917,50 euros et les entiers dépens.

La caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, appelée à l'instance, a demandé la condamnation de la commune de Cournon d'Auvergne à lui verser la somme de 17 494,07 euros au remboursement de ses débours avec intérêt au taux légal à compter du 30 octobre 2017 et capitalisation des intérêts ainsi que la somme de 1 066 euros au titre de l'indemnitaire forfaitaire de gestion prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

La société par actions simplifiée Eurovia Dala a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand à être mise hors de cause et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune de Cournon d'Auvergne au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1501766 du 13 juillet 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné la commune de Cournon d'Auvergne à verser à M. H... la somme de 4 841 euros, à la MACIF la somme de 402 euros, à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme la somme de 17 472,41 euros, en remboursement de ses débours, et la somme de 1 066 euros, au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, ces deux sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 30 octobre 2017, et mis les frais d'expertise taxés à la somme de 840 euros à la charge définitive de la commune de Cournon d'Auvergne.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2018, la commune de Cournon d'Auvergne, représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler les jugements des 21 novembre 2017 et 13 juillet 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement du 13 juillet 2018 en tant que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a alloué à M. H... la somme de 4 841 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme les sommes de 17 472,41 euros et de 1 066 euros et de ramener à de plus justes proportions les sommes allouées ;

3°) de condamner la société Eurovia Dala à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

4°) de mettre à la charge solidaire de M. H... et de la MACIF la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la cause des accidents qui se sont produits en sortie du rond-point sur le boulevard Charles de Gaulle n'est pas établie ; le rapport d'information de la police se contente d'émettre une hypothèse concernant le manque d'adhérence de la chaussée ; la chaussée est pourvue d'un revêtement antidérapant et de bandes rugueuses permettant précisément une meilleure adhérence des véhicules sur la chaussée ; les travaux ont été réalisés en 2010 ; le fait que le revêtement par temps de pluie soit glissant ne saurait caractériser une situation anormale d'autant qu'un aménagement particulier a été installé pour atténuer ce phénomène ; une signalisation avertit les usagers d'un danger, un panneau avise les automobilistes de bandes rugueuses ; la vitesse est limitée à 70 km/h ; par suite, aucun défaut d'entretien de l'ouvrage public ne saurait lui être reproché ;

- M. H... a pris le risque de rouler à une vitesse inadaptée à la configuration des lieux et aux conditions météorologiques ; les photographies produites montrent l'importance des dommages ; la victime connaissait les lieux ; ces éléments sont de nature à l'exonérer de toute responsabilité si le défaut d'entretien normal de l'ouvrage public était retenu ;

- s'agissant des sommes allouées à M. H..., une juste compensation de la gêne ressentie par la victime dans les actes de la vie courante durant la période de déficit fonctionnel temporaire ne saurait excéder 300 euros ; l'indemnité allouée au titre des souffrances endurées ne saurait excéder 2 500 euros ; compte tenu du caractère limité et temporaire du préjudice esthétique, aucune indemnité ne saurait être accordée à M. H... ; le préjudice esthétique permanent est négligeable et ne sera pas indemnisé ;

- s'agissant des sommes allouées à la caisse primaire d'assurance maladie, les pièces produites par la caisse primaire d'assurance maladie ne sont pas signées ; il lui appartient de justifier de ses débours ;

- si une condamnation était prononcée à son encontre, elle demande que la société Eurovia Dala la garantisse ; cette société a réalisé les travaux de revêtement et a fourni et posé les bandes d'alerte ; l'adhérence insuffisante du revêtement, si elle est retenue, caractérise une impropriété des travaux de nature à relever de la garantie décennale des constructeurs.

