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08/10/2020 | FRANCE | N°18LY02730

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 08 octobre 2020, 18LY02730


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. H... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 2 mars 2015 par laquelle le président du conseil général de l'Isère a refusé de lui verser la somme complémentaire de 4 186,25 euros brut au titre des indemnités compensatrices des heures supplémentaires et astreintes relatives aux années 2011, 2012 et 2013, et de condamner le département de l'Isère à lui verser la somme de 4 186,25 euros au titre desdites indemnités compensatrices.

Par un jugement n° 1502696

du 7 juin 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. H... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 2 mars 2015 par laquelle le président du conseil général de l'Isère a refusé de lui verser la somme complémentaire de 4 186,25 euros brut au titre des indemnités compensatrices des heures supplémentaires et astreintes relatives aux années 2011, 2012 et 2013, et de condamner le département de l'Isère à lui verser la somme de 4 186,25 euros au titre desdites indemnités compensatrices.

Par un jugement n° 1502696 du 7 juin 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 19 juillet 2018, M. E..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 7 juin 2018 ;

2°) de condamner le département de l'Isère à lui verser la somme de 4 186, 25 euros bruts au titre des indemnités compensatrices des heures supplémentaires et astreintes au titre des années 2011, 2012 et 2013 ;

3°) de mettre à la charge du département de l'Isère la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa demande était recevable ;

- le tribunal administratif de Grenoble a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation en considérant que l'indemnité prévue par la délibération du 21 mai 2010 devait être écrêtée en fonction de ses absences, ce que ne prévoit pas ladite délibération ;

- en tout état de cause, un tel écrêtement ne pourrait être que proportionnel à l'absence et devrait tenir compte de la distinction entre la période de viabilité hivernale et la période hors viabilité hivernale ;

- le tribunal administratif de Grenoble a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation en considérant que l'indemnité des années 2012 et 2013 a fait l'objet d'un écrêtement en application du plafond indemnitaire fixé par la délibération du 21 mai 2010 dès lors que ni celle-ci, ni celle du 23 février 2012 n'ont fixé de plafond inférieur à celui prévu par la loi ;

- ce plafond indemnitaire pour l'année 2012 était de 7 369, 26 euros et n'était pas atteint ;

- contrairement à ce qu'a considéré le tribunal administratif de Grenoble, la délibération du 21 mai 2010 a fixé, à l'article 6.4.4, le plafond légal en application du principe de parité, le plafond applicable était donc celui des fonctionnaires d'Etat.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2018, le département de l'Isère représenté par la SELARL LLC et Associés agissant par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande que soient mis à la charge de M. E... les dépens ainsi que la somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 18 novembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 3 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 pris pour l'application du premier alinéa de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 2002-61 du 14 janvier 2002 relatif à l'indemnité d'administration et de technicité ;

- le décret n° 97-1223 du 26 décembre 1997 portant création d'une indemnité d'exercice de missions des préfectures ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me B... représentant le département de l'Isère ;

Une note en délibéré présentée par le département de l'Isère a été enregistrée le 15 septembre 2020 ;

Considérant ce qui suit :

1. M. E... est adjoint technique principal 1ere classe affecté au département de l'Isère au service aménagement de la direction territoriale de Bièvre-Valloire. Il relève appel du jugement du 7 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 2 mars 2015 par laquelle le président du conseil général de l'Isère a refusé de lui verser la somme complémentaire de 4 186,25 euros brut au titre des indemnités compensatrices relatives aux années 2011, 2012 et 2013, ainsi que sa demande de condamnation du département à lui verser ces sommes. En appel, les conclusions de M. E... tendent à la condamnation du conseil général à lui verser la somme de 4 186, 25 euros bruts au titre des indemnités compensatrices des heures supplémentaires et astreintes.

