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02/07/2020 | FRANCE | N°19LY03320

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 02 juillet 2020, 19LY03320


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 10 janvier 2019 du préfet de l'Allier portant refus de délivrance d'un titre de séjour assorti de l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant un pays de destination.

Par jugement n° 1900783 lu le 2 juillet 2019, le tribunal administratif de Clermont -Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 19 août 2019, pr

sentée pour M. A..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1900783 du trib...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 10 janvier 2019 du préfet de l'Allier portant refus de délivrance d'un titre de séjour assorti de l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant un pays de destination.

Par jugement n° 1900783 lu le 2 juillet 2019, le tribunal administratif de Clermont -Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 19 août 2019, présentée pour M. A..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1900783 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 2 juillet 2019 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas statué sur le moyen tiré de ce que les décisions de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français sont entachées d'un détournement de pouvoir ;

- le refus de titre de séjour est entaché d'un détournement de pouvoir dès lors que le préfet n'a pas statué sur le séjour dans le dispositif de la décision, alors même qu'il a motivé le refus dans le corps de celle-ci ; la décision est insuffisamment motivée et est intervenue au terme d'une procédure irrégulière à défaut de saisine de la commission du titre de séjour ; le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence en n'examinant pas la demande au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le refus de séjour méconnaît l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article L. 313-11 (7°) du même code et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un détournement de pouvoir dès lors que le préfet n'a pas statué sur le séjour dans le dispositif de la décision, alors même qu'il a motivé le refus dans le corps de celle-ci ; la décision est insuffisamment motivée et est intervenue au terme d'une procédure irrégulière à défaut de saisine de la commission du titre de séjour ; le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence en n'examinant pas la demande au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la décision méconnaît l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article L. 313-11 (7°) du même code et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son droit à une vie privée et familiale ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée.

Par mémoire enregistré le 22 octobre 2019, le préfet de l'Allier conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 juillet 2019 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Seillet, président assesseur, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité guinéenne, qui affirme être né le 17 février 2002 à Conakry (Guinée Conakry) et serait, selon ses déclarations, entré irrégulièrement en France en mai 2018, a fait l'objet, le 18 juillet 2018, d'un jugement en assistance éducative par le juge des enfants du tribunal de grande instance de Moulins et a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance, en raison de sa situation de mineur non accompagné, mesure renouvelée par un nouveau jugement du 20 novembre 2018 et un arrêt de la chambre des mineurs de la cour d'appel de Riom du 19 mars 2019. Par un arrêté du 10 janvier 2019, le préfet de l'Allier lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Devant le tribunal administratif, M. A... a soulevé un moyen tiré du détournement de pouvoir dont seraient entachées les décisions de refus de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français. Le tribunal a omis de répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant. Dès lors, en tant qu'il statue sur les conclusions de M. A... dirigées le refus de séjour et contre l'obligation de quitter le territoire français le jugement attaqué est irrégulier et doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand dirigées contre le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français et de statuer au titre de l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de la requête.

Sur la légalité du refus de séjour :

4. En premier lieu, la décision de refus de titre de séjour comporte les considérations de droit et de fait qui la motivent. Dès lors le moyen tiré d'une insuffisante motivation doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée (...) à l'étranger (...) dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".

