La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/09/2020 | FRANCE | N°19LY00631

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 07 septembre 2020, 19LY00631


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Aryes a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés et de contribution sur l'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre des exercices clos en 2012 et 2013 et des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1606701 du 28 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 février 2019 et le 1

6 octobre 2019, la SAS Aryes, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Aryes a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés et de contribution sur l'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre des exercices clos en 2012 et 2013 et des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1606701 du 28 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 février 2019 et le 16 octobre 2019, la SAS Aryes, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 décembre 2018 ;

2°) de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés et de contribution sur l'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre des exercices clos en 2012 et 2013 et des majorations correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration l'a privée de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

- en ce qui concerne le redressement résultant de la remise en cause de la déduction de charges, l'administration ne peut soutenir que les travaux qu'elle a réalisés contribuaient en réalité à l'augmentation de son actif net, dès lors qu'elle n'est pas propriétaire de l'ensemble immobilier en cause et que ces travaux s'analysent comme de simples travaux d'entretien ;

- elle peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 32 de l'instruction publiée le 30 décembre 2005 sous la référence 4 A-13-05 selon lequel : " il sera admis, par parallélisme avec la tolérance relative aux immobilisations de faible valeur, que les composants ayant une valeur unitaire inférieure à 500 euros hors taxes ne soient pas identifiés en tant que tels " ;

- elle peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, de la prise de position formelle de l'administration résultant de la réponse aux observations du contribuable du 30 juin 2004 qui a été notifiée à la SAS Alizé logistique à l'issue d'un précédent contrôle ;

- en ce qui concerne le redressement résultant de la remise en cause de la déduction d'une provision, la provision constituée correspondait bien à des charges à venir ;

- les alinéa 27 à 31 du 5° de l'article 39-1 du code général des impôts prévoient la possibilité pour une société de constituer une provision en vue de faire face à l'obligation de renouveler un bien amortissable dont elle assure l'exploitation ;

- la provision en cause ne pouvait être remise en cause, en application de l'article 38 2 bis du code général des impôts, dans la mesure où elle a été constituée plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice contrôlé ;

- elle peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des paragraphes 27 à 32 de l'instruction publiée le 8 juin 1998 sous la référence 4 E-3-98, repris au paragraphe 280 de l'instruction publiée le 12 septembre 2012 sous la référence BOI-BIC-PROV-30-30-20-10, qui énoncent que : " 27. Les provisions pour renouvellement du matériel et de l'outillage d'une entreprise ne sont, en principe, pas déductibles pour la détermination de l'assiette de l'impôt, dès lors qu'elles ont pour contrepartie un accroissement de l'actif de l'entreprise.28. Pour les entreprises locataires et les entreprises concessionnaires ou fermières de service public, la charge de renouvellement n'a pas pour contrepartie un accroissement de l'actif puisque les biens renouvelés doivent être remis gratuitement en fin de contrat au loueur ou à l'autorité concédante. Tel est d'ailleurs le cas, d'une manière générale, pour les entreprises tenues de renouveler des biens dont elles ne sont pas propriétaires.29. Aux termes de l'article 39-1.5° du code général des impôts, les pertes et charges qui affectent la détermination du résultat fiscal sont susceptibles d'être déduites sous forme de provisions, lorsqu'elles sont rendues probables par un événement survenu pendant l'exercice et toujours en cours à sa clôture (DB 4 E 1141).30. Enfin, les provisions ne sont déductibles que si elles sont constituées en vue de faire face à des charges nettement précisées. 31. L'article 5 de la loi de finances pour 1998 n° 97-1269 du 30 décembre 1997 n'a pas pour objet de créer une nouvelle provision, mais de préciser les modalités de détermination du montant déductible des provisions constituées en application des dispositions du 5° du 1 de l'article 39 du CGI au titre d'une obligation contractuelle de renouvellement. 32.En l'occurrence, l'événement qui rend probable la charge est l'utilisation du bien objet de l'obligation de renouvellement opposable à l'entreprise. Dans ces conditions, lorsque la provision n'a pas été constituée au titre d'un exercice, il est admis qu'elle puisse être dotée ultérieurement dès lors que le bien concerné est en cours d'utilisation. ", ainsi que de l'instruction publiée le 13 octobre 2014 sous la référence BOI-ANNX-000114 ;

- elle peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, de la prise de position formelle de l'administration résultant de la proposition de rectification du 30 juin 2004 qui a été notifiée à la SAS Alizé logistique à l'issue d'un précédent contrôle ;

- en ce qui concerne les majorations pour manquement délibéré, ces majorations sont insuffisamment motivées et l'administration ne démontre pas sa mauvaise foi.

