Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le Centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) Grenoble Alpes à lui verser la somme de 1 930,88 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2014, en paiement d'une somme injustement retenue, selon elle, par son employeur à la suite de son licenciement ainsi qu'à lui verser la somme de 936,30 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2014, en paiement d'une indemnité compensatrice au titre des congés payés non pris sur l'année universitaire 2010/2011.
Par jugement n° 1603446 lu le 22 janvier 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par requête enregistrée le 21 mars 2019, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 janvier 2019 ;
2°) de condamner le CROUS à lui verser les sommes de 1 930,88 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2014 et de 936,30 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a à tort retenu que sa requête était irrecevable ; sa demande n'est pas de nature exclusivement pécuniaire ;
- son employeur a indûment retenu une somme de 705,89 euros sur son traitement du mois de mars 2014 et de 1 224,99 euros sur son indemnité de licenciement payée en fin de contrat ;
- elle a droit au paiement de la somme de 936,30 euros au titre des congés payés non pris sur l'année universitaire 2010/2011 en application des dispositions de l'article 10 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986.
Par mémoire enregistré le 26 juin 2019, le CROUS Grenoble Alpes, représenté par Me E..., demande à la cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de Mme D... une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la demande de première instance a été rejetée à bon droit comme irrecevable ;
- la retenue de 1 930,88 euros net correspondait aux indus versés à Mme D... en matière de traitement ;
- l'indemnisation pour congés non pris n'est pas due dès lors qu'il lui revenait de prendre ces congés dans un délai de quinze mois.
La clôture de l'instruction a été fixée au 13 février 2020, par ordonnance du 14 janvier 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ;
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'État pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rémy-Néris, premier conseiller,
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public,
- les observations de Me A..., pour Mme D... ainsi que celles de Me E... pour le CROUS Grenoble Alpes ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., employée en qualité d'agent contractuel par le CROUS Grenoble Alpes, a été licenciée au 15 mai 2014, par décision du 29 avril 2014 lui allouant une indemnité de licenciement de 8 403,75 euros en vertu des dispositions des articles 53 à 56 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986. Mme D... ayant demandé des explications sur cette indemnité, le directeur de l'établissement lui a détaillé, par courrier du 11 juin 2014, les modalités de sa liquidation. Mme D... qui soutient qu'une retenue a été indûment pratiquée sur son indemnité qui, en outre, devrait comprendre 936,30 euros de compensation de congés payés non pris, relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de versement de ces sommes.
Sur le motif d'irrecevabilité retenu par le tribunal :
2. D'une part, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable qui, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. Cette règle, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs à des recours excessivement tardifs.
3. D'autre part, ces principes trouvent à s'appliquer aux litiges de plein contentieux nés de l'exécution de décisions individuelles à objet pécuniaire, c'est-à-dire de décisions statuant sur une créance qui trouve sa cause dans l'application des textes législatifs et réglementaires. En pareille hypothèse, l'expiration du délai permettant d'introduire un recours en annulation contre ladite décision fait obstacle à ce que soient présentées des conclusions indemnitaires ayant la même portée qu'une demande d'annulation.
4. Or, il résulte de l'instruction que par décision du 29 avril 2014, le directeur du CROUS Grenoble Alpes a alloué à Mme D... une indemnité de licenciement liquidée en application des dispositions du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986. Mme D... aurait été recevable à contester cette décision dans un délai raisonnable, faute de preuve d'une notification complète, en tant qu'elle ne comportait pas les sommes dont elle demande désormais le versement en invoquant la méconnaissance des textes législatifs ou réglementaires définissant les droits des agents non titulaires de l'État et de ses établissements publics. Cette décision qui avait un objet exclusivement pécuniaire, est devenue définitive, faute de circonstances particulières, par l'effet de l'épuisement de ce délai de recours décompté depuis le 1er août 2014, date d'enregistrement du référé provision engagé par Mme D.... Celle-ci n'était donc plus recevable, ainsi que l'a jugé le tribunal, à demander que lui soient versées les deux sommes non comprises dans l'indemnité de licenciement en engageant un recours de plein contentieux qui aurait les mêmes effets qu'une annulation partielle de la décision du 29 avril 2014.
5. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté comme tardive sa demande de condamnation du CROUS Grenoble Alpes. Les conclusions de sa requête tendant aux mêmes fins doivent, par suite, être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CROUS Grenoble Alpes, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme D... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D... le versement de la somme que le CROUS Grenoble Alpes demande au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le CROUS Grenoble Alpes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au CROUS Grenoble Alpes.
Délibéré après l'audience du 15 juin 2020 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre,
M. Seillet, président assesseur,
Mme Rémy-Néris, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 juillet 2020.
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N° 19LY01082