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25/08/2020 | FRANCE | N°18LY03989

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 25 août 2020, 18LY03989


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... H... et Mme E... A... épouse H..., agissant en leur nom personnel et en qualité de représentants légaux de Salomé H..., née le 31 mai 2003, et de F... H..., né le 18 juillet 2007, Mme J... H..., née le 28 décembre 1993, et M. I... H..., Mme E... A... épouse H... et Mme J... H... agissant en qualité d'ayant-droits de M. G... H..., né le 20 avril 1996 et décédé le 23 juillet 2016, ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner les Hospices civils de Lyon (HCL) à verser une somme 1

38 113,19 euros à titre provisoire et avant consolidation au titre de l'indemni...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... H... et Mme E... A... épouse H..., agissant en leur nom personnel et en qualité de représentants légaux de Salomé H..., née le 31 mai 2003, et de F... H..., né le 18 juillet 2007, Mme J... H..., née le 28 décembre 1993, et M. I... H..., Mme E... A... épouse H... et Mme J... H... agissant en qualité d'ayant-droits de M. G... H..., né le 20 avril 1996 et décédé le 23 juillet 2016, ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner les Hospices civils de Lyon (HCL) à verser une somme 138 113,19 euros à titre provisoire et avant consolidation au titre de l'indemnisation du préjudice de F... H..., une somme 15 000 euros au titre du préjudice moral et d'accompagnement de chacun des parents de ce dernier et une somme 12 000 euros au titre du préjudice moral et d'accompagnement de chacun des frère et soeurs de F..., soit Capucine, Edouard et Salomé H....

La caisse locale déléguée par la sécurité sociale des travailleurs indépendants, venant aux droits de la caisse RSI Auvergne agissant pour le compte de la caisse RSI Rhône, appelée à l'instance, a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner les HCL à lui verser la somme de 7 756,49 euros au titre des débours engagés et la somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement n° 1609155 du 11 septembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a condamné les HCL à verser à M. I... H... et Mme E... A... épouse H..., agissant en qualité de représentants légaux de leur fils F... et de leur fille Salomé, les sommes totales respectives de 72 758,94 euros et de 2 800 euros, à M. I... H... et Mme E... A... épouse H..., agissant en leur nom personnel et en qualité d'ayants droit de M. G... H..., une somme totale de 5 600 euros chacun, à Mme J... H..., agissant en son nom personnel et en qualité d'ayant droit de M. G... H..., une somme totale de 2 800 euros, a rejeté le surplus de la requête et les conclusions de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête, enregistrée le 9 novembre 2018, sous le n° 18LY03989, M. I... H... et Mme E... A... épouse H..., agissant en leur nom personnel et en qualité de représentants légaux de Salomé H..., née le 31 mai 2003, et de F... H..., né le 18 juillet 2007, Mme J... H..., née le 28 décembre 1993, et M. I... H..., Mme E... A... épouse H... et Mme J... H... agissant en qualité d'ayant-droits de M. G... H..., né le 20 avril 1996 et décédé le 23 juillet 2016, représentés par Me D..., demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement du 11 septembre 2018 en tant que le tribunal administratif de Lyon n'a pas alloué aux requérants une indemnisation des préjudices temporaires de F... à titre provisionnel et n'a pas fait droit à la totalité de leurs demandes indemnitaires ;

2°) de condamner les HCL à leur verser une somme de 124 847,50 euros à titre provisionnel, à valoir sur l'indemnisation des préjudices définitifs de F..., dans l'attente de sa consolidation, somme assortie des intérêts au taux légal à compter de la date du dépôt de la requête initiale ;

3°) de condamner les HCL à verser une somme 15 000 euros au titre du préjudice moral et d'affection de chacun des parents de F... et une somme 12 000 euros au titre du préjudice moral et d'accompagnement de chacun des frère et soeurs de F..., soit Capucine, Edouard et Salomé H..., l'indemnisation d'Edouard étant répartie à hauteur de 1/4 au profit de chacun de ses parents, la moitié restante étant répartie entre son frère F... et ses deux soeurs, sommes assorties des intérêts au taux légal à compter de la date du dépôt de la requête initiale ;

