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06/08/2020 | FRANCE | N°18LY03503

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 06 août 2020, 18LY03503


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La commune de Laval-sur-Doulon a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 14 février 2017 par lequel le préfet de la Haute-Loire a procédé au mandatement d'office sur son budget d'une somme de 2 172 euros au profit du SIVOM de Champagnac-le-Vieux.

Par un jugement n° 1700389 du 5 juin 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé cet arrêté préfectoral.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 12 septembre 2018, le

ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 juin 2018 du tribun...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La commune de Laval-sur-Doulon a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 14 février 2017 par lequel le préfet de la Haute-Loire a procédé au mandatement d'office sur son budget d'une somme de 2 172 euros au profit du SIVOM de Champagnac-le-Vieux.

Par un jugement n° 1700389 du 5 juin 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé cet arrêté préfectoral.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 12 septembre 2018, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 juin 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) de rejeter la demande de première instance de la commune de Laval-sur-Doulon.

Il soutient que :

- l'arrêté du 14 février 2017 porte mandatement d'office sur le budget de la commune au titre de l'exercice 2017 et non de l'exercice 2016 comme l'a estimé à tort le tribunal ;

- à la date de l'édiction de cet arrêté, le budget primitif 2017 n'avait pas encore été adopté ; en application de l'article L. 1612-1 du code général des collectivités territoriales, le préfet pouvait légalement procéder au mandatement d'office d'une dépense obligatoire pour la commune dans la limite des dépenses de la section de fonctionnement inscrites au budget de 2016 et ce, sans saisine préalable de la chambre régionale des comptes.

Un mémoire en défense, enregistré le 29 novembre 2018, présenté par la commune de Laval-sur-Doulon sans être assistée d'un avocat, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... ;

- les conclusions de Mme Vaccaro-Planchet, rapporteur public ;

- les observations du maire de la commune de Laval-sur-Doulon.

Considérant ce qui suit :

1. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 5 juin 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand annulant l'arrêté du 14 février 2017 par lequel le préfet de la Haute-Loire a procédé au mandatement d'office sur le budget de l'année 2017 de la commune de Laval-sur-Doulon d'une somme de 2 172 euros au profit du SIVOM de Champagnac-le-Vieux.

Sur la recevabilité du mémoire en défense devant la cour :

2. Aux termes de l'article R. 811-7 du code de justice administrative : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 774-8, les appels ainsi que les mémoires déposés devant la cour administrative d'appel doivent être présentés, à peine d'irrecevabilité, par l'un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2. (...) "

3. Le mémoire en défense présenté par la commune de Laval-sur-Doulon, enregistré le 29 novembre 2018, a été présenté sans le ministère d'avocat, en méconnaissance des dispositions des articles R. 811-7 et R. 431-2 du code de justice administrative. La commune de Laval-sur-Doulon a été informée de l'obligation de recourir à ce ministère par la cour lorsqu'elle lui a notifié, par la voie de l'application informatique Télérecours, le 25 septembre 2018, la requête d'appel du ministre. Elle n'a cependant pas procédé à la régularisation de ses écritures, lesquelles doivent, par suite, être écartées des débats.

Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :

4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 1612-1 du code général des collectivités territoriales : " Dans le cas où le budget d'une collectivité territoriale n'a pas été adopté avant le 1er janvier de l'exercice auquel il s'applique, l'exécutif de la collectivité territoriale est en droit, jusqu'à l'adoption de ce budget, de mettre en recouvrement les recettes et d'engager, de liquider et de mandater les dépenses de la section de fonctionnement dans la limite de celles inscrites au budget de l'année précédente. ". Aux termes de l'article L. 1612-16 du même code : " A défaut de mandatement d'une dépense obligatoire par le maire, le président du conseil général ou le président du conseil régional suivant le cas, dans le mois suivant la mise en demeure qui lui en a été faite par le représentant de l'Etat dans le département, celui-ci y procède d'office. (...) ".

5. En application des dispositions précitées de l'article L. 1612-1 du code général des collectivités territoriales, lorsque le budget d'une commune n'a pas été adopté avant le 1er janvier de l'exercice auquel il s'applique, les dépenses de la section de fonctionnement peuvent néanmoins être engagées, liquidées et mandatées dans la limite des dépenses de cette section inscrites au budget de l'année précédente.

6. A la date de l'arrêté en litige, il est constant que le conseil municipal de la commune de Laval-sur-Doulon n'avait pas adopté le budget primitif au titre de l'année 2017. Il ressort des pièces du dossier que par un arrêté du 5 septembre 2016, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 5 juin 2018 devenu définitif, le préfet de la Haute-Loire a réglé d'office le budget primitif de la commune pour 2016. En l'absence d'éléments portés à la connaissance de la cour sur le montant des dépenses engagées par la commune au titre de l'exercice 2017 à la date de l'arrêté contesté, en particulier au titre du chapitre 65 " autres charges gestion courante " modifié par une délibération du conseil municipal du 21 décembre 2016, les crédits inscrits au budget de l'année 2016 étaient suffisants pour couvrir la dépense de 2 172 euros au titre de l'année 2017. Ainsi, le préfet de la Haute-Loire pouvait, sur le fondement de l'article L. 1612-16 du code général des collectivités territoriales, et sans suivre préalablement la procédure d'inscription d'office prévue par l'article L. 1612-15 du même code, mandater cette somme au profit du SIVOM de Champagnac-le-Vieux au titre de l'année 2017 ainsi que le prévoit l'arrêté en litige.

