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29/09/2020 | FRANCE | N°18LY03318

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 29 septembre 2020, 18LY03318


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par une requête enregistrée le 23 juin 2015, la SARL Eliz, représentée par Me Tournoud, a demandé au tribunal :

1°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2010, 2011 et 2012 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 ao

t 2013 ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) de prononcer la décharge des amendes prononc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par une requête enregistrée le 23 juin 2015, la SARL Eliz, représentée par Me Tournoud, a demandé au tribunal :

1°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2010, 2011 et 2012 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 août 2013 ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) de prononcer la décharge des amendes prononcées en application de l'article 1737 du code général des impôts ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°1506102 du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 28 août 2018, la SARL Eliz, représentée par Me Tournoud, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 juillet 2018 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2010, 2011 et 2012 ainsi que des pénalités correspondantes mises à sa charge par deux avis de mise en recouvrement n° 14 11 05002 et n° 14 11 05003 ;

3°) à titre subsidiaire de prononcer la décharge des majorations de 40 et 80 % ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- dès lors qu'aucune pièce du dossier ne permet d'établir qu'elle a pu avoir connaissance des factures fictives délivrées par son représentant, le tribunal administratif a commis une erreur de droit et de fait en estimant que le gérant avait connaissance de telles factures fictives dès lors que les paiements des opérations de l'espèce étaient comptabilisées dans des comptes de tiers, sans qu'aucun mouvement financier ne les soutiennent et en jugeant que les opérations résultant de factures fictives ne correspondant à aucune livraison et dont le produit n'est pas comptabilisé dans les écritures sociales pouvaient être regardées comme réalisées par la société Eliz ;

- " la comptabilité de la société ainsi que son identité ont été utilisées par un tiers ", chargé seulement en principe de l'administration courante, pour traduire des opérations fictives et des mouvements financiers sans lien ni avec l'objet social, ni avec l'activité réelle de la société, laquelle se limite à la location de la salle dont elle est propriétaire ;

- en tant que société, elle n'est à l'origine ni des versements de la société Alixan qui ont été comptabilisés en compte de tiers ni d'opérations qualifiées par l'administration de fausses factures ;

- c'est à tort que le service a entrepris de rattacher au chiffre d'affaires de la société Eliz de supposés travaux auprès de particuliers, dans la mesure où ces prestations n'entrent pas dans l'objet social de la société Eliz, et qu'elle ne dispose d'ailleurs d'aucun moyen pour les réaliser ; la reconstitution du chiffre d'affaires doit donc tenir compte des seules opérations réellement réalisées à savoir celles relatives à l'activité de location ; les opérations résultant de factures fictives ne correspondant à aucune livraison et dont le produit n'est pas comptabilisé dans les écritures sociales ne peuvent être regardées comme réalisées par la société dès lors qu'aucune pièce du dossier ne permet d'établir qu'elle a pu avoir connaissance de ces factures fictives délivrées par son représentant ;

- les pénalités de 40 % et 80 % pour manquement délibéré et manoeuvres frauduleuses ne sont pas fondées, étant constaté l'usurpation d'identité dont a été victime le gérant de droit de la société ; l'implication personnelle et consciente de la société et de son gérant dans les circuits de facturation douteux que le service a pu mettre en évidence n'est donc pas démontrée ; la société et son gérant de droit n'ont pas eu d'intention frauduleuse et ont été victimes du comportement d'un tiers.

Par un mémoire du 25 janvier 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les opérations de vérification ont permis de mettre en évidence divers manquements aux règles comptables et infractions aux règles de facturations à savoir des infractions relevées dans la tenue des documents comptables, infractions aux règles de facturation, autres infractions liées à la taxe sur la valeur ajoutée ;