6. Il ressort des termes mêmes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de ce qu'il appartient à l'étranger de faire valoir les motifs exceptionnels justifiant que lui soit octroyé un titre de séjour, que le législateur n'a pas entendu imposer à l'administration, saisie d'une demande d'une carte de séjour, quel qu'en soit le fondement, d'examiner d'office si l'étranger remplit les conditions prévues par cet article. Il en résulte qu'un étranger ne peut pas utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre d'un refus opposé à une demande de titre de séjour qui n'a pas été présentée sur le fondement de cet article. Dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... ait entendu se prévaloir d'une telle admission, le préfet de l'Allier n'était pas tenu de l'examiner d'office au regard de l'article L. 313-14 de ce code. Par suite, contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet, en n'ayant pas examiné sa demande à ce titre, n'a pas méconnu sa compétence ni méconnu ces dispositions.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel (...), la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix -huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier, que le refus de séjour en litige est fondé sur l'absence de force probante des documents d'état civil produits par M. A... pour justifier sa minorité lors de son entrée en France, et sur le fait qu'il ne justifiait pas suivre depuis six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Il en ressort également qu'à la date de la décision en litige M. A... n'était inscrit dans une formation en vue d'obtenir un CAP de cuisine que depuis le 12 novembre 2018, après avoir suivi un stage de deux mois à compter du 6 septembre 2018 et qu'il ne remplissait donc pas la condition tenant au suivi depuis au moins six mois d'une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Ce motif était de nature, à lui seul, à fonder le refus de séjour en litige et il résulte de l'instruction que le préfet aurait dû prendre la même décision s'il s'était fondé sur ce seul motif. Dès lors, en dépit de la circonstance que M. A... soutient que, contrairement aux conclusions de l'analyse documentaire produite par le préfet, les documents d'état civil qu'il a présentés, attestant de sa minorité lors de son placement auprès des services de l'aide à l'enfance, ne sont pas irréguliers, le préfet de l'Allier n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur ce fondement.

9. En quatrième lieu, eu égard aux conditions de l'entrée et du séjour en France de M. A..., célibataire sans enfant qui n'était présent sur le territoire français que depuis un peu plus de huit mois à la date de la décision de refus de titre de séjour en litige, et en dépit des liens amicaux qu'il a pu y tisser et de sa volonté de s'insérer professionnellement, le moyen tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour méconnaîtrait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. En cinquième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 9, M. A... ne remplissait pas les conditions prévues au 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour bénéficier d'un titre de séjour. Par suite, le préfet de l'Allier n'était pas tenu de consulter la commission départementale du titre de séjour avant de refuser à l'intéressé la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur ce fondement. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que, par l'arrêté préfectoral en litige, " portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ", le préfet de l'Allier a bien refusé de délivrer un titre de séjour à M. A..., pour les motifs de fait et de droit que comporte ledit arrêté, en dépit de la circonstance que le dispositif de l'arrêté ne comporte pas d'article spécifique sur ce point. Dès lors le moyen tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour serait entachée d'un détournement de pouvoir, à défaut pour le préfet de l'Allier d'avoir statué sur ce point dans l'arrêté contesté, doit être écarté.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

12. En premier lieu, si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré, la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle par laquelle le préfet refuse le séjour. Par une décision motivée du 10 janvier 2019, le préfet de l'Allier a refusé la délivrance d'un titre de séjour à M. A.... Par suite le moyen tiré du défaut de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

13. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux précédemment énoncés dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de séjour, les moyens soulevés contre l'obligation de quitter le territoire français, tirés du défaut d'examen de la demande d'admission exceptionnelle au séjour, de la méconnaissance des articles L. 312-2, L. 313-11 (7°) et L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du détournement de pouvoir, ne peuvent qu'être écartés.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

14. Il ressort de la lecture de l'arrêté en litige qui, après avoir visé les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionné la nationalité guinéenne de M. A..., indique notamment qu'il a été procédé à un examen approfondi du dossier de M. A... et qu'il en est résulté que cet acte ne contrevenait pas aux dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que la décision fixant le pays de destination est suffisamment motivée.

15. Il résulte de ce qui précède que M. A..., d'une part, n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions du 10 janvier 2019 par lesquelles le préfet de l'Allier lui a refusé la délivrance de ce titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et, d'autre part, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre la décision du même jour par laquelle le préfet a fixé le pays de destination. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de son conseil aux fins d'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1900783 du 2 juillet 2019 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de la demande de M. A... dirigées contre les décisions du 10 janvier 2019 par lesquelles le préfet de l'Allier lui a refusé la délivrance de ce titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Article 2 : Les conclusions de la demande de M. A... devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand dirigées contre les décisions du 10 janvier 2019 par lesquelles le préfet de l'Allier lui a refusé la délivrance de ce titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et le surplus des conclusions de la requête de M. A... sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Allier.

Délibéré après l'audience du 5 juin 2020 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Burnichon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 juillet 2020.

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N° 19LY03320

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03320
Date de la décision : 02/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : HABILES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-07-02;19ly03320 ?
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