Par un mémoire, enregistré le 15 novembre 2018, la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 800 euros soit mise à la charge de la commune de Cournon d'Auvergne en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- huit accidents se sont produits sur les lieux de l'accident antérieurement ; M. H... avait adapté sa conduite à la situation de la chaussée ; l'état des véhicules après l'accident ne saurait permettre de présumer une faute de la victime ; la commune n'établit pas que la chaussée faisait l'objet d'un entretien normal ; aucune faute ne peut être retenue à la charge de la victime ;

- elle justifie de l'ensemble de ses débours en produisant sa créance définitive et un argumentaire médico-technique accompagné d'une attestation d'imputabilité.

Par un mémoire, enregistré le 7 décembre 2018, M. H... et la MACIF, représentés par Me A..., concluent :

1°) à la confirmation du jugement du 21 novembre 2017 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand et, par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement du 13 juillet 2018, en tant que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand n'a que partiellement fait droit à la demande de M. H... ;

2°) à la condamnation de la commune de Cournon d'Auvergne à verser à M. H... la somme de 8 917,50 euros et à la MACIF la somme de 402 euros ;

3°) à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la commune de Cournon d'Auvergne en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre les entiers dépens.

Ils soutiennent que :

- les abords du carrefour Anne-Marie B... sont particulièrement accidentogènes comme en témoignent les nombreux accidents survenus dans cette zone ; les services de police ont indiqué à la commune qu'il était urgent d'intervenir pour éviter les accidents ; à la date de l'accident, la commune n'était pas intervenue ; le défaut d'entretien de la chaussée est établi et la commune ne saurait s'exonérer de sa responsabilité en invoquant une faute de la victime ;

- rien ne permet de démontrer que M. H... circulait à une vitesse excessive et inadaptée ;

- M. H... ne sollicite aucune somme au titre des dépenses de santé actuelles ; la MACIF s'est acquittée de la somme de 402 euros correspondant aux frais d'assistance de M. H... lors de l'expertise médicale par le docteur Dumas ;

- il sera alloué à M. H... la somme de 1 417,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, la somme de 5 000 euros au titre des souffrances endurées, la somme de 1 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, de 1 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent.

Par un mémoire, enregistré le 10 décembre 2018, la société Eurovia Dala, représentée par Me I..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Cournon d'Auvergne en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en première instance comme en appel, la commune ne motive pas juridiquement le fondement de son appel en garantie ;

- s'agissant de la responsabilité décennale, cette responsabilité ne peut être valablement invoquée pour motiver une demande de garantie concernant un dommage qui n'affecte pas l'ouvrage exécuté mais un dommage à un tiers à la relation contractuelle ; il n'est pas établi que l'ouvrage serait atteint d'un quelconque désordre et que ce désordre serait de nature décennale tel que prescrit par les articles 1792 et suivants du code civil ; rien ne permet d'établir que les travaux ne sont pas conformes à ceux commandés par la commune et que la voirie présente une adhérence insuffisante ;

- sur la responsabilité de droit commun, les travaux de voirie ont débuté le 1er janvier 2010 et ont fait l'objet d'une réception sans réserve ni réfaction selon le procès-verbal de réception du 21 mars 2011 ; la commune n'établit pas la faute de la société dans l'exécution de sa mission et que les travaux de voirie sont en lien direct avec l'accident.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteur public,

- et les observations de Me G..., substituant Me I..., représentant la SAS Eurovia Dala.

Considérant ce qui suit :