- pour les infractions relevées dans la tenue des documents comptables, ces irrégularités ont été constatées dans les procès-verbaux établis par la vérificatrice et prennent les formes suivantes :- absence d'égalité des écritures passées au débit et au crédit sur les journaux d'achats, de vente, de banque et d'opérations diverses en cours d'exercice, -en fin d'exercice passation d'écritures destinées à équilibrer les comptes et balances mais ne mentionnant pas les affectations de comptes précises et détaillées,- défaut d'enregistrement de factures,- écritures comptables non assorties de pièces justificatives, - sommes comptabilisées sur le journal de banque différentes des sommes remises en banque et inscrites au crédit des comptes courants sur les relevés bancaires produits, - présence dans les écritures comptables de comptes courants ouverts au nom de tiers ne détenant aucune part dans la société, - inobservation du principe fixé au 7 de l'article 242 nonies A de l'annexe Il au code général des impôts, -rupture dans la numérotation des factures ; les investigations menées dans la comptabilité ont permis de mettre en évidence la passation de fausses écritures consistant en l'inscription au compte courant ouvert au nom de M. E..., notamment, de sommes en vue de solder des comptes clients ou fournisseurs dont le contrôle a permis d'établir qu'ils évoluaient avec la société Eliz dans un système de facturation croisée de prestations fictives ;

- pour les infractions aux règles de facturation constatées lors de la vérification, elles prennent la forme de facturation de prestations à des sociétés " liées ", prestations qui ne sont pas établies en l'espèce par la seule production de " convention de soutien " dépourvues de date, de signature, de montants chiffrés, de dates d'intervention ou de réalisation et qui n'ont pas été payées ; les factures de travaux de réfection d'appartements et autres prestations de services adressées à M. E... et à diverses personnes de sa famille n'avaient fait l'objet d'aucun règlement de la part de ces derniers ; l'ensemble des prestations et travaux ainsi facturés se sont révélés totalement fictifs ; la société requérante ne disposait d'aucun effectif salarié ; elle avait recours pour elle-même à des tiers pour la réalisation de prestations de services à caractère administratif, comptable, fiscal, social, juridique ; elle n'était donc pas en mesure d'accomplir ces opérations pour d'autres sociétés ; elle n'était pas davantage dotée du matériel nécessaire à la réalisation de travaux immobiliers et travaux de réfection portés sur les factures qu'elle avait établies ; elle n'a produit aucune facture attestant de la location de matériel de chantier, d'un recours à la sous-traitance et de l'emploi de personnels temporaires ; ces travaux apparaissaient totalement étrangers à l'objet social et à l'activité réelle de la SARL Eliz, société holding qui tire l'essentiel de ses recettes de la location de salles et locaux de réception ; la réalité des travaux et prestations facturées n'a pu être établie ni par la société Eliz ni par les sociétés bénéficiaires lesquelles ont fait l'objet de contrôles menés de concert par divers services vérificateurs ;

- sur les infractions liées à la taxe à la valeur ajoutée, les opérations de vérification ont établi l'existence de factures fictives et des majorations des montants de droit à déduction ;

- en sa qualité de gérant de la société Eliz dont il détient 50 % du capital (et 99 % jusqu'au 6 décembre 2012), M. E... est responsable des agissements de la société et des faits qui lui sont reprochés ; il ne pouvait pas ignorer les irrégularités constatées ; le siège social de la SARL Eliz est fixé au domicile de M. E... ; ce dernier reçoit à cette adresse l'ensemble des factures, des relevés des comptes bancaires et autres documents destinés à la société qu'il dirige ; il est le seul à détenir la signature bancaire et, dès lors, est seul habilité à effectuer toutes opérations bancaires, règlements par chèques et virements ; il a eu connaissance de factures comportant des opérations fictives dans la mesure où lesdites factures ont été émises à destination de sociétés qu'il dirige pour leur permettre de majorer de manière abusive leurs droits à déduction de T.V.A. ainsi que leurs charges et qu'il a été lui-même, comme certains membres de sa famille, destinataire de factures de travaux fictifs qui lui ont permis de procéder à des déductions irrégulières et injustifiées sur ses déclarations de revenus fonciers ; il n'a déposé aucune plainte à l'encontre de son comptable, auquel il reproche aujourd'hui d'être l'instigateur et le seul responsable des irrégularités commises ; il n'a produit aucune observation en réponse à la proposition de rectification visant la période du 1er janvier 2011 au 31 août 2013 qui lui a été adressée le 20 mai 2014 ; il ne démontre pas ses allégations d'appel selon lesquelles l'ensemble des déclarations fiscales et des documents comptables présentés porterait la signature du comptable et non du gérant ; en l'espèce, les allégations selon lesquelles la société Eliz et son gérant auraient été victimes du comportement d'un tiers et n'auraient été nullement impliqués dans les circuits de facturation douteux mis en lumière par le contrôle ne peuvent être admises ;