7. Il en résulte que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand s'est fondé sur le moyen tiré de l'absence de saisine préalable de la chambre régionale des comptes d'une demande d'inscription d'office de crédits sur le budget de la commune, pour annuler l'arrêté préfectoral du 14 février 2017.

8. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués devant les premiers juges par la commune de Laval-sur-Doulon à l'encontre de l'arrêté du 14 février 2017.

Sur les autres moyens :

9. En premier lieu, si la commune de Laval-sur-Doulon soutient que l'arrêté en litige est insuffisamment motivé en ce qu'il ne fait pas mention de sa réponse à la mise en demeure adressée par le préfet le 26 décembre 2016, un arrêté de mandatement d'office n'entre dans aucune des catégories d'actes qui doivent être obligatoirement motivés. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que le préfet a répondu à l'argumentation de la commune relative à la prescription de la créance du SIVOM, dans le courrier d'accompagnement de son arrêté du 14 février 2017. Le moyen ne peut, en conséquence, qu'être écarté.

10. En deuxième lieu, il résulte de l'article L. 1612-16 du code général des collectivités territoriales qu'une dépense ne peut être regardée comme obligatoire et faire l'objet d'un mandatement d'office que si elle correspond à une dette échue, certaine, liquide, non sérieusement contestée dans son principe et son montant et découlant d'une loi, d'un contrat ou de toute autre source d'obligations.

11. D'une part, si la commune de Laval-sur-Doulon soutient qu'elle a procédé au mandatement de la somme de 2 172 euros au bénéfice du SIVOM de Champagnac-le-Vieux, le 14 octobre 2011, il ressort des pièces du dossier, et en particulier du courrier du 20 mai 2016 adressé par le maire au trésorier de Brioude, que le mandat en litige concerne la participation de la commune au fonctionnement du syndicat au titre du troisième trimestre 2011 et non au titre du quatrième trimestre de cette même année.

12. D'autre part, il résulte des dispositions combinées des articles L. 5212-19 et L. 5212-20 du code général des collectivités territoriales que la contribution aux recettes du budget d'un syndicat de communes constitue une dépense obligatoire pour les communes associées. Ainsi, la commune de Laval-sur-Doulon, membre du SIVOM jusqu'au 31 décembre 2011, ne peut utilement se prévaloir de la circonstance, à la supposer avérée, que ce syndicat n'aurait plus exécuté de travaux d'entretien de ses voiries à compter d'août 2011.

13. En dernier lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. (...) ". Aux termes de l'article 2 de cette même loi : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ; (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée. ".

14. Le fait générateur de la créance du SIVOM de Champagnac-le-Vieux se rattache au fonctionnement de ce syndicat durant le 4ème trimestre 2011 au titre duquel le président a émis un titre exécutoire le 18 octobre 2011 et adressé une lettre de rappel à la commune, le 5 décembre 2011. Il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 3 mai 2012, adressé au trésorier de Brioude, le président du SIVOM fait état de ce que la commune de Laval-sur-Doulon lui est toujours redevable de la somme de 2 172 euros au titre de sa participation aux charges du syndicat pour le quatrième trimestre 2011 et demande la mise en oeuvre de la procédure de mandatement d'office de cette somme. Ce courrier, alors même qu'il n'a pas été initialement adressé à l'administration compétente, a eu pour effet d'interrompre la prescription quadriennale. Il ressort en outre des écritures non contestées du préfet de la Haute-Loire en première instance et du ministre de l'intérieur en appel, que le directeur du pôle " gestion publique " de la direction départementale des finances publiques a saisi le 1er octobre 2014, la chambre régionale des comptes d'Auvergne-Rhône-Alpes aux fins de faire inscrire au budget 2014 de la commune les crédits nécessaires au mandatement de la somme due par la commune au SIVOM. Ce recours, alors même qu'il a été déclaré irrecevable par la chambre régionale des comptes le 20 novembre 2014 a cependant eu aussi pour effet d'interrompre le délai de prescription. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Loire a de nouveau saisi la chambre régionale des comptes le 12 mai 2016 au titre de l'article L. 1612-5 du code général des code général des collectivités territoriales puis a pris un arrêté, le 5 septembre 2016, portant règlement d'office du budget primitif 2016 de la commune, contesté par cette dernière devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui a confirmé, ainsi qu'il a été dit au point 6 du présent arrêt, la légalité de cet arrêté et l'inscription au chapitre budgétaire 65 des crédits permettant à la commune de s'acquitter de la somme de 2 172 euros au SIVOM. Enfin, le préfet de la Haute-Loire a adressé au maire de la commune de Laval-sur-Doulon, par courrier du 26 décembre 2016, une mise en demeure de mandater la somme due au SIVOM au titre du quatrième trimestre 2011. Dans ces conditions, la commune de Laval-sur-Doulon n'est pas fondée à soutenir qu'à la date de l'arrêté en litige, la créance du SIVOM de Champagnac-sur-Doulon était prescrite et que sa dette n'était plus exigible.

15. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à demander l'annulation du jugement du 5 juin 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ainsi que le rejet de la demande de la commune de Laval-sur-Doulon présentée devant ce tribunal.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1700389 du 5 juin 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la commune de Laval-sur-Doulon devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la commune de Laval-sur-Doulon.

Délibéré après l'audience du 10 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 août 2020.

2

N° 18LY03503


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Collectivités territoriales - Commune - Finances communales - Dépenses - Dépenses obligatoires.

Comptabilité publique et budget - Dettes des collectivités publiques - Questions diverses - Existence des crédits nécessaires.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 06/08/2020
Date de l'import : 25/08/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18LY03503
Numéro NOR : CETATEXT000042238940 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-08-06;18ly03503 ?
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