Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SAS SFR Fibre a demandé au tribunal administratif de Lyon, à titre principal, de condamner l'établissement public pour les autoroutes rhodaniennes de l'information (EPARI) à lui verser la somme de 9 851 424,73 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2014 ou, à titre subsidiaire, une somme égale à 50 % de cette somme, assortie des intérêts au taux légal à compter de la même date.
Par un jugement n° 1504923 du 1er février 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 9 avril 2018 et un mémoire enregistré le 28 mai 2018, la SAS SFR Fibre, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon ;
2°) à titre principal, de condamner l'EPARI à lui verser la somme de 9 851 424,73 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2014 ou, à titre subsidiaire, une somme égale à 50 % de cette somme, assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2014.
3°) de mettre à la charge de l'EPARI une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a droit à être indemnisée en application de la théorie de l'imprévision du fait de la mise en oeuvre par le syndicat départemental d'énergies du Rhône (SYDER) du régime institué par les dispositions de l'article 116 de la loi n° 2004-669 codifiée à l'article L. 2224-35 du code général des collectivités territoriales ;
- elle a droit à être indemnisée sur le fondement du chapitre 6 de la convention d'utilisation d'appuis conclue en 1999.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 février 2020, l'établissement public pour les autoroutes rhodaniennes de l'information (EPARI), représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la SAS SFR Fibre en application des dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la société SRF Fibre ne sont pas fondés et qu'il refuse de participer à une médiation en application de l'article L. 213-7 du code de justice administrative.
La SAS SFR Fibre a produit un mémoire le 6 juillet 2020 qui n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de Mme C...,
- et les observations de Me B..., représentant la société (SAS) SFR Fibre et celles de Me A..., représentant l'établissement public pour les autoroutes rhodaniennes de l'information ;
Une note en délibéré, présentée pour la société (SAS) SFR Fibre, a été enregistrée le 3 août 2020.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS SFR Fibre relève appel du jugement du 1er février 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à la condamnation de l'établissement public pour les autoroutes rhodaniennes de l'information (EPARI) à lui verser la somme de 9 851 424,73 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2014 ou, à titre subsidiaire, une somme égale à 50 % de cette somme, assortie des intérêts au taux légal à compter de la même date.
2. Aux termes de l'article L. 2224-35 du code général des collectivités territoriales, créé par la loi n° 2004-575 pour la confiance dans l'économie numérique du 21 juin 2004 : " Tout opérateur de communications électroniques autorisé par une collectivité territoriale ou un établissement public de coopération compétent pour la distribution publique d'électricité à installer un ouvrage aérien non radioélectrique sur un support de ligne aérienne d'un réseau public de distribution d'électricité procède, en cas de remplacement de cette ligne aérienne par une ligne souterraine à l'initiative de la collectivité ou de l'établissement précité, au remplacement de sa ligne aérienne en utilisant le même ouvrage souterrain que celui construit en remplacement de l'ouvrage aérien commun. Les infrastructures communes de génie civil créées par la collectivité territoriale ou l'établissement public de coopération lui appartiennent. / L'opérateur de communications électroniques prend à sa charge les coûts de dépose, de réinstallation en souterrain et de remplacement des équipements de communications électroniques incluant les câbles, les fourreaux et les chambres de tirage, y compris les coûts d'études et d'ingénierie correspondants. Il prend à sa charge l'entretien de ses équipements. / Une convention conclue entre la collectivité ou l'établissement public de coopération et l'opérateur de communications électroniques fixe la participation financière de celui-ci sur la base des principes énoncés ci-dessus, ainsi que le montant de la redevance qu'il doit éventuellement verser au titre de l'occupation du domaine public. ".
3. Le syndicat départemental d'énergies du Rhône (SYDER), qui a procédé, entre 2005 et 2011 à l'enfouissement de diverses lignes électriques aériennes, a émis, sur le fondement de ces dispositions, des titres exécutoires à l'encontre de la société Rhône vision câble devenue société NC Numéricâble puis SAS SFR Fibre, afin de mettre à sa charge les travaux d'enfouissement de lignes du réseau câblé. Ces titres ont été contestés devant la juridiction administrative. Un protocole d'accord transactionnel a été conclu le 12 juillet 2012, pour mettre fin au litige les opposant. Pour demander dans le cadre du présent litige la condamnation de l'EPARI à lui verser la somme de 9 851 424,73 euros qu'elle a accepté de verser au SYDER en application de l'accord transactionnel conclu le 12 juillet 2012 et de la convention d'enfouissement, la SAS SFR Fibre soutient qu'elle a droit à cette indemnisation d'une part en application de la théorie de l'imprévision et d'autre part sur le fondement du chapitre 6 de la convention d'utilisation d'appuis conclue le 26 octobre 1999 entre la société Rhône vision câble, l'EPARI, EDF et le SYDER.
