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02/07/2020 | FRANCE | N°17LY02613

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 02 juillet 2020, 17LY02613


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Bouygues Travaux Publics Régions France, a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le département de la Haute-Savoie à lui verser la somme de 1 667 362,92 euros HT outre intérêts moratoires à compter du 28 mai 2010, capitalisés au 28 mai 2011, en paiement du solde du marché de travaux de réparation du pont de la Caille. Le département de la Haute-Savoie demandait pour sa part au tribunal de condamner la société Bouygues Travaux Publics Régions France à lui verser la somm

e de 36 019,08 euros TTC en paiement du solde du marché.

Par un jugement n° 14...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Bouygues Travaux Publics Régions France, a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le département de la Haute-Savoie à lui verser la somme de 1 667 362,92 euros HT outre intérêts moratoires à compter du 28 mai 2010, capitalisés au 28 mai 2011, en paiement du solde du marché de travaux de réparation du pont de la Caille. Le département de la Haute-Savoie demandait pour sa part au tribunal de condamner la société Bouygues Travaux Publics Régions France à lui verser la somme de 36 019,08 euros TTC en paiement du solde du marché.

Par un jugement n° 1402945 du 9 mai 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la requête de la société Bouygues Travaux Publics Régions France, condamné cette société à verser au département de la Haute-Savoie la somme de 36 019,08 euros TTC et mis les frais et honoraires d'expertise, liquidés à la somme de 18 462,58 euros TTC à la charge définitive de la société Bouygues Travaux Publics Régions France.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 3 juillet 2017 et un mémoire complémentaire enregistré le 5 décembre 2017, ainsi qu'un mémoire enregistré le 29 novembre 2018, la société Bouygues Travaux Publics Régions France, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 mai 2017 ;

2°) de condamner le département de la Haute-Savoie à lui verser la somme de 1 667 362,92 euros HT outre intérêts moratoires à compter du 28 mai 2010, capitalisés au 28 mai 2011 ;

3°) de condamner le département de la Haute-Savoie à lui verser la somme de 18 462,58 euros TTC au titre de frais d'expertise qu'elle a supportés, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2013 ;

4°) de mettre à la charge du département de la Haute-Savoie une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a omis de répondre à plusieurs de ses moyens ;

- elle justifie la somme demandée au titre de l'hydro-démolition des hourdis ;

- le maître d'ouvrage ne conteste pas avoir accepté la modification concernant la reconstruction des hourdis même si aucun ordre de service n'a été établi ;

- la construction de la dalle tirant a été perturbée par la géométrie réelle découverte en cours d'exécution des travaux ;

- la présence de fers doux filants dans les encorbellements à démolir ne constitue pas une sujétion d'exécution dès lors que le département lui a communiqué des plans, sans indiquer la présence de fers doux filants et sans mentionner la possibilité que ces plans soient erronés ;

- elle justifie de façon suffisamment précise sa demande concernant les travaux de modification du projet de dalle tirant concernant les études complémentaires et les moyens mis en oeuvre ;

- elle justifie le complément de rémunération demandé au titre des travaux de démolition d'un massif béton sur la culée Allonzier ;

- les préjudices ayant résulté d'une période de préparation anticipée et des carences du maître de l'ouvrage doivent être indemnisés à hauteur de 196 017,50 euros ;

- l'allongement de la durée d'exécution des travaux doit être indemnisée et le décompte général du marché n'était pas devenu définitif ;

- les frais de siège liés à l'allongement du planning doivent être indemnisés à hauteur de 61 998,62 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 septembre 2018, le département de la Haute-Savoie, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la société Bouygues Travaux Publics Régions France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Le département de la Haute-Savoie a produit un mémoire, enregistré le 13 décembre 2018, qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables (CCAG) aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de Mme E...,

- et les observations de Me D..., pour la société Bouygues Travaux Publics Régions France et celles de Me A..., pour le département de la Haute-Savoie ;

Considérant ce qui suit :

1. Le département de la Haute-Savoie a, le 23 décembre 2008, confié à la société DV Construction un marché de travaux pour la réparation de la structure du pont de la Caille sur la route départementale 1201, sous maîtrise d'oeuvre de la société GETEC. La Société Bouygues Travaux Publics Régions France, venant aux droits de la société DV Construction, relève appel du jugement du 9 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département de la Haute-Savoie à lui verser la somme de 1 667 362,92 euros HT outre intérêts moratoires à compter du 28 mai 2010, capitalisés au 28 mai 2011, en paiement du solde du marché de travaux de réparation du pont.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement à ce que soutient la société requérante il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que les premiers juges ont répondu, aux points 16 à 18 et 26 du jugement, aux moyens relatifs à l'accélération mise en oeuvre pour une fin des travaux au 15 décembre 2009, à la rémunération sur les prix nouveaux présentés en cours de chantier et au déficit de trésorerie. Le moyen tiré de l'omission à statuer sur ces moyens doit donc être écarté.

