Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 19 avril 2018 par lequel le préfet de la Côte d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et a pris des mesures de surveillance avant son départ.
Par un jugement n° 1802625 du 30 avril 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 27 août 2019, Mme B..., représentée par Me Fyot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 30 avril 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Côte d'Or du 19 avril 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Côte d'Or, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire, ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de 48 heures à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 300 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme B... soutient que :
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- la décision attaquée méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision attaquée est illégale du fait de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire :
- la décision attaquée est illégale du fait de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité de la décision fixant pays de destination :
- la décision attaquée est illégale du fait de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
Sur la légalité de la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an :
- la décision attaquée est illégale du fait de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît le III de l'article L. 511-1du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité de la décision prescrivant des mesures de surveillance :
- la décision attaquée est illégale du fait de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est insuffisamment motivée.
Par un mémoire, enregistré le 8 mars 2020, le préfet de la Côte d'Or conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable, à défaut de moyens nouveaux par rapport à celle de première instance ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Le mémoire, enregistré le 12 mars 2020 et présenté pour Mme B..., n'a pas été communiqué en application des dispositions de l'article R. 6111 du code de justice administrative.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 juillet 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Evrard, présidente-assesseure ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... B..., ressortissante congolaise (République Démocratique du Congo) née le 8 mai 1985, est entrée en France le 16 avril 2015 sous couvert d'un visa de court séjour valable du 24 mars 2015 au 22 juin 2015, accompagnée de deux de ses enfants nés en 2004 et 2005. Le 11 mai 2015, Mme B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale " et a été admise au séjour du 19 juin 2015 au 18 juin 2016 compte tenu de la présence en France de M. G... K..., ressortissant congolais (République Démocratique du Congo), né le 28 octobre 1983, reconnu réfugié le 29 janvier 2007 et qu'elle a épousé le 5 septembre 2012 à Kasa-Vubu en République Démocratique du Congo. Mme B... a été rejointe par son troisième enfant né en 2007 et a donné naissance à son quatrième enfant le 27 décembre 2015. Le 29 juin 2016, Mme B... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 19 avril 2018, le préfet de la Côte d'Or, constatant que M. K... avait perdu la qualité de réfugié le 13 février 2018 et que les époux étaient séparés depuis 2015, a rejeté la demande de Mme B..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et a pris des mesures de surveillance. Mme B... relève appel du jugement du 30 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Côte d'Or n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme B... avant de prendre la décision attaquée.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...)7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Enfin, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée récemment en France, de même que ses enfants, et qu'elle est séparée de son époux depuis 2015. Elle n'est pas dépourvue de toute attache privée et familiale en République Démocratique du Congo, où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente ans et où résident notamment ses parents et M. F... L..., père de son fils né en 2007. Par ailleurs, rien ne fait obstacle à ce que M. K..., père de ses trois autres enfants nés en 2004, 2005 et 2015, auquel la qualité de réfugié a été retirée en application de l'article L. 711-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qui demeure irrégulièrement en France, poursuive sa vie privée et familiale avec ses enfants, qui ont également perdu la qualité de réfugié qu'ils avaient acquise sur le fondement du principe de l'unité de famille, en République Démocratique du Congo, dont l'ensemble des intéressés a la nationalité. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en particulier de la durée du séjour en France de l'intéressée, la décision de refus de délivrance de titre de séjour contestée ne porte pas au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, elle n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.
5. En dernier lieu, Mme B... ne peut utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre du refus opposé à sa demande de titre de séjour, dès lors que cette demande n'a pas été présentée sur le fondement de cet article et que le préfet n'a pas examiné d'office si la requérante pouvait prétendre à un titre de séjour sur ce fondement.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, eu égard à ce qui précède, le moyen tiré de ce que la décision obligeant Mme B... à quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour doit être écarté.
7. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 4 ci-dessus, les moyens tirés de ce que la décision obligeant Mme B... à quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de ce qu'elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
Sur la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire :
8. En premier lieu, eu égard à ce qui précède, le moyen tiré par Mme B... de ce que la décision fixant le délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité de la décision refusant un titre de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
9. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 4 ci-dessus, les moyens tirés de ce que la décision fixant le délai de départ volontaire méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de ce qu'elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
10. Eu égard à ce qui précède, le moyen tiré par Mme B... de ce que la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision refusant un titre de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
Sur la légalité de la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an :
11. En premier lieu, eu égard à ce qui précède, le moyen tiré par Mme B... de ce que la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an est illégale en raison de l'illégalité de la décision refusant un titre de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. "
13. Le préfet de la Côte d'Or, qui a pris en considération la durée de la présence sur le territoire français de Mme B... et la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France ainsi qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4, n'a pas inexactement appliqué les dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prenant à son encontre une mesure d'interdiction de retour en France d'un an, alors même qu'elle ne s'est pas soustraite à une précédente mesure d'éloignement et que sa présence ne représentait pas une menace pour l'ordre public.
14. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 4 ci-dessus, les moyens tirés de ce que la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de ce qu'elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
Sur la légalité de la décision astreignant Mme B... à se présenter auprès des services de police :
15. Aux termes de l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé en application du II de l'article L. 511-1 peut, dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français, être astreint à se présenter à l'autorité administrative ou aux services de police ou aux unités de gendarmerie pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ. "
16. Il ressort des termes de l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative a la faculté d'imposer une obligation de présentation à tout étranger s'étant vu accorder un délai de départ volontaire et que cette mesure ne se confond ni avec l'obligation de quitter le territoire français, ni avec la décision accordant un délai de départ volontaire. En conséquence, il est loisible aux intéressés de contester devant le juge la légalité de la décision prise sur le fondement de l'article L. 513-4.
17. Si l'obligation de présentation à laquelle un étranger est susceptible d'être astreint sur le fondement de l'article L. 513-4 a, ainsi qu'il vient d'être dit, le caractère d'une décision distincte de l'obligation de quitter le territoire français, cette décision, qui tend à assurer que l'étranger accomplit les diligences nécessaires à son départ dans le délai qui lui est imparti, concourt à la mise en oeuvre de l'obligation de quitter le territoire français.
18. Dans ces conditions, si l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration impose que cette décision soit motivée au titre des mesures de police, cette motivation peut, outre la référence à l'article L. 513-4, se confondre avec celle de l'obligation de quitter le territoire français assortie d'un délai de départ volontaire.
19. En l'espèce, la décision contestée vise l'article L. 513-4 et mentionne les motifs de fait et de droit pour lesquels Mme B... fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.
20. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Côte d'Or, sa requête doit ainsi être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Côte d'Or.
Délibéré après l'audience du 9 juin 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
Mme Duguit-Larcher, première conseillère.
Lu en audience publique le 30 juin 2020.
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N° 19LY03349
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