- les circonstances décrites font obstacle à ce que la reconstitution ne portent que sur les opérations réellement réalisées par la SARL Eliz conformément à son objet et aux sommes rémunérant ces opérations ; en application de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, il appartient à la société Eliz, qui s'est abstenue de répondre à la proposition de rectification en date du 20 mai 2014 d'apporter la preuve de l'exagération des impositions mises à sa charge ; la société requérante n'apporte pas la preuve qui lui incombe ; la méthode de reconstitution ne fait pas l'objet d'une critique pertinente ; en l'absence de réponse à la proposition de rectification, la société supporte la charge de la preuve et doit établir que les sommes versées par la SCI Alixan ne constituent pas des recettes taxables ; la vérificatrice a correctement appliqué l'article 283.4. du code général des impôts ; la reconstitution réalisée sur le fondement de l'article 38.-1. du code général des impôts a été correctement effectuée ; les sommes portées sur les factures fictives n'ont pas été retenues au titre des créances acquises ;

- les pénalités sont justifiées car ces irrégularités dans les écritures et déclarations comptables et fiscales qui constituent des manquements fréquents et délibérés, les prestations fictives résultant d'actes conscients et volontaires destinés à donner l'apparence de la sincérité à des déclarations et impliquant l'intention manifeste de leurs auteurs d'éluder tout ou partie de l'impôt ; constituent des manoeuvres frauduleuses des demandes de paiement de crédits indus de T.V.A. justifiées par des déclarations de chiffre d'affaires indiquant un montant fictif de taxe déductible sous couvert d'une comptabilité inexacte établie sur le fondement d'écritures fictives et de fausses factures ; le contrôle a mis en évidence que la société Eliz évoluait dans un système de factures croisées entre sociétés dirigées par une même personne, M. E..., consistant en l'émission de factures de prestations fictives ; ces circonstances justifie l'application des pénalités visées à l'article 1729 du code général des impôts et de l'amende de 50 % prévue à l'article 1737.-1 du code précité dès lors que le contrôle a mis en lumière l'émission par la société Eliz de factures faisant état de prestations fictives.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Cottier, première conseillère,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Eliz, qui exerce une activité de holding et de soutien aux entreprises ainsi qu'une activité de gestion et location de biens immobiliers, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 août 2013. L'administration au terme de la vérification de cette comptabilité a estimé, dans le cadre de la procédure contradictoire, que des anomalies graves et répétées affectaient celle-ci, l'a rejetée comme n'étant ni sincère ni probante et a reconstitué ses recettes. Deux propositions de rectifications ont été établies le 17 décembre 2013 et le 20 mai 2014. La première concernait pour l'impôt sur les sociétés l'exercice clos en 2010 et pour la taxe sur la valeur ajoutée la période 2010. La seconde concernait pour l'impôt sur les sociétés les exercices clos en 2011 et en 2012 et pour la taxe sur la valeur ajoutée la période allant de janvier 2011 jusqu'au 31 août 2013. La société requérante a ainsi été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôts sur les sociétés, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, à des pénalités pour manquements délibérés et manoeuvres frauduleuses et à des amendes fiscales en application de l'article 1737 du code général des impôts. En ce qui concerne la première proposition de rectification, la société requérante a formulé des observations le 23 janvier 2014 qui ont été rejetées par réponse du service du 16 juillet 2014. En ce qui concerne la seconde proposition de rectification, celle-ci n'a pas fait l'objet d'observations de la part de la société requérante. Par une réclamation du 29 décembre 2014, la SARL Eliz a contesté ces deux propositions de rectification. L'administration a rejeté cette réclamation le 28 avril 2015. La SARL Eliz a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impositions ainsi mis à sa charge, ainsi que la décharge des amendes fiscales. Par jugement du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande à fin de décharge. La SARL Eliz relève appel de ce jugement en demandant la décharge en droits et pénalités, des suppléments d'impositions ainsi mis à sa charge, ainsi que la décharge des amendes fiscales et à titre subsidiaire la décharge des pénalités de 40 % et 80 % auxquelles elle a été assujettie.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la charge de la preuve

2. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité présente de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...) ".

3. L'article R. 194-1 du même livre dispose que : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. (...) ".

4. D'une part, il appartient à l'administration, lorsqu'elle a mis en oeuvre la procédure de rectification contradictoire, que le contribuable n'a pas accepté la rectification dans le délai imparti et que le litige n'a pas été soumis à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffres d'affaires, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour majorer le montant du chiffre d'affaires et calculer des rappels de taxe sur la valeur ajoutée.

