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06/07/2020 | FRANCE | N°19LY00484

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 06 juillet 2020, 19LY00484


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler les décisions des 4 mai 2015, du 7 avril 2016 et 8 juin 2016 par lesquelles le président de l'École normale supérieure (ENS) de Lyon ayant mis à sa charge le remboursement de la somme de 37 276,44 euros après révocation de son engagement de servir, ensemble la décision du 12 septembre 2016 rejetant son recours gracieux ;

- d'annuler le titre de perception émis le 20 juillet 2016 la constituant débitrice de 37 274,44 euro

s et de la décharger de l'obligation de payer cette somme.

Par jugement n° 1608157, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler les décisions des 4 mai 2015, du 7 avril 2016 et 8 juin 2016 par lesquelles le président de l'École normale supérieure (ENS) de Lyon ayant mis à sa charge le remboursement de la somme de 37 276,44 euros après révocation de son engagement de servir, ensemble la décision du 12 septembre 2016 rejetant son recours gracieux ;

- d'annuler le titre de perception émis le 20 juillet 2016 la constituant débitrice de 37 274,44 euros et de la décharger de l'obligation de payer cette somme.

Par jugement n° 1608157, 1608203 lu le 28 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a, dans ses articles 1er et 2, fait droit à la demande d'annulation du titre de perception de décharge de l'obligation de payer et, dans son article 3, rejeté le surplus des demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés les 5 février, 4 avril et 28 novembre 2019, Mme A..., représentée par Me Meyer-Bourdeau, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 3 du jugement lu le 28 novembre 2018 ;

2°) d'annuler les décisions des 4 mai 2015, 7 avril 2016, 8 juin 2016 et 12 septembre 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'ENS de Lyon une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les décisions en litige sont insuffisamment motivées et leur édiction méconnaît les principes des droits de la défense ;

- les décisions constatant la rupture de l'engagement décennal mis à sa charge sont entachées de violation de la loi et d'erreur manifeste d'appréciation ; ayant échoué à plusieurs reprises au concours de l'agrégation, seul concours auquel préparait l'ENS de Lyon, elle devait être regardée comme désengagée de son obligation de servir ; la rupture de l'engagement de servir ne saurait être caractérisé dès lors que celui-ci n'était pas précisé dans ses modalités ;

- l'engagement de servir mis à la charge des élèves pendant dix ans doit se justifier par une contrepartie réelle précisée dans les textes relatifs aux écoles concernées et consistant en l'assurance d'être recrutés dans le secteur public ;

- le jugement est entaché de contradictions puisqu'il relève à la fois que la formation délivrée à l'ENS de Lyon n'offrait pas aux élèves la garantie d'un emploi public alors que l'engagement de servir qui leur est imposé est d'assurer que les élèves fonctionnaires soient recrutés dans le secteur public ;

- les dispositions de l'article 35 du décret n° 87-696 du 26 août 1987 et de l'article 17-1 du décret n° 2012-715 du 7 mai 2012 sont illégales ;

- la décision du 12 septembre 2016 portant rejet de son recours gracieux est entachée d'incompétence de son auteur, d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas été précédée de la consultation de la commission de suivi de l'engagement décennal en méconnaissance de l'article 25-5 du règlement intérieur de l'ENS de Lyon ni de l'avis du conseil d'administration et de violation de la loi.

Par mémoires enregistrés les 18 juin et 23 décembre 2019 (non communiqué), l'ENS de Lyon, représentée par Me Duverneuil, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme A... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 30 décembre 2019 par ordonnance du 29 novembre 2019.