1. Le 11 juin 2012, M. E... H... a été victime d'un accident alors qu'il circulait en voiture à la sortie d'un rond-point en direction du boulevard Charles de Gaulle dans la commune de Cournon d'Auvergne. Il a été transporté par les sapeurs-pompiers au service des urgences du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand où il lui a été diagnostiqué un traumatisme crânien, une plaie costale et occipitale, une plaie du scalp occipital et une fracture des 9ème et 10ème côtes droites. Par un jugement du 21 novembre 2017, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a déclaré la commune de Cournon d'Auvergne entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident, l'a condamnée à verser à M. H... la somme de 1 570 euros et à la MACIF la somme de 8 250 euros, en réparation des préjudices matériels résultant de l'accident, a ordonné avant dire droit qu'il soit procédé à une expertise afin d'évaluer les différents préjudices subis par M. H... et a rejeté les conclusions d'appel en garantie présentées par la commune de Cournon d'Auvergne. Par une ordonnance du 22 novembre 2017, le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a désigné le docteur Arnaud en qualité d'expert. A la suite du dépôt du rapport d'expertise le 15 février 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné, par un jugement du 13 juillet 2018, la commune de Cournon d'Auvergne à verser la somme de 4 841 euros à M. H... et la somme de 402 euros à la MACIF, ainsi que la somme de 17 472,41 euros à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, en remboursement de ses débours, et la somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, ces deux sommes étant assorties des intérêts au taux légal. Enfin, il a mis les frais d'expertise à la charge définitive de la commune de Cournon d'Auvergne et a rejeté le surplus des conclusions de la requête et de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme. La commune de Cournon d'Auvergne relève appel des jugements des 21 novembre 2017 et 13 juillet 2018 en tant que le tribunal administratif l'a, respectivement, d'une part, reconnue entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident subi par M. H... et a rejeté ses conclusions d'appel en garantie et, d'autre part, l'a condamnée à réparer les préjudices personnels subis par M. H... à hauteur de 4 841 euros et à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme la somme de 17 472,41 euros au titre des débours engagés et de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. Par la voie de l'appel incident, M. H... et la MACIF demandent la réformation du jugement du 13 juillet 2018 en tant que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand n'a pas entièrement fait droit aux conclusions indemnitaires de M. H....

Sur la responsabilité de la commune de Cournon d'Auvergne :

2. Il appartient à l'usager d'un ouvrage public qui demande réparation d'un préjudice qu'il estime imputable à cet ouvrage de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice invoqué et l'ouvrage. Le maître de l'ouvrage ne peut être exonéré de l'obligation d'indemniser la victime qu'en rapportant, à son tour, la preuve soit de l'entretien normal de l'ouvrage, soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure.

3. Il résulte de l'instruction que, le 11 juin 2012, vers 7h50, M. H... a perdu le contrôle de son véhicule, alors qu'il circulait boulevard Charles de Gaulles à Cournon d'Auvergne, après avoir emprunté le rond-point Anne-Marie B..., et qu'il a percuté un véhicule qui circulait en sens inverse. Selon le procès-verbal de la police, rédigé le même jour, " au moment où s'est produit l'accident, la circulation était fluide, la visibilité bonne mais la chaussée était mouillée. A cet endroit, ont lieu bon nombre d'accidents : sorties de route dès que la chaussée est mouillée. La mairie de Cournon d'Auvergne et le conseil général ont été sensibilisés sur cette zone très accidentogène. ". Dans un rapport d'information du 2 mars 2012 relatif au caractère dangereux de la chaussée aux abords du carrefour Anne-Marie B... et plus particulièrement à la sortie du carrefour en direction du boulevard Charles de Gaulle, la police nationale a indiqué au maire de la commune de Cournon d'Auvergne qu'une quinzaine d'accidents, qui s'étaient produits dans la zone litigieuse, avaient été portés à la connaissance des services de police sans comptabiliser ceux qui n'avaient pas fait l'objet d'une information de ces mêmes services et que dans les trois quarts de ces accidents, les conducteurs perdaient le contrôle de leur véhicule à la sortie du carrefour en direction du boulevard Charles de Gaulle dans une légère courbe à gauche. Le rapport d'information indique encore, sans relever un quelconque rôle causal de la vitesse dans ces accidents, que " des bandes rugueuses sont positionnées au sol en divers endroits de la chaussée à compter de cette courbe. Elles ne traversent pas complètement la voie de circulation. Les premières bandes en sortie du carrefour, situées au niveau de la courbe, sembleraient moins rugueuses sur leur partie la plus à gauche. En observant les véhicules circuler à cette sortie du carrefour, j'ai constaté que la majorité prenait la courbe sur l'intérieur et de ce fait, les roues gauches ne se trouvaient pas sur les bandes rugueuses tandis que les roues de droite passaient sur la partie la plus lisse de la bande " et conclut qu' " il semble évident qu'un problème résulte de la chaussée dans la courbe de sortie du carrefour Anne Marie B... en direction du boulevard Charles de Gaulle : inclinaison de la chaussée ' Revêtement ' Bandes rugueuses inadaptées ' ". Ce rapport d'information de la police, circonstancié, rédigé postérieurement aux travaux réalisés en 2010 de revêtement de la chaussée et de pose de bandes rugueuses et antérieurement à l'accident dont M. H... a été victime, établit le caractère anormalement glissant de la chaussée.

