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07/09/2020 | FRANCE | N°19LY00796

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 07 septembre 2020, 19LY00796


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Magellan développement international a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la réduction des droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er décembre 2010 au 31 octobre 2013, des majorations correspondantes et de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1736 du code général des impôts au titre des années 2011 et 2012 par avis de mise en recouvrement du 15 décembre 2014.

Par un jugement n° 1607464 du

27 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir prononcé la décha...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Magellan développement international a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la réduction des droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er décembre 2010 au 31 octobre 2013, des majorations correspondantes et de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1736 du code général des impôts au titre des années 2011 et 2012 par avis de mise en recouvrement du 15 décembre 2014.

Par un jugement n° 1607464 du 27 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir prononcé la décharge, d'une part, des droits de taxe sur la valeur ajoutée établis à raison de prestations de fourniture de logement au titre de la période du 15 mars 2013 au 31 octobre 2013 et, d'autre part, des majorations pour manquement délibéré appliquées aux droits de taxe comptabilisée et non déclarée au titre de la période du 1er décembre 2012 au 31 octobre 2013, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 27 février 2019 et le 29 juin 2020, la SAS Magellan développement international, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 27 décembre 2018 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de prononcer la réduction des droits de taxe sur la valeur ajoutée maintenus à sa charge au titre de la période du 1er décembre 2010 au 31 octobre 2013 et de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1736 du code général des impôts au titre des années 2011 et 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les prestations qu'elle assure en mettant des logements et des véhicules à disposition des salariés détachés en France de sociétés d'intérim polonaises et portugaises sont hors du champ d'application territorial de la taxe sur la valeur ajoutée en France, dès lors que les preneurs sont des assujettis situés hors de France et que ces prestations ne relèvent pas des dérogations prévues à l'article 259 A du code général des impôts ;

- en tout état de cause, les prestations de mise à disposition de logements sont exonérées de taxe sur la valeur ajoutée en application du 4° de l'article 261 D du code général des impôts ;

- à supposer qu'elles soient imposables en France, ces prestations relèvent du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu de l'article 279 du code général des impôts ;

- l'administration ne pouvait lui infliger l'amende de 50 % prévue par l'article 1736 du code général des impôts dès lors que, conformément à ces dispositions dans leur version résultant de l'article 7 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018, qui est applicable immédiatement en vertu du principe de rétroactivité in mitius, elle justifie que les rémunérations non déclarées ont été comprises dans les propres déclarations de leurs bénéficiaires ;

- elle peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la décision de rescrit n° 2012/2 du 14 février 2012 qui énonce que : " Toutefois, l'amende n'est pas applicable lorsque les deux conditions suivantes sont remplies : - il s'agit de la première infraction commise au cours de l'année civile en cours et des trois années précédentes ; - l'omission ou l'inexactitude est réparée soit spontanément, soit à la première demande de l'administration, avant la fin de l'année au cours de laquelle la déclaration devait être souscrite. Par ailleurs, par mesure de tempérament, il est admis que l'entreprise puisse régulariser les déclarations des trois années précédentes sans encourir l'application de cette sanction lorsque les conditions suivantes sont réunies. L'entreprise présente une demande de régularisation pour la première fois et est en mesure de justifier, notamment par une attestation des bénéficiaires, que les rémunérations non déclarées ont été comprises dans les propres déclarations de ces derniers déposées dans les délais légaux, à la condition que le service puisse être en mesure de vérifier l'exactitude des justifications produites. ".

