Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme I... G... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner la commune de Chamblet à lui verser la somme de 9 578,75 euros en réparation des préjudices consécutifs à l'accident dont elle a été victime le 9 janvier 2015.
Le régime social des indépendants (RSI) d'Auvergne, caisse RSI, appelé à l'instance, a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner la commune de Chamblet à lui rembourser la somme de 2 494,67 euros au titre des débours assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2017 et à lui verser la somme de 831,56 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Par un jugement n° 1601892 du 16 octobre 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné la commune de Chamblet à verser à Mme G... la somme de 3 671 euros, à la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants d'Auvergne la somme de 2 494,67 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2017 et la somme de 831,56 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, a mis les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 1 800 euros à la charge définitive de la commune de Chamblet et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 14 juin 2019, la commune de Chamblet, représentée par la SELARL DMMJB Avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 16 octobre 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme G... devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
3°) de mettre à la charge de Mme G... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête de Mme G... devant le tribunal administratif était irrecevable faute de précision quant au fondement juridique de sa demande ;
- la matérialité des faits est contestable dès lors que M. E... ne réside pas Chemin des Terres Fortes mais au lieudit " Le Buisson " ; les travaux de renouvellement du réseau d'eau potable aux Terres fortes ont débuté le 2 juin 2014 pour se terminer le 30 juillet 2014 soit antérieurement à la chute de Mme G... ; les travaux d'enfouissement des réseaux secs ont débuté le 3 février 2015, soit postérieurement à la chute de Mme G... ; ce n'est qu'à l'issue de ces travaux que la commune a pris en charge les travaux d'aménagement et notamment les travaux de surface qui ont débuté le 31 août 2015 et se sont achevés le 23 octobre 2015 ; à la date du 9 janvier 2015, date de la chute, il n'y avait aucun travaux au niveau de l'endroit présumé de la chute ; le 9 janvier 2015, la trappe était déjà en place ; les prises de vues issues de Google Map permettent de constater qu'en juin 2012, la plaque était présente et visible ;
- Mme A... et M. D... n'ont pas été témoins directs de la chute de Mme G... ; la seconde attestation produite a été établie pour les besoins de la cause ; l'attestation du mari de Mme G... ne peut être pris en compte eu égard au lien de parenté l'unissant à la victime ; il en va de même de M. D... qui est cousin de la victime et membre de l'opposition au conseil municipal ;
- il ne ressort pas des diverses photographies que la trappe présentait une quelconque défectuosité ; le tampon était parfaitement en place et il est surprenant qu'il ait pu basculer au passage de Mme G... ; les photographies ne permettent pas de démontrer la matérialité des faits ; le fait que le pourtour soit détérioré ne permet pas d'en déduire que la plaque était instable et a pu basculer au passage de Mme G... ; le compte rendu de son passage au service des urgences ne fait que reprendre les déclarations de Mme G... ;
- le tampon étant en place, elle n'avait pas à signaler une quelconque dangerosité ; elle procède à un suivi régulier des voies de la commune et plus particulièrement de cet accessoire ;
- Mme G... a commis une faute d'imprudence dès lors qu'elle connaissait la présence de la trappe ; si on retient que le rebord du couvercle ne prenait pas appui sur la totalité du pourtour du regard, ce danger était visible ;
- la cour devra ramener les prétentions indemnitaires de Mme G... à de plus justes proportions ; concernant la perte de gains professionnels, la simple attestation du comptable ne saurait suffire à démontrer le lien de causalité.
Par un mémoire, enregistré le 4 mars 2019, Mme G..., représentée par la SCP Bernard Southon et Anne Amet-Dussap, conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement du 16 octobre 2018 en tant que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand n'a que partiellement fait droit à sa demande et à la condamnation de la commune de Chamblet à lui verser la somme de 9 578,75 euros et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune de Chamblet en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- sa requête en première instance était motivée dès lors qu'elle avait précisé que la responsabilité de la commune était engagée au titre de la responsabilité sans faute et pour défaut d'entretien normal à raison des dommages survenus aux usagers d'un ouvrage public ;
- l'accident est survenu en raison de la présence d'une plaque d'évacuation des eaux pluviales, ouvrage public incorporé à la voie publique ; elle établit la matérialité des faits par plusieurs attestations circonstanciées ; concernant l'attestation de Mme A..., elle l'a vue dans un temps concomitant à la chute et à un moment où la victime se trouvait dans l'impossibilité de se relever ;
- la plaque était défectueuse puisque le simple fait de mettre son pied dessus la faisait basculer laissant apparaitre un trou de dimension importante et la commune n'établit pas avoir procédé à un entretien normal de l'ouvrage public ; la commune a l'obligation d'assurer la sécurité au niveau des trottoirs ; en raison des travaux entrepris, la commune devait faire preuve de vigilance ;
- aucune faute ne peut lui être opposée dès lors qu'elle n'a commis aucune imprudence ;
- le déficit fonctionnel temporaire partiel sera indemnisé à hauteur de 898,75 euros et le déficit fonctionnel permanent sera évalué à 2 880 euros ; les souffrances endurées seront évaluées à 2 000 euros ; la perte de gains professionnels peut être évaluée à 3 800 euros.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,
- et les observations de Me F..., représentant la commune de Chamblet.
