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15/10/2020 | FRANCE | N°19LY04026

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 15 octobre 2020, 19LY04026


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 28 octobre 2019, la société Bricorama France, représentée par Me Cayla-Destrem, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté de permis de construire valant autorisation d'aménagement commercial en date du 29 août 2019, autorisant la SAS Beaune Distribution à procéder à la construction d'un magasin de bricolage et de jardinage situé Chemin de la Maladière sur le territoire de la commune de Beaune ;

2°) de mettre à la charge de la SAS Beaune Distribution et de la commune de Beaune une somme d

e 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 28 octobre 2019, la société Bricorama France, représentée par Me Cayla-Destrem, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté de permis de construire valant autorisation d'aménagement commercial en date du 29 août 2019, autorisant la SAS Beaune Distribution à procéder à la construction d'un magasin de bricolage et de jardinage situé Chemin de la Maladière sur le territoire de la commune de Beaune ;

2°) de mettre à la charge de la SAS Beaune Distribution et de la commune de Beaune une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle dispose d'un intérêt à agir et sa requête est recevable ;

- il n'est pas démontré que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial ont été convoqués dans le respect des dispositions de l'article R. 752-35 du code de commerce ;

- la Commission nationale d'aménagement commercial n'a pas répondu dans son avis, au grief tiré de l'absence de satisfaction des besoins des consommateurs ;

- le projet ne répond pas aux besoins des consommateurs ;

- il est insuffisamment desservi par les transports en commun ;

- il n'est pas certain que les travaux permettant l'accès sécurisé au site soient réalisés.

Par des mémoires enregistrés les 30 décembre 2019, 27 juillet 2020 et 20 septembre 2020, le dernier n'ayant pas été communiqué, la SAS Beaune Distribution, représentée par Me Mailhe, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Bricorama France en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen tiré de l'absence de convocation en temps utile des membres de la Commission nationale d'aménagement commercial doit être écarté ;

- la Commission nationale d'aménagement commercial n'est pas obligée de se prononcer sur chacun des trois critères énoncés par l'article L. 752-6 du code de commerce ;

- le moyen tiré de ce que la réalisation d'accès sécurisés au site ne serait pas assurée manque en fait ;

- il en est de même du moyen tiré de l'insuffisance de la desserte par les transports en commun.

Par des mémoires enregistrés les 19 et 20 février 2020 et le 14 septembre 2020, la commune de Beaune, représentée par Me Abecassis, avocat, conclut :

- au rejet de la requête ;

- à titre subsidiaire, à ce qu'il soit sursis à statuer et à ce qu'il soit enjoint à la Commission nationale d'aménagement commercial de se prononcer sur la demande la société Bricorama France ;

- à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Bricorama France en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requérante ne prouve pas avoir respecté les dispositions de l'article R. 752-32 du code de commerce ;

- elle ne prouve pas plus avoir respecté les dispositions de l'article R. 600-1 du code de commerce ;

- le moyen tiré de l'absence de convocation en temps utile des membres de la Commission nationale d'aménagement commercial doit être écarté ;

- le projet participe au rééquilibrage de l'offre commerciale ;

- les moyens tirés de ce que la réalisation d'accès sécurisés au site ne serait pas assurée et de l'insuffisance de la desserte par les transports en commun manquent en fait ;

- le cas échéant, il est demandé à la cour de faire application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B..., première conseillère,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- les observations de Me C... représentant la commune de Beaune ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 20 novembre 2018, la SAS Beaune Distribution a déposé auprès de la mairie de Beaune une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la construction d'un magasin de bricolage et de jardinage, sur le territoire de la commune de Beaune. Saisie de recours contre l'avis favorable rendu le 11 mars 2019 par la commission départementale d'aménagement commercial de la Côte-d'Or, la Commission nationale d'aménagement commercial a émis, le 27 juin 2019, un avis favorable au projet. Par un arrêté du 29 août 2019, le maire de Beaune a délivré à la SAS Beaune Distribution un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale. La société Bricorama France, qui exploite un magasin de bricolage et jardinage sur le territoire de la commune de Beaune, au sein de la zone de chalandise du projet, demande l'annulation de cet arrêté en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale.

