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02/07/2020 | FRANCE | N°19LY04578

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 02 juillet 2020, 19LY04578


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 17 juillet 2019 par lesquelles le préfet de l'Ardèche lui a refusé le séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai et l'a astreint à se présenter une fois par semaine aux services de gendarmerie.

Par un jugement n° 1906482 du 19 novembre 2019, le tribunal administratif de Lyon

a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 12 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 17 juillet 2019 par lesquelles le préfet de l'Ardèche lui a refusé le séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai et l'a astreint à se présenter une fois par semaine aux services de gendarmerie.

Par un jugement n° 1906482 du 19 novembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2019, le préfet de l'Ardèche demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 19 novembre 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Lyon.

Il soutient que :

- M. A..., qui n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident son frère, son oncle et sa tante, ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire, enregistré le 28 février 2020, M. A..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire à l'annulation des décisions en litige et qu'il soit enjoint au préfet de l'Ardèche de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte, et demande à la cour de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 mars 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Josserand-Jaillet, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant malien né le 15 juillet 2001, est arrivé sur le territoire national en août 2017, alors qu'il était encore mineur. Le 17 octobre 2017, il a été confié à l'aide sociale à l'enfance. Par un arrêté du 17 juillet 2019, le préfet de l'Ardèche a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, l'a astreint à se présenter hebdomadairement aux services de gendarmerie et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai. Le préfet de l'Ardèche relève appel du jugement du 19 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".

3. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Disposant d'un large pouvoir d'appréciation, il doit ensuite prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'il a portée.

4. Pour annuler l'arrêté contesté, les premiers juges ont estimé qu'il était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., confié à l'aide sociale à l'enfance alors qu'il était âgé de seize ans, a suivi peu après son placement une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle en maçonnerie, qu'il a obtenue en 2019 et complétée pour l'année scolaire 2019-2020, postérieurement à l'arrêté en litige, par son inscription à un second certificat d'aptitude professionnelle de plâtrier-plaquiste. Son implication, sa motivation et son assiduité dans ses études ont été soulignées par ses évaluateurs aux termes de l'avis rendu le 11 mars 2019 par la structure d'accueil. Si le préfet de l'Ardèche fait valoir que l'intéressé, à qui il ne peut, dans l'appréciation de sa situation globale qu'il lui appartient de porter, reprocher d'avoir laissé son frère dans la situation familiale difficile que M. A... soutient sans être contredit avoir fui, conserve des attaches familiales par la présence de ce frère et de son oncle et sa tante au Mali, aucune pièce du dossier ne révèle qu'il entretient des liens avec ceux-ci. Dans ces conditions propres à l'espèce, le préfet de l'Ardèche n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté en litige, le tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont il est entaché au regard des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Il résulte de ce qui précède que la requête du préfet de l'Ardèche doit être rejetée.

Sur les conclusions de M. A... tendant au prononcé d'une injonction sous astreinte :

7. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. (...) ". Aux termes de l'article R. 921-5 du même code : " Le président de la cour administrative d'appel ou du tribunal administratif saisi d'une demande d'exécution sur le fondement de l'article L. 911-44, ou le rapporteur désigné à cette fin, accomplissent toutes diligences qu'ils jugent utiles pour assurer l'exécution de la décision juridictionnelle qui fait l'objet de la demande. " L'article R. 921-6 dispose que : " Dans le cas où le président estime nécessaire de prescrire des mesures d'exécution par voie juridictionnelle, et notamment de prononcer une astreinte, ou lorsque le demandeur le sollicite dans le mois qui suit la notification du classement décidé en vertu du dernier alinéa de l'article précédent et, en tout état de cause, à l'expiration d'un délai de six mois à compter de sa saisine, le président de la cour ou du tribunal ouvre par ordonnance une procédure juridictionnelle. Toutefois, à l'expiration de ce délai de six mois, lorsque le président estime que les diligences accomplies sont susceptibles de permettre, à court terme, l'exécution de la décision, il informe le demandeur que la procédure juridictionnelle ne sera ouverte, le cas échéant, qu'à l'expiration d'un délai supplémentaire de quatre mois. Cette ordonnance n'est pas susceptible de recours. L'affaire est instruite et jugée d'urgence. Lorsqu'elle prononce une astreinte, la formation de jugement en fixe la date d'effet. "

8. Par le jugement du 19 novembre 2019, confirmé par le présent arrêt, le tribunal administratif de Lyon a, d'une part, annulé l'arrêté en date du 17 juillet 2019 par lequel le préfet de l'Ardèche a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, l'a astreint à se présenter hebdomadairement aux services de gendarmerie et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai, d'autre part, enjoint au préfet de l'Ardèche de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " salarié " dans un délai de deux mois suivant la notification.

9. M. A... n'est pas recevable à demander, à titre reconventionnel et subsidiaire, que la cour enjoigne sous astreinte au préfet de l'Ardèche d'exécuter le jugement rendu à son profit dans le cadre de l'appel introduit par cette autorité contre les décisions litigieuses. Ces conclusions ne peuvent ainsi être accueillies dans la présente instance.

Sur les conclusions relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. (...) ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. "

11. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros à verser à Me B..., conseil de M. A..., en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'État à sa mission d'aide juridictionnelle.

DÉCIDE:

Article 1er : La requête du préfet de l'Ardèche est rejetée.

Article 2 : L'État versera à Me B... la somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... A....

Copie en sera adressée au préfet de l'Ardèche.

Délibéré après l'audience du 5 juin 2020, à laquelle siégeaient :

M. Josserand-Jaillet, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Burnichon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 juillet 2020.

N° 19LY04578

lc


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur ?: M. Daniel JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : ALBERTIN

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Date de la décision : 02/07/2020
Date de l'import : 28/07/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19LY04578
Numéro NOR : CETATEXT000042114771 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-07-02;19ly04578 ?
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