4°) de mettre à la charge des HCL la somme de 6 540 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les experts ont fait le diagnostic d'embolie gazeuse pulmonaire secondaire à l'injection intra-artérielle d'air dans un cathéter, présumé veineux, mais introduit dans l'artère sous-clavière gauche jusqu'au ventricule gauche ; ce dommage résulte de trois fautes successives ; les experts ont précisé que la pose d'une voie veineuse centrale chez l'enfant n'est indiquée qu'en cas de traitement de longue durée ; dans le cas de F..., le traitement intraveineux avait une durée prévisible d'une semaine et était relayé par un traitement par voie orale de deux semaines en l'absence d'un syndrome septicémique et la mise en place d'une voie veineuse centrale était excessive ; l'anesthésiste en charge de la mise en place du cathéter, le docteur Combet, s'est abstenu de demander un avis radiologique car la certitude d'un positionnement correct d'un cathéter central est un impératif absolu avant son utilisation ; les difficultés d'utilisation de la seringue automatique et d'injection manuelle au niveau de la voie veineuse centrale apparues dans les heures suivant la mise en place du cathéter central auraient dû impérativement conduire les infirmières à alerter le docteur Combet ; le signalement de ces anomalies aurait déclenché une reprise du geste par le docteur Combet avant la survenue d'une embolie gazeuse ;

- ces fautes sont en lien avec les préjudices subis par l'enfant ;

- sur le caractère provisionnel de l'indemnisation des préjudices de F... H..., les experts ont rappelé que les lésions de F... n'étaient pas consolidées à la date de l'expertise compte tenu de l'évolution de la maturation neuropsychologique et les experts ont préconisé une nouvelle évaluation médico-légale en 2020 ; certains postes de préjudice peuvent être considérés comme définitivement évalués, à savoir le déficit fonctionnel temporaire total de 8 jours pendant la période d'hospitalisation du 6 au 14 novembre 2008, le déficit fonctionnel temporaire partiel de 50 % du 15 novembre 2008 au 18 janvier 2009 correspondant à la période de rééducation intensive au centre des Massues et le préjudice esthétique temporaire correspondant à l'héminégligence gauche initiale ; en revanche, les autres préjudices ne peuvent être liquidés dès lors que l'enfant continue d'être en situation de déficit fonctionnel temporaire de 25% et bénéficie toujours d'un suivi médical, d'un accompagnement, d'un scolarité adaptée qui induit toujours des dépenses et qu'il a toujours besoin d'une assistance par une tierce personne ; le tribunal a refusé de considérer les demandes comme provisionnelles au motif qu'elles n'étaient pas présentées auprès du juges du référé provision et a liquidé l'ensemble des préjudices temporaires ;

- il est demandé d'allouer une indemnisation des préjudices temporaires subis par F... à titre provisionnel ;

Sur les préjudices patrimoniaux :

- sur les dépenses de santé actuelles, les séances de psychomotricité à hauteur de 3 980 euros, le bilan neuropsychologique à hauteur de 600 euros, le bilan d'ergothérapie à hauteur de 120 euros ne sont pas pris en charge par l'assurance maladie ; la somme de 4 700 euros sera allouée à titre provisionnel ; les frais de scolarités à hauteur de 8 750 euros seront alloués à titre provisionnel ; les frais de transports exposés lors des hospitalisations de F... puis pour l'accompagner en hospitalisation de jour ainsi qu'aux différents examens seront indemnisés à hauteur de 2 670 euros à titre provisionnel ; les frais pour se rendre à une expertise à Paris le 12 mai 2015 seront indemnisés à hauteur de 469,50 euros ; l'état de F... nécessite une assistance par une tierce personne compte tenu de son handicap à hauteur de 1h30 par jour et pour un coût de 18 euros depuis janvier 2012 outre les 80 heures d'accompagnement concernant la prise en charge bi-hebdomadaire durant deux mois au centre des Massues soit la somme de 65 502 euros ; cette somme sera accordée à titre provisionnel étant précisé que F... ne reçoit aucune prestation au titre du handicap dont il est atteint ;

Sur les préjudices extrapatrimoniaux :

- le déficit fonctionnel temporaire sera évalué à hauteur de 21 229 euros à titre provisionnel et les souffrances endurées à 20 000 euros ; le préjudice esthétique temporaire a été justement évalué par les premiers juges à la somme de 1 500 euros ;

- ils sollicitent la somme de 15 000 euros pour chacun des parents en réparation de leur préjudice moral et d'affection, de 12 000 euros pour chacun des frères et soeurs étant précisé qu'Edouard est décédé en juillet 2016, sa créance au titre du préjudice d'accompagnement et d'affection est donc passée dans son patrimoine et transmise à ses ayants-droit, à concurrence de 1/4 au profit de chacun de ses parents et la moitié restante étant répartie entre son frère F... et ses deux soeurs.

