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30/06/2020 | FRANCE | N°18LY02974

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 30 juin 2020, 18LY02974


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme D... E... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011, 2012 et 2013 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1606715-1606716 du 29 juin 2018, le tribunal administratif de Grenoble a prononcé un non-lieu à statuer partiel sur les conclusions de la demande relatives aux contributions sociales et a rejeté le

surplus de leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoir...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme D... E... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011, 2012 et 2013 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1606715-1606716 du 29 juin 2018, le tribunal administratif de Grenoble a prononcé un non-lieu à statuer partiel sur les conclusions de la demande relatives aux contributions sociales et a rejeté le surplus de leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 juillet 2018 et le 3 avril 2019, M. et Mme E..., représentés par Me B..., demandent à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 juin 2018 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et des pénalités correspondantes maintenues à leur charge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens et la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. et Mme E... soutiennent que :

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que les frais kilométriques versés à M. E... au titre du mois d'octobre 2011 pour un montant de 2 552,34 euros étaient justifiés ;

- le compte courant de M. D... E... était créditeur et ne correspondait pas aux " trop perçus " invoqués par l'administration à l'occasion du contrôle de la société Jet Systems Hélicoptères Services ;

- les indemnités kilométriques versées à M. E... pour ses déplacements au titre de chacune des années redressées sont justifiées et engagées dans l'intérêt de l'entreprise ;

- la pénalité pour manquement délibéré n'est pas encourue, l'administration n'établissant pas le caractère délibéré du manquement.

Par un mémoire enregistré le 8 mars 2019 le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que les moyens soulevés par M. et Mme E... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme H..., première conseillère,

- les conclusions de Mme G..., rapporteure publique,

- et les observations de Me B..., représentant M. et Mme E... ;

Considérant ce qui suit :

1. La SA Jet Systems Hélicoptères Services, dont M. E... est associé et président du directoire et qui a pour activité le transport de passagers, les travaux aériens, le sauvetage et des opérations de sécurité, la formation au pilotage, la réparation, la maintenance et l'aménagement d'hélicoptères, ainsi que l'achat, la vente et la location d'appareils, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2011, 2012 et 2013 à l'issue de laquelle l'administration a notamment refusé d'admettre en déduction des résultats imposables à l'impôt sur les sociétés une partie des indemnités kilométriques versées à M. E... comptabilisées en charges et a rapporté au résultat de l'exercice clos en 2013 un passif injustifié constitué des sommes portées au crédit du compte courant d'associé ouvert au nom de ce dernier. La SASU 2MH, qui a pour activité le développement commercial du transport public et privé de passagers et dont M. E... est l'associé unique, a également fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2012 et 2013 à l'issue de laquelle l'administration a refusé la déduction des résultats imposables à l'impôt sur les sociétés les indemnités kilométriques remboursées à celui-ci. L'ensemble de ces sommes ont été regardées par le service comme des revenus distribués imposables entre les mains de M. E... dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le double fondement du 2° du 1 de l'article 109 et du c de l'article 111 du code général des impôts. M. et Mme E... ont, en conséquence, été assujettis, selon la procédure contradictoire, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, au titre des années 2011, 2012 et 2013, lesquelles ont été assorties de majorations pour manquement délibéré, dont ils ont demandé la décharge. Par un jugement du 29 juin 2018, le tribunal administratif de Grenoble a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions relatives aux contributions sociales, à hauteur des dégrèvements, d'un montant total de 5 663 euros, prononcés en cours d'instance, et a rejeté le surplus de leur demande. M. et Mme E... demandent l'annulation de l'article 3 de ce jugement par lequel le tribunal a rejeté le surplus des conclusions de leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales établis au titre des années 2011, 2012 et 2013 et des majorations correspondantes.

Sur la régularité du jugement :

2. Alors que dans leurs écritures M. et Mme E... avaient fait valoir qu'ils justifiaient de la réalité des kilomètres parcourus par M. E... au cours des années 2011, 2012 et 2013, le tribunal a omis de répondre au moyen invoqué à l'encontre du redressement notifié au titre de l'année 2011 à raison des indemnités kilométriques versées par la SA Jet Systems Hélicoptères Services. Le jugement est, pour ce motif, irrégulier et doit, dans cette mesure, être annulé.

3. Il y a donc lieu pour la cour administrative d'appel de se prononcer, par voie d'évocation, sur les conclusions relatives aux cotisations supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. et Mme E... ont été assujettis au titre de l'année 2011 en même temps que, par l'effet dévolutif de l'appel, sur les autres conclusions de la requête.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) / c. les rémunérations et avantages occultes (...) ".

5. Les sommes que l'administration a regardées comme ayant été distribuées au titre de l'année 2011 correspondent à des indemnités kilométriques versées par la SA Jet Systems Hélicoptères Services à M. E... pour ses déplacements du mois d'octobre 2011 pour un montant de 2 252 euros. L'administration doit être regardée comme établissant, à défaut de tout justificatif produit par M. E... au titre de l'année 2011, que ces indemnités ne présentaient pas le caractère de remboursement de frais professionnels mais qu'elles avaient un caractère personnel et ne trouvaient pas leur origine dans les fonctions exercées par l'intéressé au sein de la société. Par ailleurs, dès lors qu'aucune somme n'a été réintégrée dans les revenus de M. et Mme E... au titre du forfait versé mensuellement par la SASU 2MH à la SA Jet Systems Hélicoptères Services en remboursement des frais kilométriques de M. E... jusqu'en octobre 2011, les requérants ne peuvent utilement faire valoir dans le cadre de la présente instance que le redressement résultant d'une telle réintégration ne serait pas justifié.