4. Si la commune de Cournon d'Auvergne soutient qu'une signalisation appropriée existait au jour de l'accident et informait les usagers de la route du risque de glissance de la chaussée, il résulte de l'instruction et notamment de la photographie produite par la commune, que la signalisation litigieuse est constituée d'un panneau de limitation de la vitesse à 70 km/h, d'un panneau A14 complété par un panonceau d'indication de la nature du danger " bandes rugueuses " ne correspondant pas à la nature du danger existant sur cette portion de la chaussée, à savoir une glissance anormale de la chaussée. Par suite, le risque de glissance de la chaussée n'était pas signalé par un panneau adapté au danger et de nature à permettre aux usagers, particulièrement par temps de pluie comme c'était le cas, de prendre toutes les précautions nécessaires pour aborder cette portion de la route à une vitesse adaptée. Ainsi, et en l'absence de l'implantation du panneau spécifique avertissant les usagers de la route d'un risque de glissance de la chaussée, la commune de Cournon d'Auvergne n'établit pas que la voie où s'est produit l'accident a fait l'objet d'un entretien normal.

5. Pour s'exonérer de toute responsabilité, la commune de Cournon d'Auvergne fait valoir que la victime, qui connaissait les lieux, a pris le risque de rouler à une vitesse inadaptée à la configuration des lieux et aux conditions météorologiques. Toutefois, il résulte de l'instruction et notamment du procès-verbal de transport, des constatations et des mesures prises de la police nationale que M. H... roulait à une vitesse qualifiée de raisonnable, ce qui est confirmé par les déclarations du conducteur dont le véhicule circulait en sens inverse, selon lesquelles M. H... " ne roulait pas vite " et " roulait à une vitesse normale, mais a dérapé ". Par suite, nonobstant la circonstance que M. H... connaissait la route qu'il empruntait quotidiennement pour se rendre à son travail et compte tenu du caractère anormalement glissant de la chaussée, mis en évidence par la police, et de l'absence de panneau spécifique signalant ce risque, il n'est pas établi que M. H... aurait commis une imprudence de nature à exonérer la commune de Cournon d'Auvergne de tout ou partie de sa responsabilité.

Sur l'évaluation des préjudices :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

S'agissant des dépenses de santé :

6. M. H... n'établit ni même n'allègue avoir supporté des dépenses de santé restées à sa charge.

7. La caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme justifie suffisamment par un état détaillé de ses débours, une attestation d'imputabilité et un argumentaire médico-technique, signés et établis par son médecin-conseil le 27 mars 2018, avoir exposé pour le compte de son assuré à la suite de l'accident les sommes de 13 333,99 euros au titre des frais hospitaliers, de 1 224,76 euros au titre des frais médicaux, de 7,38 euros au titre des frais pharmaceutiques. Le poste de préjudice correspondant aux dépenses de santé s'élève ainsi à la somme totale de 14 527,63 euros, après déduction d'une franchise de 38,50 euros.

