Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. E... a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013.
Par un jugement n° 1700405 du 12 juin 2018, le tribunal administratif de Dijon a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de contributions sociales et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 août 2018 et le 18 février 2019, M. E..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 12 juin 2018 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions restant à sa charge et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. E... soutient que :
- le rehaussement, qui ne fait référence à aucun élément de comparaison, est insuffisamment motivé ;
- l'administration, qui ne conteste pas le caractère effectif du travail qu'il a accompli au sein de la société, n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, du caractère exagéré des rémunérations qu'il a perçues, ce caractère exagéré devant s'apprécier à l'aune du service qu'il a rendu dans l'entreprise et par comparaison avec des entreprises similaires, sans prendre en considération le chiffre d'affaires de la société ;
- il est bien fondé à se prévaloir des prévisions des paragraphes 90 et 130 de la documentation administrative référencée BOI-BIC-CHG-40-40-10 du 12 septembre 2012.
Par un mémoire, enregistré le 28 janvier 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme H..., première conseillère,
- et les conclusions de Mme G..., rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. E... a été assujetti à l'impôt sur le revenu au titre des années 2012 et 2013, conformément aux déclarations qu'il a souscrites dans la catégorie des traitements et salaires, à raison des rémunérations d'un montant de 522 441 euros en 2012 et 619 902 euros en 2013 qu'il a perçues de la SARL XC Investissement (XCI), société holding animatrice, dont il est le gérant et unique associé. A la suite de la vérification de comptabilité de cette société, l'administration a réintégré à ses résultats imposables des exercices clos en 2012 et en 2013 une partie de la rémunération de M. E..., et les charges sociales afférentes, pour des montants respectifs de 268 129 euros et 390 170 euros, au motif que cette rémunération était excessive. Ces sommes ont été regardées sur le fondement de l'article 111 d du code général des impôts comme distribuées et, en conséquence, imposées entre ses mains à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Il a ainsi été assujetti, selon la procédure contradictoire, à des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales ainsi qu'à des cotisations de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles ont été appliqués des intérêts de retard et la pénalité de 10 % prévue par l'article 1758 A du code général des impôts. Par un jugement du 12 juin 2018, le tribunal administratif de Dijon a prononcé un non-lieu à statuer sur les contributions sociales et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. M. E..., qui demande l'annulation du jugement, doit être regardé comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013 ainsi que des pénalités correspondantes.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. M. E... reprend en appel le moyen qu'il avait invoqué en première instance et tiré de ce que la proposition de rectification serait insuffisamment motivée. Le tribunal a suffisamment et exactement répondu à ce moyen aux points 3 et 4 du jugement. Il y a lieu, par adoption des motifs du tribunal d'écarter ce moyen.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
3. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré (...) ".
4. Lorsque le contribuable n'a pas accepté les rectifications qui lui ont été notifiées à la suite d'une procédure de rectification contradictoire, il appartient à l'administration d'établir le bien-fondé des impositions qu'elle a mises à la charge du contribuable. En l'espèce, il résulte de l'instruction que M. E... n'a pas accepté les rectifications portant sur l'imposition, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, des sommes réintégrées dans les résultats de la SARL XCI correspondant à la part des rémunérations qui lui avait été versées, et des charges sociales afférentes, jugées excessives par l'administration et notifiées selon la procédure contradictoire. Il appartient dès lors à l'administration fiscale d'établir le bien-fondé des impositions en litige.
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
5. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. / Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais (...) ". Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) d. La fraction des rémunérations qui n'est pas déductible en vertu du 1° du 1 de l'article 39 (...) ".
6. M. E..., qui avait perçu de la SARL XCI une rémunération de 264 000 euros en 2007, 282 313 euros en 2008, 119 933 euros en 2009, 142 985 euros en 2010 et 260 000 en 2011, a bénéficié d'une rémunération annuelle de 522 411 euros en 2012 et de 619 902 euros en 2013. L'administration fiscale a considéré que les sommes perçues par l'intéressé au-delà de 282 313 euros, correspondant au montant maximum de rémunération que la société lui avait versé depuis sa création, à l'exception des années 2012 et 2013, constituaient, ainsi que les charges sociales afférentes, des rémunérations excessives, imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application du d de l'article 111 du code général des impôts.