5. D'autre part, il résulte de ces dispositions que, s'il appartient au service d'établir que la comptabilité de la société requérante était entachée de graves irrégularités de nature à en justifier le rejet, c'est à cette dernière, si elle n'a pas présenté d'observations dans le délai légal en réponse à la proposition de rectification, qu'il incombe d'établir l'exagération de l'imposition laissée à sa charge et d'apporter la preuve du caractère excessivement sommaire ou radicalement vicié dans son principe de la reconstitution de recettes effectuée ou du caractère infondé des rehaussements notifiés.

6. En ce qui concerne l'année 2010, la société requérante a produit des observations à la suite de la proposition de rectification du 17 décembre 2013, qui ont été rejetées. Il n'est pas contesté qu'aucune commission n'a été saisie par la société requérante ou par l'administration. Il appartient par suite à l'administration d'établir les faits sur lesquels elle se fonde, en ce qui concerne les impositions établies au titre de cette année.

7. En ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés concernant les exercices clos en 2011 et en 2012 et pour la taxe sur la valeur ajoutée concernant la période de janvier 2011 au 31 août 2013, il est constant que la requérante s'est abstenue de répondre à la proposition de rectification du 20 mai 2014. Dès lors, il lui incombe d'établir le caractère excessivement sommaire ou radicalement vicié dans son principe de la méthode de reconstitution de recettes.

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité

8. Pour écarter comme non sincère et non probante la comptabilité de la société requérante entre le 1er janvier 2010 et le 31 août 2013, l'administration a constaté, lors de la vérification de comptabilité, différentes anomalies, à savoir des écritures sans justifications ou erronées, des écritures déséquilibrées, l'émission de fausses factures portant sur des travaux de réfection de biens immobiliers au nom de M. E... et des membres de son entourage familial, alors que la société ne disposait pas des moyens matériels pour réaliser ces travaux, l'utilisation de telles fausses factures à l'appui de demandes de remboursement de charges foncières, d'écritures non justifiées dans les comptes courants d'associés, de paiements non justifiés à différentes sociétés, un système de factures croisées entre sociétés dirigées par M. E..., gérant de la SARL Eliz, portant sur des prestations fictives de service de gestion administrative et commerciale, l'utilisation, à l'appui de demandes de remboursement de taxe sur la valeur ajoutée, de factures fictives émises par des sociétés tierces ou de factures non établies à son nom. La société ne conteste pas l'existence des anomalies relevées par l'administration. Elle impute toutefois de telles anomalies aux seuls agissements de son comptable lequel aurait réalisé les opérations et écritures en litige de sa seule initiative. Elle indique que ces opérations sont sans lien avec l'activité réelle de la société qui se limite à la location de la salle dont elle est propriétaire. Elle fait valoir qu'il n'est pas établi que son gérant a eu nécessairement connaissance des factures fictives dès lors que l'administration a admis que les paiements de telles opérations étaient comptabilisés dans des comptes de tiers, sans qu'aucun mouvement financier ne les soutienne. Toutefois, alors que comme il a été dit, la société requérante reconnaît l'existence des anomalies recensées par la vérificatrice, il résulte par ailleurs de l'instruction que l'administration a relevé que le siège social de la SARL Eliz ayant été fixé au domicile de M. E..., gérant de la société, ce dernier a reçu à cette adresse toutes les factures et les relevés de comptes bancaires relatif à l'activité de la société requérante. Il est constant que M. E..., gérant de la SARL et détenant 99 % de ses parts jusqu'en décembre 2012, puis 50 % après avoir cession d'une partie à sa fille, était également le seul à détenir la signature bancaire et dès lors à être habilité à effectuer toutes opérations bancaires, règlements par chèques et virements. Dans le cadre des contrôles réalisés par la vérificatrice et non contestés par la société requérante, la vérificatrice a constaté que M. E... a été, ainsi que certains membres de son entourage familial, destinataire de factures de travaux fictifs émises par la SARL requérante, ces travaux n'ayant été ni réalisés, ni payés, leur permettant de procéder à des déductions irrégulières et injustifiées sur leurs déclarations de revenus fonciers. Dans de telles circonstances, M. E... était nécessairement conscient du caractère fictif des factures lui ayant servi pour son propre compte lors de telles déclarations de revenus fonciers. En ce qui concerne les membres de son entourage familial, la société requérante n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause les constats de la vérificatrice sur la connaissance par M. E... de l'absence de réalisation de travaux et de l'absence de paiement de travaux non réalisés. La circonstance évoquée par la société requérante selon laquelle certaines des factures fictives en litige auraient été enregistrées dans des comptes de tiers sans mouvements financiers ne fait pas obstacle à ce que le gérant connaisse à travers d'autres éléments l'existence de telles factures fictives en litige. Dès lors, la société requérante, par cette seule argumentation ne remet pas en cause les éléments constatés par le service selon lesquels les factures relatives à des prestations de service administratif et commercial fictives ont été émises à destination de sociétés dirigées par M. E..., également gérant de la société requérante, pour leur permettre de majorer indûment leurs droits à déduction de taxe sur la valeur ajoutée et leurs charges Par suite, contrairement à ce qui est soutenu par la société requérante, M. E... a eu ainsi connaissance desdites factures fictives. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments qui ont été nécessairement connus par M. E..., son gérant, la société requérante ne saurait utilement soutenir qu'elle n'a pas eu connaissance ni de telles irrégularités ni des agissements de son gérant et que de tels faits se seraient déroulés à son insu. Par suite, contrairement à ce qui est allégué par la société requérante, les anomalies relevées par la vérificatrice ne peuvent pas être regardées comme ayant été réalisées à l'insu du gérant de la société, dirigeant celle-ci et par suite à l'insu de la société requérante. Dès lors, l'administration établit que les anomalies comptables relevées graves et répétées, entachant la sincérité de la comptabilité, sont bien imputables à la société requérante et sont de nature à justifier le rejet de sa comptabilité.