Une note en délibéré enregistrée le 16 juin 2020 a été présentée pour Mme A....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le décret n° 87-697 du 26 août 1987 relatif à l'École normale supérieure de Lyon ;

- le décret n° 2012-715 du 7 mai 2012 fixant les règles d'organisation et de fonctionnement de l'École normale supérieure de Lyon ;

- l'arrêté du 6 juin 2014 fixant les modalités de remboursement des sommes dues par les élèves et anciens élèves des écoles normales supérieures en cas de rupture de l'engagement décennal ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rémy-Néris, premier conseiller,

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public,

- les observations de Me Meier-Bourdeau pour Mme A..., ainsi que celles de Me Duverneuil pour l'ENS de Lyon ;

Considérant ce qui suit :

1. Élève de l'ENS de Lyon du 1er septembre 2007 au 31 août 2013 au sein du département langues, littérature et civilisations, Mme A... a contracté un engagement décennal de servir l'État, les collectivités territoriales, les établissements publics ou entreprises nationales en contrepartie d'une scolarité rémunérée. Ayant constaté qu'elle exerçait les fonctions d'auditeur financier auprès d'une société privée depuis 2013 en méconnaissance de son engagement, le président de l'ENS de Lyon l'a informée, le 4 mai 2015, qu'elle devrait rembourser les sommes perçues au cours de sa scolarité, puis, par décision du 7 avril 2016, il a rejeté la demande de dispense dont l'avait saisi l'intéressée. Par une nouvelle décision du 8 juin 2016, il lui a notifié sa rupture d'engagement décennal et a arrêté à 37 276,44 euros la somme à rembourser. Mme A... a présenté un recours gracieux contre ces décisions, rejeté par décision du 12 septembre 2016. Elle relève appel de l'article 3 du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté les demandes d'annulation des décisions des 4 mai 2015, 7 avril 2016, 8 juin 2016 et 12 septembre 2016.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Mme A... se borne à soutenir que les décisions en litige sont insuffisamment motivées et que leur édiction méconnait les principes des droits de la défense. Toutefois, et alors que le tribunal a écarté ces moyens, elle ne les assortit pas en appel des précisions suffisantes permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, ces moyens ne peuvent qu'être écartés.

En ce qui concerne la rupture de l'engagement décennal :

3. Aux termes de l'article 36 du décret du 26 août 1987 susvisé : " Les élèves sont tenus d'exercer une activité professionnelle dans les services de l'État, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics ou des entreprises nationales, durant dix ans comptés à partir de leur entrée à l'école (...) / En cas de méconnaissance de cette obligation, les traitements perçus doivent être remboursés, sous réserve de remise totale ou partielle (...) ". Aux termes de l'article 17-1 du décret du 7 mai 2012 susvisé, applicable à la date des décisions contestées : " Les élèves fonctionnaires stagiaires sont tenus d'exercer une activité professionnelle durant dix ans comptés à partir de leur entrée à l'école : 1° Dans les services d'un État membre de l'Union européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen, de leurs collectivités territoriales ou de leurs groupements, ou de leurs établissements publics ; ou 2° Dans une entreprise du secteur public d'un État visé au 1° ; ou 3° Dans les services de l'Union européenne ou d'une organisation internationale gouvernementale ; ou 4° Dans une institution d'enseignement supérieur ou de recherche. / (...) / En cas de méconnaissance de cette obligation, les traitements perçus doivent être remboursés, sous réserve de remise totale ou partielle accordée par le président de l'école, dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur " Enfin aux termes de l'article 1er de cet arrêté pris le 6 juin 2014 : " L'obligation d'exercer une activité professionnelle durant dix ans comptés à partir de l'entrée dans une école normale supérieure (...) s'impose pour chaque élève. Un élève ou ancien élève d'une école normale supérieure peut être dégagé de manière anticipée de l'engagement décennal dans deux cas : 1° Pour un élève, suite à un arrêt volontaire de la scolarité, ou suite à une exclusion définitive (...) 2° Pour un ancien élève, après sa sortie d'une école ", aux termes de l'article 5 du même arrêté : " Un élève ou un ancien élève peut présenter (...) une demande de dispense totale ou partielle de l'obligation de remboursement (...) le président de l'école statue sur cette demande après avis du conseil d'administration de l'établissement (...) ".

4. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions, d'une part, que l'engagement décennal auquel souscrivent les étudiants de l'ENS trouve sa contrepartie dans la rémunération qui leur est servie dès leur intégration pour suivre une formation universitaire, non professionnelle, les plaçant dans des conditions particulièrement favorables pour présenter les concours d'accès de leur choix à la fonction publique nationale ou européenne, d'autre part, que la rupture de l'engagement expose au remboursement des traitements perçus sans égard à la cause de cette rupture, sauf remise totale ou partielle soumise à la production d'éléments personnels justifiant qu'elle soit prononcée.

5. Mme A... ayant exercé une activité salariée au sein d'une entreprise privée et n'ayant pas servi dans l'une des institutions publiques visées par les dispositions citées au point 2, le président de l'ENS de Lyon ne pouvait que constater la rupture de l'engagement décennal. Si les textes applicables à l'établissement ne garantissent pas d'accès à un emploi public à l'issue de la scolarité - contrairement à d'autres écoles de l'État qui, contrairement à l'ENS, dispensent une formation à finalité professionnelle - ils ne limitent pas la nature ou le niveau des concours de recrutement ouverts aux anciens élèves qui, ainsi qu'il est dit au point 4, loin d'être défavorisés par l'obligation de réussir, bénéficient pour les préparer d'un avantage matériel sur les étudiants issus des autres filières de l'enseignement supérieur. Dès lors et comme l'a relevé le tribunal sans entacher son jugement de contradiction, les échecs successifs de Mme A... à l'unique concours qu'elle a présenté ne pouvaient la délier de l'obligation qu'elle avait librement contractée et sont sans incidence sur la légalité des décisions en litige.

6. En outre, si l'appelante excipe de l'illégalité des dispositions de l'article 35 du décret n° 87-696 visé par l'engagement pris le 12 juillet 2007, dont les termes sont identiques à ceux de l'article 35 du décret n° 87-697 applicable à cette date et de l'article 17-1 décret n° 2012-715 du 7 mai 2012 précités, elle ne précise pas à quelles dispositions législatives ou principe général du droit ces dispositions seraient contraires. Par suite, ce moyen doit être écarté.

En ce qui concerne le refus de dispense de remboursement :

7. Aux termes de l'article 25-5 du règlement intérieur de l'ENS de Lyon : " (...) Un ancien élève en situation de rupture d'engagement décennal peut présenter, dossier à l'appui, une demande de dispense totale ou partielle de l'obligation de remboursement au président de l'ENS de Lyon. / Le cas échéant, la commission de suivi de l'engagement décennal formule une recommandation transmise au conseil d'administration qui émet un avis simple en considération duquel le président de l'ENS de Lyon statue ".

8. D'une part, il résulte des termes mêmes de ces dispositions que la procédure de consultation n'est applicable qu'à la décision du 7 avril 2016 par laquelle le président de l'établissement a statué sur la demande de dispense présentée par Mme A..., non à l'examen du recours gracieux qui, en outre, relève toujours de la compétence du président de l'école, autorité qui a pris la décision dont il est demandé le retrait. Par suite, les moyens, soulevés à l'encontre de la décision du 12 septembre 2016, tirés de l'incompétence de son auteur et de l'existence d'un vice de procédure, doivent être écartés.

9. D'autre part, alors que Mme A... n'a pas présenté d'éléments nouveaux, concernant notamment d'éventuelles difficultés financières à s'acquitter de la somme mise à sa charge, le président de l'ENS de Lyon a pu, sans entacher sa décision d'illégalité, rejeter son recours gracieux.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 3 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes d'annulation des décisions des 4 mai 2015, 7 avril 2016, 8 juin 2016 et 12 septembre 2016 prises à son encontre.

Sur les frais liés au litige :

11. Il résulte de ce qui vient d'être énoncé que les conclusions présentées par Mme A... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il n'y a lieu pas, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... une somme à verser à l'ENS de Lyon au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'ENS de Lyon au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à l'École Normale Supérieure de Lyon.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2020 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président,

Mme Rémy-Néris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 juillet 2020.

2

N° 19LY00484


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00484
Date de la décision : 06/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-11-005 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Obligations des fonctionnaires. Engagement de servir l'État.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : SCP MEIER-BOURDEAU LÉCUYER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-07-06;19ly00484 ?
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