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25/08/2020 | FRANCE | N°20LY00576

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 25 août 2020, 20LY00576


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux demandes distinctes, M. A... E... et Mme D... G... épouse E... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 22 juillet 2019 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office.

Par un jugement n° 1905514-1905515 du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de

Grenoble a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux demandes distinctes, M. A... E... et Mme D... G... épouse E... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 22 juillet 2019 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office.

Par un jugement n° 1905514-1905515 du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 février 2020, M. et Mme E..., représentés par Me F..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1905514-1905515 du 19 décembre 2019 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler les décisions du 22 juillet 2019 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de leur délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement de réexaminer leur situation, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 20 euros par jour de retard et de leur délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour les autorisant à travailler dans un délai de quarante-huit heures, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros à verser à leur conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- eu égard à la situation médicale de leurs enfants et notamment du plus jeune d'entre eux, les décisions portant refus de délivrance de certificats de résidence et obligation quitter le territoire leur ont été prises en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues.

Par ordonnance du 27 mai 2020 prise en application du second alinéa du II de l'article 16 de l'ordonnance du 25 mars 2020 modifiée, la clôture d'instruction a été fixée au 12 juin 2020.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit de mémoire.

M. et Mme E... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... et Mme G... épouse E..., ressortissants algériens nés respectivement le 25 mars 1966 et le 10 septembre 1970, déclarent être entrés en France en juin 2014, accompagnés de deux de leurs enfants mineurs, C... et Ahmed. Ils se sont vus délivrer des autorisations provisoires de séjour en leur qualité de parents d'enfants malades. Le 13 décembre 2018, ils ont sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 en se prévalant de l'état de santé de leurs enfants, en particulier de leur fils B..., né en France le 2 novembre 2014. Par deux arrêtés du 22 juillet 2019, le préfet de l'Isère a refusé de leur délivrer les titres de séjour sollicités, les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office. M. et Mme E... interjettent appel du jugement du 19 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précitées ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

3. M. et Mme E... font valoir que leurs enfants C... et Ahmed sont affectés d'importants retards psychomoteurs et que le plus jeune de leur fils, B..., présente une polypathologie, avec des troubles notamment cardiaques, respiratoires et gastroentérologiques, liée à la trisomie 21 dont il est atteint et qui nécessite des soins auxquels il ne pourra avoir accès en Algérie. Toutefois, par deux avis en date du 13 mai 2019, dont les requérants ne contestent pas la teneur, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que si l'état de santé des enfants C... et Ahmed nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ils pouvaient tous deux bénéficier effectivement des soins appropriés à leur état de santé dans leur pays d'origine, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans ce pays, et voyager sans risque. Par deux autres avis, en date des 8 juillet 2018 et 15 juillet 2019, le collège des médecins de l'OFII a également estimé que l'état de santé du jeune B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, à destination duquel il peut voyager sans risque. Comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, l'appréciation du préfet, éclairée par les avis précités du collège de médecins, n'est pas remise en cause par les certificats médicaux produits par M. et Mme E... et dont aucun n'apporte de commencement de preuve quant à une prétendue absence de traitement adapté aux affections du jeune B... en Algérie. La seule circonstance que le médecin de l'agence régionale de santé ait, le 7 janvier 2015, estimé que le jeune B... ne pouvait avoir accès dans son pays d'origine à un traitement approprié et que les soins alors requis devaient être poursuivis pendant six mois, ne permet pas, à elle seule, de regarder le préfet comme ayant commis, à la date de ses décisions, une erreur d'appréciation en estimant qu'il existe en Algérie un traitement approprié aux pathologies de l'enfant des requérants. En outre, M. et Mme E..., qui ne sont pas dépourvus d'attaches familiales dans leur pays d'origine, ne soutiennent pas ni même n'allèguent, avoir noué des liens stables et intenses sur le territoire français. Dans ces conditions, les décisions contestées n'ont pas porté au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs des refus de titre de séjour. Dès lors, ces décisions n'ont méconnu ni les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le maintien sur le territoire national des enfants des requérants n'étant pas une condition nécessaire au traitement de leurs pathologies, le préfet de l'Isère, dont les décisions de refus de séjour opposées aux requérants n'ont ni pour objet, ni pour effet de les séparer de leurs enfants, n'a pas porté, à l'intérêt supérieur de ceux-ci, une atteinte méconnaissant les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant.

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :

4. M. et Mme E... n'invoquent aucun argument de droit ou élément de fait distinct de ceux énoncés à l'encontre des décisions portant refus de séjour, propre à faire ressortir que les décisions les obligeant à quitter le territoire français méconnaîtraient les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, non plus que celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Il s'en suit que ces moyens doivent être écartés par les mêmes motifs que ceux exposés au point 3.

5. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E..., à Mme D... G... épouse E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 1er juillet 2020, à laquelle siégeaient :

M. Drouet, président de la formation de jugement,

Mme Caraës, premier conseiller,

M. Pin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 25 août 2020.

2

N° 20LY00576


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00576
Date de la décision : 25/08/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. DROUET
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : COUTAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 05/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-08-25;20ly00576 ?
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