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25/08/2020 | FRANCE | N°19LY04233

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 25 août 2020, 19LY04233


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. F... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du préfet de l'Isère du 5 mai 2017 refusant de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1703805 du 17 septembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 20 novembre 2019, M. F..., représenté par Me G...-M'Bamby (SELARLU JDK-Avocat), avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 septembre 2019 d

u tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler la décision du préfet de l'Isère du 5 mai 2017 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. F... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du préfet de l'Isère du 5 mai 2017 refusant de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1703805 du 17 septembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 20 novembre 2019, M. F..., représenté par Me G...-M'Bamby (SELARLU JDK-Avocat), avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 septembre 2019 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler la décision du préfet de l'Isère du 5 mai 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet de l'Isère de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le préfet de l'Isère a méconnu l'article 14 de la directive 2003/109/CE du 25 novembre 2003 en exigeant la production d'un visa de longue durée ;

- le préfet de l'Isère n'a pas préalablement procédé à un examen complet de sa situation particulière ;

- le préfet de l'Isère a commis une erreur de droit en lui opposant le défaut de visa de long séjour ;

- le préfet de l'Isère a omis de statuer sur sa demande présentée sur le fondement de l'article L. 313-4-1 5° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a commis une erreur de fait en estimant qu'il sollicitait le renouvellement de son titre de séjour ;

- le refus de titre de séjour litigieux méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le refus de titre de séjour litigieux méconnaît l'article 12 de la directive 2003/109/CE du 25 novembre 2003 ;

- le refus de titre de séjour litigieux méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- cette décision procède d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par une ordonnance du 10 février 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 mars 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- la directive 2003/109/UE du Conseil du 25 novembre 2003 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme B... E..., première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., ressortissant marocain né le 2 décembre 1977, déclare être entré en France au mois de décembre 2011. Le 7 avril 2016, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié. Par une décision du 5 mai 2017, le préfet de l'Isère a rejeté sa demande. M. F... relève appel du jugement du 17 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. En premier lieu, la décision litigieuse, qui mentionne l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, fait notamment état de la carte de résident longue durée UE délivrée par les autorités espagnoles à M. F..., ainsi que du rejet de la demande d'autorisation de travail opposé à celui-ci par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi et de la situation familiale de l'intéressé, sans se borner à relever la mesure d'éloignement dont son épouse a fait l'objet en 2014. En outre, il ne ressort pas de cette décision que le préfet de l'Isère se serait mépris sur l'objet de la demande de l'intéressé, en la considérant à tort comme une demande de renouvellement du titre dont il a disposé en qualité d'intérimaire. Ainsi, il ressort des termes mêmes de cette décision que le préfet de l'Isère, a, contrairement à ce que prétend le requérant, préalablement procédé à un examen de sa situation particulière. Le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit, par suite, être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". L'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié'' (...) ". Par ailleurs, l'article 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire (...) sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1 ". Aux termes de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, issu de la transposition de la directive 2003/109/CE du 25 novembre 2003 et dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige : " L'étranger titulaire de la carte de résident de longue durée-UE définie par les dispositions communautaires applicables en cette matière et accordée dans un autre Etat membre de l'Union européenne qui justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins et, le cas échéant, à ceux de sa famille ainsi que d'une assurance maladie obtient, sous réserve qu'il en fasse la demande dans les trois mois qui suivent son entrée en France et sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée : (...) 5° Une carte de séjour temporaire portant la mention de l'activité professionnelle pour laquelle il a obtenu l'autorisation préalable requise, dans les conditions définies, selon le cas, aux 1°, 2° ou 3° de l'article L. 313-10 (...) ".

4. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14-1 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais exempte, dans certaines conditions, l'étranger titulaire de la carte de résident de longue durée-UE de l'obligation de disposer d'un visa de longue durée. Cette exemption est subordonnée au dépôt effectif par l'étranger titulaire de la carte de résident de longue durée-UE d'une demande de titre de séjour dans les trois mois qui suivent son entrée sur le territoire français. Il ressort en l'espèce des termes mêmes de la décision litigieuse que le préfet de l'Isère a statué sur la demande de titre de séjour portant la mention " salarié " présentée par M. F... en tenant compte de la carte de résident de longue durée-UE qui lui a été délivrée par les autorités espagnoles. Par suite, M. F... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Isère aurait omis d'examiner sa demande sur le fondement du 5° de l'article L. 313-14-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. En troisième lieu, et ainsi que l'ont indiqué à juste titre les premiers juges, les dispositions de l'article 14 de la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 relatives au séjour des étrangers résidents de longue durée dans un autre Etat de l'Union européenne ayant été complètement transposées par l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. F... ne peut utilement invoquer ces dispositions de la directive pour contester le refus de titre de séjour litigieux. Il ne peut davantage utilement invoquer les dispositions de l'article 12 de cette même directive, lesquelles ne visent que les mesures d'éloignement. Les moyens tirés de la méconnaissance de la directive du 25 novembre 2003 doivent ainsi être écartés.