Par des mémoires, enregistrés le 24 et le 31 octobre 2019, les HCL, représentés par Me K..., concluent au rejet de la requête.

Ils soutiennent que :

- les préjudices relatifs au déficit fonctionnel temporaire, aux dépenses de santé, aux frais divers, à l'assistance par une tierce personne et au préjudice moral correspondent à des périodes passées à la date à laquelle le tribunal administratif a statué ; quant au préjudice esthétique temporaire, aux souffrances endurées et au préjudice moral, rien ne fait obstacle à ce qu'ils soient d'ores et déjà indemnisés puisqu'en cas d'aggravation, il pourrait de toute façon être demandé une indemnisation complémentaire ; c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que leurs demandes devaient être regardées comme tendant au versement d'une somme en réparation des préjudices certains à la date du jugement ;

- les différents préjudices ont été suffisamment réparés dès lors que, pour les frais de scolarité, seul le surcoût en lien avec le manquement fautif reproché peut être mis à sa charge ; concernant les besoins d'une assistance par une tierce personne, les périodes d'hospitalisation ou de placement dans une institution extérieure doivent venir en déduction et seul doit être indemnisée l'assistance strictement nécessaire au handicap de l'intéressé en dehors de toute assistance nécessairement inhérente aux enfants en bas âge.

II - Par une requête, enregistrée le 14 novembre 2018 sous le n° 18LY04043, et un mémoire complémentaire, enregistré le 19 mai 2020, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Puy-de-Dôme, venant aux droits de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, venant aux droits et obligation de la caisse RSI Auvergne agissant pour le compte de la caisse RSI Rhône, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 11 septembre 2018 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de condamner les Hospices civils de Lyon à lui rembourser la somme de 7 756,49 euros au titre des frais médicaux et pharmaceutiques pour la période du 2 juin 2010 au 27 avril 2017 et à lui verser la somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

3°) de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la CPAM du Puy-de-Dôme vient au droits et obligations des caisses locales déléguées pour la sécurité sociale depuis le 1er janvier 2020 ; le directeur général de la caisse nationale d'assurance maladie a attribué le rôle de pôle national de recours contre les tiers indépendants à la CPAM du Puy-de-Dôme ;

- elle établit que le montant demandé est en lien avec le dommage ; le détail des frais a été étudié par le médecin conseil afin de ne retenir que les prestations strictement liées au fait générateur.

Par des mémoires, enregistrés le 24 et 31 octobre 2019, les Hospices civils de Lyon, représentés par Me K..., concluent au rejet de la requête.

Ils soutiennent que :

- la caisse locale déléguée n'indique pas et ne justifie pas du fondement à partir duquel elle viendrait aux droits et obligations de la caisse RSI d'Auvergne agissant pour le compte de la caisse RSI Rhône ;

- la seule production de l'attestation d'imputabilité est insuffisante pour établir le lien de causalité entre les dépenses engagées et la faute commise ; l'attestation ne précise par le détail des frais médicaux et pharmaceutiques, la période concernant les frais médicaux et pharmaceutiques n'est pas mentionnée ; les frais médicaux et pharmaceutiques et les frais d'hospitalisation ne sont pas chiffrés ;

Le mémoire, enregistré le 23 juin 2020, présenté par les HCL n'a pas été communiqué en application du dernier aliéna de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant les consorts H....

