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24/09/2020 | FRANCE | N°19LY04485

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 24 septembre 2020, 19LY04485


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 11 juillet 2019 du préfet de l'Isère portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignation du pays de renvoi.

Par un jugement n° 1905106 du 7 novembre 2019, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 6 décembre 2019, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°)

d'annuler ce jugement et cet arrêté ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, sous astreinte de 150 euros...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 11 juillet 2019 du préfet de l'Isère portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignation du pays de renvoi.

Par un jugement n° 1905106 du 7 novembre 2019, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 6 décembre 2019, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, sous astreinte de 150 euros passé le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "entrepreneur-profession libérale" ou "vie privée et familiale" ou, subsidiairement, de réexaminer sa demande et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des frais du litige.

Elle soutient que :

- le tribunal s'est fondé sur l'avis de la DIRECCTE du 1er février 2019 joint au mémoire en défense du préfet de l'Isère produit après la clôture de l'instruction et qui ne lui a pas été communiqué ;

- il a omis de répondre aux moyens tirés de ce que cet avis n'a pas été signé par une autorité compétente ni rendu dans le délai de deux mois suivant la saisine ;

- le préfet a méconnu les dispositions du 3° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, car son projet économique est viable, doit lui permettre d'obtenir des moyens de subsistance suffisants et est en adéquation avec ses compétences ;

- il a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences du refus de titre de séjour et de la mesure d'éloignement sur sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme E... ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante taïwanaise née le 18 décembre 1981, est entrée en France en dernier lieu en 2014 sous couvert d'un visa de long séjour en qualité de commerçant. Sa demande de titre de séjour en qualité de salarié n'a pas abouti en raison de l'avis défavorable de la direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région (DIRECCTE) Auvergne-Rhône-Alpes. Le 1er septembre 2017, elle a demandé au préfet de l'Isère de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "entrepreneur/profession libérale" pour exercer l'activité de consultante en ingénierie. Elle relève appel du jugement du 7 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 juillet 2019 du préfet de l'Isère portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignation du pays de renvoi.

2. Il ressort des pièces du dossier que le mémoire en défense du préfet de l'Isère a été produit le 4 octobre 2019 postérieurement à la clôture de l'instruction fixée au 26 septembre 2019. Le tribunal n'a pas rouvert l'instruction alors même qu'il a tenu compte de l'avis de la DIRECCTE du 1er février 2019 joint à ce mémoire. Mme B... est dès lors fondée à soutenir que le jugement a été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire et à en demander l'annulation, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen d'irrégularité du jugement.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Grenoble.

4. Aux termes de l'article R. 313-16-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger présente un projet tendant à la création d'une activité commerciale, industrielle ou artisanale, l'autorité diplomatique ou consulaire ou le préfet compétent saisit pour avis le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi compétent dans le département dans lequel l'étranger souhaite réaliser son projet. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que, conformément à ces dispositions, le préfet de l'Isère a saisi le DIRECCTE territorialement compétent qui a émis un avis défavorable le 1er février 2019. Cet avis a été signé par M. F... A..., directeur régional adjoint, chef du pôle entreprises, emploi, économie, auquel le DIRRECTE d'Auvergne-Rhône-Alpes a délégué sa signature par un arrêté du 7 décembre 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de région Auvergne-Rhône-Alpes du 11 décembre 2018. Si Mme B... soutient que la décision portant refus de séjour a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de notification de l'avis de la DIRECCTE, aucune disposition législative ou règlementaire n'impose au préfet une telle notification. La méconnaissance des règles de procédure décrites dans l'instruction du 22 décembre 2016 du directeur général des entreprises, relative à la consultation de la DIRECCTE sur la viabilité économique des projets entrepreneuriaux soumis dans le cadre de demandes de titre de séjour, dépourvues de caractère impératif, ne peut être utilement invoquée.

6. L'arrêté litigieux, qui précise les considérations de fait et de droit le fondant, est suffisamment motivé.

7. Aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : (...) / 3° Pour l'exercice d'une activité non salariée, économiquement viable et dont il tire des moyens d'existence suffisants, dans le respect de la législation en vigueur. Elle porte la mention "entrepreneur/profession libérale " ". Aux termes de l'article R. 313-16-1 du même code : " (...) Pour l'application du 3° de l'article L. 313-10, l'étranger qui demande la carte de séjour temporaire portant la mention " entrepreneur/ profession libérale " doit présenter à l'appui de sa demande, outre les pièces mentionnées aux articles R. 311-2-2 et R. 313-1, les justificatifs permettant d'évaluer, en cas de création, la viabilité économique de son projet (...) ".

8. Il résulte de ces dispositions que la délivrance d'une carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle à l'étranger qui souhaite exercer en France une profession commerciale, industrielle ou artisanale est subordonnée, notamment, à la viabilité économique de l'activité envisagée. Dès lors que l'étranger est lui-même à l'origine de l'activité, il lui appartient de présenter à l'appui de sa demande les justificatifs permettant d'évaluer la viabilité économique de son activité ou entreprise, que celle-ci soit encore au stade de projet ou déjà créée.

9. Il ressort des pièces du dossier que l'entreprise individuelle de Mme B... a été déclarée le 4 septembre 2017 au répertoire SIRENE pour une activité libérale d'ingénieur conseil. Les prévisions de chiffre d'affaires et de bénéfices sur trois ans avancées par Mme B... dans l'étude financière prévisionnelle du 26 novembre 2018 qu'elle a présentée à l'appui de sa demande étaient trop faibles pour lui assurer un salaire minimum comme l'ont démontré ses déclarations complémentaires de revenus de 2017 et 2018 qui mentionnent que ses revenus non commerciaux professionnels se sont élevés au titre de ces deux années respectivement à 2 900 euros et 15 303,97 euros. En outre, l'étude de marché également présentée par Mme B... ne faisait état que de considérations d'ordre général. Ni l'étude financière prévisionnelle sur trois ans établie le 17 septembre 2019 par l'intéressée après l'intervention de l'avis de la DIRRECTE et de l'arrêté contesté, ni les factures versées à l'instance dont certaines concernent des prestations sans lien avec l'activité déclarée, ne permettent d'établir la viabilité économique de l'entreprise à la date du 11 juillet 2019. Dans ces conditions, Mme B... n'établit pas que le préfet de l'Isère, qui a pris en compte les justificatifs qu'elle avait produits à l'appui de sa demande et ne s'est pas estimé lié par l'avis de la DIRRECTE comme le révèle la motivation de l'arrêté en litige, aurait fait une inexacte application des dispositions du 3° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Si Mme B... se prévaut de sa présence en France entre 2006 et 2009 et depuis 2011 et de son intégration professionnelle et sociale, elle a toutefois interrompu son séjour à deux reprises et vécu jusqu'à l'âge adulte dans son pays d'origine où elle n'établit pas être dépourvue de tout attache familiale. Par suite, le refus opposé le 11 juillet 2019 par le préfet de l'Isère à sa demande de titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son refus et de la mesure d'éloignement sur sa situation personnelle.

11. Compte tenu de ce qui a été dit, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 11 juillet 2019. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des frais du litige doivent être rejetées par voie de conséquence.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1905106 du tribunal administratif de Grenoble du 7 novembre 2019 est annulé.

Article 2 : La demande de Mme B... devant le tribunal administratif de Grenoble et le surplus des conclusions de sa requête devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme E..., président rapporteur,

M. Rivière, premier conseiller.

Lu en audience publique le 24 septembre 2020.

2

N° 19LY04485


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY04485
Date de la décision : 24/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Céline MICHEL
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : KUMMER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-09-24;19ly04485 ?
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