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15/10/2020 | FRANCE | N°18LY04172

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 15 octobre 2020, 18LY04172


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... D... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 ainsi que des pénalités correspondantes et à titre subsidiaire, la réduction, en droits et pénalités, de ces cotisations.

Par un jugement n° 1607164 du 18 septembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la

cour

Par une requête enregistrée le 19 novembre 2018, Mme E... D..., épouse B..., représe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... D... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 ainsi que des pénalités correspondantes et à titre subsidiaire, la réduction, en droits et pénalités, de ces cotisations.

Par un jugement n° 1607164 du 18 septembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 19 novembre 2018, Mme E... D..., épouse B..., représentée par Me Micol, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 septembre 2018 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la proposition de rectification du 30 septembre 2014 portant sur les rehaussements de l'année 2011 est tardive ;

- les courriers qui lui ont été adressés par l'administration concernant la procédure de vérification ont été réceptionnés par des personnes qui n'étaient pas habilitées à le faire ;

- elle n'a pas eu la disposition effective de la somme de 17 250 euros qui a été réintégrée dans ses revenus pour l'année 2010 ;

- les sommes portées au crédit de ses comptes bancaires et de ceux de M. C... A..., représentant une somme de 114 589 euros qui correspondent à des rémunérations de gérant portées à son compte courant d'associé, à des remboursements de frais ou de trop-perçus de cotisations et au paiement du prix de clientèle cédée le 28 mai 2009, ne constituent pas des revenus distribués ;

- la majoration de 40 % pour manquement délibéré n'est pas fondée.

Par un mémoire enregistré le 8 juillet 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions relatives à l'année 2010 ne sont pas recevables ;

- la proposition de rectification du 30 septembre 2014 a été envoyée en temps utile ;

- les pièces de la procédure ont été adressées à l'adresse indiquée par la requérante ;

- les simples allégations de la requérante ne permettent pas de remettre en cause la présomption de revenu concernant l'année 2010 ;

- les sommes figurant sur les comptes bancaires de la requérante et de M. A... provenant de la SELARL Vesson D... constituent des revenus distribués ;

- la matérialité et l'intentionnalité des faits sont avérées et la majoration de 40 % pour manquement délibéré est justifiée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G..., première conseillère,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... épouse B..., qui exerce la profession d'avocat au sein de la SELARL Cabinet d'avocats Vesson D..., dont elle est associée, a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 janvier 2012. A l'issue de ce contrôle, des rectifications lui ont été notifiées dans la catégorie des traitements et salaires au titre de l'année 2010 par deux propositions de rectification du 17 décembre 2013. Des rectifications lui ont également été notifiées, par une proposition du 30 septembre 2014, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, à raison de sommes regardées comme des revenus distribués perçus de la SELARL Cabinet d'avocats Vesson D..., au titre de l'année 2011. Mme D... épouse B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 ainsi que des pénalités correspondantes.

Sur l'année 2010 :

2. En premier lieu, la requérante se borne en appel à reprendre, sans apporter de justificatifs supplémentaires, le moyen tiré de ce que les courriers qui lui ont été adressés par l'administration concernant la procédure de vérification ont été réceptionnés par des personnes qui n'étaient pas habilitées à le faire. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.

3. En second lieu, il résulte des dispositions combinées des articles 12, 13 et 83 du code général des impôts que les sommes à retenir, au titre d'une année déterminée, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires sont celles qui sont mises à la disposition du contribuable, soit par voie de paiement soit par voie d'inscription à un compte courant ou un compte de charges à payer ouvert dans les écritures de la société qui l'emploie, dès lors, dans ces deux derniers cas, que le créancier de la somme est un dirigeant de la société ayant déterminé la décision d'inscrire dans les comptes sociaux la somme qui lui est due et que le retrait effectif de la somme au plus tard le 31 décembre de l'année d'imposition n'est pas rendu impossible, en fait ou en droit, par des circonstances telles que, notamment, la situation de trésorerie de la société, les circonstances matérielles du retrait ou les modalités de détermination du montant exact de la somme susceptible d'être retirée.

4. L'administration a constaté que Mme D... épouse B... n'avait pas déclaré la somme qu'elle avait perçue à titre de traitements, d'émoluments ou d'indemnités de la part de la SELARL Cabinet d'avocats Vesson D... pour l'année 2010. En conséquence, l'administration a imposé la somme de 17 250 euros dans la catégorie des traitements et salaires au titre de l'année 2010.