Considérant ce qui suit :
1. Mme G... demeure 11 chemin des Terres Fortes dans la commune de Chamblet (dans le département de l'Allier). Le 9 janvier 2015, vers 12h15, Mme G... a chuté alors qu'elle circulait sur l'accotement de la route communale située en face de son domicile. Elle a été transportée au centre hospitalier de Montluçon où une fracture de la malléole externe droite a été diagnostiquée. Imputant cette chute à l'instabilité d'une plaque recouvrant une bouche d'évacuation des eaux pluviales, Mme G... a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'une demande d'expertise. Par une ordonnance du 24 mars 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a désigné le docteur Avet en qualité d'expert. Celui-ci a déposé son rapport le 9 juillet 2015. La commune de Chamblet relève appel du jugement du 16 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'a condamnée à verser à Mme G... la somme de 3 671 euros, à la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants d'Auvergne la somme de 2 494,67 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2017 et la somme de 831,56 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, a mis les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 1 800 euros à sa charge définitive. Mme G... demande, par la voie de l'appel incident, la réformation du jugement attaqué en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à ses conclusions indemnitaires.
Sur la recevabilité de la requête introductive d'instance :
2. La commune de Chamblet fait valoir que la requête présentée par Mme G... devant le tribunal administratif n'était pas suffisamment motivée quant au fondement juridique sur lequel elle entendait engager la responsabilité de la commune. Toutefois, il résulte de l'instruction que la requête introductive d'instance présentée par Mme G... indiquait que la responsabilité de la commune était engagée en raison des travaux publics entrepris et a précisé, dans un mémoire ultérieur, enregistré le 16 mars 2017, qu'elle entendait rechercher la responsabilité de la commune en sa qualité de tiers par rapport aux travaux publics ou en sa qualité d'usager sur le fondement du défaut d'entretien normal d'un ouvrage public. Par suite, la commune de Chamblet n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient, à tort, estimé la requête suffisamment motivée et écarté la fin de non recevoir opposée par la commune.
Sur la responsabilité de la commune de Chamblet :
3. Il appartient à l'usager d'un ouvrage public qui demande réparation d'un préjudice qu'il estime imputable à cet ouvrage de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice invoqué et l'ouvrage. Le maître de l'ouvrage ne peut être exonéré de l'obligation d'indemniser la victime qu'en rapportant, à son tour, la preuve soit de l'entretien normal de l'ouvrage, soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure.
4. La plaque recouvrant le regard du réseau public d'évacuation des eaux pluviales en cause est incorporée à l'accotement de la route communale dont elle constitue une dépendance nécessaire. La commune est chargée de l'entretien de la voie publique et tenue de la maintenir, avec tous ses accessoires, dans un état conforme à sa destination.
5. Il n'est pas contesté qu'un regard du réseau d'évacuation des eaux pluviales pourvu d'une plaque est situé sur l'accotement au niveau du 26 chemin des Terres Fortes en face de l'habitation de Mme G.... Si la voisine de la victime, Mme H... A..., n'a pas été le témoin direct de la chute, elle atteste, le 12 janvier 2015, soit quelques jours après l'accident, avoir vu Mme G... " assise sur l'accotement, levant les bras et appelant au secours. " et précise qu' " elle était tombée dans une bouche d'égout grande ouverte lorsque je suis arrivée ". Cette attestation concorde avec le récit que Mme G... a fait de sa chute lors de son admission aux urgences où elle a expliqué " avoir passé le pied droit à travers un regard ". Les circonstances exactes de l'accident sont également établies par l'attestation du 3 mars 2016 de M. D..., attestation dont le caractère probant ne saurait être remis en cause au seul motif que celui-ci est cousin de Mme G... et conseiller municipal de l'opposition, qui fait état de ce qu'il a constaté " qu'en posant le pied sur l'un des côtés du couvercle du regard, le couvercle basculait vers l'intérieur du regard ", l'encadrement du regard étant détérioré et le rebord du couvercle ne prenant pas appui sur la totalité du pourtour du regard, ce qui est établi par les photographies produites. Il s'ensuit que la matérialité des faits et le lien de causalité entre la chute et l'ouvrage public doivent être regardés comme établis.