S'agissant de la perte de revenus :

8. M. H... n'établit ni même n'allègue avoir été contraint de supporter du fait de son accident une perte de revenus.

9. La caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme justifie avoir versé à M. H... des indemnités journalières d'un montant de 2 944,78 euros du 12 juin au 27 juillet 2012. Par suite, la commune de Cournon d'Auvergne doit être condamnée à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme la somme de 2 944,78 euros.

S'agissant des frais divers :

10. La commune de Cournon d'Auvergne ne conteste pas la somme demandée de 402 euros allouée par les premiers juges à la MACIF au titre des honoraires acquittés pour l'assistance de M. H... aux opérations d'expertise.

En ce qui concerne les préjudices à caractère extrapatrimonial :

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :

11. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, que M. H..., né en 1977, a subi une période de déficit fonctionnel temporaire total du 11 au 15 juin 2012 et une période de déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 30 % du 16 juin au 27 juillet 2012, puis de 10 % jusqu'au 22 août 2013, date de la consolidation de son état de santé. Les premiers juges ont correctement évalué ce préjudice en allouant à la victime la somme de 941 euros.

S'agissant des souffrances endurées :

12. Il résulte de l'instruction que l'expert a estimé à 3 sur une échelle de 7 les souffrances endurées par M. H... en retenant les douleurs post-traumatiques (traumatisme crânien, fractures costales, plaie du scalp, multiples contusions...), les traitements infirmiers et soins de masso-kinésithérapie. L'évaluation des souffrances endurées à 3 100 euros par les premiers juges n'apparaît ni insuffisante ni disproportionnée.

S'agissant du préjudice esthétique :

13. Le préjudice esthétique temporaire a été évalué par l'expert à 1 sur une échelle de 7 jusqu'au 27 juillet 2012 en raison des multiples contusions ecchymotiques et de la plaie du scalp. Le préjudice esthétique permanent a été évalué par l'expert à 1 sur une échelle de 7 en tenant compte de la cicatrice du cuir chevelu que l'expert qualifie de " peu visible ". Il sera fait une juste appréciation du préjudice esthétique temporaire à l'évaluant à 900 euros et du préjudice esthétique permanent en l'évaluant à 500 euros.

14. Il résulte de ce qui précède que la commune de Cournon d'Auvergne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 21 novembre 2017, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'a reconnue entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident dont M. H... a été victime et l'a condamnée à indemniser M. H..., la MACIF et la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme des préjudices subis. M. H... est seulement fondé à demander que l'indemnité de 4 841 euros que, par le jugement du 13 juillet 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a mis à la charge de la commune de Cournon d'Auvergne soit portée à la somme de 5 441 euros. Il y a lieu de confirmer les sommes de 402 euros et de 17 472,41 euros allouées par les premiers juges comme devant être versées par la commune de Cournon d'Auvergne respectivement à la MACIF et à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme.

Sur les frais d'expertise :

15. Il y a lieu de maintenir les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 840 euros par ordonnance du 2 mars 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand à la charge définitive de la commune de Cournon d'Auvergne.

Sur l'appel en garantie de la commune de Cournon d'Auvergne :

16. La fin des rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et l'entrepreneur, consécutive à la réception sans réserve d'un marché de travaux publics, fait obstacle à ce que, sauf clause contractuelle contraire, l'entrepreneur soit ultérieurement appelé en garantie par le maître d'ouvrage pour des dommages dont un tiers demande réparation à ce dernier, alors même que ces dommages n'étaient ni apparents ni connus à la date de la réception. Il n'en irait autrement - réserve étant faite par ailleurs de l'hypothèse où le dommage subi par le tiers trouverait directement son origine dans des désordres affectant l'ouvrage objet du marché et qui seraient de nature à entraîner la mise en jeu de la responsabilité des constructeurs envers le maître d'ouvrage sur le fondement des principes régissant la garantie décennale des constructeurs - que dans le cas où la réception n'aurait été acquise à l'entrepreneur qu'à la suite de manoeuvres frauduleuses ou dolosives de sa part.