Par un mémoire, enregistré le 30 août 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la charge de la preuve incombe à la société requérante, qui a partiellement accepté les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, et que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 ;

- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

- la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B..., présidente-assesseure,

- et les conclusions de Mme E..., rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Magellan développement international, qui appartient à un groupe ayant pour société-mère la SAS Mare Nostrum et détient 90 % du capital de la société de droit portugais Magellan empresa de trabalho temporario Lda, a pour objet la recherche de personnel, l'assistance dans la gestion des ressources humaines ainsi que la prise à bail, la vente, la location et la gestion de tous biens immobiliers. Elle a pour activité la recherche, la réservation et la mise à disposition de logements et de véhicules pour les besoins de salariés en provenance de Pologne et du Portugal détachés en France auprès de sa filiale portugaise et d'autres sociétés de travail temporaire françaises, polonaises et portugaises, auxquelles elle refacture ces prestations qu'elle acquiert elle-même auprès de sociétés spécialisées, moyennant le versement de commissions comprises entre 3 % et 15 % du montant des prestations. Pour la période du 1er décembre 2010 au 15 mars 2013, la SAS Magellan développement international a soumis à la taxe sur la valeur ajoutée l'ensemble des prestations fournies à ses clients français et a considéré comme exonérées les prestations effectuées au bénéfice de ses clients polonais et portugais. Pour la période du 15 mars 2013 au 30 octobre 2013, elle n'a soumis à la taxe sur la valeur ajoutée que les opérations effectuées avec ses clients français, portugais et polonais qui lui avaient été facturées par ses fournisseurs avec mention de la taxe, soit les prestations d'hôtellerie et de para-hôtellerie, et s'est abstenue de déclarer celles qui lui avaient été facturées sans taxe sur la valeur ajoutée. La SAS Magellan développement international a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er décembre 2010 au 30 octobre 2013 à l'issue de laquelle l'administration lui a réclamé, selon la procédure contradictoire, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée résultant, outre d'un rappel de taxe comptabilisée et non déclarée au titre de la période du 1er décembre 2012 au 30 octobre 2013, de la soumission à la taxe sur la valeur ajoutée de l'intégralité des prestations fournies à ses clients français, polonais et portugais sur la période du 1er décembre 2010 au 30 octobre 2013 couverte par l'avis de mise en recouvrement. Ces rappels ont été assortis de majorations pour manquement délibéré et la société s'est vu appliquer l'amende prévue par l'article 1736 du code général des impôts au titre des années 2011 et 2012. Par un jugement du 27 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble lui a accordé la décharge, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée assignés à raison de la refacturation aux clients français, portugais et polonais des locations exonérées de logements meublés postérieures au 15 mars 2013 et, d'autre part, des majorations pour manquement délibéré dont ont été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à la taxe comptabilisée mais non déclarée au titre de la période du 1er décembre 2012 au 30 octobre 2013, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de la société tendant à la réduction des impositions et majorations et à la décharge des amendes infligées. La SAS Magellan développement international relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 27 décembre 2018 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur la taxe sur la valeur ajoutée :

En ce qui concerne l'imposition en France :

S'agissant des prestations d'hébergement :

2. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. (...) ". Aux termes de l'article 259 du même code : " Le lieu des prestations de services est situé en France :1° Lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu'il a en France :a) Le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France auquel les services sont fournis ; b) Ou un établissement stable auquel les services sont fournis ; c) Ou, à défaut du a ou du b, son domicile ou sa résidence habituelle ; 2° Lorsque le preneur est une personne non assujettie, si le prestataire : a) A établi en France le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France à partir duquel les services sont fournis ; b) Ou dispose d'un établissement stable en France à partir duquel les services sont fournis ; c) Ou, à défaut du a ou du b, a en France son domicile ou sa résidence habituelle. " Aux termes de l'article 259 A du même code : " Par dérogation à l'article 259, est situé en France le lieu des prestations de services suivantes : (...) 2° Les prestations de services se rattachant à un bien immeuble situé en France, y compris les prestations d'experts et d'agents immobiliers, la fourniture de logements dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire tels que des camps de vacances ou des sites aménagés pour camper, l'octroi de droits d'utilisation d'un bien immeuble et les prestations tendant à préparer ou à coordonner l'exécution de travaux immobiliers, telles que celles fournies par les architectes et les entreprises qui surveillent l'exécution des travaux ". Ces dispositions ont opéré la transposition en droit interne des règles de territorialité figurant, respectivement, aux paragraphes 1 et 2 sous a) de l'article 9 de la directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, reprises à l'article 45 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union Européenne que relèvent des prestations de service se rattachant à un bien immeuble au sens de ces prévisions celles qui présentent un lien suffisamment direct avec un bien immeuble.

