Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... G... et le GAEC du Veiry ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 5 janvier 2017 par lequel le maire de Hauteluce a délivré à Mme C... un permis de construire en vue de l'édification d'un chalet et d'une annexe.
Par un jugement n° 1701265 du 29 janvier 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 8 mars 2019, et un mémoire en réplique enregistré le 23 juin 2020, qui n'a pas été communiqué, Mme B... G... et le GAEC du Veiry, représentés par la SCP Milliand-Dumolard-Thill, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 29 janvier 2019 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 5 janvier 2017 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Hauteluce la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le pétitionnaire a présenté deux formulaires Cerfa présentant des mentions contradictoires ;
- le dossier de demande ne comprend pas d'éléments permettant d'apprécier les constructions et les éléments paysagers existants, en méconnaissance de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme ;
- le projet est situé à moins de cinquante mètres de constructions formant un élément indissociable d'un bâtiment d'élevage, en méconnaissance du règlement sanitaire départemental de la Savoie ;
- le permis a été délivré en méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;
- les conclusions au titre de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme ont été présentées pour la première fois en appel et sont par suite irrecevables ; leur recours ne dépasse pas la protection de leurs intérêts légitimes et n'a pas occasionné de préjudice excessif pour le bénéficiaire du permis.
Par un mémoire enregistré le 20 mars 2020, la commune de Hauteluce, représentée par la SELAS Fidal, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête d'appel, qui ne critique pas la motivation retenue par les premiers juges, est insuffisamment motivée et par suite irrecevable ;
- aucun des moyens des requérants n'est fondé.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 avril 2020, Mme A... C..., représentée par le cabinet BSH Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête d'appel, qui ne critique pas la motivation retenue par les premiers juges, est insuffisamment motivée et par suite irrecevable ;
- la demande de première instance était irrecevable, en l'absence d'intérêt pour agir des requérants ;
- aucun des moyens des requérants n'est fondé.
Par un mémoire enregistré le 30 avril 2020, Mme A... C... demande à la cour de condamner les requérants à lui verser la somme de 69 080 euros à titre de dommages et intérêts, au titre de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme.
Elle soutient que la requête excède la défense des intérêts légitimes des requérants, ceux-ci ne justifiant pas d'un intérêt pour agir et leur appel ne faisant que reprendre les moyens déjà écartés par les premiers juges, sans argumentation complémentaire ; elle a subi un préjudice pouvant être évalué à la somme de 30 000 euros, en ce qui concerne la hausse du coût de construction, et à 39 080 euros, pour la perte d'exploitation liée à l'impossibilité de louer le bien.
La clôture de l'instruction a été fixée au 25 juin 2020 par une ordonnance en date du 26 mai 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Besse, président-assesseur,
- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,
- les observations de Me Lamouille, représentant la commune de Hauteluce ;
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 5 janvier 2017, le maire de Hauteluce a délivré à Mme C... un permis de construire en vue de l'édification d'un chalet et d'une annexe, après démolition d'un bâtiment existant. Mme G... et le GAEC du Veiry relèvent appel du jugement du 29 janvier 2019 par lequel le le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 5 janvier 2017 :
2. En premier lieu, si la pétitionnaire a complété, le 13 octobre 2016, la demande de permis de construire qu'elle avait présentée, en produisant un second formulaire Cerfa faisant mention de l'autre construction dont elle est propriétaire sur l'unité foncière du projet, aucune contradiction ne ressort de l'examen de ces deux formulaires. Par suite, le moyen doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que la notice jointe au projet architecturel décrit l'état initial du terrain ainsi que les caractéristiques de la construction projetée, qui s'inscrit dans le style des chalets du Beaufortain. Si elle ne fait pas état des constructions et éléments paysagers avoisinants, le dossier de demande comprend des plans faisant apparaître les constructions voisines et notamment la ferme située à proximité, ainsi que des photographies du terrain d'assiette et de ses abords. Dans ces conditions, l'insuffisance de la notice a été compensée par les autres éléments du dossier et n'a pas été de nature à induire en erreur le service instructeur, alors au demeurant qu'il ressort des pièces du dossier que la chambre d'agriculture Savoie Mont-Blanc a été saisie pour avis, en raison de la proximité de l'exploitation agricole. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime : " Lorsque des dispositions législatives ou réglementaires soumettent à des conditions de distance l'implantation ou l'extension de bâtiments agricoles vis-à-vis des habitations et immeubles habituellement occupés par des tiers, la même exigence d'éloignement doit être imposée à ces derniers à toute nouvelle construction et à tout changement de destination précités à usage non agricole nécessitant un permis de construire, à l'exception des extensions de constructions existantes. ". Selon l'article 153.4 du règlement sanitaire départemental de Savoie " Sans préjudice de l'application des documents d'urbanisme existant dans la commune ou de cahiers des charges de lotissement, l'implantation des bâtiments renfermant des animaux doit respecter les règles suivantes : (...) - les autres élevages à l'exception des élevages de type familial ou de ceux de volailles et de lapins, ne peuvent être implantés à moins de 50 mètres des immeubles habités ou habituellement occupés par des tiers (...) "
6. Il ressort des pièces du dossier que le bâtiment projeté est situé à plus de cinquante mètres de l'étable abritant les bovins de l'exploitation du GAEC du Veiry. Si les requérants font valoir qu'il est situé à environ trente-cinq mètres d'un second bâtiment de l'exploitation abritant une fosse à purin et un stockage de fourrage, ce bâtiment, qui ne renferme pas d'animaux et est distinct du précédent, n'est pas concerné par la règle de distance fixée par les dispositions citées au point précédent. Par suite, l'arrêté litigieux ne méconnaît pas les dispositions du règlement sanitaire départemental de Savoie.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. "
8. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la présence, à environ trente-cinq mètres du chalet projeté, d'une fosse à purin couverte au-dessus de laquelle est aménagé un stockage de fourrage serait en elle-même à l'origine d'un risque pour la salubrité des occupants du bâtiment. Par ailleurs, si la chambre d'agriculture Savoie Mont-Blanc a rendu un avis défavorable au projet en mettant en avant de possibles nuisances liées à la présence de cette ferme et le fait que la construction pourrait restreindre le développement de l'exploitation, de telles circonstances ne constituent pas des risques pour la sécurité ou la salubrité publique susceptibles de justifier un refus de permis de construire sur le fondement des dispositions citées au point précédent. Par suite, en délivrant un permis de construire à Mme C... par l'arrêté du 5 janvier 2017 litigieux, le maire de Hauteluce n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la commune de Hauteluce et Mme C..., que Mme G... et le GAEC du Veiry ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Sur l'application de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme :
10. Aux termes de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme : " Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en oeuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel. "
11. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le recours de Mme G... et du GAEC du Veiry, qui ont intérêt à contester le permis de construire litigieux pour un projet qui est susceptible d'affecter le fonctionnement de leur exploitation et dont les moyens d'appel ne sont pas manifestement infondés, quand bien même ils ne diffèrent pas de ceux soulevés en première instance, a été mis en oeuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif. Les conclusions de Mme C... aux fins de dommages et intérêts ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
Sur les frais d'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que la commune de Hauteluce, qui n'est pas partie perdante, verse aux requérants la somme qu'ils demandent au titre des frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre globalement à la charge de Mme G... et du GAEC du Veiry le versement à la commune de Hauteluce, d'une part, et à Mme C..., d'autre part, d'une somme de 1 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme G... et du GAEC du Veiry est rejetée.
Article 2 : Mme G... et le GAEC du Veiry verseront à la commune de Hauteluce et à Mme C... la somme de 1 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par Mme C... au titre de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... G..., pour les requérants, à la commune de Hauteluce et à Mme A... C...
Délibéré après l'audience du 22 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. François Pourny, président,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
Mme Christine Psilakis, première conseillère.
Lu en audience publique, le 13 octobre 2020.
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N° 19LY00917
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