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09/07/2020 | FRANCE | N°18LY01111

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 09 juillet 2020, 18LY01111


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :

1°) d'annuler la décision du 26 septembre 2016 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Montluçon a prononcé à son encontre une exclusion temporaire de fonctions d'une durée d'un an et six mois dont un an avec sursis à titre de sanction disciplinaire ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Montluçon au paiement intégral des primes et indemnités correspondant à cette période d'exclusion temporaire, outre la

compensation de la perte de salaire, dans le délai d'un mois à compter du jugement à in...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :

1°) d'annuler la décision du 26 septembre 2016 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Montluçon a prononcé à son encontre une exclusion temporaire de fonctions d'une durée d'un an et six mois dont un an avec sursis à titre de sanction disciplinaire ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Montluçon au paiement intégral des primes et indemnités correspondant à cette période d'exclusion temporaire, outre la compensation de la perte de salaire, dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, et au-delà sous une astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de retirer de son dossier administratif toutes les pièces relatives à cette procédure disciplinaire ;

4°) d'annuler l'entretien disciplinaire du 6 mai 2016 à l'issue duquel il s'est vu notifier une suspension d'une durée de quatre mois ;

5°) d'annuler l'avis du conseil de discipline du 29 juin 2016 à la suite duquel le directeur du centre hospitalier de Montluçon a prononcé la sanction disciplinaire du 26 septembre 2016 ;

6°) d'annuler son évaluation professionnelle au titre de l'année 2016 ;

7°) de condamner le centre hospitalier de Montluçon à lui verser la somme de 60 000 euros à titre de dommages et intérêts dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, et au-delà sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1602031 du 25 janvier 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande de M. E....

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 23 mars 2018 et un mémoire, enregistré le 21 septembre 2018, M. E..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler :

- le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 25 janvier 2018 ;

- la décision du 26 septembre 2016 du directeur du centre hospitalier de Montluçon lui infligeant la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire ;

- son évaluation professionnelle pour l'année 2016 ;

- la réunion du 24 février 2016 ;

- l'entretien disciplinaire du 6 mai 2016 et du Conseil de Discipline du 29 juin 2016 ;

2°) d'enjoindre au centre hospitalier de Montluçon :

- de retirer de son dossier l'ensemble des pièces inhérentes à cette procédure disciplinaire ;

- de le rétablir dans ses droits au titre des pertes de salaires subis et des primes diverses dont il a été privées (primes annuelles, dimanche et jours fériés), dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à venir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de condamner le centre hospitalier de Montluçon à lui verser une indemnité de 60 000 euros en réparation de son préjudice, dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et, au-delà, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Montluçon les dépens de première instance et d'appel ;

5°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Montluçon la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de sanction est insuffisamment motivée ;

- l'existence matérielle des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie ;

- la sanction est disproportionnée ;

- il sollicite pour les mêmes raisons l'annulation de son évaluation professionnelle au titre de l'année 2016, celle-ci reposant sur les mêmes reproches que la sanction ;

- la sanction lui a causé un préjudice qui doit être réparé par le versement d'une indemnité de 60 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 août 2018 le centre hospitalier de Montluçon représenté par Me B... conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. E... la somme de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable, le requérant n'ayant pas produit le jugement attaqué ;

- les conclusions indemnitaires sont irrecevables, le requérant n'ayant pas formé de demande préalable et lié le contentieux ;

- les conclusions dirigées contre l'entretien du 6 mai 2016 et la mesure de suspension sont tardives ;

- les conclusions en annulation contre son évaluation professionnelle sont irrecevables car elles ne présentent pas un lien suffisant avec la sanction disciplinaire ;

- en tout état de cause les moyens doivent être écartés.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 avril 2018.

Par ordonnance du 10 juillet 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 30 août 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi no 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Après avoir été recruté par le centre hospitalier de Montluçon et avoir travaillé pour celui-ci comme agent contractuel à partir de 1992, M. E... a été nommé stagiaire en décembre 1998 et titularisé un an plus tard en tant qu'agent des services hospitaliers qualifié. A la suite d'une absence prolongée pour des raisons de santé depuis 2012, il a été réintégré dans ses fonctions en mi-temps thérapeutique en mai 2015 au sein de son service d'origine. Par une décision du 6 mai 2016, faisant suite à un entretien disciplinaire, il a été suspendu de ses fonctions, et une procédure disciplinaire a été diligentée à son encontre. M. E... relève appel du jugement du 25 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande d'annulation contre la décision du 26 septembre 2016 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Montluçon lui a infligé la sanction du troisième groupe d'exclusion temporaire du service pendant une durée de dix-huit mois dont un an avec sursis, contre sa notation pour l'année 2016 ainsi que ses conclusions à fin de condamnation du centre hospitalier.

Sur la recevabilité de la requête et des conclusions de M. E... :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, contrairement aux affirmations du centre hospitalier de Montluçon, la requête de M. E... était accompagnée de la copie du jugement attaqué et qu'elle n'est donc pas irrecevable.

3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des écritures de M. E... que celui-ci a formé des conclusions contre la décision du 6 mai 2016 prononçant sa suspension.

4. En troisième lieu, la réunion du 24 février 2016 au cours de laquelle ont été recueillis les témoignages de plusieurs de ses collègues, l'entretien qui s'est déroulé le 6 mai 2016, le conseil de discipline du 29 juin 2016 ne constituent pas des décisions. Les conclusions tendant à leur annulation ne peuvent être accueillies.