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.

4. Il résulte de l'instruction, et, notamment, des factures produites par la SAS Magellan développement international que cette dernière a pris en location, à son nom, des hébergements consistant, selon les cas, en des chambres simples, des studios ou des appartements auprès de différents fournisseurs exploitant d'hôtels, de gîtes, de chambres d'hôtes, de résidences de tourisme, de résidences de jeunes travailleurs ou de campings et a mis ces hébergements à la disposition de salariés détachés en France par les sociétés polonaises et portugaises In temporis Polska sp, MK Kadry sp, Magellan empresa de trabalho temporario Lda et Obripostura Lda. Si l'hébergement était assuré dans certains cas au sein de mobil-homes, il n'est pas contesté que ces derniers étaient implantés de façon durable au sein des campings assurant les prestations d'hébergement. Il est en outre constant que la mise à disposition de ces logements était nécessaire à la réalisation par les salariés détachés de leurs missions qui avaient lieu en France et dont la durée s'échelonnait de plusieurs jours à plusieurs semaines. Dans ces conditions, les prestations de service effectuées par la SAS Magellan développement international en tant qu'intermédiaire entre les fournisseurs d'hébergement et les sociétés d'intérim portugaises et polonaises, qui présentent un lien direct suffisant avec les immeubles au sein desquels l'hébergement des salariés de ces sociétés était assuré, doivent être regardées comme se rattachant à des biens immeubles situés en France au sens des dispositions de l'article 259 A du code général des impôts. Par suite, ces prestations étaient taxables en France en application de ces dispositions.

S'agissant des prestations de mise à disposition de véhicules :

5. Aux termes de l'article 259 A du code général des impôts : " Par dérogation à l'article 259, est situé en France le lieu des prestations de services suivantes :1° Les locations de moyens de transport : a) Lorsqu'elles sont de courte durée et que le moyen de transport est effectivement mis à la disposition du preneur en France. La location de courte durée s'entend de la possession ou de l'utilisation continue d'un moyen de transport pendant une période ne dépassant pas trente jours ou, dans le cas d'un moyen de transport maritime, quatre-vingt-dix jours ".

6. Il est constant que la SAS Magellan développement international a procédé à la réservation et à la location de véhicules auprès de différents fournisseurs en France et que ces véhicules ont été mis à la disposition des salariés détachés par les sociétés polonaises et portugaises In temporis Polska sp, MK Kadry sp, Magellan empresa de trabalho temporario Lda et Obripostura Lda. Il résulte de l'instruction, et, notamment, des factures produites par la société requérante, que la durée de la location n'a pas excédé trente jours. Dans ces conditions, ces prestations étaient taxables en France en application des dispositions précitées de l'article 259 A du code général des impôts.

En ce qui concerne l'imposition des prestations d'hébergement :

S'agissant de l'application de l'exonération prévue par le 4° de l'article 261 D du code général des impôts :

7. Aux termes de l'article 261 D du code général des impôts : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation. ". Aux termes de l'article 37 de l'annexe IV au même code : " La comptabilité ou le livre spécial dont la tenue est prescrite par le 3° du I de l'article 286 du code général des impôts doit notamment faire apparaître d'une manière distincte : Les opérations non soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ; Les opérations faites en suspension de ladite taxe ; Pour chaque acquisition de biens, services et travaux l'indication de son montant, de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante ainsi que le nom et l'adresse du fournisseur ; Pour chaque opération ayant donné lieu à l'émission d'une facture ou d'un document en tenant lieu comportant mention de la taxe sur la valeur ajoutée, le montant net de l'opération, le montant de la taxe sur la valeur ajoutée au taux exigible facturé, ainsi que le nom et l'adresse du client. "

