Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... F... et Mme H... G..., son épouse, ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 17 novembre 2016 par laquelle la commune de Beaumont a rejeté leur demande indemnitaire et de condamner la commune de Beaumont à leur verser les sommes de 142 646 euros en réparation du préjudice subi et de 6 097,74 euros représentant les frais d'expertise judiciaire.
Par un jugement n° 1700353 du 21 mars 2019, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la commune de Beaumont à verser à M. F... et Mme G... la somme de 15 000 euros et a mis à sa charge les frais de l'expertise judiciaire.
Procédure devant la cour
I - Par une requête enregistrée le 20 mai 2019 sous le n° 19LY01883, et un mémoire enregistré le 5 mai 2020, la commune de Beaumont, représentée par Me Fiat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 21 mars 2019 en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de M. F... et Mme G... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. F... et Mme G... devant le tribunal ;
3°) de mettre à la charge de M. F... et Mme G... une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande présentée par les intimés devant le tribunal n'était pas recevable dès lors qu'ils avaient déjà présenté une demande indemnitaire le 26 janvier 2012 ;
- elle n'a pas été maître d'ouvrage de l'enfouissement de sorte que sa responsabilité ne peut être mise en cause ;
- elle n'a méconnu aucune stipulation contractuelle ;
- il n'existe pas de lien de causalité entre la faute alléguée par les intimés et leur préjudice dès lors que la perte de valeur vénale de leur propriété n'est pas établie compte tenu de la disparition de la ligne électrique qui surplombait cette propriété.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 avril 2020, M. F... et Mme G..., son épouse, représentés par Me Bouvier, concluent :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à la condamnation de la commune de Beaumont à leur verser la somme totale de 142 646 euros en réparation du préjudice qu'ils subissent et à ce que les frais d'expertise soient mis à sa charge ;
3°) à ce que la somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la commune de Beaumont en application des dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- leur demande devant le tribunal était recevable ;
- la convention avait pour objet l'enfouissement de la ligne électrique aérienne surplombant leur propriété, qui devait être réalisé sous l'égide et la direction de la commune ;
- la commune n'a pas respecté cette convention en autorisant des travaux différents ayant conduit à l'édification d'un deuxième poteau électrique devant leur propriété ;
- le préjudice qu'ils subissent correspondant à la perte de valeur vénale de leur propriété doit être évalué à 142 646 euros ;
- les frais de l'expertise judiciaire d'un montant de 6 097,74 euros doivent être mis à la charge de la commune.
II - Par une requête enregistrée le 7 octobre 2019 sous le n° 19LY03817, la commune de Beaumont, représentée par Me Fiat, demande à la cour :
1°) de prononcer le sursis à l'exécution de ce jugement en application de l'article R. 81116 du code de justice administrative ;
2°) de mettre à la charge de M. F... et Mme G... une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les conditions d'octroi du sursis à l'exécution du jugement sont réunies.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 novembre 2019, M. F... et Mme G..., représentés par Me Bouvier, concluent :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à la condamnation de la commune de Beaumont à leur verser la somme totale de 142 646 euros en réparation du préjudice qu'ils subissent et à ce que les frais d'expertise soient mis à sa charge ;
3°) à ce que la somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la commune de Beaumont en application des dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que les moyens soulevés par la commune ne sont pas fondés.
M. F... et Mme G... ont produit un mémoire le 14 mai 2020, qui n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vaccaro-Planchet,
- les conclusions de Mme Lesieux,
- et les observations de Me Martin, représentant la commune de Beaumont.
Considérant ce qui suit :
1. M. F... et Mme G... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Beaumont à leur verser les sommes de 142 646 euros en réparation du préjudice subi et celle de 6 097,74 euros représentant les frais d'expertise judiciaire. Par un jugement du 21 mars 2019, le tribunal a condamné la commune de Beaumont à verser à M. F... et Mme G... la somme de 15 000 euros et a mis à sa charge les frais de l'expertise judiciaire. Par la requête enregistrée sous le n° 19LY01883, la commune de Beaumont relève appel de ce jugement en tant qu'il a prononcé cette condamnation à son encontre. M. F... et Mme G... demandent, par la voie de l'appel incident, que la somme que la commune a été condamnée à leur verser en réparation du préjudice qu'ils subissent soit portée à 142 646 euros. Par la requête enregistrée sous le n° 19LY03817, la commune de Beaumont demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement.
2. Ces requêtes de la commune de Beaumont concernent le même jugement du tribunal administratif de Grenoble. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet du même arrêt.
3. Il résulte de l'instruction que Mme G..., épouse de M. F..., est propriétaire, sur le territoire de la commune de Beaumont, d'une maison à usage d'habitation surplombée par une ligne aérienne HTA de 20 000 volts. Le 5 août 2010, après présentation du projet dans les locaux de la commune de Beaumont, les six propriétaires de parcelles surplombées par cette ligne électrique, dont les requérants et la commune, ont signé une convention relative à l'enfouissement de cette ligne électrique aérienne existante et à la détermination des modalités de son financement. Ces travaux, d'un montant alors estimé à 19 398 euros, devaient être réalisés par Electricité Réseau Distribution France (ERDF). Les travaux réalisés au mois de juin 2011 ont cependant nécessité l'édification d'un second poteau électrique à côté du poteau existant situé devant la propriété de M. et Mme F....