7. Pour ce faire, l'administration fait valoir, sans être contredite, que le montant des sommes déduites par la SARL XCI relatives à la rémunération de M. E... correspond à 182,5 % du chiffre d'affaires déclaré en 2012 et à 191 % de celui déclaré en 2013, que la comptabilisation des charges liées à la rémunération de l'intéressé a engendré un déficit de 33 194 euros en 2012 et de 589 099 euros en 2013, que le montant des rémunérations allouées a très fortement progressé au cours des exercices vérifiés, la rémunération de l'année 2012 représentant le double de celle de l'année 2011 alors que le chiffre d'affaires de la société a progressé dans de bien moindres proportions, et qu'il n'existe aucune corrélation entre la progression de la rémunération allouée et celle du chiffre d'affaires réalisé par l'intéressé, qui est le seul salarié de la société. L'administration a également relevé que le montant des rémunérations supplémentaires perçues en 2012 et 2013 par M. E... correspond au reversement à M. E... d'une partie des liquidités perçues par la SARL XCI à la suite de diverses cessions de titres. Elle a enfin indiqué qu'en 2014, la rémunération de M. E... a de nouveau beaucoup diminué puisqu'il a perçu à ce titre 200 000 euros.
8. Si M. E... fait valoir que ses rémunérations des années 2012 et 2013 sont justifiées par les services qu'il a rendus au sein de la société, l'administration ne conteste pas qu'il a assuré, en tant qu'associé unique et gérant de la société, l'ensemble des missions imparties à la SARL XCI au cours des années 2012 et 2013, et fait uniquement valoir que la rémunération présentait, compte tenu du faisceau d'indices sur lequel elle s'est fondée, un caractère exagéré au titre de ces deux années. Le requérant ne justifie pas que la nature de ses missions aurait évolué au cours des années 2012 et 2013 justifiant l'accroissement soudain de sa rémunération. Il n'apparait pas au regard de la description faite par M. E... de ses missions au sein de la SARL XCI et de son investissement dans la société que le niveau de rémunération admis en déduction par l'administration ne tiendrait pas suffisamment compte de l'activité déployée par l'intéressé dans sa société. Si M. E... fait valoir que la diminution de sa rémunération en 2014 a été décidée afin de permettre d'augmenter de 360 000 euros le capital social de la société BEE2LINK, dont la SARL XCI est actionnaire majoritaire, afin de conserver la majorité des actions de cette société, ces explications ne sont pas de nature à démontrer que la rémunération au titre des années antérieures n'était pas excessive. Enfin, M. E... ne peut utilement se prévaloir, pour justifier l'augmentation soudaine de ses rémunérations, des modalités de rémunération des gestionnaires de fonds de placement ou des cadres bancaires qui se trouvent dans une situation différente de la sienne.
9. Par suite, l'administration, qui ne s'est pas exclusivement fondée sur le caractère déficitaire des exercices en cause pour estimer que les rémunérations était excessives et qui n'était pas tenue de se fonder également sur des données externes à l'entreprise pour justifier son appréciation alors qu'une telle comparaison n'était pas pertinente en l'absence de sociétés se trouvant dans une situation comparable a, en se fondant sur les éléments ci-dessus rappelés, suffisamment apporté la preuve du caractère excessif des rémunérations en cause par rapport à l'importance du service rendu par l'intéressé.
Sur le bénéfice de la doctrine administrative :
10. Les paragraphes nos 90 et 130 de la documentation administrative référencée BOI-BIC-CHG-40-40-10 du 12 septembre 2012 ne contiennent aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été ici fait application. Par suite, M. E... n'est pas fondé à s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté le surplus de sa demande.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. E... la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et au ministre délégué en charge des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 23 juin 2020 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme B..., présidente-assesseure,
Mme H..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 6 août 2020.
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N° 18LY03064
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