8. Il résulte des dispositions de la directive du Conseil du 28 novembre 2006, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que, lorsqu'une opération économique soumise à la taxe sur la valeur ajoutée est constituée par un faisceau d'éléments et d'actes, il y a lieu de prendre en compte toutes les circonstances dans lesquelles elle se déroule aux fins de déterminer si l'on se trouve en présence de plusieurs prestations ou livraisons distinctes ou d'une prestation ou d'une livraison complexe unique. Chaque prestation ou livraison doit en principe être regardée comme distincte et indépendante. Toutefois, l'opération constituée d'une seule prestation sur le plan économique ne doit pas être artificiellement décomposée pour ne pas altérer la fonctionnalité du système de la taxe sur la valeur ajoutée. De même, dans certaines circonstances, plusieurs opérations formellement distinctes, qui pourraient être fournies et taxées séparément, doivent être regardées comme une opération unique lorsqu'elles ne sont pas indépendantes. Tel est le cas lorsque, au sein des éléments caractéristiques de l'opération en cause, certains éléments constituent la prestation principale, tandis que les autres, dès lors qu'ils ne constituent pas pour les clients une fin en soi mais le moyen de bénéficier dans de meilleures conditions de la prestation principale, doivent être regardés comme des prestations accessoires partageant le sort fiscal de celle-ci. Tel est le cas, également, lorsque plusieurs éléments fournis par l'assujetti au consommateur, envisagé comme un consommateur moyen, sont si étroitement liés qu'ils forment, objectivement, une seule opération économique indissociable, le sort fiscal de celle-ci étant alors déterminé par celui de la prestation prédominante au sein de cette opération.

9. Il résulte de l'instruction, et, notamment, des factures établies par la SAS Magellan développement international et des contrats conclus avec ses clientes, qui lui confient des missions de " recherche de solutions pour l'installation des employés en France, de gestion administrative et financière de l'hébergement et de gestion administrative des moyens de locomotion en France ", que la société requérante assure, pour le compte des sociétés de travail temporaire polonaises et portugaises In temporis Polska sp, MK Kadry sp, Magellan empresa de trabalho temporario Lda et Obripostura Lda, des prestations de soutien logistique pour la recherche et la location d'hébergements destinés aux salariés de ces sociétés détachés depuis la Pologne ou le Portugal en France.

10. La SAS Magellan développement international assure également, pour le compte de ses clientes, des prestations de location de véhicules destinés aux salariés de ces sociétés afin de se rendre de leur lieu d'hébergement à leur lieu de travail, ainsi que des prestations d'intermédiation pour la location de linge, le service de nettoyage, la prise de petits-déjeuners ou d'autres repas, la prise en charge des taxes de séjour, des consommations électriques ou de gaz, les locations de téléviseurs ou de connexion WIFI et les frais de parking, et effectue le paiement des dommages consécutifs à la période de location des hébergements et des véhicules, ainsi que celui des amendes pour infractions au code de la route résultant de l'utilisation des véhicules loués. Ces dernières prestations, qui ne constituent pas pour les clientes de la requérante une fin en soi mais sont le moyen de bénéficier dans de meilleures conditions de la prestation principale, doivent être regardées comme des prestations accessoires à la prestation principale de mise à disposition des salariés détachés par ses clientes de logements durant leur mission en France.

11. La SAS Magellan développement international procède toutefois également, pour le compte de ses clientes, à l'achat dans des magasins spécialisés de chaussures et de vêtements professionnels destinés aux salariés détachés et à la réservation de billets d'avion ou de car pour des trajets effectués par ces salariés entre la France et le Portugal. De telles prestations, qui ne se rattachent pas aux prestations d'hébergement, sont d'une nature distincte de ces dernières prestations. Il résulte de l'instruction que la SAS Magellan développement international, qui refacture à ses clientes l'ensemble des prestations qui ont été facturées à son nom, en y appliquant une marge variable, qualifiée de " frais de gestion ", correspondant à sa prestation d'intermédiaire, ne comptabilise pas distinctement les recettes provenant, d'une part, de ses prestations de mise à disposition d'hébergement et prestations accessoires, qui doivent être exonérées de taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions du 4° de l'article 261 D du code général des impôts, et celles résultant d'achats de marchandises et de billets de transport, qui doivent être soumises à la taxe. Si la société requérante produit à l'instance les factures qui ont été établies par ses fournisseurs ainsi que celles qu'elle a établies à destination de ses clientes, ces dernières, qui ne comportent aucune précision et dont les montants ne correspondent pas dans tous les cas aux sommes facturées par les fournisseurs, ne permettent pas davantage de ventiler les recettes selon les secteurs d'activité concernés. Dans de telles conditions, et à défaut de comptabilisation distincte des recettes soumises à la taxe et de celles qui en sont exonérées, la SAS Magellan développement international devait être assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée à raison des recettes retirées de l'ensemble de son activité.

