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30/06/2020 | FRANCE | N°18LY02963

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 30 juin 2020, 18LY02963


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Jet Systems Hélicoptères Services a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er décembre 2011 au 30 juin 2014.

Par un jugement n° 1606712 du 29 juin 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 juillet 2018 et le 3 avril 2019

, la société Jet Systems Hélicoptères Services, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Jet Systems Hélicoptères Services a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er décembre 2011 au 30 juin 2014.

Par un jugement n° 1606712 du 29 juin 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 juillet 2018 et le 3 avril 2019, la société Jet Systems Hélicoptères Services, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 juin 2018 ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er décembre 2011 au 30 juin 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Jet Systems Hélicoptères Services soutient que :

- les erreurs de collecte de la taxe sur la valeur ajoutée alléguées par l'administration sont inexactes ;

- dès lors que les charges correspondant aux prestations de service qui lui ont été facturées par le société 2MH en application de la convention conclue entre les parties le 1er juin 2009 et modifiée par avenant du 1er octobre 2011 étaient déductibles, les fonctions de développement commerciales exercées par M. E... au sein de la société 2MH étant distinctes de ses fonctions de direction au sein de la société Jet Systems Hélicoptères Services et l'administration ne pouvant, à sa seule initiative, déclarer une convention nulle, la taxe sur la valeur ajoutée facturée par la société 2MH était déductible ; elle est fondée à invoquer les commentaires administratifs publiés au BOFiP sous la référence BOI-TVA-DED-40-10-10 n° 55 et 60 ;

- les pénalités pour manquement délibéré appliquées à la remise en cause des prestations facturées par la société 2MH ne sont pas justifiées, le caractère délibéré de l'insuffisance de déclaration n'étant pas établi.

Par un mémoire enregistré le 8 mars 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que les moyens soulevés par la société Jet Systems Hélicoptères Services ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme H..., première conseillère,

- les conclusions de Mme G..., rapporteure publique,

- et les observations de Me B..., représentant la SA Jet Systems Hélicoptères Services ;

Considérant ce qui suit :

1. La SA Jet Systems Hélicoptères Services, qui a pour activité le transport de passagers, les travaux aériens, le sauvetage et des opérations de sécurité, la formation au pilotage, la réparation, la maintenance et l'aménagement d'hélicoptères, ainsi que l'achat, la vente et la location d'appareils, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en ce qui concerne les opérations imposables à la taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er décembre 2011 au 30 juin 2014. A l'issue de ce contrôle, l'administration, estimant notamment, d'une part, au vu de la reconstitution du chiffre d'affaires à laquelle elle a procédé, que la SA Jet Systems Hélicoptères Services avait minoré la taxe sur la valeur ajoutée collectée exigible et, d'autre part, qu'elle avait à tort déduit la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les factures adressées par la SASU 2MH, a rappelé les droits de taxe sur la valeur ajoutée omis selon la procédure contradictoire. La SA Jet Systems Hélicoptères Services relève appel du jugement du 29 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés à ce titre et de la majoration pour manquement délibéré dont les droits supplémentaires ont été assortis.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée collectée :

2. Pour déterminer le montant de taxe sur la valeur ajoutée collectée par la SA Jet Systems Hélicoptères Services au cours de la période du 1er décembre 2013 au 30 juin 2014, l'administration a reconstitué les sommes encaissées par la société à partir du chiffre d'affaires comptabilisé, corrigé des variations des comptes clients et assimilés entre l'ouverture et la clôture de cette période, ainsi que de la variation du montant des escomptes. La SA Jet Systems Hélicoptères Services, qui ne conteste pas qu'elle n'avait pas soumis à la taxe sur la valeur ajoutée l'ensemble de ses opérations, fait valoir que les données sur lesquelles l'administration s'est fondée pour rappeler la taxe collectée omise sont erronées.

3. Il appartient à l'administration, lorsqu'elle a mis en oeuvre la procédure de rectification contradictoire et que le contribuable n'a pas accepté la rectification, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour soutenir que la taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre de la période vérifiée était insuffisante.

4. Contrairement à ce que fait valoir l'administration, il n'apparait pas que la somme de 18 580 euros relative au client GAZ aurait bien été prise dans la liste des dus clients au 30 juin 2014. Par ailleurs, pour contester la demande de la société de prise en compte d'une somme de 30 865 euros au titre des corrections de fin d'exercice, l'administration se borne à indiquer que cette somme n'apparait pas dans les écritures comptables remises le 3 septembre 2014 par la société. Toutefois, il ressort du grand livre général provisoire produit par la société, dont l'administration ne soutient pas qu'il comporterait des inexactitudes, que cette somme figure au 30 juin 2014 au débit du compte Factor.

5. En revanche, alors que l'administration a indiqué que les montants des achats intracommunautaires qu'elle a retenus correspond aux montants figurant dans les déclarations de la société, en se bornant à alléguer, en produisant seulement un tableau dont certaines mentions ont été modifiées à la main, que ces données seraient erronées, la société ne conteste pas utilement les données retenues par l'administration.

6. Par suite, la SA Jet Systems Hélicoptères Services est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a estimé qu'elle avait omis de déclarer de la taxe sur la valeur ajoutée collectée à hauteur d'une somme de 8 241 euros correspondant au montant de la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 20 % compris dans les montants énoncés TTC dans le tableau utilisé par l'administration fiscale.

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée déductible :

7. En vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts et de l'article 206 de l'annexe II à ce code, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations, la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services. Dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance. Si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération.

