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30/06/2020 | FRANCE | N°19LY03648

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 30 juin 2020, 19LY03648


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 8 mars 2019 par lequel la préfète du Cantal a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 1900577 du 20 juin 2019, la magistrate désignée par le président du tribunal administ

ratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 8 mars 2019 par lequel la préfète du Cantal a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 1900577 du 20 juin 2019, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 27 septembre 2019, et un mémoire en réplique, enregistré le 12 novembre 2019, qui n'a pas été communiqué, M. C..., représenté par le cabinet Meral-Portal-Yermia, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 20 juin 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Cantal du 8 mars 2019 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Cantal de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 200 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour n'est pas suffisamment motivé ; en particulier, il n'a pas été répondu à sa demande sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la préfecture du Cantal ne démontre pas le caractère collégial de l'avis rendu par le collège des médecins ni l'absence dans le collège de celui qui a rendu le rapport ; il n'a pas été fait droit à sa demande de communication de son dossier ;

- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) est irrégulier dès lors que le risque de réactivation de son état de stress post-traumatique en cas de retour dans son pays d'origine n'a pas été évalué ;

- la préfecture du Cantal ne démontre pas l'existence d'un traitement approprié dans son pays d'origine, de sorte que le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français, qui ne pouvait être légalement prononcée à son encontre avant la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), méconnaît l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- cette décision méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2019, la préfète du Cantal conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés sont infondés.

Par une décision du 27 août 2019, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. C....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ensemble l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme E... D..., première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C... ressortissant albanais né en 1974, est entré en 2017 accompagné de son épouse et de leurs trois enfants mineurs en France, où sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) du 12 juin 2017, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 2 février 2018. M. C... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé le 21 février 2018. Il a également saisi OFPRA le 24 mai 2018 d'une demande de réexamen de sa demande d'asile. Il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français par un arrêté du 5 novembre 2018 dont la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a prononcé l'annulation, au motif que le recours de M. C... devant la CNDA était pendant à la date de cette mesure d'éloignement. M. C... a obtenu une autorisation provisoire de séjour le 23 janvier 2019 en exécution de ce jugement. Par un arrêté du 8 mars 2019, la préfète du Cantal a refusé son droit au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sur le double fondement des 3° et 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant un an. M. C... relève appel du jugement du 20 juin 2019 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 8 mars 2019 :

En ce qui concerne la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, l'arrêté attaqué qui refuse, à son article 1er, le droit au séjour de M. C..., vise l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, reproduit le 11° de cet article et rappelle le sens de l'avis du collège de médecins de l'OFFI, sans qu'il ressorte des pièces du dossier que la préfète du Cantal se serait sentie liée par cet avis. La préfète qui a estimé par ailleurs qu'il ne remplissait pas les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur un autre fondement doit ainsi être regardée comme ayant refusé à M. C..., par une décision motivée en droit et en fait, la délivrance du titre de séjour sollicité par l'intéressé au titre de son état de santé, contrairement à ce que soutient le requérant.

3. En deuxième lieu, M. C... fait valoir que la décision de refus de titre est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'est pas prouvé que les médecins composant ce collège se soient effectivement réunis et aient rendu leur avis de manière collégiale. Toutefois, lorsque l'avis précise, comme dans le cas d'espèce, " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant ", cette mention du caractère collégial de l'avis fait foi jusqu'à preuve du contraire, laquelle n'est pas rapportée par le requérant.

4. En troisième lieu, il ne résulte d'aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'OFII devrait comporter la mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins. En revanche ces dispositions prévoient que le médecin rapporteur ne siège pas au sein de ce collège. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur ce point, il appartient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui permettent l'identification du médecin qui a rédigé le rapport et, par suite, le contrôle de la régularité de la composition du collège de médecins.

5. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le moyen tiré de l'absence du nom du médecin rapporteur sur l'avis du collège des médecins est inopérant et doit ainsi être écarté. En outre, il ressort de l'attestation produite par la préfète devant le tribunal, qui n'est pas dépourvue de valeur probante du seul fait qu'elle émane de la direction territoriale de l'OFII, que le médecin qui a établi le rapport médical transmis au collège de médecins ne siégeait pas au sein dudit collège de médecins, contrairement à ce que soutient le requérant.