En ce qui concerne la reconstitution de recettes

9. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'administration pour reconstituer le chiffre d'affaires de l'exercice clos au 31 décembre 2010 a pris en compte la somme des crédits bancaires diminuée des crédits correspondant aux apports des associés et des factures de produits dont la réalité apparaît comme douteuse. Compte tenu de ce qui a été dit plus haut concernant la connaissance par la société requérante des différentes anomalies ayant été recensées par la vérificatrice, la société requérante, en appel, ne saurait utilement soutenir sans apporter aucun élément de preuve au soutien de cette allégation qu'elle aurait ignoré l'existence de telles anomalies comptables, de fausses factures, de paiements non justifiés et de factures fictives. Par suite, l'argumentation de la requérante sur sa méconnaissance de telles anomalies ne saurait utilement remettre en cause la méthodologie utilisée par l'administration. Si la société requérante indique sans autre précision que les versements de la société Alixan figurant dans un compte de tiers auraient été mal comptabilisés, cette simple allégation non étayée n'est pas de nature à établir une erreur de la part de l'administration à avoir pris en compte les encaissements effectifs de la société pour calculer le chiffre d'affaires et avoir tenu compte pour calculer le montant de la taxe sur la valeur ajoutée des montants des taxes mentionnés sur les factures fictives et les fausses factures. Par suite, l'administration, en l'espèce, doit être regardée comme apportant la preuve du bien-fondé des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge et du rehaussement des sommes dues au titre de la valeur ajoutée.

10. En second lieu, en ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires de la société pour les exercices clos en 2011 et en 2012 et pour la taxe sur la valeur ajoutée de la période de janvier 2011 au 31 août 2013, compte tenu de ce qui a été dit plus haut concernant la connaissance par la société requérante des factures fictives ayant été recensées par la vérificatrice, la société requérante, en appel, ne saurait utilement soutenir sans apporter aucun élément de preuve au soutien de cette allégation qu'elle aurait ignoré l'existence de telles factures fictives. La société requérante par une telle allégation et par l'affirmation que les versements en provenance de la société Alixan n'auraient pas dû être pris en compte dans le cadre de la reconstitution de la comptabilité par l'administration dès lors qu'ils ont été comptabilisés dans des comptes de tiers ne critique pas utilement la validation par le tribunal administratif ni de la méthode retenue par l'administration à savoir une reconstitution des recettes tenant compte des encaissements effectifs de la société et un rappel de taxe sur la valeur ajoutée par rapport aux montants des taxes mentionnés sur les factures fictives émises par la SARL Eliz ni des montants retenus par l'administration pour évaluer les montants des chiffres d'affaires et de la taxe sur la valeur ajoutée. Dès lors, la société requérante n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, du caractère excessivement sommaire ou radicalement viciée dans son principe de la reconstitution de recettes effectuée par le service et d'erreur dans le calcul du rappel de taxe à la valeur ajoutée.