Sur la légalité de la décision du 2 mars 2015 :

2. Dans le cadre de la réorganisation de ses services de la filière route, le département de l'Isère par une décision N° 2010 C05 A 31 du 21 mai 2010 de sa commission permanente a prévu que : " Le principe adopté est celui de la rémunération annuelle des heures supplémentaires et des astreintes. / A ce titre, dans les cas particuliers où l'administration ne serait pas en mesure de proposer aux agents, après la réorganisation, le même volume d'heures supplémentaires et d'astreintes sur d'autres missions de la " filière route ", des indemnités compensatrices pourront leur être versées. / Le maintien du nombre d'heures supplémentaires et d'astreintes sera apprécié en fonction de leur nature sur la base moyenne des heures supplémentaires réalisées en 2008 et 2009 et sera conditionné au fait que l'agent ait accepté les heures supplémentaires ou astreintes qui lui auront été proposées ". Ces principes ont été repris, dans les mêmes termes, par une délibération du département de l'Isère du 23 février 2012 relative au régime indemnitaire.

3. En application de ces règles, M. E... a perçu au titre de l'indemnité compensatrice les sommes de 1 891,15 euros, 1 970,54 euros et 2 058,22 euros au titre, respectivement, des années 2011, 2012 et 2013. Pour le calcul de ces sommes, le département de l'Isère a, d'une part, opéré pour chacune des années une retenue prenant en compte les absences de M. E... et, d'autre part, procédé à une limitation de cette indemnité en vertu de plafonds appliqués aux années 2012 et 2013. M. E... soutient que ces diminutions des montants de l'indemnité compensatrice sont illégales.

En ce qui concerne les retenues pour absences :

4. En premier lieu, s'agissant des retenues pour absences, il ressort des termes de la décision du 21 mai 2010 et de la délibération du 23 février 2012, que l'indemnité compensatrice ne présente pas de caractère forfaitaire et que son versement est lié à l'exercice des fonctions, notamment au nombre d'heures supplémentaires et d'astreintes effectuées. C'est, par suite, sans erreur de droit que le département de l'Isère a pu décider d'appliquer une retenue pour tenir compte des absences de M. E... au cours des trois années en cause.

5. En second lieu, pour opérer le calcul de ces retenues, le département a pris en compte le moment où sont intervenues ces absences : en période de viabilité hivernale ou hors période de viabilité hivernale. Il résulte des indications figurant sous le tableau des calculs relatifs à chaque indemnité compensatrice qu'un montant correspondant à l'incidence des absences sur les semaines d'astreinte de disponibilité hivernale a été établi pour chaque année et que s'ajoute à celui-ci le montant journalier moyen des astreintes multiplié par le nombre de jours d'absence. Il ne ressort pas des pièces produites, qu'en fonction de ces indications et contrairement à ce que soutient M. E..., les calculs opérés par le département de l'Isère, seraient erronés.

En ce qui concerne les plafonds retenus :

6. S'agissant des plafonds appliqués au titre des années 2012 et 2013, l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée dispose que: " L'assemblée délibérante de chaque collectivité territoriale ou le conseil d'administration d'un établissement public local fixe, par ailleurs, les régimes indemnitaires dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat (...) ". L'article 1er du décret du 6 septembre 1991, susvisé, pris pour l'application de ces dispositions précise que : " Le régime indemnitaire fixé par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales et les conseils d'administration des établissements publics locaux pour les différentes catégories de fonctionnaires territoriaux ne doit pas être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat exerçant des fonctions équivalentes (...) ".

7. En premier lieu, si, en application de ces dispositions, le département de l'Isère disposait de la possibilité de fixer un régime indemnitaire pour ses agents inférieur ou égal aux montants maximums susceptibles d'être versés aux fonctionnaires de l'Etat, il ne ressort d'aucune pièce du dossier, ni n'est soutenu, qu'il aurait décidé de fixer un ou des plafonds au régime indemnitaire de ses agents inférieurs aux maximums applicables aux agents de l'Etat.

8. En deuxième lieu, il ressort de la délibération du 23 février 2012 sur le régime indemnitaire des agents du département, que celui des agents de la filière technique, notamment des adjoints techniques, est établi par référence à l'indemnité d'administration et de technicité (IAT) et à l'indemnité des missions des préfectures (IEMP) versés à certains fonctionnaires de l'Etat auxquelles il convient donc de se référer .