5. La requérante, qui ne conteste ni le caractère de salaires des revenus en cause, ni le montant retenu, soutient que cette somme inscrite en compte courant d'associé n'a pas été mise à sa disposition compte tenu des difficultés de trésorerie de la SELARL Cabinet d'avocats Vesson D... interdisant matériellement tout prélèvement. Toutefois, Mme D... épouse B..., en sa qualité d'associée et de cogérante de cette société, doit être regardée comme ayant participé de façon déterminante à la décision d'inscrire à son compte courant d'associé la somme litigieuse. En se bornant à indiquer simplement dans ses écritures d'appel qu'au 31 décembre 2010, la société présentait un solde négatif de 85 277 euros, sans apporter aucun document probant à l'appui de ses allégations, la requérante n'établit pas que la situation de trésorerie de société à la clôture de l'exercice 2010 aurait rendu tout prélèvement financièrement impossible. Dans ces conditions, Mme D... épouse B... doit être regardée comme ayant eu la disposition de la somme en cause dès son inscription à son compte courant au cours de l'exercice clos en 2010. Par suite, l'administration était en droit d'imposer les salaires versés à l'intéressée par la SELARL Cabinet d'avocats Vesson D... au titre de l'année 2010.

Sur l'année 2011 :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu (...), le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. / (...) ". Aux termes de l'article L. 189 du même livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun ".

7. Eu égard à l'objet de ces dispositions, relatives à la détermination du délai dont dispose l'administration pour exercer son droit de reprise, la date d'interruption de la prescription est celle à laquelle le pli contenant la proposition de rectification a été présenté à l'adresse du contribuable. Par ailleurs, en l'absence de dispositions le lui imposant, il n'est pas fait obligation à l'administration de recourir exclusivement à l'envoi d'une notification de redressement par lettre recommandée avec accusé de réception mais elle doit, si elle utilise d'autres voies, notamment celle d'une société de messagerie, établir la date de présentation des plis et, si le pli n'a pas été retiré, la distribution d'un avis de passage par des modes de preuve offrant des garanties équivalentes.

8. Mme D... épouse B..., qui fait valoir dans sa requête d'appel que l'administration " n'a adressé la proposition de rectification relative à l'année 2011 que le 30 septembre 2014 ", doit être regardée comme reprenant son moyen de première instance selon lequel le délai de reprise s'agissant de l'imposition due au titre de l'année 2011 n'a pu être interrompu à défaut de notification d'une proposition de rectification dans les délais.

9. Il résulte de l'instruction et notamment du courrier du 3 novembre 2014 par lequel l'intéressée a fait valoir à l'administration ses observations " suite à la notification que vous m'avez adressée ", qu'elle a nécessairement été destinataire de la proposition de rectification du 30 septembre 2014 avant le 31 décembre 2014. Ainsi, cette proposition de rectification interruptive de prescription a valablement été notifiée dans le délai de reprise prévu par l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, s'agissant d'impositions concernant l'année 2011. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que ce droit de reprise pour l'année 2011 était expiré.

10. En second lieu, au cours de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de la requérante, l'administration a constaté, à la suite de l'exercice de son droit de communication auprès des établissements bancaires, qu'au titre de l'année 2011, des sommes correspondant à un montant total de 114 589 euros figurant sur les comptes bancaires de la requérante et de M. A..., qui était alors son époux, provenaient du compte courant d'associée de l'intéressée, détenu dans les écritures de la SELARL Vesson D.... L'administration a estimé que ces sommes constituaient des revenus distribués au sens du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, imposables à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. La requérante fait valoir qu'une partie de ces sommes correspond au prix de cession de sa clientèle à la société AR'DROM AVOCATS qui en a fait l'acquisition par acte du 28 mai 2009. Si cet acte indique que le prix de cession est fixé à 35 000 euros et qu'il doit être payé à Mme D... épouse B... par inscription d'une somme de même montant au crédit de son compte courant dans les écritures de la société en formation, ce seul document reste insuffisant, en l'absence de pièces indiquant des mouvements bancaires, pour établir une correspondance entre cette vente et les sommes en litige. Si la requérante fait valoir qu'une autre partie de ces sommes correspond à des remboursements de frais, la liste manuscrite de dépenses de frais kilométriques réalisées entre septembre 2009 et avril 2010 qu'elle produit ne permet pas d'établir l'existence de telles dépenses, ni, en tout état de cause, le lien entre ces dépenses et les sommes qui ont été prélevées sur son compte courant d'associée en 2011. La requérante fait également valoir qu'une partie de ces sommes correspond à sa rémunération de gérante qui ne sont pas imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers mais dans celle des traitements et salaires après déduction d'un abattement de 10 %, mais elle ne produit aucun document à l'appui de ses allégations. Enfin, si elle indique qu'une partie de ces sommes correspond à des remboursements d'excédents de cotisation URSSAF qui ne peuvent être considérés comme des revenus, elle ne produit aucun document probant.

Sur les pénalités :

11. La requérante reprend en appel le moyen qu'elle avait présenté devant le tribunal tiré de ce que l'administration n'a pas suffisamment établi le manquement délibéré justifiant la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts qui a été appliquée aux rectifications en litige. Le tribunal ayant suffisamment répondu à ce moyen, il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs du tribunal.

12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense au titre des impositions de l'année 2010, que Mme D... épouse B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par Mme D... épouse B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D..., épouse B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D..., épouse B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

M. Besse, président assesseur,

Mme G..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 15 octobre 2020.

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N° 18LY04172

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY04172
Date de la décision : 15/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-01-03-04 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Prescription.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : MICOL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-10-15;18ly04172 ?
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