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24/09/2020 | FRANCE | N°18LY00546

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 24 septembre 2020, 18LY00546


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler la décision par laquelle le maire de la commune de Bourg-en-Bresse a rejeté sa demande du 18 mai 2015 le mettant en demeure de faire respecter la réglementation en matière d'accessibilité des personnes handicapées sur le territoire de sa commune et d'autre part, de condamner cette commune à lui verser une indemnisation de 25 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence.

Par un jugement n° 1507287 du 12 décembre 2017, le tribunal administratif de L...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler la décision par laquelle le maire de la commune de Bourg-en-Bresse a rejeté sa demande du 18 mai 2015 le mettant en demeure de faire respecter la réglementation en matière d'accessibilité des personnes handicapées sur le territoire de sa commune et d'autre part, de condamner cette commune à lui verser une indemnisation de 25 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence.

Par un jugement n° 1507287 du 12 décembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision implicite du 18 mai 2015 en tant qu'elle porte rejet de la demande de Mme B... tendant à la délimitation des surfaces d'implantation des terrasses de cafés-restaurants par des clous et a rejeté le surplus des conclusions dont la requérante ne s'était pas désistée.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 février 2018 et 21 janvier 2019, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 12 décembre 2017 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande du 18 mai 2015 en tant qu'elle concerne l'aménagement irrégulier de la rue des Blanchisseries ;

3°) de condamner la commune de Bourg-en-Bresse à lui verser une somme de 25 000 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence ;

4°) d'enjoindre au maire de prendre toute mesure utile afin de mettre en conformité les aménagements de la rue des Blanchisseries, dans un délai de trois mois ;

5°) de mettre à la charge de cette commune une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'aménagement de la rue des Blanchisseries méconnaît en plusieurs endroits les prescriptions de l'article 1er de l'arrêté du 15 janvier 2017 portant application du décret n° 2006-1658 du 21 décembre 2006 sans que la commune ne justifie d'une impossibilité technique ni de la consultation de la commission départementale de sécurité et d'accessibilité ; la jurisprudence Danthony invoquée par la commune n'est pas applicable et la topographie du terrain n'empêchait nullement la réalisation de pentes plus longues et moins inclinées s'agissant des bateaux devant les propriétés et les quais des arrêts de bus ;

- cette méconnaissance caractérise une carence de l'autorité municipale dans l'exercice de ses pouvoirs de police générale ;

- la réglementation en vigueur s'applique de part et d'autre de la voie et non d'un seul côté ;

- elle justifie de la réalité de son préjudice et peut prétendre à une indemnisation à hauteur de 25 000 euros en réparation des préjudices subis résultant non seulement des aménagements irréguliers de la rue des Blanchisseries mais également des difficultés d'accessibilité compte tenu de l'encombrement des trottoirs sur l'ensemble du territoire de la commune.

Par des mémoires, enregistrés les 25 juin 2018 et 27 mai 2019, la commune de Bourg-en-Bresse, représentée par la SELARL Itinéraires avocats, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que la demande indemnitaire de Mme B... soit ramenée à de plus justes proportions, et dans tous les cas, à la mise à la charge de l'appelante d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les mesures des pentes de trottoirs dépendent très largement de la zone précise sur laquelle l'instrument de mesure a été apposé, de la longueur et de la fiabilité de cet instrument ; les mesures prises par la commune montrent des résultats différents des constats d'huissier produits par Mme B... ;

- la consultation de la commission départementale de sécurité et d'accessibilité n'était pas requise à l'occasion du réaménagement de la rue des Blanchisseries ; en tout état de cause, le défaut de consultation n'a privé l'appelante d'aucune garantie ;

- elle n'avait d'autres choix que de s'adapter à la configuration des lieux et à la topographie du terrain ;

- l'objectif de la loi du 11 février 2005 est la mise en place d'une chaîne du déplacement continue ; en l'espèce, cette chaîne de déplacement est assurée sur le trottoir nord, côté pair ; à supposer qu'il existe une irrégularité devant le n° 16 de la rue, elle s'engage à faire procéder aux travaux de mise en conformité ; si la cour devait prononcer une injonction, elle ne pourra concerner que ces travaux, côté pair de la rue ;

- les demandes indemnitaires de Mme B... en tant qu'elles ne concernent pas la rue des Blanchisseries ne pourront qu'être rejetées ; l'intéressée ne démontre pas qu'elle serait personnellement confrontée à des difficultés d'accessibilité dans cette rue, dès lors, en tout état de cause, qu'en vertu de l'article R. 412-35 du code de la route, elle est autorisée à emprunter les bandes cyclables qui se situent sur la chaussée ; en tout état de cause, elle ne démontre pas non plus la réalité d'un préjudice personnel s'agissant des autres irrégularités alléguées ;

- l'appelante ne justifie pas le quantum des préjudices qu'elle invoque.

Un mémoire produit pour Mme B..., enregistré le 3 septembre 2019 n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 2005-1657 du 11 février 2005 ;

- le décret n° 2006-1657 du 21 décembre 2006 ;

- le décret n° 2006-1658 du 21 décembre 2006 ;

- l'arrêté du 15 janvier 2007 portant application du décret n° 2006-1658 du 21 décembre 2006 relatif aux prescriptions techniques pour l'accessibilité de la voirie et des espaces publics ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... ;

- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;

- les observations de Me E... représentant la commune de Bourg-en-Bresse.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 12 décembre 2017 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le maire de Bourg-en-Bresse a implicitement refusé de mettre en conformité les trottoirs de la rue des Blanchisseries avec les prescriptions techniques pour l'accessibilité de la voirie prévues par l'arrêté du 15 janvier 2007 portant application du décret n° 2006-1658 du 21 décembre 2006. Elle demande également l'annulation de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la commune à lui verser 25 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence résultant de l'encombrement de certains trottoirs de la ville par des bacs à déchets, des véhicules en stationnement irréguliers et le mobilier des terrasses de cafés-restaurants ainsi que de la non-conformité des aménagements de la rue des Blanchisseries aux prescriptions techniques en matière d'accessibilité des personnes handicapées ou à mobilité réduite.

