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09/07/2020 | FRANCE | N°18LY01204

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 09 juillet 2020, 18LY01204


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... G... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler la décision du 15 février 2016 par laquelle le président du centre communal d'action sociale (CCAS) de Grenoble l'a mutée au poste d'aide-soignante au sein de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Narvik à Grenoble ;

2°) de condamner le centre communal d'action sociale de Grenoble à lui verser la somme de 3 000 euros en indemnisation de ses préjudices ;

3°) d'enjoin

dre au président du centre communal d'action sociale de Grenoble, sous astreinte, de la réintégr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... G... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler la décision du 15 février 2016 par laquelle le président du centre communal d'action sociale (CCAS) de Grenoble l'a mutée au poste d'aide-soignante au sein de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Narvik à Grenoble ;

2°) de condamner le centre communal d'action sociale de Grenoble à lui verser la somme de 3 000 euros en indemnisation de ses préjudices ;

3°) d'enjoindre au président du centre communal d'action sociale de Grenoble, sous astreinte, de la réintégrer au sein de l'EHPAD Lucie Pellat, de reconstituer sa carrière et de faire supprimer de son dossier tout élément lié à la mutation attaquée.

Par un jugement n° 1602216 du 23 janvier 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de Mme G....

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 3 avril 2018 et un mémoire enregistré le 30 octobre 2018, Mme G..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 janvier 2018 et la décision du 15 février 2016 l'affectant à l'EHPAD Narvik ;

2°) d'enjoindre au CCAS de Grenoble de la réintégrer au sein de l'EHPAD Lucie Pellat, de reconstituer sa carrière et de retirer de son dossier les éléments relatifs à cette mutation sous astreinte ;

3°) de mettre à la charge du CCAS de Grenoble la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucune faute professionnelle et aucun motif de nature professionnelle ne peut justifier cette décision ;

- le motif selon lequel son changement d'affectation réduirait son temps de trajet quotidien est erroné ; ce changement n'est pas justifiable au regard de sa situation personnelle ;

- son changement d'affectation est une sanction déguisée qui nécessitait une procédure disciplinaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 juillet 2018, le CCAS de Grenoble représenté par Me B... conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de Mme G... la somme de 1 000 euros.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable car tardive ;

- les conclusions en annulation sont irrecevables car dirigées contre une simple mesure d'ordre intérieur ;

- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 29 juillet 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me F... représentant le CCAS de Grenoble ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme G..., auxiliaire de soins titulaire de première classe, a été affectée par le CCAS de la ville de Grenoble le 1er décembre 2009 au sein de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Lucie Pellat à Montbonnot-Saint-Martin. Par une décision du 15 février 2016, le CCAS de Grenoble a décidé de l'affecter pour les mêmes fonctions à l'EHPAD Narvik situé à Grenoble. Mme G... relève appel du jugement du 23 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de cette décision du 15 février 2016.

Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des conclusions et de la requête.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision litigieuse du 15 février 2016 :

2. A la suite du constat d'un nombre anormalement élevé de plaintes de familles dans l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Lucie Pellat à Montbonnot-Saint-Martin, de la détérioration volontaire de télécommandes permettant aux résidents de l'établissement d'appeler les personnels soignants, et de la disparition de " clés d'acquittement " permettant de vérifier que l'agent concerné a répondu à l'appel du résident, une enquête administrative a été diligentée au cours de l'été 2015, à la demande de l'agence régionale de santé. Cette enquête, qui n'a pas permis d'établir de responsabilité individuelle dans les détériorations volontaires des matériels, a toutefois mis en évidence de graves dysfonctionnements dans le traitement des résidents, des pratiques inadaptées de personnels soignants dans un contexte d'absence de cohésion et d'émulation des personnels, et de leur tendance à s'exonérer de leur responsabilité. Une réorganisation nécessaire du service et des équipes était dans ce contexte de nature à justifier, sans erreur manifeste d'appréciation, le changement du lieu d'affectation de Mme G... alors même qu'aucun manquement à ses obligations professionnelles n'avait été relevé à son sujet.

3. Mme G... soutient que la circonstance, relevée dans le rapport de saisine de la commission administrative paritaire sur la réorganisation du service, selon laquelle son changement d'affectation favorise le rapprochement de son domicile familial est erronée. Toutefois, ce changement d'affectation intervient dans la même agglomération, les deux établissements en cause étant distants de moins de huit kilomètres. De plus, ce changement n'a pour effet de modifier ni la rémunération, ni la nature des fonctions, ni les responsabilités de Mme G.... Celle-ci ne peut, dès lors, utilement se prévaloir de ce que la décision emporte sur sa situation personnelle des conséquences qu'elle estime injustifiables et qu'elle n'établit pas, au demeurant.

4. Une mutation d'office revêt le caractère d'une mesure disciplinaire déguisée lorsque, tout à la fois, il en résulte une dégradation de la situation professionnelle de l'agent concerné et que la nature des faits qui ont justifié la mesure et l'intention poursuivie par l'administration révèlent une volonté de sanctionner cet agent. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, la mesure litigieuse n'a guère d'autre effet professionnel que de modifier le trajet de l'intéressée de son domicile à son travail, et aucun élément du dossier ne permet de constater qu'il en résulte une quelconque dégradation de sa situation professionnelle ou une intention punitive de l'auteur de la décision. Le moyen tiré de ce que cette décision est une sanction déguisée ne peut dès lors qu'être écarté.

Sur les conclusions à fin d'injonction et sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Les conclusions à fin d'annulation de Mme G... devant être rejetées, il s'ensuit que doivent l'être également, d'une part, ses conclusions à fin d'injonction, puisque la présente décision n'appelle ainsi aucune mesure d'exécution, et d'autre part, celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ces dispositions faisant obstacle à ce que la cour fasse bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de Mme G... une somme de 500 euros qu'elle paiera au CCAS de Grenoble, au titre des frais non compris dans les dépens que ce dernier a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme G... est rejetée.

Article 2 : Mme G... versera au centre communal d'action sociale de Grenoble une somme de 500 (cinq cents) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... G... et au centre communal d'action sociale de Grenoble.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme D... A..., présidente de chambre,

Mme H..., présidente-assesseure,

M. Pierre Thierry, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 juillet 2020.

No 18LY012042


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY01204
Date de la décision : 09/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Affectation et mutation - Mutation.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Caractère disciplinaire d'une mesure - Mesure ne présentant pas ce caractère.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Pierre THIERRY
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : CDMF AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-07-09;18ly01204 ?
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