6. En quatrième lieu, il résulte des dispositions rappelées au point 3 que la première délivrance d'une carte de séjour temporaire est en principe, sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par la loi, subordonnée à la production par l'étranger d'un visa d'une durée supérieure à trois mois. Il en va différemment pour l'étranger déjà admis à séjourner en France et qui sollicite le renouvellement, même sur un autre fondement, de la carte de séjour temporaire dont il est titulaire. En revanche, lorsqu'un étranger présente, après l'expiration du délai de renouvellement du titre qu'il détenait précédemment, cette demande de titre doit être regardée comme une première demande à laquelle la condition de la détention d'un visa de long séjour peut être opposée. En l'espèce, si M. F... a bénéficié d'une carte de séjour temporaire du 20 juillet 2014 au 29 juillet 2015, il est constant qu'il n'en a pas sollicité le renouvellement, même sur un autre fondement, avant l'expiration du délai dont il disposait à cette fin. Ainsi, la demande qu'il a présentée le 7 avril 2016 devait, comme l'a fait le préfet de l'Isère, être considérée comme une première demande de titre de séjour, soumise à l'obligation de détention d'un visa de long séjour. M. F... n'établissant pas avoir présenté une demande de titre de séjour dans les trois mois qui ont suivi son entrée sur le territoire français, il ne peut se prévaloir de l'exemption de détenir un tel visa prévue par l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite et alors même qu'il a précédemment bénéficié d'un titre de séjour, M. F... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Isère a commis une erreur de droit en lui opposant le défaut de visa de long séjour.

7. En quatrième lieu, l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

8. N'ayant pas présenté de demande sur le fondement de ces dispositions, qui n'ont pas été examinées d'office par le préfet de l'Isère, M. F... ne peut utilement s'en prévaloir pour contester le refus de titre de séjour litigieux.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ".

10. A supposer même qu'ainsi qu'il l'a déclaré, M. F... soit entré en France au mois de décembre 2011 et s'y serait maintenu depuis, il en résulte qu'à la date de la décision litigieuse, il résidait sur le territoire français depuis moins de six ans, après avoir vécu jusqu'à l'âge de trente-quatre ans en Espagne ou au Maroc. Par ailleurs, il est constant que son épouse, également de nationalité marocaine, dispose, tout comme lui, d'une carte de résident de longue durée-UE qui lui a été délivrée par les autorités espagnoles. Par ailleurs, à la date du refus de titre de séjour litigieux, leurs enfants, nés respectivement, en 2013 et en 2015, étaient encore en bas âge et leur fils aîné n'était alors scolarisé qu'en moyenne section de maternelle. Ainsi, il ne démontre pas qu'il existerait un obstacle à ce que sa cellule familiale se reconstitue en Espagne ou au Maroc, où, en outre, demeurent ses parents et les sept membres de sa fratrie. Dans ces circonstances, et nonobstant l'activité professionnelle dont il se prévaut, M. F... n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de l'Isère a méconnu les stipulations précitées.

11. En sixième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

12. Ainsi qu'il a été dit au point 10, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. F... ne pourrait reconstituer sa cellule familiale au Maroc ou en Espagne, ni, par suite, que la décision en litige aurait pour effet de le séparer de ses enfants. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

13. Enfin, ainsi qu'il a été indiqué au point 2 du présent arrêt et contrairement à ce que prétend M. F..., le préfet de l'Isère ne s'est ni mépris sur la nature de sa demande, ni abstenu de procéder à un examen global de sa situation personnelle. Le moyen tiré de ce que le préfet de l'Isère aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de M. F... doit être écarté par les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 10 du présent arrêt.

14. Il résulte de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme C... A..., présidente de chambre,

M. Pierre Thierry, premier conseiller,

Mme B... E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 25 août 2020.

2

N° 19LY04233


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY04233
Date de la décision : 25/08/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : KISSAMBOU M'BAMBY JEAN-DIDIER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-08-25;19ly04233 ?
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