2. En premier lieu, aux termes du I de l'article 45 de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées : " La chaîne du déplacement, qui comprend le cadre bâti, la voirie, les aménagements des espaces publics, les systèmes de transport et leur intermodalité, est organisée pour permettre son accessibilité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite. (...) " Selon l'article 1er du décret n° 2006-1657 du 21 décembre 2006 relatif à l'accessibilité de la voirie et des espaces publics, les travaux de réaménagement, de réhabilitation ou de réfection des voies existantes doivent être réalisés de manière à permettre leur accessibilité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite avec la plus grande autonomie possible. Un décret n° 2006-1658 du même jour précise les caractéristiques techniques des aménagements destinés à assurer aux personnes handicapées, quel que soit leur handicap, et aux personnes à mobilité réduite, l'accessibilité des voies publiques et privées ouvertes à la circulation publique. Son article 1er indique notamment que les cheminements doivent présenter la pente la plus faible possible. Le II de cet article prévoit cependant que ses dispositions ne " sont mises en oeuvre que s'il n'existe pas d'impossibilité technique constatée par l'autorité gestionnaire de la voirie ou des espaces publics en cause, après avis de la commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité consultée dans des conditions fixées par arrêté. ".

3. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 15 janvier 2007 portant application du décret n° 2006-1658 du 21 décembre 2006 : " Les caractéristiques techniques destinées à faciliter l'accessibilité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite des équipements et aménagements relatifs à la voirie et aux espaces publics sont les suivantes : / 1° Pentes / Lorsqu'une pente est nécessaire pour franchir une dénivellation, elle est inférieure à 5 %. (...) En cas d'impossibilité technique, due notamment à la topographie et à la disposition des constructions existantes, une pente de cheminement supérieure à 5 % est tolérée. Cette pente peut aller jusqu'à 8 % sur une longueur inférieure ou égale à 2 mètres et jusqu'à 12 % sur une longueur inférieure ou égale à 0,50 mètre. (...) 3° Profil en travers / En cheminement courant, le dévers est inférieur ou égal à 2 %. (...) 12° Emplacements d'arrêt de véhicule de transport collectif / L'emplacement d'arrêt, jusqu'à la bordure, est situé à une hauteur adaptée aux matériels roulants qui circulent sur la ligne de transport. (...) ". L'article 2 de cet arrêté précise également qu'" En cas d'impossibilité technique de satisfaire aux prescriptions imposées par le décret n° 2006-1658 du 21 décembre 2006 susvisé ou par le présent arrêté, l'autorité gestionnaire de la voie ou de l'espace public objet du projet de construction, d'aménagement ou de travaux tels que définis à l'article 1er du décret n° 2006-1657 du 21 décembre 2006 susvisé sollicite l'avis de la commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité pour dérogation à une ou plusieurs règles d'accessibilité (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Bourg-en-Bresse a, en 2014, fait réaliser des travaux de réaménagement de la rue des Blanchisseries, consistant notamment en un élargissement des trottoirs et la création d'une bande cyclable sur la chaussée. Mme B... soutient qu'en plusieurs endroits, en particulier du côté des numéros impairs, le trottoir, abaissé pour permettre l'accès des véhicules aux résidences ou surélevé pour l'implantation d'un arrêt de bus, présente ainsi des pentes supérieures à 5 % alors qu'aucune impossibilité technique n'autorisait la commune à déroger à la règle mentionnée au point 3. Elle fait valoir également qu'au droit du n° 1 bis, le dévers est largement supérieur à 2 %. Toutefois, les mesures prises par l'huissier de justice qu'elle a, à deux reprises, missionné en 2016 et 2018, ont été réalisées à l'aide d'outils de mesure inadaptés, ne permettant que des relevés ponctuels de pente sur une longueur non significative, insuffisants pour établir la non-conformité alléguée des trottoirs de la rue des Blanchisseries aux prescriptions techniques rappelées ci-dessus. Il en résulte que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la commune de Bourg-en-Bresse aurait méconnu ces prescriptions. Dans ces conditions, et en tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que cette commune aurait été tenue de solliciter la commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité pour déroger à ces règles d'accessibilité.

5. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède, qu'en l'absence de faute avérée de la commune à l'occasion du réaménagement de la rue des Blanchisseries, les conclusions de Mme B... tendant à la réparation d'un préjudice résultant pour elle de l'utilisation de cette voie ne peuvent qu'être rejetées. Par ailleurs, l'appelante ne démontre pas plus devant la cour que devant le tribunal l'existence d'un préjudice personnel et certain qui résulterait pour elle de l'encombrement des trottoirs, en divers endroits de la commune, par des bacs à déchets, des véhicules en stationnement irrégulier et le mobilier des terrasses des cafés et restaurants.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction en tant qu'elles concernent la rue des Blanchisseries ainsi que ses conclusions indemnitaires. Sa requête doit en conséquence être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des frais du litige.

7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre de la charge de Mme B..., la somme que demande la commune de Bourg-en-Bresse sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Bourg-en-Bresse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et à la commune de Bourg-en-Bresse.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme C..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 septembre 2020.

2

N° 18LY00546


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY00546
Date de la décision : 24/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : MARIE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-09-24;18ly00546 ?
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