6. S'agissant des années 2012 et 2013, l'administration fiscale a relevé que M. E... avait bénéficié d'indemnités kilométriques versées par les sociétés 2MH et Jet Systems Hélicoptères Services, cette dernière supportant l'intégralité des remboursements correspondant à des déplacements déclarés de 160 555 kilomètres en 2012 et 60 983 kilomètres en 2013, alors que la réalité de l'utilisation d'un véhicule personnel pour les besoins de chacune de ces deux sociétés n'était pas établie. Pour l'année 2012, l'administration fiscale a retenu que M. E... ne disposait pas de véhicule personnel entre le 19 mars et le 7 mai 2012, ce qu'il conteste sans pour autant le démontrer, alors qu'il a déclaré pour cette période avoir effectué 13 096 kilomètres avec son véhicule personnel. Les déclarations kilométriques et les justificatifs qu'il a produits au titre de cette année présentent des incohérences. Si les factures de réparation de ses véhicules permettent de justifier, sur l'exercice 2012, que le véhicule Audi A4 a parcouru 26 545 kilomètres et que le véhicule Porsche 911 a parcouru 4 734 kilomètres, toutefois, l'usage professionnel de ces 31 279 kilomètres cumulés n'est pas établi par les pièces produites alors que l'administration fiscale a retenu, à l'issu du recours hiérarchique, 20 000 kilomètres parcourus par M. E... avec son véhicule personnel pour la SA Jet Systems Hélicoptères Services au titre de cette période. Pour l'année 2013, M. E... a déclaré avoir parcouru 60 983 kilomètres pour le compte de la SA Jet Systems Hélicoptères Services. Pour la même période, l'administration fiscale fait valoir que M. E... a disposé d'un véhicule Land Rover de la SASU 2MH avec lequel il aurait parcouru 36 916 kilomètres. Si M. E... a produit une facture d'entretien du véhicule Porsche faisant apparaître qu'il a parcouru 104 683 kilomètres entre juin 2012 et septembre 2013, les autres pièces produites par M. E..., compte tenu de leur caractère parcellaire et non probant, ne permettent pas de retenir le caractère professionnel des déplacements allégués. Dans ces conditions, et alors que les listes de déplacements professionnels, les copies d'agenda, les attestations de visites et les factures d'entretien des véhicules personnels de M. E... produites ne justifient pas de l'usage des véhicules personnels de M. E... à des fins professionnelles dans les proportions qui ont été déclarées, les requérants, sur qui repose la charge de la preuve pour ces deux années dès lors qu'ils n'ont pas présenté d'observations à la suite de la proposition de rectification dans le délai légal, n'établissent pas que les indemnités versées au cours des années 2012 et 2013 présentaient le caractère de remboursement de frais professionnels. Ces frais ont ainsi un caractère personnel et ne trouvent pas leur origine dans les fonctions exercées par l'intéressé au sein de la société.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) ".

8. Il résulte du 2° du 1. de l'article 109 précité du code général des impôts que les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus et ne sont alors imposables que dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

9. Lors de la vérification de comptabilité de la SA Jet Systems Hélicoptères Services, le vérificateur a constaté que, pour l'année 2013, alors que le montant des frais professionnels déclarés comme ayant été engagés personnellement par M. E... s'élevait à 35 827,34 euros, celui-ci avait bénéficié d'un remboursement de 32 819,35 euros sur ses comptes personnels et son compte courant d'associé avait été crédité d'une somme de 13 236,54 euros. L'administration a estimé que les sommes inscrites au crédit de son compte courant d'associé constituaient un revenu imposable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers à hauteur de 10 229 euros, cette somme correspondant à l'écart entre, d'une part, le montant des frais professionnels et, d'autre part, les sommes remboursées sur ses comptes personnels et celles créditées sur son compte courant. En se bornant à faire valoir que le compte courant d'associé de M. E... était créditeur et que ces sommes ne correspondent pas à un trop perçu de remboursement de frais, M. et Mme E... n'établissent pas que les sommes litigieuses n'auraient pas le caractère d'un revenu imposable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

Sur les pénalités :

10. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) a. 40 % en cas de manquement délibéré ".

11. L'administration a assorti les rectifications relatives au remboursement des indemnités kilométriques de la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts en cas de manquement délibéré. Pour justifier l'application de cette majoration, l'administration a relevé que M. E..., qui exerce des fonctions de présidence et de direction dans les deux sociétés en cause, ne pouvait ignorer le caractère exagéré des indemnités kilométriques qu'il s'accordait, cumulant, notamment, sur le seul exercice 2012 un total de plus de 106 000 kilomètres remboursés par les deux sociétés. En se fondant sur ces éléments, l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée de M. E... d'éluder l'impôt dû. Par suite, M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que l'administration ne pouvait assortir les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales relatives aux indemnités kilométriques auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012 de la majoration pour manquement délibéré.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à demander la décharge des cotisations supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2011, et des pénalités correspondantes, ni fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus de leur demande.

Sur les dépens et les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. et Mme E... la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés par eux dans la présente instance. En l'absence de dépens, leurs conclusions tendant à la condamnation de l'Etat au paiement de ceux-ci doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 juin 2018 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. et Mme E... ont été assujettis au titre de l'année 2011.

Article 2 : La demande de M. et Mme E... tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2011, et des pénalités correspondantes, ainsi que le surplus de leurs conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... E... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme C..., présidente assesseure,

Mme H..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 30 juin 2020.

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N° 18LY02974

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY02974
Date de la décision : 30/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-01-02-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Détermination du revenu imposable.


Composition du Tribunal
Président : Mme EVRARD
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : FIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-06-30;18ly02974 ?
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