6. En quatrième lieu, dans son avis du 18 octobre 2018, le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Il ne s'est, en conséquence, pas prononcé sur les questions concernant l'offre de soins, les caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire et la possibilité pour l'intéressé d'y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Le requérant ne peut, dans ces conditions, utilement soutenir que l'avis du 18 octobre 2018 n'aurait pas évalué le risque de réactivation de son état de stress post-traumatique en cas de retour dans son pays d'origine comme le prescrit au cas par cas l'annexe II à l'arrêté du 5 janvier 2017, qui concerne les outils d'aide à la décision et les références documentaires relatifs à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont le demandeur est originaire.

7. En cinquième lieu, le requérant qui se borne à indiquer qu'eu égard à la nature même des pathologies dont il souffre, il n'est pas exclu qu'il soit exposé au risque de voir ses troubles physiques et psychiatriques s'accentuer en cas de retour dans son pays d'origine, n'apporte pas plus en appel qu'en première instance d'éléments permettant d'établir qu'un défaut de prise en charge de son état de santé entraînerait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, en prenant l'arrêté contesté, la préfète n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, compte tenu de ce qui est dit aux points 2 à 7 ci-dessus, le requérant n'est pas fondé à invoquer l'illégalité du refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.

9. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 1, la mesure d'éloignement en litige trouve son fondement à la fois dans le 3° et le 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En ce qu'elle se fonde sur le 3° du I de cet article, elle n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision refusant à M. C... un titre de séjour au titre de son état de santé, qui est suffisamment motivée, ainsi qu'il a été dit au point 2. En ce qu'elle est prise sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle est suffisamment motivée en droit par le visa de cet article et en fait par le rappel des décisions de l'OFPRA et de la CNDA.

10. En troisième lieu, pour les motifs exposés au point 7, la décision obligeant M. C... à quitter le territoire français n'a pas méconnu le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment des mentions portées sur le fichier Télémofpra, qui font foi jusqu'à preuve du contraire conformément à l'article R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la décision de la CNDA du 31 janvier 2019 a été notifiée à M. C... le 18 février 2019. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la préfète ne pouvait l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que la décision de la CNDA ne lui avait pas été notifiée.

12. En cinquième lieu, M. C... n'a été autorisé à séjourner en France depuis 2017 que pendant l'instruction de ses demandes d'asile et de la demande de titre de séjour formée au regard de son état de santé. Son épouse, de même nationalité, fait également l'objet d'une mesure d'éloignement et a vocation à le suivre, de même que ses enfants mineurs, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils ne pourraient poursuivre leur scolarité en Albanie. Il n'est pas davantage établi que le jeune B... ne pourrait y bénéficier du suivi psychologique et des soins dentaires dont il a besoin. Compte tenu de ces éléments, l'obligation de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elle poursuit et ne méconnaît ainsi ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui garantissent à toute personne un tel droit. Elle n'apparaît pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.

13. En dernier lieu, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant contre l'obligation de quitter le territoire français, qui, par elle-même, ne fixe aucun pays de destination. A le supposé soulevé contre la décision fixant le pays de renvoi, un tel moyen devrait être rejeté, dès lors que le requérant ne produit à l'appui de ses allégations aucun élément probant permettant d'établir les risques encourus personnellement en cas de retour dans son pays d'origine.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

14. La décision contestée est régulièrement motivée en droit par le visa des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en fait par la mention selon laquelle compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, que mentionne précédemment l'arrêté attaqué, la durée de l'interdiction ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au regard de sa vie privée et familiale. Par suite, elle est suffisamment motivée.

15. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :

16. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions de M. C... n'appelle aucune mesure d'exécution. Ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

Sur les frais d'instance :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Cantal.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme F... G..., présidente de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

Mme E... D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 30 juin 2020.

2

N° 19LY03648

md


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03648
Date de la décision : 30/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme MARGINEAN-FAURE
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : YERMIA

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-06-30;19ly03648 ?
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