Sur le décompte général du marché :

3. D'une part, le titulaire d'un marché à prix global et forfaitaire a droit au paiement, par le maître d'ouvrage, des prestations non prévues par le marché initial, qui lui ont été commandées, ainsi qu'à l'indemnisation des travaux supplémentaires, réalisés sans ordre de service, à la condition toutefois qu'ils aient été indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art.

4. D'autre part, aux termes de l'article 14 du CCAG auquel se réfère le marché en litige, relatif aux ouvrages ou travaux dont la réalisation ou la modification est décidée par ordre de service et pour lesquels le marché ne prévoit pas de prix, dont se prévaut la société requérante et auquel se réfère le jugement attaqué : " (...) Les prix nouveaux peuvent être soit des prix unitaires, soit des prix forfaitaires. Sauf indication contraire, ils sont établis sur les mêmes bases que les prix du marché (...) S'il existe des décompositions de prix forfaitaires ou des sous-détails de prix unitaires, leurs éléments, notamment les prix d'unité contenus dans les décompositions, sont utilisés pour l'établissement des prix nouveaux (...) ".

En ce qui concerne les travaux d'hydro-démolition et de reconstruction des hourdis :

5. D'une part, la société requérante soutient que les travaux d'hydro-démolition des hourdis inférieurs prévus au marché ont été compliqués par l'épaisseur des éléments de structure, plus importante que celle reportée aux plans contractuels et par la présence de résine et d'armatures métalliques de forte densité. Les prestations livrées par l'entreprise pour surmonter ces difficultés ont été rémunérées par le département en supplément des prix du marché. Si la société Bouygues Travaux Publics Régions France demande la condamnation du département à lui payer une somme supplémentaire de 22 200,75 euros, elle se borne à évoquer une quantité de 25,95 m3 et à se référer à une expertise qu'elle a fait réaliser en 2017, le "rapport Beti", qui n'apporte pas d'éléments précis établissant que la rémunération proposée par le maître de l'ouvrage ne couvrirait pas les nouvelles conditions d'exécution du marché.

6. D'autre part, en dehors du cas où elle s'avérerait nécessaire au respect des règles de l'art, une prestation n'engage le maître d'ouvrage à rémunération que si l'entreprise l'a livrée conformément aux spécifications contractuelles ou en exécution d'un ordre de service. Il ne résulte pas de l'instruction que la somme de 223 201,60 euros hors taxes dont le paiement est demandé par la société Bouygues Travaux Publics Régions France résulterait d'un ordre de service alors que, contrairement à ce que soutient la société, le département, qui fait valoir que la modification de la procédure d'exécution du bétonnage des talons de poutres et du hourdis inférieur a seulement facilité le bétonnage, conteste avoir accepté ce surcoût.

En ce qui concerne les travaux de réalisation de la dalle tirant :

7. La société requérante demande le paiement de travaux supplémentaires pour la réalisation de la dalle tirant en faisant valoir que les cotes des plans du dossier de consultation des entreprises et celles relevées sur le terrain étaient différentes. Toutefois, et alors que la société Bouygues Travaux Publics Régions France a réalisé son coffrage avant de vérifier les cotes de l'ouvrage existant, le CCTP prévoyait la vérification des cotes indiquées et mentionnait le caractère non contractuel des plans du dossier de consultation des entreprises. En outre, le marché prévoyait une engravure, procédé plus complexe que le repiquage. La réclamation portant sur un montant de 191 802 euros pour le repiquage des rives de tablier n'apparaît dès lors pas justifiée.

En ce qui concerne les travaux de démolition des encorbellements :

8. Aux termes de l'article 10.11 du CCAG : " (...)A l'exception des seules sujétions mentionnées dans le marché comme n'étant pas couvertes par les prix, ceux-ci sont réputés tenir compte de toutes les sujétions d'exécution des travaux qui sont normalement prévisibles dans les conditions de temps et de lieu où s'exécutent ces travaux, que ces sujétions résultent : (...) De la présence de canalisations, conduites et câbles de toute nature, ainsi que des chantiers nécessaires au déplacement ou à la transformation de ces installations (...) ".

9. Si la société requérante fait valoir que des fers doux filants ont été découverts dans les bétons des trottoirs alors que le département lui avait communiqué des plans sans indiquer leur présence et sans mentionner la possibilité que ces plans contiennent des erreurs, il ne résulte pas de l'instruction que la taille ou l'épaisseur de ces fers nécessitaient des procédés de démolition différents de ceux initialement prévus. La somme de 116 148 euros demandée à ce titre par la société requérante n'apparaît dès lors pas justifiée.

En ce qui concerne les travaux de modification du projet de dalle tirant :

10. Si la modification, à la demande du maître d'oeuvre, du projet validé de dalle tirant a nécessité l'établissement d'une nouvelle version du plan d'exécution en supplément du forfait contractuel, la société Bouygues n'a produit ni dans le cadre de la présente instance ni dans son mémoire en réclamation d'éléments permettant de déterminer un prix en rémunération de ces prestations supplémentaires.