5. Par ailleurs, faute pour M. E... d'avoir adressé une demande préalable au centre hospitalier de Montluçon concernant la réparation de son préjudice, le centre hospitalier de Montluçon est fondé à soutenir que les conclusions indemnitaires de ce dernier sont irrecevables et qu'elles doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la sanction disciplinaire du 26 septembre 2016 :

6. En premier lieu, cette décision expose les griefs que l'administration a entendu retenir à l'encontre de M. E... de sorte que ce dernier pouvait, à sa seule lecture, connaître les motifs de la sanction qui lui a été infligée. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit ainsi être écarté.

7. En deuxième lieu, le centre hospitalier de Montluçon a produit des témoignages de collègues du service de M. E... recueillis lors de réunions et dont la teneur a été confirmée ou précisée par ces mêmes agents entendus comme témoins lors du conseil de discipline qui s'est tenu le 29 juin 2016. La seule circonstance que ces témoignages n'ont pas été reçus selon les formes requises par les dispositions des articles 200 et 203 du code de procédure civile ne suffit pas, contrairement à ce que soutient M. E..., à leur retirer tout caractère probant. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que ceux-ci, qui sont concordants et circonstanciés, ont été livrés en réponse à des consignes de la direction de l'hôpital, ou orientés par celle-ci, qui s'est bornée à demander à ces agents de faire état de faits précis et datés.

8. Il ressort des pièces du dossier, notamment de rapports établis par la supérieure hiérarchique de M. E... et des témoignages susmentionnés, que ce dernier n'a pas respecté les consignes - qu'il ne pouvait ignorer - données en matière d'hygiène des locaux, et d'hygiène personnelle. Il est en effet suffisamment établi que M. E... s'est régulièrement abstenu de porter des gants ou de se laver les mains entre chaque chambre nettoyée. Il a fait l'objet d'un rappel à l'ordre sur la prohibition, qu'il ne respectait pas, de porter des bijoux et de conserver avec lui son téléphone portable lors de son service. Il n'est pas établi que des gants à sa taille n'étaient pas disponibles. Il est également constant que M. E... a refusé, pour des motifs totalement étrangers au service, de déférer à la demande qui lui était faite, et qui correspondait à ses missions, de transporter des poches de sang au sein de l'établissement ce qui a nécessité de recourir à un personnel soignant pour pallier ce refus. Il est en outre également suffisamment établi qu'il a tenu des propos déplacés de nature xénophobe et homophobe, ce que la production de deux témoignages en sa faveur ne permet pas de démentir. Enfin, il résulte de plusieurs témoignages que M. E... avait fréquemment une attitude de contestation des demandes qui lui était faites, et qu'il était à l'origine de tensions avec ses collègues. L'ensemble de ces faits, constitutifs de manquements aux devoirs d'obéissance, de neutralité et, plus généralement aux obligations professionnelles de M. E... sont de nature à justifier que lui soit infligée une sanction.

9. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. E... ait déjà fait l'objet d'une procédure disciplinaire au cours de ses fonctions d'agent public. Ses évaluations professionnelles donnent par ailleurs à constater que sa valeur professionnelle a été reconnue et appréciée et que sa notation a progressé de façon continue depuis 2004 jusqu'en 2012. Dans ces circonstances, au regard des manquements constatés mais également des évaluations professionnelles de l'intéressé et de l'absence de toute sanction antérieure, M. E... est fondé à soutenir qu'en lui infligeant la sanction de dix-huit mois d'exclusion dont un an avec sursis le directeur du centre hospitalier de Montluçon a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation. Il est ainsi également fondé à soutenir que c'est à tort que par son jugement du 25 janvier 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande d'annulation de cette sanction.

Sur les conclusions à fin d'annulation de son évaluation professionnelle pour l'année 2016 :

10. Il ressort de cette évaluation, qui maintient sa note chiffrée à 18,5, qu'elle se borne à relever que M. E... a fait preuve de comportements inadaptés vis-à-vis des patients, des agents et de sa hiérarchie, qu'il doit faire un effort dans son comportement au travail et porter une attention particulière aux règles d'hygiène et au circuit des chambres à nettoyer. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ces manquements sont suffisamment établis par les témoignages et les autres pièces du dossier. M. E... ne produit aucun élément susceptible de remettre en cause l'appréciation portée sur son compte, ni d'établir une erreur manifeste d'appréciation. Ses conclusions à fin d'annulation de son évaluation professionnelle ne peuvent par suite qu'être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ".

12. Les motifs d'annulation de la sanction infligée à M. E... n'impliquent pas que le centre hospitalier de Montluçon retire de son dossier les pièces inhérentes à la procédure disciplinaire, ni que ce dernier le rétablisse dans ses droits au titre des pertes de salaires et diverses primes, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la sanction prononcée aurait reçu un commencement d'exécution, en raison, notamment, du placement de M. E... en congé de maladie.

Sur les conclusions relatives aux frais d'instance :

13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre des frais d'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1602031 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 25 janvier 2018 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation de M. E... dirigées contre la décision du 26 septembre 2016 du directeur du centre hospitalier de Montluçon lui infligeant une sanction disciplinaire.

Article 2 : La décision du 26 septembre 2016, mentionnée à l'article précédent est annulée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions du centre hospitalier de Montluçon relatives aux frais non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et au centre hospitalier de Montluçon.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme D... A..., présidente de chambre,

Mme G..., présidente-assesseure,

M. Pierre Thierry, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 juillet 2020.

No 18LY011112


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY01111
Date de la décision : 09/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-09-03-01 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Motifs. Faits de nature à justifier une sanction.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Pierre THIERRY
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : RONCOLATO ET ASSOCIES - SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-07-09;18ly01111 ?
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