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02/07/2020 | FRANCE | N°18LY03478

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 02 juillet 2020, 18LY03478


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Degerly a demandé au tribunal administratif de Lyon de lui accorder la décharge de la cotisation supplémentaires d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2012, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée dont elle a été déclarée redevable au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012 et des pénalités correspondantes ;

Par un jugement n°1600714 du 10 juillet 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa dema

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Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 septembre 2018, la SAR...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Degerly a demandé au tribunal administratif de Lyon de lui accorder la décharge de la cotisation supplémentaires d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2012, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée dont elle a été déclarée redevable au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012 et des pénalités correspondantes ;

Par un jugement n°1600714 du 10 juillet 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 septembre 2018, la SARL Degerly demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 10 juillet 2018 ;

2°) de lui accorder la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée, notamment en ce que les procès-verbaux d'audition n'ont pas été joints à la proposition de rectification et en ce qu'elle n'est pas justifiée par des éléments tirés de la comptabilité ;

- elle a été privée d'un débat oral et contradictoire au cours de la vérification ;

- la décision de rejet de la réclamation est insuffisamment motivée et a été prise par une autorité incompétente ;

- la procédure est irrégulière en ce que l'administration a refusé de faire droit à sa demande de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

- l'administration a méconnu le principe de loyauté ;

- la décision de rejet de la réclamation est insuffisamment motivée et a été prise par une autorité incompétente ;

- les factures litigieuses ne sont pas fictives ;

- la majoration de 80 % pour manoeuvre frauduleuse n'est pas justifiée ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par La SARL Degerly n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Savouré, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Degerly, qui exerce une activité de plâtrerie, peinture et ravalement de façades, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2012. Estimant que cette société faisait partie d'un réseau frauduleux au sein duquel des fausses factures étaient émises par des entreprises de bâtiment créées à cet effet ou ayant cessé leur activité mais dont le compte bancaire était encore actif, le vérificateur a fait usage de son droit de communication auprès du ministère public et de l'autorité judiciaire en application des articles L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales. Au regard de ces éléments, l'administration a estimé que deux sous-traitants, la SASU Arazi et la SARL Kigi bat, n'avaient pas d'activité réelle et a, par conséquent, rejeté comme fictives les factures émises par ces sociétés. A l'issue de cette procédure, la SARL Degerly a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2012 et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012, notifiés selon la procédure contradictoire, assortis de majorations pour manoeuvre frauduleuse. La SARL Degerly interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande de décharge de ces impositions.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

3. Aux termes de l'article L. 76 B du même livre : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. " L'obligation faite par l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales à l'administration fiscale d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements qu'elle a utilisés pour procéder à des rectifications a pour objet de permettre à celui-ci, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, afin qu'il puisse vérifier l'authenticité de ces documents et en discuter la teneur ou la portée.

4. La proposition de rectification du 13 juin 2014, adressée à la SARL Degerly, indiquait qu'elle portait sur l'impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée et mentionnait les exercices et la période concernés. L'administration a exposé les raisons pour lesquelles elle estimait que les factures litigieuses étaient fictives. La circonstance que les rectifications soient basées sur les éléments obtenus à la suite de l'usage du droit de communication et non directement sur la base d'éléments obtenus au cours de la vérification de comptabilité est sans incidence sur le caractère suffisant de la motivation. La circonstance que, pour appuyer sa démonstration, le vérificateur ait invoqué le défaut de respect du code du travail ne peut pas davantage s'analyser comme une insuffisance de motivation. Enfin, si la société requérante fait valoir qu'elle n'a été informée des documents obtenus dans le cadre du droit de communication que lorsque la proposition de rectification lui a été notifiée et que ces documents ne lui ont été communiqués que dans le cadre de la réponse aux observations du contribuable, cette circonstance n'est pas non plus de nature à regarder la proposition de rectification comme insuffisamment motivée, alors au demeurant que, ce faisant, l'administration n'a fait qu'appliquer la règle issue de l'article L. 76 B précité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales doit être écarté.

5. En deuxième lieu, si, eu égard aux garanties dont le livre des procédures fiscales entoure la mise en oeuvre d'une vérification de comptabilité, l'administration est tenue, lorsque, faisant usage de son droit de communication, elle consulte au cours d'une vérification tout ou partie de la comptabilité tenue par l'entreprise vérifiée mais se trouvant chez un tiers, de soumettre l'examen des pièces obtenues à un débat oral et contradictoire avec le contribuable, il n'en est pas de même lorsque lui sont communiqués des documents ne présentant pas le caractère de pièces comptables de l'entreprise vérifiée.