Considérant ce qui suit :

1. Le 31 octobre 2008, le jeune F... H..., né le 18 août 2007, a été examiné au service des urgences de l'Hôpital Femme-Mère-Enfant, dépendant des HCL, en raison d'une boiterie droite sans fièvre et a été autorisé à quitter l'établissement hospitalier. Toutefois, le lendemain, ses parents ont présenté à nouveau F... au service des urgences de l'établissement hospitalier compte tenu de son état fébrile et de son impotence fonctionnelle persistante du genou droit, chaud et douloureux. A l'issue des examens pratiqués, l'enfant a été hospitalisé dans le service de chirurgie orthopédique où une arthrite septique a été diagnostiquée. Le 3 novembre 2008, cette arthrite septique a été ponctionnée et une double antibiothérapie a été administrée en raison d'une infection par le germe Kingella Kingae. L'évolution clinique de l'enfant étant favorable, il a été décidé, le 5 novembre, de la pose d'une voie veineuse centrale. Les deux premières injections ont pu être réalisées via cette voie centrale. Le 6 novembre 2008, à 11h00, il a été procédé à une troisième injection. La mère de l'enfant, Mme H..., restée à son chevet, a constaté, vers 16h30, que l'enfant présentait un déficit du membre supérieur gauche. Devant un tableau clinique associant asymétrie faciale, parésie du membre supérieur gauche, perte d'équilibre et trouble du comportement, un scanner cérébral et thoracique a été réalisé et a mis en évidence un accident vasculaire cérébral par embolisation gazeuse sur une cathétérisation artérielle. La voie d'abord sous-clavière a été retirée. L'enfant a été transféré en urgence au centre de médecine hyperbare de l'hôpital Edouard Herriot pour des séances de caisson hyperbare. Le 7 novembre 2008, une IRM cérébrale a montré l'existence d'une lésion ischémique thalamique droite récente et d'autres lésions ponctuelles dans les régions pariétales bilatérales. Le 10 novembre, F... a été transféré en réanimation pédiatrique puis en neurologie pédiatrique. Le 14 novembre 2008, il a été autorisé à quitter l'établissement hospitalier. Depuis son accident vasculaire cérébral, F... souffre des séquelles de l'accident vasculaire cérébral avec des troubles de l'apprentissage se manifestant par une déficience des fonctions attentionnelles et exécutives. Imputant les préjudices subis à une faute des HCL, les parents de F..., M. et Mme H..., ont saisi, le 19 janvier 2015, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) de RhôneAlpes qui a ordonné une expertise médicale confiée au professeur Claude Marsault, spécialisé en neuro-radiologie, et au docteur Mselati, pédiatre. A la suite du dépôt du rapport d'expertise, la CRCI, dans son avis du 9 décembre 2015, a retenu des manquements dans l'indication, la mise en place et la surveillance de la voie veineuse centrale, à l'origine exclusive de l'embolie gazeuse responsable d'un accident vasculaire cérébral invalidant et a indiqué que l'assureur des HCL devait faire une offre d'indemnisation provisionnelle, dans l'attente de la consolidation, au titre de la réparation du déficit fonctionnel temporaire, des dépenses de santé actuelles, des frais divers, de l'assistance par tierce personne, du préjudice esthétique temporaire et des préjudices des victimes par ricochet. Le 9 septembre 2016, la SHAM, assureur des HCL, a proposé une offre d'indemnisation qui a été rejetée comme insuffisante par les époux H.... Par un jugement du 11 septembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a condamné les HCL à verser à M. I... H... et Mme E... A... épouse H..., agissant en qualité de représentants légaux de leur fils F... et de leur fille Salomé, les sommes totales respectives de 72 758,94 euros et 2 800 euros, à M. I... H... et Mme E... A... épouse H..., agissant en leur nom personnel et en qualité d'ayants droit de M. G... H..., une somme totale de 5 600 euros chacun, à Mme J... H..., agissant en son nom personnel et en qualité d'ayant droit de M. G... H..., une somme totale de 2 800 euros, a rejeté le surplus de la requête et les conclusions de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants. Par une requête n° 18LY03989, M. et Mme H... relèvent appel de ce jugement en tant que le tribunal administratif de Lyon n'a pas alloué aux requérants une indemnisation des préjudices temporaires de F... à titre provisionnel et n'a pas fait droit à la totalité de leurs demandes indemnitaires. Par une requête n° 18LY04043, la CPAM du Puy-de-Dôme, venant aux droits de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, relève appel du jugement du 11 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant au remboursement des débours engagés. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes qui sont dirigées contre le même jugement pour statuer par un seul arrêt.