Par un mémoire, enregistré le 29 juillet 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B..., présidente-assesseure,

- et les conclusions de Mme E..., rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Aryes, créée en 2009, est la société mère d'un groupe fiscalement intégré auquel appartient la SAS Alizé logistique, qui exerce une activité de logistique et le transport de produits non alimentaires. A l'issue d'une vérification de comptabilité de la SAS Alizé logistique portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, l'administration a remis en cause, d'une part, des dépenses de travaux de, respectivement, 269 177 euros et 3 057 euros comptabilisées en charges déductibles de ses résultats des exercices clos en 2012 et 2013 et, d'autre part, une provision pour travaux de mise en conformité du système de protection incendie constituée en 2000 et comptabilisée à hauteur de 999 239 euros dans le résultat de l'exercice clos en 2013. La SAS Aryes relève appel du jugement du 28 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge des compléments d'impôt sur les sociétés et de contribution sur l'impôt sur les sociétés qui lui ont assignés au titre des exercices clos en 2012 et 2013 du chef des rectifications ainsi apportées aux résultats de la SAS Alizé logistique et des majorations appliquées à ces impositions.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Il résulte des dispositions de l'article 223 A du code général des impôts qu'alors même que la société mère d'un groupe fiscal intégré s'est constituée seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur le résultat d'ensemble déterminé par la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe, celles-ci restent soumises à l'obligation de déclarer leurs résultats et que c'est avec ces dernières que l'administration fiscale mène la procédure de vérification de comptabilité et de redressement, dans les conditions prévues aux articles L. 13, L. 47 et L. 57 du livre des procédures fiscales. Les rehaussements ainsi apportés aux résultats déclarés par les sociétés membres du groupe constituent cependant les éléments d'une procédure unique conduisant d'abord à la correction du résultat d'ensemble déclaré par la société mère du groupe, puis à la mise en recouvrement des rappels d'impôt établis à son nom sur les rehaussements de ce résultat d'ensemble. L'information qui doit être donnée à la société mère avant cette mise en recouvrement peut être réduite à une référence aux procédures de redressement qui ont été menées avec les sociétés membres du groupe et à un tableau chiffré qui en récapitule les conséquences sur le résultat d'ensemble, sans qu'il soit nécessaire de reprendre l'exposé de la nature, des motifs et des conséquences de chacun des chefs de redressement concernés.

3. Il est constant que les articles L. 47 et L. 57 du livre des procédures fiscales ont été respectés par l'administration dans le cadre de la procédure suivie à l'encontre de la SAS Alizé logistique et que la SAS Aryes, qui n'a fait l'objet d'aucune opération de contrôle de sa propre situation, a été suffisamment informée, en sa qualité de société tête de groupe, des conséquences résultant pour elle de la rectification des résultats de sa filiale par un courrier du 2 mars 2016. Il n'est, en outre, pas contesté que la SAS Alizé logistique, qui avait seule vocation à demander la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires à l'occasion de la procédure de vérification et de redressement menée à son égard, a été mise à même de saisir cette commission par une lettre du 22 juin 2015. Il s'ensuit que la SAS Aryes ne peut utilement soutenir, s'agissant de redressements qui lui ont été assignés en sa seule qualité de société mère redevable de l'impôt dû par l'ensemble du groupe, qu'elle a été à tort privée de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les redressements résultant de la remise en cause de charges :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

4. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. ". Aux termes de l'article 39 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ".