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 752-35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; /4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale ". Il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire ni d'aucun principe que les décisions de la Commission nationale d'aménagement commercial doivent comporter les mentions attestant de ce que la convocation de ses membres a été accompagnée de l'envoi de l'ordre du jour et des documents nécessaires à ses délibérations.

3. En l'espèce, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 752-35 du code de commerce manque en fait, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que, le 12 juin 2019, le secrétaire de la Commission nationale a adressé aux membres de cette commission une convocation pour la réunion du 27 juin 2019, à laquelle était joint l'ordre du jour et où il était mentionné que tous les documents visés au même article sont disponibles, au moins cinq jours avant la tenue de la séance, sur la plateforme de téléchargement.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 752-38 du code de commerce : " (...) L'avis ou la décision est motivé, signé par le président et indique le nombre de votes favorables et défavorables ainsi que le nombre d'abstentions ".

5. L'obligation de motivation prévue par ces dispositions n'implique pas que la Commission nationale soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect, par le projet qui lui est soumis, de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables. La Commission nationale, dans son avis du 27 juin 2019, a mentionné les textes applicables, en particulier l'article L. 752-6 du code de commerce, et a énoncé les considérations de fait qui, au regard des critères d'appréciation définis par cet article, l'ont conduit à se prononcer en faveur du projet. Elle a ainsi suffisamment motivé son avis, alors même qu'elle n'a pas explicitement pris parti sur le respect de l'objectif de protection des consommateurs.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. / Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés. "

7. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au dernier alinéa de l'article L. 123-1-4 du code de l'urbanisme. La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; 3° En matière de protection des consommateurs : a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs (...) ".

8. Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la compatibilité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

9. Il ressort des pièces du dossier que pour accéder au site du projet litigieux, le pétitionnaire a prévu l'aménagement du carrefour de la rue Gustave Eiffel et du Chemin de la Maladière qui fera l'objet de travaux de restructuration et équipement réalisés en maîtrise d'ouvrage publique. Par une délibération de son conseil municipal du 27 septembre 2018, la commune de Beaune a approuvé le principe et le budget prévisionnel de ces travaux, ainsi que le projet de participation. Le 15 octobre 2018, la commune de Beaune et le pétitionnaire ont conclu une convention de participation financière, produite à l'instance. Enfin, il ressort des comptes-rendus des délibérations des 7 novembre et 12 décembre 2019, que les crédits correspondant à ces travaux d'aménagement routier ont été approuvés par le conseil municipal. Ainsi, ces éléments sont suffisants pour regarder ces travaux comme devant être réalisés de manière certaine. En ce qui concerne l'accès par les transports en commun, contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort des pièces du dossier que le site du projet litigieux sera suffisamment desservi par quatre lignes de bus, dont deux circulent à une fréquence de quinze passages par jour. Enfin, il ressort des pièces du dossier que le projet doit permettre de développer une offre commerciale complémentaire concernant notamment le retrait d'achats en ligne ou la vente d'outillage pour la réalisation de travaux de gros oeuvre, permettant d'améliorer le confort d'achat des consommateurs locaux. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la Commission nationale a entaché d'erreur son appréciation du projet au regard de l'article L. 752-6 du code de commerce.

10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que la société Bricorama France n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 29 août 2019, par lequel le maire de Beaune a délivré à la SAS Beaune Distribution un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande présentée par la société Bricorama France au titre des frais qu'elle a exposés à l'occasion de cette instance.

12. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Bricorama France la somme de 2 000 euros, à verser à la SAS Beaune Distribution, et celle de 2 000 euros à verser à la commune de Beaune en application de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Bricorama France est rejetée.

Article 2 : La société Bricorama France versera une somme de 2 000 euros à la SAS Beaune Distribution et une somme de 2 000 euros à la commune de Beaune, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bricorama France, à la SAS Beaune Distribution, à la commune de Beaune et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au président de la Commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

M. Besse, président assesseur,

Mme B..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 15 octobre 2020.

2

N° 19LY04026


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY04026
Date de la décision : 15/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique - Réglementation des activités économiques - Activités soumises à réglementation - Aménagement commercial.

Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique - Réglementation des activités économiques - Activités soumises à réglementation - Aménagement commercial - Procédure - Commission nationale d`aménagement commercial.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : CAYLA DESTREM

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-10-15;19ly04026 ?
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