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06/08/2020 | FRANCE | N°19LY03758

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 06 août 2020, 19LY03758


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 16 octobre 2017 par laquelle le préfet de la Drôme a rejeté sa demande de regroupement familial au bénéfice de son fils ainsi que la décision du 19 décembre 2017 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1706379 du 26 septembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble, à l'article 1er, a annulé la décision du 19 décembre 2017 rejetant le recours gracieux de M. E..., à l'article 2, a enjoint au préfe

t de la Drôme de lui accorder le bénéfice du regroupement familial en faveur de son ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 16 octobre 2017 par laquelle le préfet de la Drôme a rejeté sa demande de regroupement familial au bénéfice de son fils ainsi que la décision du 19 décembre 2017 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1706379 du 26 septembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble, à l'article 1er, a annulé la décision du 19 décembre 2017 rejetant le recours gracieux de M. E..., à l'article 2, a enjoint au préfet de la Drôme de lui accorder le bénéfice du regroupement familial en faveur de son fils et, à l'article 4, a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 2 octobre 2019, le préfet de la Drôme demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 26 septembre 2019 en tant qu'il a annulé la décision du 19 décembre 2017 rejetant le recours gracieux de M. E... ;

2°) de rejeter les conclusions de M. E... tendant à l'annulation de décision du 16 octobre 2017 par laquelle il a rejeté sa demande de regroupement familial au bénéfice de son fils.

Il soutient que, pour examiner le recours gracieux dont il était saisi à l'encontre de la décision du 16 octobre 2017, il devait se placer à la date de cette dernière décision et ne pouvait en conséquence se fonder sur des faits postérieurs à celle-ci.

Par des mémoires, enregistrés le 13 janvier 2020 et le 20 janvier 2020, M. C... E..., représenté par Me K..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du préfet de la Drôme ;

2°) d'annuler la décision du 16 octobre 2017 par laquelle le préfet de la Drôme a rejeté sa demande de regroupement familial au bénéfice de son fils ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le moyen du préfet de la Drôme n'est pas fondé ;

- le préfet a entaché la décision du 16 octobre 2017 d'erreur de fait et n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- il entend se référer aux moyens soulevés en première instance.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme D..., présidente-assesseure ;

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant turc né le 4 janvier 1984, a épousé le 14 janvier 2014 en Turquie une ressortissante française et réside en France sous couvert d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". M. E... a sollicité, le 11 avril 2017, le bénéfice du regroupement familial en faveur de son fils A... né le 3 juillet 2006 d'une précédente union et résidant en Turquie auprès de sa mère. Par une décision du 16 octobre 2017, confirmée à la suite d'un recours gracieux le 19 décembre 2017, le préfet de la Drôme a rejeté la demande de M. E... au motif que ce dernier, qui présentait une dette locative importante à l'égard de son bailleur, n'établissait pas qu'il disposerait, à la date d'arrivée de son fils en France, d'un logement lui permettant de l'accueillir. Par un jugement du 26 septembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble, à l'article 1er, a annulé la décision du 19 décembre 2017 rejetant le recours gracieux, et, à l'article 4, a rejeté le surplus des conclusions de la requête de M. E.... Le préfet de la Drôme relève appel de ce jugement en tant qu'il a prononcé l'annulation de la décision du 19 décembre 2017 rejetant le recours gracieux et, par la voie de l'appel incident, M. E... demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 16 octobre 2017.

Sur l'appel principal du préfet :

2. Aux termes de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : (...) 2° Le demandeur ne dispose pas ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique ".

3. Pour annuler la décision du 19 décembre 2017 par laquelle le préfet de la Drôme a rejeté le recours gracieux formé par M. E... à l'encontre de la décision du 16 octobre 2017 refusant de lui accorder le bénéfice du regroupement familial, le tribunal administratif de Grenoble a relevé que M. E... avait, à la date de la décision prise sur le recours gracieux, remboursé la dette locative dont il était débiteur auprès de son bailleur, l'établissement public Valence Romans Habitat, et que, dans ces conditions, le préfet, en considérant qu'il ne pourrait satisfaire à la condition de jouissance d'un appartement suffisant pour accueillir son fils, avait commis une erreur d'appréciation. A l'appui de son recours, le préfet de la Drôme soutient que l'intimé ne pouvait se prévaloir de l'apurement de sa dette locative dès lors que les versements en cause étaient intervenus postérieurement à sa décision du 16 octobre 2017. Toutefois, dans le cas où, comme en l'espèce, la décision initiale n'est pas créatrice de droit, l'autorité saisie du recours gracieux doit statuer au regard des circonstances de droit et de fait existant à la date à laquelle elle prend sa décision. Ainsi, contrairement à ce que soutient le préfet de la Drôme, M. E... pouvait utilement, à l'appui du recours gracieux qu'il a exercé contre la décision du 16 octobre 2017, se prévaloir de circonstances postérieures à la décision initiale. Le préfet de la Drôme ne soutient ni que ces circonstances de fait seraient erronées, ni que M. E... ne satisfaisait pas à la condition prévue au 2° de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, il n'est pas fondé, par les moyens qu'il invoque, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 19 décembre 2017.