Sur la responsabilité pour faute des HCL :

2. Aux termes du I de l'article L. 11421 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".

3. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise, et il n'est au demeurant pas contesté par les HCL, que le jeune F... a présenté une arthrite septique du genou droit qui nécessitait l'administration d'une antibiothérapie intraveineuse. Dès le deuxième jour de traitement, devant les difficultés à maintenir une voie veineuse périphérique, il a été décidé de la mise en place d'une voie veineuse centrale. Les experts relèvent que le traitement intraveineux étant relativement court, environ une semaine, le choix de la mise en place d'une voie veineuse centrale apparaît excessif pour la pathologie de l'enfant. Si les experts indiquent qu'aucune négligence, imprudence ou manquement aux règles de l'art ne peut être retenu à l'encontre du centre hospitalier dans la réalisation de la mise en place d'une voie veineuse centrale sous-clavière compte tenu de ce que cette mise en place, se faisant à l'époque sans l'aide de l'échographie, est un geste difficile et délicat, ils soulignent toutefois qu'il aurait été prudent et indiqué de demander un avis radiologique quant au positionnement correct de cette voie dès lors que le caractère correct du positionnement d'un cathéter central est un impératif absolu avant son utilisation. Les experts retiennent également que malgré les difficultés d'utilisation de la seringue automatique et les difficultés d'injection manuelle au niveau de cette voie veineuse centrale, il est anormal que les infirmières aient eu recours à l'injection manuelle et n'aient pas alerté le médecin anesthésiste de cette difficulté. Par suite, ces manquements relatifs à la mise en place de la voie veineuse centrale présentent le caractère de fautes de nature à engager la responsabilité entière des HCL dans les conséquences dommageables de l'accident vasculaire cérébral par embolie gazeuse dont F... a été victime.

Sur l'évaluation des préjudices :

4. Si le juge du fond peut accorder une provision au créancier qui l'a saisi d'une demande indemnitaire lorsqu'il constate qu'un agissement de l'administration a été à l'origine d'un préjudice et que, dans l'attente des résultats d'une expertise permettant de déterminer l'ampleur de celui-ci, il est en mesure de fixer un montant provisionnel dont il peut anticiper qu'il restera inférieur au montant total qui sera ultérieurement défini, l'absence de consolidation, impliquant notamment l'impossibilité de fixer définitivement un taux d'incapacité permanente, ne fait toutefois pas obstacle à ce que soient mises à la charge du responsable du dommage les dépenses futures dont il est d'ores et déjà certain qu'elles devront être exposées à l'avenir, ainsi que la réparation de l'ensemble des conséquences déjà acquises de la détérioration de l'état de santé de l'intéressé. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a déterminé la réparation des conséquences dommageables déjà acquises de l'accident vasculaire cérébral dont F... a été victime et n'a pas alloué une indemnité provisionnelle pour ces préjudices.

En ce qui concerne les préjudices de l'enfant F... H... :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

S'agissant des dépenses de santé :

5. Les premiers juges ont mis à la charge des HCL la somme demandée par les consorts H..., et qui n'est pas contestée par les HCL, de 4 700 euros au titre des dépenses de santé actuelles restées à leur charge.

S'agissant des frais divers :

6. Les premiers juges ont mis à la charge des HCL la somme de 2 558,94 euros au titre des frais de transports engagés par les requérants du fait des hospitalisations de F..., des diverses séances de soins ou des examens nécessités par son état de santé. En première instance, les requérants faisaient notamment valoir des frais de transport pour se rendre chez le kinésithérapeute, chez l'orthophoniste et la pédopsychiatre de début 2012 à juin 2014. Compte tenu de l'actualisation en appel de leur demande pour ces mêmes frais de transport jusqu'à juin 2018, il sera fait une juste appréciation de ces frais en les fixant à la somme globale de 2 670 euros.

7. Les requérants sollicitaient également en première instance l'indemnisation des frais pour se rendre à l'expertise confiée par la CRCI au professeur Claude Marsault et au docteur Mselati et qui a eu lieu à Paris le 12 mai 2015. Les requérants produisent au soutien de leur demande une facture pour un aller-retour par train pour 3 passagers en première classe pour un montant total de 496,50 euros. Les consorts H... n'établissant pas la nécessité d'un voyage en première classe, il sera fait une juste appréciation des frais engagés par se rendre à Paris en les fixant à la somme de 248,25 euros, arrondie à la somme de 249 euros.