Sur les pénalités :

11. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat ou en cas d'application de l'article 792 bis. ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration. ".

12. D'une part, il résulte de ces dispositions que la majoration pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir le caractère délibéré du manquement reproché au contribuable, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt. D'autre part, les pénalités pour manoeuvres frauduleuses ont pour objet de sanctionner des agissements destinés à égarer ou à restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration.

13. En premier lieu, il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté par la société requérante que dans le cadre des vérifications menées, l'administration a constaté, lors de la vérification de comptabilité, plusieurs anomalies, à savoir, des écritures sans justifications ou erronées, des écritures déséquilibrées, l'émission de fausses factures portant sur des travaux de réfection de biens immobiliers au nom de M. E... et des membres de son entourage familial, alors que la société ne disposait pas des moyens matériels pour réaliser ces travaux, l'utilisation de telles fausses factures à l'appui de demandes de remboursement de charges foncières, d'écritures non justifiées dans les comptes courants d'associés, de paiements non justifiés à différentes sociétés. Ces irrégularités sont à l'origine de très nombreuses inexactitudes et omissions dans les déclarations de la société requérante. Dans le contexte décrit, et alors que la société n'apporte aucun élément au soutien de son allégation selon laquelle le gérant de la société aurait fait l'objet d'une usurpation d'identité et aurait été victime du comportement d'un tiers à savoir le comptable de la société, l'administration établit ainsi d'une part que de telles inexactitudes et omissions sont des manquements délibérés et d'autre part que la société requérante a cherché volontairement à éluder l'impôt. Dès lors, en mettant à la charge de la société requérante la pénalité prévue à l'article 1729 a à hauteur de 40 % du code général des impôts, l'administration n'a pas commis d'erreur de droit.

14. En second lieu, il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté par la société requérante que l'administration a constaté l'existence d'écritures sans justification, des écritures erronées, des écritures déséquilibrées, l'émission de fausses factures portant sur des travaux de réfection de biens immobiliers au nom de M. E... et des membres de son entourage familial, alors que la société ne disposait pas des moyens matériels pour réaliser ces travaux, l'utilisation de telles fausses factures à l'appui de demandes de remboursement de charges foncières, d'écritures non justifiées dans les comptes courants d'associés, de paiements non justifiés à différentes sociétés, d'un système organisé de factures " croisées " pour des travaux censés être réalisés sur des biens appartenant en propre au gérant de la société et des membres de sa famille et de son entourage familial. Comme il a été dit plus haut, de tels faits qui étaient connus par le gérant doivent être regardés comme ayant été réalisés par la société requérante. Il suit de là que d'une part, cette société a mis en oeuvre un procédé ayant pour but d'égarer l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle, sans que puisse y faire obstacle la circonstance, d'ailleurs non établie, que le gérant de la société aurait fait l'objet d'une usurpation d'identité et aurait été victime du comportement d'un tiers à savoir le comptable de la société et d'autre part a volontairement cherché à éluder l'impôt. Par suite, l'administration établit la volonté d'éluder l'impôt et l'existence de manoeuvres frauduleuses de nature à justifier, par application de l'article 1729 du code général des impôts, la majoration de 80 % dont ont été assortis le redressement notifié à raison de telles pratiques.

15. En dernier lieu, en ce qui concerne l'amende de 50% prévue à l'article 1737.1 du code général des impôts, la société requérante ne fait valoir aucun moyen en appel tendant à la contester.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la société Eliz n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

17. La société Eliz étant la partie perdante, ses conclusions présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Eliz est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Eliz et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

Mme A..., présidente,

Mme Cottier, première conseillère,

Mme G..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2020.

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N° 18LY03318


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY03318
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

19-01-03-01-02 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Contrôle fiscal. Vérification de comptabilité.


Composition du Tribunal
Président : Mme DECHE
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : ARBOR TOURNOUD PIGNIER WOLF

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-09-29;18ly03318 ?
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