5. D'une part, ne constituent des charges déductibles des résultats en vue de la détermination du bénéfice imposable ni les dépenses qui ont, en fait, pour résultat l'entrée d'un nouvel élément dans l'actif immobilisé d'une entreprise, ni les dépenses qui entraînent normalement une augmentation de la valeur pour laquelle un élément immobilisé figure à son bilan, ni les dépenses qui ont pour effet de prolonger d'une manière notable la durée probable d'utilisation d'un élément de l'actif immobilisé. La durée probable d'utilisation d'un tel élément s'apprécie à la date de son acquisition ou de sa création. En revanche, peuvent être compris dans les frais généraux et constituer des charges d'un exercice déterminé les dépenses qui n'ont d'autre objet que de maintenir les différents éléments de l'actif immobilisé de l'entreprise en un état tel que leur utilisation puisse être poursuivie conformément à leur objet jusqu'à la fin de la période correspondant à leur durée probable d'utilisation.

6. D'autre part, l'entreprise qui effectue sur des terrains ou dans les locaux pris à bail des constructions ou des améliorations dont elle aura la jouissance jusqu'à la fin du bail mais qui, à cette date, devront faire retour au bailleur sans indemnité, fait entrer la valeur de ces travaux dans son actif immobilisé.

7. La SAS Alizé logistique, qui exploite Route de Pont-de-Vaux à Cuiserie (Saône-et-Loire) une installation classée pour la protection de l'environnement comprenant un ensemble immobilier composé de dix bâtiments à usage d'entrepôts et de bureaux et équipé d'un réseau de distribution et de citernes de stockage d'hydrocarbures, a comptabilisé, au titre de l'exercice clos en 2012, des charges correspondant à la fourniture et à la pose de rampes de protection dans le bâtiment G, d'un montant de 5 615 euros, et au renforcement des charpentes métalliques ainsi qu'à la pose de sur-couvertures et sur-toitures dans plusieurs bâtiments, d'un montant de 263 562 euros et, au titre de l'exercice clos en 2013, des charges correspondant à l'installation de 218 m² de parquet d'un montant de 3 057 euros. L'administration a réintégré ces dépenses au résultat imposable de la société au motif qu'elles devaient être immobilisées.

8. Il résulte de l'instruction que les dépenses en cause ont consisté en l'installation de rampes de protection, dont le bâtiment en cause était auparavant dépourvu, en des travaux de confortation de la charpente et de la toiture préalables au remplacement du système de protection contre l'incendie ainsi qu'en l'installation d'un parquet dans le cadre de la rénovation de bureaux. Si la SAS Alizé logistique soutient que ces travaux n'ont eu pour objet que d'entretenir, conformément à ses obligations contractuelles, l'ensemble immobilier qu'elle a pris en location auprès de la SNC Pont-De-Vaux, les travaux en cause, qui soit ont consisté en la création d'équipements dont la société ne disposait pas, soit ont apporté une protection nouvelle à la couverture des bâtiments qu'elle exploite, ont permis l'entrée de nouveaux éléments dans l'actif immobilisé de la société. Dans ces conditions, et alors même que la SAS Alizé logistique n'est que locataire de l'ensemble immobilier en cause et que le contrat de bail prévoit qu'elle est tenue de restituer les nouveaux agencements au bailleur en fin de bail, l'administration a pu à bon droit remettre en cause la déduction des dépenses en cause, qui devaient être immobilisées, au titre des exercices clos en 2012 et 2013.

S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

9. En premier lieu, la SAS Aryes invoque, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le paragraphe 32 de l'instruction publiée le 30 décembre 2005 sous la référence 4 A-13-05 selon lequel : " Sur le plan fiscal, il sera admis, par parallélisme avec la tolérance relative aux immobilisations de faible valeur, que les composants ayant une valeur unitaire inférieure à 500 euros hors taxes ne soient pas identifiés en tant que tels, sous réserve des précisions ci-après au 3ème tiret ". Toutefois, il résulte de l'instruction que les dépenses en litige, qui portent sur la fourniture et la pose de rampes de protection, le renforcement de la charpente et de la toiture et la fourniture et la pose de parquet, dont le montant s'établit à, respectivement, 5 615 euros, 263 562 euros et 3 057 euros, ne portent pas sur des composants ayant une valeur unitaire inférieure à 500 euros. Par suite, et en tout état de cause, la société requérante ne peut utilement se prévaloir de l'instruction qu'elle invoque.