Sur la demande présentée sur le fondement de la théorie de l'imprévision :
4. Le 5 juillet 1995, la société Rhône vision câble a conclu avec le syndicat pour le réseau câblé du Rhône, aux droits duquel est venu l'EPARI, un contrat lui concédant le droit exclusif de concevoir, d'établir, d'exploiter et d'entretenir, sur les territoires des communes du Rhône adhérentes à ce syndicat, un réseau apte à distribuer par câble des services de télévision et de radiodiffusion sonore, qui devra également pouvoir transporter et distribuer des services de communication. Aux termes de l'article 11 du cahier des charges de cette convention, relatif aux ouvrages établis en souterrain : " Lorsque le réseau de distribution électrique en basse tension (...) est établi en souterrain postérieurement à l'établissement, sur les portions correspondantes, des réseaux de transport et de distribution, le concessionnaire, à la demande du concédant et après appel public à la concurrence, établit les réseaux de transport et de distribution en souterrain. /Le concédant assure le financement des travaux d'établissement en souterrain des réseaux de transport et de distribution visés à l'alinéa précédent sous la seule déduction des droits d'usage des supports - lesquels sont imputés au concessionnaire (...) ".
5. Dans l'hypothèse où un événement extérieur aux parties, imprévisible au moment de la conclusion du contrat, a pour effet de bouleverser son économie, le titulaire du marché est en droit de réclamer au maître d'ouvrage une indemnité représentant la part de la charge extracontractuelle qu'il a supportée en exécutant les prestations dont il avait la charge. Ainsi, dans le cadre d'une perte financière alléguée, une situation d'imprévision suppose un déficit d'exploitation qui soit la conséquence directe d'un événement imprévisible, indépendant de l'action des cocontractants, ayant entraîné un bouleversement de l'économie du contrat.
6. Si la SAS SFR Fibre soutient que l'intervention de la loi du 21 juin 2004 et son application par le SYDER constituerait un événement imprévisible au regard de la concession, l'enfouissement de portions du réseau était envisagé par l'article 11 du cahier des charges annexé à la convention et ni l'intervention du législateur ni la mise à la charge des opérateurs de communications électroniques des frais d'enfouissement de leurs réseaux ne pouvaient être exclues dans un secteur en forte évolution technologique et réglementaire et alors que l'enfouissement des réseaux électriques se développait depuis plusieurs années. En outre, à supposer que la prise en charge des frais d'enfouissement ait causé un déficit d'exploitation, les dépenses occasionnées, qui représentent, au regard des chantiers exécutés de 2005 à 2013, 6,2 % de la prévision initiale du coût d'établissement et 10,4 % de ce coût sur les trente années d'exécution de la convention, n'ont pu bouleverser l'économie de la concession. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande présentée sur le fondement de la théorie de l'imprévision.
Sur la demande présentée sur le fondement de la convention d'utilisation d'appuis :
7. Une convention relative à l'utilisation d'appuis du réseau de distribution de l'électricité basse tension a été signée le 26 octobre 1999 entre le syndicat départemental d'énergies du Rhône (SYDER), autorité organisatrice de la distribution d'électricité, EDF, distributeur, la société requérante, opérateur, et l'EPARI, son concédant. Elle définit les conditions générales de mise à disposition des appuis (bois, béton ou métal) des réseaux aériens de distribution publique de l'électricité basse tension pour l'établissement et l'exploitation d'ouvrages destinés à un réseau câblé.
8. Aux termes du chapitre 6 de cette convention : " Dans le cadre d'opérations concertées et coordonnées d'effacement des réseaux dans un souci d'intégration esthétique des ouvrages, sauf cas particuliers ou force majeure, l'Autorité Organisatrice de la Distribution ou (et) le Distributeur communiquent à l'Opérateur et/ou son Concédant leurs programmes semestriels pour permettre à ce dernier de budgétiser et de programmer les travaux de mise en " technique discrètes " (...). L'Opérateur et/ou son Concédant s'engagent à dégager le financement de ces opérations. / L'Opérateur fera alors son affaire de la mise en " techniques discrètes " de son propre réseau, préalablement construit sur appuis communs. ".
9. Il résulte des termes mêmes de cette convention qu'elle a été conclue entre, d'une part, le SYDER et EDF et, d'autre part, la société requérante et l'EPARI et n'a ainsi pas vocation à régir les relations entre la SAS SFR Fibre et l'EPARI. Dès lors, contrairement à ce que soutient la SAS SFR Fibre, la commune intention des parties à cette convention n'était pas de faire peser sur l'EPARI une obligation de financement des opérations d'enfouissement mais de prévoir la prise en charge financière des travaux par l'opérateur et/ou son concédant, selon leurs relations définies par ailleurs, dans le contrat de concession ou ses avenants. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande de la société requérante présentée sur le fondement de la convention du 26 octobre 1999.
10. Il résulte de ce qui précède, et alors que l'EPARI déclare s'opposer à une médiation en application de l'article L. 213-7 du code de justice administrative, que la SAS SFR Fibre n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'EPARI, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre la somme de 2 000 euros à la charge de la SAS SFR Fibre à verser à l'EPARI au titre des frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SAS SFR Fibre est rejetée.
Article 2 : La SAS SFR Fibre versera la somme de 2 000 euros à l'établissement public pour les autoroutes rhodaniennes de l'information en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS SFR Fibre et à l'établissement public pour les autoroutes rhodaniennes de l'information.
Délibéré après l'audience du 10 juillet 2020, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme E..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 6 août 2020.
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N° 18LY01288