6. Si la commune de Chamblet fait valoir qu'elle procède à une surveillance régulièrement de sa voirie, elle n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'entretien normal de l'ouvrage public en produisant une attestation du 12 décembre 2018 de M. C..., agent de maîtrise de la commune, qui se borne à indiquer qu'il assure des visites régulières du regard situé rue des Terres Fortes et qu'il n'a jamais remarqué ou constaté un danger quelconque. Par suite, le basculement de cette plaque recouvrant un regard du réseau d'évacuation des eaux pluviales constitue un défaut d'entretien normal de nature à engager la responsabilité de la commune de Chamblet en sa qualité de maître d'ouvrage de la voie litigieuse et de ses accessoires.
7. Il résulte en outre de l'instruction que le basculement de cette plaque était, par nature, imprévisible et ne constituait pas un obstacle auquel un piéton, même vigilant, aurait pu s'attendre, quand bien même il connaissait les lieux. Par suite, la commune de Chamblet n'établit pas que la chute de Mme G... serait imputable à son imprudence.
8. Il s'ensuit que la commune de Chamblet est entièrement responsable des conséquences dommageables de la chute dont Mme G... a été victime.
Sur l'évaluation des préjudices :
En ce qui concerne le préjudice à caractère patrimonial constitué par la perte de gains professionnels :
9. Mme G... fait valoir qu'elle exerce l'activité de coiffeuse et qu'à la suite de son accident, elle n'a pas travaillé et a dû embaucher une salariée afin de ne pas être contrainte de fermer totalement son salon de coiffure. Elle produit une attestation d'un expert-comptable du 18 janvier 2016 qui indique qu'à la suite de son arrêt de travail du 9 janvier au 27 mars 2015, sa perte d'activité est constituée d'une perte de marge constatée de 1 500 euros, du coût de l'emploi d'une salariée (du 16 janvier au 28 mars) à hauteur de 2 200 euros et des frais d'établissement des bulletins de paye à hauteur de 80 euros. Toutefois en se bornant à produire une simple attestation d'un expert-comptable et ce alors que la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants d'Auvergne a versé à Mme G... des indemnités journalières à hauteur de 1 500,48 euros, Mme G... ne permet pas à la commune de Chamblet d'apprécier utilement le calcul de l'expert-comptable et ne met pas le juge à même d'en apprécier la méthode et sa pertinence pour arrêter la perte de gains professionnels. Par suite, l'indemnisation de ce chef de préjudice ne peut être accueillie.
En ce qui concerne les préjudices à caractère extrapatrimonial :
10. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que la date de consolidation de l'état de santé de Mme G... a été fixée au 1er mai 2015. Elle a subi un déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % du 9 janvier au 3 mars 2015, date de l'ablation de la botte en résine, puis à 25 % du 4 au 24 mars 2015 et de 10 % du 25 mars au 30 avril 2015. Les premiers juges ont correctement évalué ce préjudice en le fixant à la somme de 421 euros.
11. L'expert retient également un déficit fonctionnel permanent de 2 % en tenant compte du seul déficit de flexion dorsale de 10° de la cheville droite par rapport à la cheville gauche. Les premiers juges ont justement évalué ce préjudice en allouant à la victime la somme de 2 000 euros.
12. S'agissant des souffrances endurées, l'expert les a fixées à 1, 5 sur une échelle de 7 en tenant compte de l'immobilisation engendrée par cette fracture par une botte en résine. Le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a évalué ce chef de préjudice à la somme de 1 250 euros. Cette évaluation n'apparaît ni insuffisante ni disproportionnée.
13. Il résulte de ce qui précède que la commune de Chamblet n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'a condamnée à indemniser Mme G... des préjudices subis. Mme G... n'est pas fondée, par la voie de l'appel incident, à solliciter une indemnité supérieure à celle de 3 671 euros que lui a accordée le tribunal administratif.
Sur les dépens :
14. Il y a lieu de maintenir à la charge de la commune de Chamblet les frais et honoraires de l'expertise taxés et liquidés à la somme de 1 800 euros par ordonnance du 27 juillet 2016 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand.
Sur les frais liés au litige :
15. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 7611 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Chamblet et les conclusions présentées par Mme G... par la voie de l'appel incident sont rejetées.
Article 2 : Les frais de l'expertise taxés et liquidés à la somme de 1 800 euros par ordonnance du 27 juillet 2016 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand sont maintenus à la charge de la commune de Chamblet.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Chamblet, à Mme I... G... et à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 1er juillet 2020, à laquelle siégeaient :
M. Drouet, président de la formation de jugement,
Mme B..., premier conseiller,
M. Pin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 25 août 2020.
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N° 18LY04606