8. Il résulte de l'instruction que la SA Jet Systems Hélicoptères Services a conclu le 1er juin 2009 une convention avec la SASU 2MH, dont M. E... est le gérant et l'unique associé. Cette convention porte sur la réalisation par la SASU 2MH de prestations de conseil en management commercial et de démarchage de clients. A la suite de la nomination le 31 mai 2011 de M. D... E... en qualité de président du directoire de la société SA Jet Systems Hélicoptères Services, un avenant a été conclu le 1er octobre 2011 entre les sociétés, ramenant de 90 000 à 54 000 euros le prix annuel de la prestation. La SA Jet Systems Hélicoptères Services a déduit la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur les factures qui lui ont été adressées par la SASU 2MH.

9. L'administration fiscale a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur ces factures au motif que les prestations visées par la convention présentaient un caractère fictif. Pour contester la réalité des prestations fournies par la SASU 2MH, l'administration fait valoir qu'il est impossible de dissocier le rôle de président du directoire de la SA Jet Systems Hélicoptères Services, qui exerce, conformément à l'article L. 225-64 du code de commerce, les pouvoirs les plus étendus en matière de direction de la SA, et notamment la définition de la politique commerciale de l'entreprise, de celui de directeur commercial de la SASU 2MH, puisqu'il s'agit de la même personne ayant le même objectif, à savoir le développement de l'entreprise Jet Systems Hélicoptères Services. L'administration relève à ce titre que les deux sociétés ont le même objet social, que la convention signée entre les deux sociétés précise que la société 2MH est mandataire transparent de la SA Jet Systems Hélicoptères Services, de telle sorte que vis-à-vis des clients le mandant et le mandataire sont représentés par la même personne, et qu'il n'est en conséquence, faute de tout autre élément permettant de le faire, pas possible de déterminer à quel titre M. E... intervient. L'administration note qu'alors que M. E... a reçu une rémunération de 67 823 euros en 2012 et 76 268 euros en 2013 au titre de ses fonctions au sein de la SA Jet Systems Hélicoptères Services, il n'a perçu aucune rémunération de la SASU 2MH. Elle souligne que les deux sociétés sont représentées par la même personne et qu'aucun compte n'est rendu auprès du conseil de surveillance de la SA Jet Systems Hélicoptères Services, qui est une société familiale, sur l'activité de la SASU 2MH. Elle fait enfin valoir que la SA Jet Systems Hélicoptères Services n'a produit aucun renseignement sur le chiffre d'affaires apporté annuellement par la SASU 2MH dont la rémunération est forfaitaire et qu'elle n'a été en mesure de produire aucun rapport d'activité de cette dernière.

10. Si, pour contester la réalité de la prestation fournie par la SASU 2MH à la SA Jet Systems Hélicoptères Services, l'administration ne pouvait se fonder sur le fait que les missions de M. E... en qualité de président du directoire ne pouvaient être déléguées et déduire du mode d'organisation adopté par la société requérante que les prestations de la SASU 2MH faisaient nécessairement double emploi avec les missions incombant au dirigeant, la SA Jet Systems Hélicoptères Services se borne à contester l'immixtion de l'administration dans sa gestion et à faire valoir que M. E... a pu tout à la fois exercer ses fonctions de président du directoire et de prestataire de service au travers de la société 2MH, sans produire aucun élément de nature à justifier de la réalité de la prestation fournie par la SASU 2MH dans le cadre de cette convention.

11. Dans ces conditions, eu égard aux éléments et explications respectivement fournies par l'administration et par le contribuable, la réalité des prestations facturées ne peut être regardée comme établie. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration fiscale a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant ces factures.

12. La SA Jet Systems Hélicoptères Services n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des commentaires publiés au BOFiP sous la référence BOI-TVA-DED-40-10-10 n° 55 et 60, respectivement relatifs à l'apparition distincte de la taxe sur la valeur ajoutée sur une facture et sur la facturation régulière de la taxe sur la valeur ajoutée, qui ne donnent pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il est ici fait application.

Sur les pénalités :

13. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...). ".

14. L'administration a assorti les droits de taxe sur la valeur ajoutée rappelés au titre du refus de déduction de la taxe grevant les prestations facturées par la SASU 2MH de la majoration de 40 % prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'administration établit l'existence d'insuffisances déclaratives. Par ailleurs, en se fondant sur le fait qu'en raison des liens étroits entre la société requérante et la SASU 2MH, la société requérante ne pouvait ignorer qu'elle avait déduit de la taxe sur la valeur ajoutée se rapportant à des prestations de services qui n'avaient pas été fournies, l'administration apporte la preuve de l'intention de la société d'éluder l'impôt.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la SA Jet Systems Hélicoptères Services est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble ne lui a pas accordé une réduction, à concurrence de 8 241 euros en droits, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er décembre 2011 au 30 juin 2014 et des pénalités correspondantes.

Sur les frais liés au litige :

16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au bénéfice de la SA Jet Systems Hélicoptères Services et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à lui verser au titre des frais exposés en cours d'instance et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : A concurrence d'un montant de 8 241 euros en droits, la SA Jet Systems Hélicoptères Services est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er décembre 2011 au 30 juin 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 2 : Le jugement n° 1606712 du 29 juin 2018 du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la SA Jet Systems Hélicoptères Services est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à la SA Jet Systems Hélicoptères Services la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Jet Systems Hélicoptères Services et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme C..., présidente assesseure,

Mme H..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 30 juin 2020.

2

N° 18LY02963

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY02963
Date de la décision : 30/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : Mme EVRARD
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : FIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-06-30;18ly02963 ?
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