17. Il est constant que les travaux de voirie réalisés par la société Eurovia Dala et consistant en la réalisation d'un revêtement coloré et antidérapant et en la pose de bandes d'alerte ont débuté le 1er janvier 2010 et ont fait l'objet d'une réception sans réserve le 31 décembre 2010 selon le procès-verbal de réception du 31 mars 2011. Cette réception a mis fin à la responsabilité contractuelle des constructeurs et la commune ne soutient pas que la réception aurait été acquise à la société à la suite de manoeuvres frauduleuses ou dolosives de sa part. Dès lors, la commune de Cournon d'Auvergne ne peut plus mettre en cause la responsabilité contractuelle de la société Eurovia Dala.

18. La commune de Cournon d'Auvergne, qui a suffisamment motivée son appel en garantie dès la première instance, se prévaut de la responsabilité décennale des constructeurs pour demander à être garantie par la société Eurovia Dala de toute condamnation prononcée à son encontre en faisant valoir que l'adhérence insuffisante du revêtement, si elle est retenue, suffit à caractériser le caractère impropre des travaux de voirie.

19. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que, sauf cas de force majeure ou faute du maître de l'ouvrage, les constructeurs sont responsables de plein droit des dommages qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs, le rendent impropre à sa destination dans un délai prévisible, et qui sont apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, même si ces dommages ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration de ce délai, dès lors qu'ils n'étaient ni apparents ni prévisibles lors de la réception de cet ouvrage.

20. Il résulte de l'instruction, conformément à ce qui a été dit au point 3, que, par temps pluvieux, de nombreux accidents se sont produits à la sortie du rond-point A.M. B... en direction du boulevard Charles de Gaulle. Ces accidents révèlent un défaut d'adhérence par temps de pluie de cette portion de chaussée litigieuse et ce alors qu'il n'est pas établi que l'inclinaison de la chaussée présenterait un caractère particulier de nature accidentogène. Ce défaut d'adhérence, qui compromet la sécurité des usagers, non apparent lors de la réception des travaux, est de nature à rendre cette partie de la chaussée impropre à sa destination et engage ainsi la responsabilité des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale. Par suite, la commune de Cournon d'Auvergne est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 3 du jugement du 21 novembre 2017, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à ce que la société Eurovia Dala la garantisse entièrement des condamnations prononcées au bénéfice de M. H..., de la MACIF et de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. H... et de la MACIF, qui ne sont pas partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Cournon d'Auvergne demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

22. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Cournon d'Auvergne une somme de 1 500 euros à verser à M. H... et à la MACIF au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

23. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme et de la société Eurovia Dala sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La somme de 4 841 euros que la commune de Cournon d'Auvergne a été condamnée à verser à M. H... par le jugement du 13 juillet 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est portée à la somme de 5 441 euros.

Article 2 : Les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 840 euros par ordonnance du 2 mars 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand sont maintenus à la charge définitive de la commune de Cournon d'Auvergne.

Article 3 : La commune de Cournon d'Auvergne versera à M. H... et à la MACIF la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La société Eurovia Dala est condamnée à garantir la commune de Cournon d'Auvergne à hauteur de la totalité des condamnations prononcées à son encontre par les jugements des 21 novembre 2017 et 13 juillet 2018 réformés ainsi que par le présent arrêt.

Article 5 : Les jugements du tribunal administratif de Clermont-Ferrand des 21 novembre 2017 et 13 juillet 2018 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Cournon d'Auvergne, à M. E... H..., à la MACIF, à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme et à la société Eurovia Dala.

Délibéré après l'audience du 8 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

Mme D..., premier conseiller,

Lu en audience publique le 5 novembre 2020.

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N° 18LY03436


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY03436
Date de la décision : 05/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-02-02-03 Travaux publics. Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics. Régime de la responsabilité. Qualité de tiers.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SELURL PHELIP

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-11-05;18ly03436 ?
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