S'agissant de l'indemnisation des frais de scolarité adaptée :

8. Les requérants font valoir que F... a été contraint de suivre une scolarité hors du circuit de l'éducation nationale et qu'ils ont dû s'acquitter des frais de scolarité pour un montant de 8 750 euros à compter de l'année scolaire 2014-2015 et jusqu'à l'année 2018-2019. Par suite, et en l'absence de toute contestation des HCL sur l'actualisation de cette somme en appel, il y a lieu de mettre à la charge des HCL la somme de 8 750 euros.

S'agissant de l'indemnisation des frais d'assistance par une tierce personne jusqu'à la date du 30 septembre 2018 :

9. Les requérants font valoir que l'état de F... nécessite une assistance par une tierce personne compte tenu de son handicap à hauteur de 1h30 par jour et pour un coût horaire de 18 euros depuis janvier 2012 outre les 80 heures d'accompagnement concernant sa prise en charge bi-hebdomadaire durant deux mois au centre des Massues.

10. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que F..., alors âgé d'un peu plus d'un an, a été pris en charge au centre des Massues en kinésithérapie et ergothérapie de novembre 2008 jusqu'à la mi-janvier 2009. Pour cette période, les besoins en assistance par une tierce personne du jeune enfant du fait des conséquences dommageables de l'accident vasculaire cérébral dont il a été victime ne sont pas sensiblement différents de ceux d'un nourrisson qui a besoin d'une personne 24 heures sur 24 à ses côtés. La période courant de novembre 2008 à mi-janvier 2009 n'ouvre ainsi pas droit à indemnisation au titre de l'assistance par une tierce personne.

11. Le tribunal a également retenu à bon droit que le besoin en assistance par une tierce personne de F... doit être évalué à compter des six ans de l'enfant et à hauteur de 1h30 par jour. Les consorts H... demandent une indemnisation pour la période comprise entre le 13 août 2013 et le 30 septembre 2018. Le coût d'une telle assistance, compte tenu du salaire minimum interprofessionnel de croissance durant cette période augmenté des charges sociales, doit être fixé au taux horaire de 13,20 euros en 2013, de 13,34 euros en 2014, de 13,45 euros en 2015, de 13,54 en 2016, de 13,66 en 2017 et de 13,83 euros en 2018 et doit être calculé sur la base de 412 jours par an pour tenir compte des congés payés annuels, soit un taux horaire de 14,90 euros pour 2013, de 15,06 euros pour 2014, de 15,18 euros pour 2015, de 15,28 euros pour 2016, de 15,41 euros pour 2017 et de 15,61 euros pour 2018. Dans ces conditions, et alors qu'il résulte de l'instruction que les parents de F... ne perçoivent pas de prestation de compensation du handicap ni d'autres aides finançant l'assistance par une tierce personne à domicile, les consorts H... ont droit au titre de cette assistance à une indemnité de 42 950 euros.

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

Sur les préjudices de F... H... :

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :

12. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que F... a présenté un déficit fonctionnel temporaire total pendant la période d'hospitalisation complète du 6 au 14 novembre 2008, déduction faite de la période de 7 jours correspondant aux suites habituelles d'une hospitalisation avec un traitement antibiotique, puis un déficit fonctionnel partiel de 50 % pendant deux mois et jusqu'au 18 janvier 2009 qui correspond à la période de rééducation intensive au centre des Massues, puis de 25 % correspondant aux séquelles cognitives qui se sont progressivement exprimées par un retard de langage puis des difficultés d'apprentissage scolaire. Les consorts H... demandent l'indemnisation de ce chef de préjudice jusqu'au 30 septembre 2018. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 18 400 euros.

S'agissant des souffrances endurées :

13. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que les experts ont évalué à 4 sur une échelle de 7 les souffrances endurées par le jeune F.... En retenant une somme de 7 200 euros, le tribunal administratif de Lyon n'a pas fait une évaluation insuffisante de ce chef de préjudice. Par suite, il y a lieu de maintenir à la charge des HCL la somme de 7 200 euros.

S'agissant du préjudice esthétique :

14. Les consorts H... ne contestent pas l'évaluation du préjudice esthétique temporaire réalisée par les premiers juges à la somme de 1 500 euros. Par suite, il y a de maintenir à la charge des HCL cette somme de 1 500 euros.

15. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de porter à 86 419 euros le montant de l'indemnité due par les HCLà l'enfant F... H... sous administration légale de ses parents et de réformer en ce sens le jugement attaqué du tribunal administratif de Lyon.

