La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/10/2020 | FRANCE | N°18LY02432

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 20 octobre 2020, 18LY02432


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... G... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler la décision du 4 janvier 2016 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône l'a licenciée pour insuffisance professionnelle ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1601853 du 2 mai 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision

du directeur du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône du 4 janvier 2016 licenciant M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... G... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler la décision du 4 janvier 2016 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône l'a licenciée pour insuffisance professionnelle ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1601853 du 2 mai 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du directeur du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône du 4 janvier 2016 licenciant Mme G... et mis à la charge du centre hospitalier une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 2 juillet 2018, le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône, représenté par Me F... (H... et associés), avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 mai 2018 ;

2°) de rejeter la demande de Mme G... ;

3°) de mettre à la charge de Mme G... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'insuffisance professionnelle de Mme G... est établie ;

- les autres moyens soulevés, tirés du défaut de communication du dossier de l'intéressée, du caractère disciplinaire du licenciement en cause et de la méconnaissance du principe non bis in idem ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 mars 2019, Mme B... G..., représentée par Me Bourillon (SELARL Urban Conseil), avocat, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle expose que :

- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;

- son licenciement est intervenu au terme d'une procédure irrégulière, dès lors qu'elle n'a pas été avertie de son droit à obtenir la communication de son dossier et que ce dossier était incomplet ;

- son licenciement a été prononcé en méconnaissance du principe général des droits de la défense ;

- il procède d'une erreur d'appréciation quant à son insuffisance professionnelle ;

- il a été prononcé en méconnaissance du principe non bis in idem.

Par une ordonnance du 9 septembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 octobre 2019.

Mme G... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 février 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi du 22 avril 1905 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 91-129 du 31 janvier 1991 ;

- le décret n° 91-155 du 6 février 1991;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... E..., première conseillère,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- les observations de Me F..., avocat, représentant le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône, et de Me Drouin, avocat, représentant Mme G... ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 1er avril 2005, Mme G... a été recrutée par le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône en qualité de psychologue par contrat à durée indéterminée. Par décision du 4 janvier 2016, le directeur du centre hospitalier procédait à son licenciement pour insuffisance professionnelle. Cette décision a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 mai 2018 dont le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône relève appel.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 2 du décret du 31 janvier 1991 portant statut particulier des psychologues de la fonction publique hospitalière : " Les psychologues des établissements mentionnés à l'article 1er exercent les fonctions, conçoivent les méthodes et mettent en oeuvre les moyens et techniques correspondant à la qualification issue de la formation qu'ils ont reçue. A ce titre, ils étudient et traitent, au travers d'une démarche professionnelle propre, les rapports réciproques entre la vie psychique et les comportements individuels et collectifs afin de promouvoir l'autonomie de la personnalité. Ils contribuent à la détermination, à l'indication et à la réalisation d'actions préventives et curatives assurées par les établissements et collaborent à leurs projets thérapeutiques ou éducatifs tant sur le plan individuel qu'institutionnel. Ils entreprennent, suscitent ou participent à tous travaux, recherches ou formations que nécessitent l'élaboration, la réalisation et l'évaluation de leur action. En outre, ils peuvent collaborer à des actions de formation organisées, notamment, par les établissements mentionnés à l'article 1er ou par les écoles relevant de ces établissements ".

3. Le licenciement pour inaptitude professionnelle d'un agent public ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé ou correspondant à son grade et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions.

4. Pour prononcer le licenciement de Mme G..., psychologue au sein du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône depuis le 1er avril 2005, le directeur de l'établissement a estimé que l'intéressée avait fait preuve de compétences techniques et relationnelles inadaptées aux besoins des patients et à la nécessité de les prendre en charge en interdisciplinarité, en reprenant les conclusions du compte-rendu de son entretien d'évaluation du 2 juillet 2015, lequel reprenait lui-même des reproches formulés par plusieurs cadres de santé consultés lors d'une réunion organisée le 20 mai 2015. Toutefois, le compte-rendu de cette réunion n'est assorti d'aucun justificatif, notamment quant à l'insuffisante durée des prises en charge des patients par l'intéressée, quant à des demandes de patients d'interrompre sans délai toute prise en charge par celle-ci ou encore quant à l'insuffisance des observations consignées dans les dossiers médicaux des patients, dont il fait état. Ce document est par ailleurs contredit par les évaluations dont l'intéressée avait fait l'objet en 2011 et 2013, ainsi que, surtout, par les attestations précises et circonstanciées établies en juin 2015 par sept praticiens du centre hospitalier ayant travaillé avec Mme G... et témoignant du professionnalisme et de la disponibilité de cette dernière. Contrairement à ce qu'indique l'appelant, ces avis, qui proviennent de médecins intervenant dans des secteurs aussi différents que l'orthopédie, la chirurgie viscérale, la chirurgie osseuse ou la réanimation, ne peuvent être considérés comme isolés. Si le centre hospitalier produit également différents courriers ou rapports relatant des incidents ou des refus de prises en charge reprochés à Mme G..., trois de ces incidents, évoqués dans des courriers datés des 13, 17 et 23 décembre 2013 et qui avaient déjà motivé une sanction disciplinaire, ultérieurement annulée par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 3 mai 2017, ont été précisément justifiés par l'intéressée à l'occasion de cette procédure, dans un courrier du 11 février 2014 dont l'exactitude n'est pas contestée. S'agissant, par ailleurs, de l'incident relaté par un courrier électronique du 13 mars 2014, il ressort de celui-ci que le patient en cause a finalement été reçu deux jours après la demande de prise en charge, sans que le caractère inadapté ou excessif de ce délai ne soit démontré. Il en est de même de la prise en charge d'un patient à la fin du mois de février 2015, dont l'insuffisance n'est pas établie au vu des comptes rendus d'intervention rédigés par Mme G... entre le 23 février et le 10 mars 2015. Par ailleurs, si deux collègues de l'intéressée ont témoigné d'altercations qui seraient survenues en avril 2014 et en juillet 2015, ces difficultés relationnelles n'apparaissent ainsi que ponctuelles. Enfin, si d'autres courriers, en date du 16 décembre 2013 et du 21 janvier 2014, ainsi qu'un courrier électronique du 8 janvier 2014, font état d'un faible nombre d'interventions de l'intéressée au sein de certains services, ils ne permettent toutefois pas d'établir que ces constats résulteraient de refus injustifiés de celle-ci d'intervenir. Ainsi, le centre hospitalier ne démontre pas davantage la réalité des reproches justifiant le licenciement en litige tirés de la contestation répétée de prescriptions médicales de prise en charge psychologique, de délais d'intervention excessifs et incompatibles avec la durée moyenne de séjour des patients dans l'établissement ou encore du caractère inexistant ou conflictuel des relations entretenues avec le personnel, compte tenu, en outre, de la multitude des services auprès desquels elle était amenée à intervenir, et des difficultés inhérentes à ses conditions de travail soulignées par l'intéressée. Dans ces circonstances, et nonobstant les réticences manifestées par certains chefs de service à l'occasion de la réintégration de Mme G..., les motifs retenus par le directeur du centre hospitalier pour justifier le licenciement litigieux ne permettent pas de caractériser une inaptitude de Mme G... à l'exercice de ses fonctions.

5. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision de son directeur du 4 janvier 2016 licenciant Mme G....

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme G..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme G....

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône est rejetée.

Article 2 : Le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône versera à Mme G... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône et à Mme B... G....

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme D... A..., présidente de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme C... E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 20 octobre 2020.

2

N° 18LY02432


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY02432
Date de la décision : 20/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-12-03 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : URBAN CONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 07/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-10-20;18ly02432 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award