S'agissant de l'application du taux réduit prévu au a de l'article 279 du code général des impôts :

12. Aux termes de l'article 279 du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 7 % en ce qui concerne : a. Les prestations relatives : A la fourniture de logement ". Lorsqu'un redevable réalise des affaires passibles de la taxe sur la valeur ajoutée selon des taux différents et tient une comptabilité qui ne permet pas de distinguer entre ces différentes catégories d'affaires, il est passible de la taxe au taux le plus élevé sur la totalité des affaires.

13. Il résulte de l'instruction que la SAS Magellan développement international n'a procédé à aucune ventilation en comptabilité entre les prestations de mise à disposition d'hébergements et prestations accessoires, et les prestations d'achats de vêtements professionnels ou de billets de transport entre la France et l'étranger selon qu'elles étaient imposables au taux normal ou au taux réduit. Dans ces conditions, la demande de la société requérante tendant à la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés à raison de prestations d'entremise dans la recherche et la réservation d'hébergements, à hauteur de la différence entre l'application du taux normal de taxe sur la valeur ajoutée et celle du taux réduit, ne peut, en tout état de cause, qu'être rejetée.

Sur l'amende :

En ce qui concerne l'application de la loi :

14. Aux termes de l'article 240 du code général des impôts dans sa rédaction applicable en 2011 et 2012 : " 1. Les personnes physiques qui, à l'occasion de l'exercice de leur profession versent à des tiers des commissions, courtages, ristournes commerciales ou autres, vacations, honoraires occasionnels ou non, gratifications et autres rémunérations, doivent déclarer ces sommes dans les conditions prévues aux articles 87,87 A et 89 ". Aux termes de l'article 1736 du même code : " 1. Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % des sommes non déclarées le fait de ne pas se conformer aux obligations prévues à l'article 240 et au 1 de l'article 242 ter et à l'article 242 ter B. L'amende n'est pas applicable, en cas de première infraction commise au cours de l'année civile en cours et des trois années précédentes, lorsque les intéressés ont réparé leur omission, soit spontanément, soit à la première demande de l'administration, avant la fin de l'année au cours de laquelle la déclaration devait être souscrite./. "

15. Il est constant que la SAS Magellan développement international n'a pas souscrit les déclarations afférentes aux commissions, courtages, ristournes commerciales ou autres, vacations, honoraires occasionnels ou non, gratifications et autres rémunérations, qu'elle a versés aux sociétés Mare Nostrum, Debo consult unipessoal Lda et Meunier au titre de l'année 2011 à hauteur d'un montant total de 81 729 euros et aux sociétés Mare Nostrum, Debo consult unipessoal Lda, Laforêt, Century 21 et Profitrecord Lda au titre de l'année 2012 à hauteur d'un montant total de 91 838 euros.

16. En premier lieu, la SAS Magellan développement international soutient que l'amende n'est pas applicable, en vertu du premier alinéa du I de l'article 1736 du code général des impôts, dès lors qu'elle a réparé l'omission déclarative initiale à la suite de la vérification de comptabilité. Il résulte toutefois de l'instruction que la déclaration souscrite par la société requérante le 24 octobre 2014 portait sur la seule année 2013, année distincte de celles concernées par les omissions déclaratives. Contrairement à ce que soutient la société requérante, qui n'établit pas que la mention de l'année 2013 résulterait d'une simple erreur matérielle, une telle déclaration ne saurait être regardée comme réparant l'omission déclarative commise aux titre des années 2011 et 2012.