9. En application de l'article 2 du décret n° 97-1223 du 26 décembre 1997 susvisé, l'IEMP est calculée " par application à un montant de référence fixé par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur, du ministre chargé de la fonction publique, du ministre chargé de l'outre-mer et du ministre chargé du budget d'un coefficient multiplicateur d'ajustement compris entre 0,8 et 3. " Le montant de référence fixé par arrêté applicable à l'année 2012 en litige étant de 1 158,51 euros et celui applicable à l'année 2013 étant de 1 204 euros, il en résulte que les plafonds respectifs applicables au titre de cette indemnité étaient de 3 475, 53 euros et 3 612 euros. Il ressort toutefois des indications du département de l'Isère que ce dernier a retenu pour les deux années en cause des plafonds de 1 158,51 et 1 204 euros dont il n'explique pas l'origine ou les motifs.

10. En application de l'article 3 du décret n° 2002-61 du 14 janvier 2002 susvisé, le montant moyen de l'IAT " est calculé par application à un montant de référence annuel, fixé par catégorie d'agents, d'un coefficient multiplicateur compris entre 1 et 8. Ce montant de référence annuel est indexé sur la valeur du point fonction publique ". Le montant de référence étant fixé à 469, 67 euros pour les deux années en cause, c'est à juste titre que le département de l'Isère a retenu comme plafond au titre de cette indemnité le montant de 3 757, 36 euros.

11. En application du point B.2) du 2/ de la délibération du 23 février 2012 susmentionnée, M. E... était bénéficiaire d'une indemnité de 2 411, 89 euros à laquelle devait s'ajouter l'indemnité compensatrice instituée par la décision du 21 mai 2010. Il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'a considéré le département de l'Isère, le cumul des montants auxquels pouvait prétendre M. E... au titre de ces deux indemnités n'excédait pas les plafonds cumulés applicables à l'IAT et à l'IEMP mentionnés aux points 9 et 10 du présent arrêt s'établissant respectivement à 7 219,19 euros pour 2012 (déduction faite d'un montant de 13, 7 euros, pour deux jours d'absence) et 7 369, 36 euros pour 2013. Il en résulte que M. E... est fondé à soutenir que la décision refusant de lui verser l'indemnité compensatrice qui lui était normalement due au motif du dépassement des plafonds indemnitaires pour les années 2012 et 2013 est entachée d'une erreur de droit et que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions en annulation dans cette mesure.

Sur la demande de condamnation :

12. Il résulte de ce qui précède que M. E... est seulement fondé à soutenir que le montant de l'indemnité compensatrice qui devait lui être versée ne pouvait être diminué en application des plafonds qui lui ont été opposés par le département de l'Isère. Il résulte de l'instruction que M. E... doit obtenir, au titre de cette indemnité compensatrice, déduction faite des retenues pour absences, les sommes de 1 379, 76 euros pour l'année 2012, et 2 119, 15 euros pour l'année 2013 soit un total de 3 498, 91 euros. Il est par suite fondé à soutenir que c'est également à tort que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions à fin de condamnation du département de l'Isère, et que ce dernier doit être condamné à lui verser ladite somme.

Sur les conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative faisant obstacle à ce que soit mise à la charge de M. E..., qui n'est pas la partie perdante, une somme à ce titre, les conclusions du département de l'Isère en ce sens doivent être rejetées.

14. En l'absence de dépens, les conclusions du département tendant à mettre de tels dépens à la charge de M. E... doivent également être rejetées.

15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge du département de l'Isère une somme de 2 000 euros qu'il paiera à M. E..., au titre des frais non compris dans les dépens que ce dernier a exposés.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1502696 du tribunal administratif de Grenoble du 7 juin 2018 est annulé.

Article 2 : Le département de l'Isère est condamné à verser à M. E... la somme de 3 498, 91 euros (trois mille quatre cent quatre-vingt-dix-huit euros et quatre-vingt-onze centimes).

Article 3 : Le département de l'Isère versera à M. E... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions du département de l'Isère relatives aux frais non compris dans les dépens et aux dépens sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... E... et au département de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme D... A..., présidente de chambre,

M. Pierre Thierry, premier conseiller,

Mme C... G..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 8 octobre 2020.

No 18LY027302


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY02730
Date de la décision : 08/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-08-03 Fonctionnaires et agents publics. Rémunération. Indemnités et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Pierre THIERRY
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELAS LLC et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-10-08;18ly02730 ?
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