10. En second lieu, la SAS Aryes se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, d'une prise de position formelle de l'administration résultant de la réponse aux observations du contribuable du 30 juin 2004 adressée à la SAS Alizé logistique à l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur l'année 2000. Il résulte toutefois de l'instruction que cette lettre, par laquelle l'administration fiscale s'est bornée à indiquer qu'elle abandonnait les redressements envisagés à raison d'un accroissement d'actif, sans préciser les motifs de cette décision, ne constitue pas une prise de position formelle opposable à l'administration pour l'établissement des impositions relatives aux exercices clos en 2012 et 2013, alors au surplus que les charges dont l'administration avait envisagé la remise en cause étaient d'une nature distincte de celles en litige. Si la SAS Aryes entend également se prévaloir de la proposition de rectification du 30 juin 2004 adressée à la SAS Alizé logistique à l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2000 à 2002, cette proposition, par laquelle l'administration a remis en cause la déduction de charges correspondant à des actifs immobilisés, incluant notamment des " agencements nouveaux local sprinklers ", ne comporte pas davantage de prise de position formelle quant à l'admission de la déduction de charges de la nature de celles en litige. Par suite, la SAS Aryes ne peut se prévaloir d'aucune prise de position formelle de l'administration.

En ce qui concerne les redressements résultant de la remise en cause d'une provision :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

11. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / (...) 5º Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provisions et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées, à cette date, par l'entreprise. Ne peuvent, par suite, donner lieu à provision les dépenses à venir qui auront pour contrepartie l'acquisition d'un nouvel élément d'actif ou qui entraîneraient normalement une augmentation de la valeur pour laquelle un élément immobilisé figure au bilan de l'entreprise ou encore qui auraient pour objet de prolonger de manière notable la durée probable d'utilisation d'un élément de cette nature.

12. D'autre part, aux termes de l'article 38 quater de l'annexe III au code général des impôts : " Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt. ". Aux termes du 2 de l'article 321-10 du plan comptable général, dans sa version modifiée par le règlement n° 2004-06 du 23 novembre 2004 du Comité de la réglementation comptable et applicable à compter du 1er janvier 2005 : " Les immobilisations corporelles acquises pour des raisons de sécurité ou liées à l'environnement, bien que n'augmentant pas directement les avantages économiques futurs se rattachant à un actif existant donné, sont comptabilisées à l'actif si elles sont nécessaires pour que l'entité puisse obtenir les avantages économiques futurs de ses autres actifs (...) ". Dans son avis n° 2005-D du 1er juin 2005, le comité d'urgence du Conseil national de la comptabilité a estimé que les dispositions de ce dernier article ne concernaient pas toutes les dépenses de mise en conformité, mais seulement " les dépenses d'acquisition, de production d'immobilisations et d'améliorations répondant de manière cumulative aux trois conditions suivantes : / dépenses engagées pour des raisons de sécurité des personnes ou environnementales ; / imposées par des obligations légales ; / et dont la non-réalisation entraînerait l'arrêt de l'activité ou de l'installation de l'entreprise ".

13. Il résulte de l'instruction que la SAS Alizé logistique a constitué au titre de l'exercice clos en 2000 une provision pour risques et charges, en vue de faire face aux dépenses liées à la mise aux normes du système de protection contre l'incendie des bâtiments qu'elle exploite, dont le montant, fixé à 457 350 euros en 2000, a été porté à 999 239 euros au titre des exercices clos en 2012 et 2013. L'administration a réintégré, dans le résultat imposable de l'exercice clos en 2012, la provision comptabilisée à hauteur de 999 239 euros à la clôture de cet exercice au motif que les travaux que cette provision avait pour objet de couvrir avaient pour effet d'accroître la valeur des éléments figurant à l'actif de la société et qu'au demeurant, la réalisation de ces travaux n'avait pas un caractère probable à la date de la constitution de la provision en cause.

14. Il résulte de l'instruction que les travaux ayant donné lieu à la constitution de la provision en litige consistent dans l'installation, dans les bâtiments exploités par la SAS Alizé logistique, d'un système fixe d'extinction automatique à eau, comprenant deux réserves d'eau de respectivement, 50 m3 et 1140 m3, une électropompe de 40 m3/h, un groupe motopompe diesel de 760 m3/h, un réseau de têtes de sprinklers et un réseau enterré, afin de mettre les bâtiments en cause en conformité avec les normes de protection contre l'incendie APSAD R1. Ces travaux, qui ont été imposés à la société, selon ses indications, tant par la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement de Bourgogne que par sa compagnie d'assurance, ont vocation à remplacer le système préexistant mis en place en 1979 et devenu inutilisable, et ont ainsi permis l'entrée de nouveaux éléments dans l'actif immobilisé de la société. Par suite, et alors que les immobilisations en cause sont nécessaires pour que la société puisse poursuivre son activité et ainsi obtenir les avantages économiques futurs de ses autres actifs, l'administration est fondée à soutenir que les dépenses correspondantes, qui devaient être immobilisées, ne pouvaient donner lieu à la constatation d'une provision.