Sur les préjudices des victimes par ricochet :

16. En évaluant à la somme de 5 000 euros pour chacun des parents et à la somme de 2 400 euros pour chacun des frères et soeurs de F... la réparation du préjudice moral et d'affection en lien avec l'accident vasculaire cérébral ainsi qu'avec la nécessaire réorganisation de leur vie pour en tenir compte, les premiers juges n'ont pas fait une évaluation insuffisante de ces préjudices pour les parents et les frères et soeurs de F....

17. Aux termes de l'article 738 du code civil, " Lorsque les père et mère survivent au défunt et que celui-ci n'a pas de postérité, mais des frères et soeurs ou des descendants de ces derniers, la succession est dévolue, pour un quart, à chacun des père et mère et, pour la moitié restante, aux frères et soeurs ou à leurs descendants. "

18. M. G... H..., frère de la victime, étant décédé le 23 juillet 2016, la somme accordée au titre de ses préjudices moral et d'affection doit être versée à ses ayants-droit. En application des dispositions précitées du code civil, un quart de la somme allouée à M. G... H... doit être versé à chacun des parents et la moitié restante doit être versée à son frère, F..., et à ses deux soeurs. Il s'ensuit que chacun des parents a droit à la somme de 600 euros et que chacun des trois enfants, F... H..., Salomé H... et Capucine H..., a droit à la somme de 400 euros, conformément à ce qu'a jugé le tribunal administratif par son jugement attaqué.

En ce qui concerne les droits de la CPAM du Puy-de-Dôme :

19. La CPAM du Puy-de-Dôme produit un relevé des dépenses faisant état des frais médicaux et pharmaceutiques pour un montant de 7 756,49 euros pour la période du 2 juin 2010 au 27 avril 2017 ainsi qu'une attestation d'imputabilité de son médecin conseil du 14 septembre 2018 indiquant que l'hospitalisation du 6 au 14 novembre 2008 n'aurait pas été nécessaire en l'absence du fait générateur et que le détail des frais de soins a été étudié par le médecin conseil afin de ne retenir que les prestations strictement liées au seul fait générateur, les soins étrangers ayant été écartés. A la suite de deux mesures d'instruction par lesquelles la cour demandait à la caisse de justifier en détail des débours exposés pendant la période du 2 juin 2010 au 27 avril 2017, la caisse s'est bornée à indiquer que seules les prestations liées à l'accident ont été retenues. Par suite, et alors que les HCL contestent en défense le lien de causalité entre les dépenses engagées et la faute commise, la demande de la CPAM du Puy-de-Dôme tendant à la condamnation des HCL à lui verser une indemnité au titre du remboursement des débours exposés en faveur de son assuré et au titre des dispositions du 9ème alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ne peut qu'être rejetée.

20. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de l'appel de la caisse, que la CPAM du Puy-de-Dôme n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions.

Sur les intérêts :

21. Les consorts H... ont droit aux intérêts sur la somme de 86 819 euros à compter de la date d'enregistrement de la requête devant le tribunal administratif de Lyon, le 20 décembre 2016.

Sur les frais du litige :

22. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des HCL le versement d'une somme de 1 500 euros aux consorts H... au titre des frais exposés par eux à l'occasion du litige et non compris dans les dépens.

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les HCL, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse à la CPAM du Puy-de-Dôme, une somme au titre des frais exposés par elle dans la présente instance et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L'indemnité de 72 758,94 euros que les HCL ont été condamnés à verser à l'enfant F... H..., sous administration légale de ses parents, M. I... H... et Mme E... H... par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lyon du 11 septembre 2018 est portée à la somme 86 819 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2016.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 11 septembre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Les HCL verseront la somme de 1 500 euros aux consorts H... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête des consorts H... et les conclusions de la CPAM du Puy-de-Dôme sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. I... H..., Mme E... H..., Mme J... H..., à la RAM, à la CPAM du Puy-de-Dôme et aux Hospices civils de Lyon.

Délibéré après l'audience du 1er juillet 2020, à laquelle siégeaient :

M. Drouet, président de la formation de jugement,

Mme B..., premier conseiller,

M. Pin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 25 août 2020.

2

N° 18LY03989, 18LY04043


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY03989
Date de la décision : 25/08/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. DROUET
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : PICHON

Origine de la décision
Date de l'import : 05/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-08-25;18ly03989 ?
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