Sur l'appel incident de M. E... :

4. En premier lieu, il ressort des pièces des dossiers que la décision du 16 octobre 2017 a été signée par M. G... F..., sous-préfet, secrétaire général de la préfecture de la Drôme, qui bénéficiait, en vertu d'un arrêté du 4 septembre 2017 régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture du même jour, d'une délégation du préfet de la Drôme à l'effet de signer tous les actes et documents administratifs relevant des services de la préfecture et de la fonction de direction des services déconcentrés de l'Etat, à l'exception d'actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions prises en matière de regroupement familial. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée doit être écarté.

5. En deuxième lieu, pour rejeter la demande de regroupement familial présentée en faveur du fils de M. E..., le préfet s'est fondé sur la circonstance que M. E... présentait une dette locative de 4 884 euros au 1er février 2017 en dépit du versement de l'aide personnalisée au logement et de revenus conséquents, et que, dans ces conditions, il n'était pas établi qu'il bénéficierait d'un logement lui permettant d'accueillir son fils à la date à laquelle ce dernier entrerait en France.

6. Il ressort des pièces du dossier, et n'est pas contesté, que M. et Mme E... ont déclaré des revenus de 25 245 euros au titre de l'année 2017. Si M. E... soutient que le versement de l'aide personnalisée au logement qui leur est accordée a été suspendu durant l'instruction de sa demande de renouvellement de son titre de séjour et que sa dette se limitait à la somme de 3 845 euros à la date de la décision attaquée, il ressort des pièces du dossier, et, notamment, du jugement du tribunal d'instance de Valence du 22 février 2017 statuant sur une demande de l'office public de l'habitat de Valence tendant à ce que soit constatée la résiliation du bail de M. et Mme E... à défaut de paiement des loyers échus, que M. et Mme E... sont à l'origine de nombreux incidents de paiement de leur loyer justifiant un premier commandement de payer au bénéfice de leur bailleur le 6 juin 2016 et que cet acte de poursuite est demeuré infructueux. Si les intéressés se sont vus accorder, par le jugement du 22 février 2017, un délai de trente-six mois pour apurer leur dette, il résulte de ce jugement que ces facilités de remboursement étaient subordonnées au respect des échéances de paiement et au versement des loyers à venir. Dans ces conditions, et dès lors que les intéressés n'ont pas versé la partie leur incombant du loyer du mois de juillet 2017, la clause résolutoire du bail était, à la date de la décision attaquée, de plein droit acquise au bailleur qui était autorisé à faire procéder à leur expulsion. Dans ces conditions, en estimant qu'il n'était pas établi que M. E... bénéficierait d'un logement adapté à la date d'arrivée de son fils, le préfet de la Drôme n'a entaché sa décision d'aucune erreur de fait ni d'erreur d'appréciation.

7. En troisième lieu, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le préfet de la Drôme n'aurait pas procédé à un examen particulier de la demande de M. E....

8. En dernier lieu, M. E... fait valoir, d'une part, qu'il ne peut reconstituer sa cellule familiale en Turquie dès lors que son épouse est française et que la fille de cette dernière, Rumeysa, née le 28 juin 2008 d'une précédente union, est atteinte d'épilepsie et d'un retard mental justifiant sa prise en charge en France et, d'autre part, que la décision attaquée prive son fils A... de la possibilité de nouer des liens avec son demi-frère Enes né le 16 mars 2017. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le jeune A... a toujours vécu auprès de sa mère en Turquie éloigné de son père qui réside en France depuis plusieurs années. En outre, la décision attaquée n'a ni pour objet ni pour effet de séparer la cellule familiale formée par M. E..., son épouse ainsi que l'enfant de cette dernière, Rumeysa, et l'enfant commun du couple Enes, et ne fait pas obstacle à ce que le jeune A... rende visite à ces derniers sous couvert d'un visa. Dans les circonstances de l'espèce, le préfet de la Drôme, en rejetant la demande de regroupement familial formée par M. E..., n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli. Il n'est pas davantage établi que le préfet aurait méconnu les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ni commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle et familiale de M. E....

9. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Drôme n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 19 décembre 2017 et que M. E... n'est, quant à lui, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce même jugement, le tribunal a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de M. E... aux fins d'injonction et d'astreinte et celles qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Drôme est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées en appel par M. E... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... E.... Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme D..., présidente-assesseure,

Mme J..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 6 août 2020.

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N° 19LY03758

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03758
Date de la décision : 06/08/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : BORGES DE DEUS CORREIA

Origine de la décision
Date de l'import : 25/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-08-06;19ly03758 ?
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