4. Aux termes de l'article 1 de la convention du 5 août 2010 : " La présente convention a pour objet : - L'Enfouissement de la ligne électrique aérienne existante, traversant une parcelle communale et les parcelles des propriétaires désignés ci-dessus, dans le chemin dit de " Champ Côte ". - La prise en charge financière de la prestation et la participation financière de chacun. ". Aux termes de l'article 4 de cette convention : " En cas de travaux supplémentaires, après approbation des propriétaires, la commune redéfinira le montant à payer et percevra le dû par avis de paiement, après achèvement des travaux ".
5. Pour faire droit en partie à la demande des intimés de condamnation de la commune à les indemniser du préjudice qu'ils subissent correspondant à la perte de valeur vénale de leur propriété compte tenu de l'altération de la vue causée par la présence de ce second poteau, les premiers juges ont retenu que la responsabilité contractuelle de la commune était engagée dès lors qu'elle s'était contractuellement engagée à réaliser l'enfouissement selon le plan qu'elle avait présenté aux autres parties à la convention, alors même que celui-ci n'avait pas été annexé à la convention.
6. Toutefois, s'il est établi que la convention a été conclue pour les besoins des travaux d'enfouissement à réaliser tels qu'ils étaient figurés sur un plan présenté aux différents propriétaires et en considération du montant de leur coût, la commune ne peut être regardée comme s'étant engagée à cette occasion à réaliser selon ces modalités ces travaux, qui relèvent de la compétence d'ERDF. Il résulte d'ailleurs du rapport de l'expertise judiciaire et n'est pas sérieusement contesté que l'édification du second poteau est apparue techniquement nécessaire à l'enfouissement de la ligne.
7. Si, ainsi que le font valoir les intimés, une autre solution technique aurait pu être envisagée, la commune, qui n'était pas maître d'ouvrage des travaux, n'était compétente que pour la prise de la décision de non-opposition à déclaration préalable en application du code de l'urbanisme, et n'avait dès lors aucune influence sur les modalités techniques de réalisation des travaux.
8. La commune, qui était en effet partie à la convention litigieuse uniquement en sa qualité de propriétaire d'un terrain surplombé par la ligne électrique, s'était engagée à acquitter la facture des travaux directement à ERDF puis rechercher auprès de chaque propriétaire le remboursement d'un 1/6ème de la dépense totale. Ainsi, si la convention du 5 août 2010 avait pour objet l'enfouissement de la ligne électrique, elle n'engageait les parties qu'en ce qui concerne la répartition du financement des travaux alors envisagés et les modalités du versement de la somme due par chacun des propriétaires.
9. Si tous les propriétaires n'ont pas été mis en mesure d'approuver les travaux supplémentaires réalisés par ERDF, notamment la pose du second poteau, le coût de ces travaux n'a cependant pas été mis à leur charge. La commune ne peut dès lors être regardée comme ayant méconnu les stipulations précitées de l'article 4 de la convention.
10. Par suite la commune, qui n'a méconnu aucune clause du contrat, n'a pas manqué à son devoir de loyauté dans l'exécution de ce contrat.
11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande présentée par les intimés devant le tribunal, que la commune de Beaumont est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée à verser la somme de 15 000 euros aux intimés en réparation du préjudice subi et a mis à sa charge les frais et honoraires de l'expert judiciaire, liquidés et taxés à la somme de 6 097,74 euros par ordonnance du président du tribunal administratif de Grenoble du 15 septembre 2014. Les conclusions d'appel incident de M. F... et Mme G... tendant à ce que le montant de la condamnation prononcée à l'encontre de la commune de Beaumont soit portée à 142 646 euros doivent être rejetées et les frais et honoraires de l'expertise mis à leur charge pour le montant précité de 6 097,74 euros.
12. Dès lors que le présent arrêt statue au fond sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution se trouvent privées d'objet.
13. Par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de M. F... et Mme G..., qui supportent les dépens, la somme globale de 2 000 euros à verser à la commune de Beaumont au titre des frais liés au litige. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Beaumont.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution de la requête n° 19LY03817.
Article 2 : Le jugement n° 1700353 du tribunal administratif de Grenoble du 21 mars 2019 est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. F... et Mme G... devant le tribunal administratif de Grenoble et leurs conclusions d'appel sont rejetées.
Article 4 : Les dépens, liquidés et taxés à la somme de 6 097,74 euros par ordonnance du président du tribunal administratif de Grenoble du 15 septembre 2014 sont mis à la charge de M. F... et Mme G....
Article 5 : M. F... et Mme G... verseront la somme globale de 2 000 euros à la commune de Beaumont en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Beaumont et à M. F... et Mme G....
Délibéré après l'audience du 10 juillet 2020, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 6 août 2020.
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Nos 19LY01883, 19LY03817