11. La société requérante demande le paiement du coût de la stabilisation de l'équipage mobile en partie centrale par des poutres tirant rendue nécessaire par cette modification du projet de dalle en faisant valoir que le dossier de consultation des entreprises prévoyait que l'équipage mobile s'appuie sur le béton sain alors que la modification du projet a rendu indispensable la réalisation de poutres de répartition des efforts afin de ne pas transmettre d'effort à la dalle existante. Alors que le "rapport Beti" auquel se réfère la société n'apporte aucune précision sur ce point, il résulte de l'instruction que le béton de tablier au milieu du pont a été conservé, contrairement à ce qui était prévu. Ainsi, il n'est pas établi que la mise en oeuvre des travaux ait généré un coût supérieur aux prévisions du marché.

12. Il résulte de ce qui précède que la société Bouygues Travaux Publics Régions France ne justifie pas la somme de 74 849 euros qu'elle réclame à ce titre.

En ce qui concerne les travaux de démolition d'un massif béton sur la culée Allonzier :

13. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il résulte de l'instruction que la démolition du massif en béton de la culée située sur la commune d'Allonzier a été rémunérée par le maître de l'ouvrage par application des prix unitaires du marché, sur le fondement de l'article 14 précité du CCAG. Alors que la démolition de la tête de la culée côté Allonzier et l'exécution d'un sommier béton armé était prévues par le CCTP, la société Bouygues Travaux Publics Régions France n'établit pas davantage en appel qu'en première instance que la rémunération proposée par le maître d'ouvrage ne la rémunérerait pas entièrement des nouvelles conditions d'exécution du marché. Il suit de là qu'elle n'est pas fondée à demander que la somme de 33 840,76 euros soit inscrite à son crédit.

Sur l'indemnisation des préjudices nés de l'exécution du marché :

En ce qui concerne les préjudices résultant d'une période de préparation anticipée et des carences du maître de l'ouvrage :

14. La société Bouygues Travaux Publics Régions France fait valoir que la période de préparation a démarré avec le courrier du 7 novembre 2008 et a duré jusqu'au 3 juin 2009 et que des imprécisions du dossier de consultation des entreprises ont engendré des surcoûts. Elle fait valoir en particulier qu'aucun plan général d'implantation ne lui a été notifié. Il résulte toutefois de l'instruction, et alors que le plan 6-2-1 intitulé "Etat final vue en plan" s'apparente à un plan général d'implantation des ouvrages, que le marché prévoyait la nécessité de procéder à des investigations topographiques complémentaires pour préciser la géométrie détaillée des ouvrages. Il résulte en outre du rapport d'expertise judiciaire que le profil en long de l'ouvrage existant devait être vérifié à l'occasion d'une campagne de sondages réalisés obligatoirement hors circulation, c'est-à-dire après le début du chantier. La demande d'indemnisation à hauteur de 196 017,50 euros présentée à ce titre par la société requérante doit dès lors être rejetée.

En ce qui concerne l'indemnisation de l'allongement de la durée d'exécution des travaux :

15. Il ne résulte pas de l'instruction que l'allongement de la durée d'exécution des travaux serait imputable au département, maître d'ouvrage. La société requérante n'est dès lors pas fondée à demander l'indemnisation des conséquences de cet allongement.

En ce qui concerne les frais de siège :

16. Aux termes de l'article 10.11 du CCAG : " Les prix sont réputés comprendre toutes les dépenses résultant de l'exécution des travaux, y compris les frais généraux " Il résulte de l'instruction que les frais de siège étaient inclus dans le prix du marché et que l'allongement du délai des travaux n'est pas imputable au département. La société Bouygues Travaux Publics Régions France n'est dès lors pas fondée à demander une indemnisation de 61 998,62 euros au titre des frais de siège supplémentaires liés à l'allongement du planning.

17. Il résulte de ce qui précède que la société Bouygues Travaux Publics Régions France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les conclusions relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le département de la Haute-Savoie, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la société Bouygues Travaux Publics Régions France une somme au titre des frais liés au litige. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et mettre à ce titre une somme de 2 000 euros à la charge de la société Bouygues Travaux Publics Régions France à verser au département.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Bouygues Travaux Publics Régions France est rejetée.

Article 2 : La société Bouygues Travaux Publics Régions France versera une somme de 2 000 euros au département de la Haute-Savoie en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bouygues Travaux Publics Régions France et au département de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 18 juin 2020, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme F..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 2 juillet 2020.

2

N° 17LY02613


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17LY02613
Date de la décision : 02/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Rémunération du co-contractant.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Règlement des marchés.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Véronique VACCARO-PLANCHET
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : SELARL ADAMAS AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-07-02;17ly02613 ?
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