15. En deuxième lieu, aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) / 4 bis. Pour l'application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci. / Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque l'entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit. (...) ". Aux termes du 1 de l'article 39 du même code, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 de ce même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. / (...) Les provisions qui, en tout ou en partie, reçoivent un emploi non conforme à leur destination ou deviennent sans objet au cours d'un exercice ultérieur sont rapportées aux résultats dudit exercice. Lorsque le rapport n'a pas été effectué par l'entreprise elle-même, l'administration peut procéder aux rectifications nécessaires dès qu'elle constate que les provisions sont devenues sans objet ". Il résulte de ces dispositions qu'une provision faisant l'objet d'un emploi non conforme à sa destination ou devenue sans objet au cours d'un exercice doit être réintégrée au bilan de clôture de ce même exercice ou, si cet exercice est prescrit, dans les bilans des exercices non prescrits à l'exception du bilan d'ouverture du premier de ces exercices. Toutefois, lorsque cette provision ne satisfaisait pas, dès l'origine, aux conditions de déductibilité, cette erreur initiale, pour autant qu'elle ne revête pas, pour le contribuable, un caractère délibéré, doit être corrigée dans le bilan de clôture de l'exercice au cours duquel elle a été irrégulièrement constituée ou, si cet exercice est prescrit, dans les bilans des exercices non prescrits à l'exception du bilan d'ouverture du premier de ces exercices, rendant ainsi sans objet sa reprise ultérieure pour emploi non conforme ou perte d'objet.

16. La SAS Aryes sollicite l'application du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts, au motif que les provisions en litige, constituées à la clôture de l'exercice de la SAS Alizé logistique clos le 31 décembre 2000, ont été comptabilisées plus de sept ans avant la date d'ouverture du premier exercice non prescrit le 1er janvier 2011. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 14 que ces provisions, correspondant à des dépenses qui devaient être immobilisées, ne satisfaisaient pas, dès l'origine, aux conditions de déductibilité. Il résulte par ailleurs de l'instruction que les dépenses que ces provisions avaient vocation à couvrir ont été différées pendant onze années, en dépit d'une mise en demeure adressée à la société par la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement de Bourgogne le 12 juin 2008 à l'issue d'une visite sur place, et n'ont jamais été réalisées, sans que la société ne justifie de l'impossibilité financière ou technique d'engager les travaux correspondants et alors que le commissaire aux comptes l'avait alertée, dans ses rapports pour les exercices clos en 2012 et 2013, sur la circonstance que les règles de comptabilisation d'une provision n'étaient pas respectées. Dès lors, l'engagement de ces dépenses n'apparaissait pas comme probable à la clôture des exercices en litige. Dans ces conditions, la comptabilisation de ces provisions, qui ne répondaient manifestement pas aux conditions prévues par le 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, ne résulte pas d'une simple erreur mais présente un caractère délibéré. Par suite, la société requérante, qui a maintenu les provisions non justifiées en litige au cours des exercices précédant le premier exercice non prescrit, n'est pas fondée à solliciter l'application des dispositions précitées du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts.

17. En dernier lieu, aux termes du vingt-septième alinéa du 5°de l'article 39-1 du code général des impôts : " La provision constituée par l'entreprise en vue de faire face à l'obligation de renouveler un bien amortissable dont elle assure l'exploitation est déductible, à la clôture de l'exercice, dans la limite de la différence entre le coût estimé de remplacement de ce bien à la clôture du même exercice et son prix de revient initial affectée d'un coefficient progressif. (...) / Les dotations à la provision visée au vingt-septième alinéa ne sont pas déductibles si elles sont passées après l'expiration du plan de renouvellement en vigueur au 15 septembre 1997 ou, pour les biens mis en service après cette date, après l'expiration du plan initial de renouvellement. ".