17. En second lieu, la SAS Magellan développement international se prévaut de l'application immédiate du deuxième alinéa du I de l'article 1736 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de l'article 7 de la loi du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance, qui prévoit que : " La personne tenue d'effectuer une déclaration en application de l'article 240 peut régulariser les déclarations des trois années précédentes sans encourir l'application de l'amende prévue au premier alinéa du présent 1 lorsque les conditions suivantes sont réunies : elle présente une demande de régularisation pour la première fois et est en mesure de justifier, notamment par une attestation des bénéficiaires, que les rémunérations non déclarées ont été comprises dans les propres déclarations de ces derniers déposées dans les délais légaux, à condition que le service puisse être en mesure de vérifier l'exactitude des justifications produites. Cette demande de régularisation peut avoir lieu au cours du contrôle fiscal de la personne soumise à l'obligation déclarative. ".

18. La société requérante soutient que l'omission déclarative a été régularisée dès lors que les sociétés Mare Nostrum, Debo consult unipessoal Lda, Profitrecord Lda et Century 21 bénéficiaires des rémunérations en cause les ont elles-mêmes déclarées dans leurs déclarations de résultat, et produit les attestations établies par ces sociétés en 2014 et 2015. Toutefois, d'une part, la société requérante ne justifie pas que ces sociétés ont effectivement souscrit ces déclarations dans les délais légaux ainsi que l'exige le I de l'article 1736, d'autre part, l'attestation établie par la société Mare Nostrum, qui ne mentionne pas le montant des sommes déclarées, et les attestations souscrites par les sociétés Debo consult unipessoal Lda et Profitrecord Lda, qui sont des sociétés étrangères non tenues à des obligations déclaratives en France, ne permettent pas, à elles seules, à l'administration de vérifier l'exactitude des justifications produites. Dans ces conditions, la SAS Magellan développement international ne peut être regardée comme ayant valablement réparé son omission déclarative. Par suite, l'administration a pu à bon droit infliger à la société requérante l'amende prévue au I de l'article 1736 du code général des impôts.

En ce qui concerne l'interprétation de la loi :

19. La SAS Magellan développement international se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la décision de rescrit n° 2012/2 du 14 février 2012 qui énonce que : " Toutefois, l'amende n'est pas applicable lorsque les deux conditions suivantes sont remplies : - il s'agit de la première infraction commise au cours de l'année civile en cours et des trois années précédentes ; - l'omission ou l'inexactitude est réparée soit spontanément, soit à la première demande de l'administration, avant la fin de l'année au cours de laquelle la déclaration devait être souscrite. Par ailleurs, par mesure de tempérament, il est admis que l'entreprise puisse régulariser les déclarations des trois années précédentes sans encourir l'application de cette sanction lorsque les conditions suivantes sont réunies. L'entreprise présente une demande de régularisation pour la première fois et est en mesure de justifier, notamment par une attestation des bénéficiaires, que les rémunérations non déclarées ont été comprises dans les propres déclarations de ces derniers déposées dans les délais légaux, à la condition que le service puisse être en mesure de vérifier l'exactitude des justifications produites. "

20. Il ne résulte pas de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 18, que les rémunérations que la SAS Magellan développement international a omis de déclarer ont été effectivement comprises dans les déclarations de leurs bénéficiaires déposées dans les délais légaux ni que le service a été mis en mesure de s'assurer de l'exactitude des justifications produites. Par suite, la SAS Magellan développement international, qui n'entre pas dans les prévisions de la décision de rescrit général qu'elle invoque, ne saurait s'en prévaloir.

21. Il résulte de ce qui précède que la SAS Magellan développement international n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Magellan développement international est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Magellan développement international et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 7 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme B..., présidente-assesseure,

Mme F..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 7 septembre 2020.

2

N° 19LY00796

ld


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00796
Date de la décision : 07/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Lieu d'imposition.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Personnes et opérations taxables - Opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : CABINET DURAFFOURD

Origine de la décision
Date de l'import : 19/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-09-07;19ly00796 ?
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