6. La SARL Degerly fait valoir que les rectifications sont fondées sur les procès-verbaux d'audition qui n'ont pas été soumises au débat oral et contradictoire et qu'elle n'en a obtenu communication, sur sa demande, que lors de la réception de la réponse aux observations du contribuable. Toutefois, comme elle l'admet elle-même, ces procès-verbaux ne constituent pas des pièces comptables, de sorte qu'elles n'avaient pas à être soumises au débat oral et contradictoire au cours de la vérification de comptabilité. Au demeurant, et alors que la vérification de comptabilité a donné lieu à six interventions dans les locaux de la société, l'administration a demandé au cours de la quatrième d'entre elles, qui s'est déroulée le 29 janvier 2014, de justifier les travaux de sous-traitance qui ont donné lieu aux factures en litige et a ensuite demandé par courrier la fourniture de justificatifs sur ce point pour la réunion suivante. Ainsi, elle n'est pas fondée à soutenir que l'administration n'aurait pas respecté les règles du débat oral et contradictoire au cours de la vérification de comptabilité.

7. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que l'administration a communiqué l'intégralité des documents obtenus de tiers et qui ont servi à fonder les impositions litigieuses. La circonstance que certains documents obtenus dans le cadre du droit de communication n'aient pas été communiqués à la contribuable alors qu'ils lui étaient favorables n'est constitutif d'aucune irrégularité dès lors qu'ils n'ont pas servi à fonder les rectifications en litige.

8. En quatrième lieu, le principe général des droits de la défense, invoqué par la contribuable, n'a pas été méconnu dès lors que l'administration a mis en oeuvre la procédure de redressement contradictoire, dont il ne résulte pas de l'instruction que les règles, issues des articles L. 55 à L. 61 B du livre des procédures fiscales, aient été méconnues. L'administration, dont la procédure n'est pas irrégulière, ne peut pas davantage, en tout état de cause, être regardée comme ayant manqué de loyauté vis-à-vis de la contribuable.

9. En cinquième lieu, les irrégularités susceptibles d'affecter la décision de rejet de la réclamation préalable sont sans incidence sur l'issue du litige.

10. En sixième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales doit être écarté, par adoption des motifs des premiers juges.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

11. La SARL Degerly soutient que les factures litigieuses n'étaient pas fictives et qu'elle était ainsi en droit, d'une part, de les déduire de ses résultats imposables et, d'autre part, de déduire la taxe sur la valeur ajoutée correspondante. Toutefois, il y a lieu d'écarter ces moyens, par adoption des motifs des premiers juges tels qu'ils résultent des points 10 à 13 de leur jugement.

Sur les majorations :

12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) ".

13. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la SARL Degerly a profité d'un montage par lequel elle confiait des prestations de sous-traitance à des entreprises ne disposant pas des moyens humains et matériels pour les réaliser et dont le seul but était d'établir des fausses factures dont elle déduisait le montant de ses résultats et dont elle déduisait également la taxe sur la valeur ajoutée correspondante. Les sommes versées en rémunération de ces factures étaient ensuite rétrocédées pour leur plus grande part à la SARL Degerly. Cette opération, qui avait notamment pour objet de rendre plus difficile le contrôle de l'administration, est constitutive de manoeuvres frauduleuses, de nature à justifier, en application de l'article 1729 du code général des impôts, une majoration de 80 % à raison de ces factures fictives.

14. En second lieu, la société requérante n'est fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ni du paragraphe 87 de l'instruction 13 N-1-07 du 19 février 2007, ni des paragraphes 30 et 60 de la doctrine BOI-CF-INF-10-20-20 du 12 septembre 2012, qui ne donnent pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il est fait application dans le présent jugement.

15. Il résulte de ce qui précède que La SARL Degerly n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de La SARL Degerly est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à La SARL Degerly et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 11 juin 2020 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme A..., présidente-assesseure,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 juillet 2020.

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N° 18LY03478

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY03478
Date de la décision : 02/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

19-01-03-01 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Contrôle fiscal.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. Bertrand SAVOURE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : LICHTENSTERN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-07-02;18ly03478 ?
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