18. La SAS Aryes soutient que la provision en cause a été constituée pour faire face à des obligations contractuelles de renouvellement des immobilisations. Il est toutefois constant que la société, qui, au demeurant, n'a pas comptabilisé la provision en cause comme ayant un tel objet, n'a pas constitué le plan de renouvellement du matériel prévu par le vingt-huitième alinéa du 5°de l'article 39-1 du code général des impôts et n'apporte aucun élément probant permettant d'établir la réalité et l'étendue de l'obligation de renouvellement lui incombant. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que la provision en cause a été constituée pour faire face à une telle obligation.

S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

19. En premier lieu, la SAS Aryes invoque, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les paragraphes 27 à 32 de l'instruction publiée le 8 juin 1998 sous la référence 4 E-3-98, repris au paragraphe 280 de l'instruction publiée le 12 septembre 2012 sous la référence BOI-BIC-PROV-30-30-20-10. Toutefois, ces instructions ne donnent pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt.

20. En deuxième lieu, si la SAS Aryes invoque, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, l'instruction publiée le 13 octobre 2014 sous la référence BOI-ANNX-000114, elle n'assortit pas ce moyen des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

21. En dernier lieu, la SAS Aryes invoque, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, une prise de position formelle de l'administration résultant de la proposition de rectification du 30 juin 2004 adressée à la SAS Alizé logistique à l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2000 à 2002. Il résulte toutefois de l'instruction, et, notamment des termes mêmes de cette proposition de rectification, que l'administration a expressément remis en cause la déduction de la provision constituée par la société en vue du remplacement du système de défense contre l'incendie aux motifs que ces dépenses incombaient contractuellement au propriétaire et qu'elles avaient pour effet de créer des éléments nouveaux de l'actif immobilisé. Dans ces conditions, cette proposition de rectification ne contient aucune prise de position formelle de l'administration quant à l'admission des provisions constituées par la SAS Alizé logistique pour le remplacement du système de protection contre l'incendie opposable sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.

Sur les majorations :

22. D'une part, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

23. D'autre part, aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable ".

24. En premier lieu, il résulte de l'examen de la proposition de rectification du 27 avril 2015 notifiée à la SAS Alizé logistique que ce document cite l'article 1729 du code général des impôts et expose les motifs pour lesquels les redressements résultant de la remise en cause de la déduction des charges liées à la rénovation de la toiture, d'une part, et à la réintégration au bénéfice imposable de la provision constituée en vue du remplacement du système de protection contre l'incendie, d'autre part, sont assortis de la majoration de 40 % prévue par l'article 1729 en cas de manquement délibéré. En indiquant, s'agissant du premier chef de redressement, que la société ne pouvait ignorer que les dépenses comptabilisées initialement en " immobilisations en cours " ne pouvaient être déduites en tant que charges, et, s'agissant du second chef de redressement, que la bonne foi de la société ne pouvait être retenue dès lors qu'elle avait différé pendant quinze années l'engagement des travaux que la provision avait pour objet de couvrir et qu'elle avait elle-même reconnu que certains exercices n'avaient donné lieu à aucune tentative d'avancement de ces travaux, la proposition de rectification a indiqué, pour chacun des chefs de redressement concernés, les motifs de droit et de fait qui démontrent l'intention délibérée de la société d'éluder l'impôt dû, justifiant l'application de la majoration pour manquement délibéré. Par suite, l'administration doit être regardée comme ayant régulièrement motivé les majorations dont sont assortis les compléments d'impôt sur les sociétés en litige.

25. En second lieu, l'administration démontre, par les éléments qu'elle invoque et qui sont rappelés au point précédent, l'existence d'une intention délibérée de la SAS Alizé logistique d'éluder l'impôt qui caractérise sa mauvaise foi et justifie l'application de la majoration de 40 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts en cas de manquement délibéré.

26. Il résulte de ce qui précède que la SAS Aryes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Aryes est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Aryes et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 7 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme B..., présidente-assesseure,

Mme F..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 7 septembre 2020.

2

N° 19LY00631

ld


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00631
Date de la décision : 07/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Provisions.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Charges diverses.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : SELAS LIONEL COUTACHOT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-09-07;19ly00631 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award